Imitation et authenticité : réflexions à partir de Charles Taylor

DOI : 10.54563/mosaique.362

Résumés

Cet article discute des ressources heuristiques de la philosophie de Charles Taylor pour penser l’accompagnement du devenir individu et du devenir autonome en général, en particulier au prisme du couple éducation/formation et imitation. Nous faisons fond sur une lecture des textes de Taylor sur ce thème ainsi que sur une abondante littérature secondaire afférente. Nous présentons de manière synthétique la pensée taylorienne de l’individualisme démocratique et de l’idéal d’authenticité dans la modernité tardive (1), dégageons ensuite les linéaments de ce que serait une philosophie de l’éducation taylorienne (2) et voyons comment il est possible de faire converger ces deux premiers axes de développement vers une dialectisation du couple éducation/formation et imitation dans une société des individus (3). Nous schématisons enfin les promesses, limites et perspectives de la pensée taylorienne pour la confrontation de l’éducation et de la formation au défi de l’individualisation de masse.

This article discusses the heuristic resources of Charles Taylor's philosophy for thinking about the accompaniment of becoming an individual and of autonomous becoming in general, and in the prism of the couple education/formation and imitation in particular. We build on a reading of Taylor's texts on this theme as well as on an abundant secondary literature on the subject. We present in a synthetic way the Taylorian thought of democratic individualism and of the ideal of authenticity in late modernity (1), we then draw the lineaments of what would be a Taylorian philosophy of education (2) and we see how it is possible to make these two first axes of development converge towards a dialectization of the couple education/training and imitation in a society of individuals (3). Finally, we outline the promises, limits and perspectives of Taylorian thinking for the confrontation of education and training with the challenge of mass individualization.

Index

Mots-clés

Charles Taylor, modernité, démocratie, authenticité, sujet, individualisme, autonomie, imitation, éducation, formation

Keywords

Charles Taylor, modernity, democracy, authenticity, subject, individualism, autonomy, imitation, education, training

Plan

Texte

Introduction

L’article que l’on va lire procède d’une démarche de philosophie politique (Blais, Gauchet et Ottavi, 2013) et morale de l’éducation1. Nous y discutons des ressources heuristiques de la philosophie de Charles Taylor2 pour penser l’accompagnement du devenir individu et du devenir autonome en général, et en particulier au prisme du couple éducation/formation et imitation.

Nous partons en effet du diagnostic d’une rupture, d’un « séisme qui a révolutionné les bases et les repères épistémiques de nos systèmes d’enseignement » (Blais, Gauchet et Ottavi, 2016 : 14) et plus globalement des sociétés humaines dans leurs dimensions de continuité culturelle au-delà de la finitude des individus singuliers qui les composent. Depuis des temps immémoriaux, l’éducation a été conçue selon l’impératif de reproduction biologique et culturelle des sociétés, par l’intégration normative et hiérarchique des nouveaux venus par les générations précédentes. En d’autres mots, il s’agissait de savoir imiter la génération précédente pour se rendre capable de prendre et de tenir sa place lorsqu’elle ne serait plus là, puis de préparer sa propre relève selon les mêmes principes. C’est exemplairement cette conception que la fameuse définition durkheimienne de l’éducation comme « l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, 1999 : 51) a su incarner. Mais, comme le rappellent bien Blais, Gauchet et Ottavi, cette idée était plus globalement une forme de roc sur lequel toute pensée éducative s’est longtemps édifiée, pleinement inscrite en cela dans ce que l’on peut appeler avec Gauchet une structuration hétéronome du monde humain. Désormais, selon ce même diagnostic, l’imitation apparait comme un obstacle à dépasser pour une éducation à l’autonomie ; un défi, même, à ce qu’exige la structuration autonome du monde humain et à ce que la société des individus requiert de ceux qui la peuplent (Gauchet, 2020). Ainsi, autour du changement de statut de l’imitation en éducation, c’est tout un « cadre de pensée qui s’est écroulé » (Blais, Gauchet et Ottavi, 2016 : 15), ce qui nous contraint à un travail heuristique renouvelé en amont même de tout autre déploiement philosophique sur l’éducation/formation. Autrement dit, l’ampleur de ladite rupture, des défis auxquels elle (nous) confronte, et des perspectives qu’elle ouvre, ne peut se comprendre que resituée dans un cadre plus global d’interprétation de la modernité démocratique en général ; et en particulier de ses déploiements les plus récents dans les dernières décennies, qu’on peut dire hypermodernes (car le degré d’expression et la puissance de transformation des principes structurants de la modernité y deviennent hyperboliques). Il nous faut donc – pour traiter adéquatement, dans cet esprit, du thème de l’imitation en éducation/formation aujourd’hui et en le mettant en tension avec l’idéal d’authenticité – consentir non à un détour, mais bien à une double prise de recul compréhensive sur l’analyse de la modernité démocratique elle-même et des rôles et buts qui y sont attribués à l’éducation/formation.

Nous faisons fond pour cela sur une lecture systématique des principaux ouvrages et textes de Taylor sur ce thème (Maclure et Taylor, 2010 ; Taylor, 1997, 1998, 2015) ainsi que sur une abondante littérature secondaire afférente (Cometti, 1996 ; Fortin, 2001 ; Gagnon, 2002 ; Palma, 2014 ; Spitz, 1993 ; Taussig, 2014). Quid, en effet, du passage d’un monde où l’imitation est la règle de l’éducation (et où même le fameux connais-toi toi-même des Anciens est à comprendre comme injonction à l’imitation d’un idéal d’humanité où celle-ci est fixée à une certaine place dans un ordre transcendant) à un monde où le devenir autonome et le déploiement des singularités individuelles devient le but même de l’éducation et la boussole qui la guide, et où l’imitation parait spontanément suspecte ? Pour progresser réflexivement face à une telle interrogation, il importe notamment de savoir si éducation à l’autonomie et poursuite de l’idéal d’authenticité telle que la souhaite Taylor impliquent de se détourner désormais du concept même d’imitation ou de penser ses possibles métamorphoses, mais aussi d’en tirer, le cas échéant, des conséquences pratiques. À ce titre, cette étude s’inscrit aussi de manière plus globale dans le cadre de notre programme de recherche (Roelens, s.d.) sur le dégagement d’une pensée globale de l’accompagnement de l’individualisme démocratique dans l’hypermodernité, à l’horizon d’une autonomie individuelle généralisée en droit comme en fait.

Une première partie nous permettra donc de présenter de manière synthétique la pensée taylorienne de l’individualisme démocratique et les manières dont il plaide pour en faire une occasion et même un devoir moral de poursuivre l’idéal d’authenticité dans la modernité tardive.

Une deuxième partie sera plus spécifiquement dédiée au dégagement des linéaments de ce que serait une philosophie de l’éducation taylorienne.

Une troisième partie aura pour objet de faire converger ces deux premiers axes de développement vers le cœur du sujet du présent dossier, à savoir la dialectisation du couple éducation/formation et imitation, en nous situant plus spécifiquement dans le cadre d’une société des individus.

Une ouverture conclusive aura enfin pour objet de dire ce que nous semblent schématiquement être les promesses et perspectives de la pensée taylorienne pour la confrontation de l’éducation et de la formation au défi de l’individualisation de masse

1. Individualisme démocratique et idéal moral d’authenticité

Le cœur des contributions tayloriennes aux débats philosophiques contemporains sur les problématiques respectives de l’individualisme démocratique et de l’authenticité se trouve sans doute dans un bref et incisif essai significativement nommé en français Le malaise de la modernité (2015). Plus exactement, ces réflexions sont issues d’un cycle de conférences sur Radio-Canada en novembre 1991, intitulées The Malaise of Modernity, publiées aux États-Unis en 1991 l’ouvrage sous le titre The Ethics of Authenticity et d’abord traduites en 1992 (chez Bellaramin) sous le titre d’écho balzacien Grandeur et misère de la modernité. Cet essai a été abondamment commenté des deux côtés de l’Atlantique3. Nous faisons le choix ici d’une exposition centrée sur le travail de Josée Fortin – qui d’une part cite beaucoup les autres commentaires antérieurs et d’autre part lit de manière systématique les principaux ouvrages de Taylor publiés avant 2000 à l’aune de cette thématique. Cela permettant ainsi une présentation plus ergonomique des contributions tayloriennes à ces enjeux qui, depuis Tocqueville4 (1981a ; 1981b) en particulier, animent le débat philosophique sur les sociétés démocratiques.

 

Comprendre la pensée de l’individualisme que propose Taylor implique en premier lieu de comprendre ce que sont pour lui les conditions même de la construction de l’identité d’un sujet humain. Ramenées à leur épure, celles-ci sont que le sujet se définit en suivant des biens qui se structurent autour d’hyperbiens5 et prennent sens dans un cadre de référence qui donne du sens aux existences et en particulier aux choix moraux qu’elles comportent. La présence d’autres qui comptent (en particulier les parents durant l’enfance) est aussi décisive, comme l’est leur articulation au sein d’une conception fondamentalement dialogique de la subjectivité.

Taylor propose ainsi – à partir du « camp de base » philosophique que constitue Les sources du moi – de penser l’identité moderne sur un socle culturel et moral, non socio-économico-technique comme cela a été selon lui trop souvent fait dans l’histoire moderne des idées, ce qui demeure encore bien souvent une forme de sens commun dans les démocraties occidentales actuelles. Pour lui, la formation du sujet moderne passe en premier lieu par l’intériorisation des sources morales et l’émergence d’un sujet désengagé. Il est possible d’associer ici un nom propre à chaque sous-étape de ce processus : Descartes préside à la conception du sujet maître de lui-même, Montaigne à l’exigence d’exploration de soi, et enfin l’exigence corrélative d’engagement personnel s’impose avec la Réforme protestante et sa conception du rapport du croyant à Dieu. Cela passe également par ce qu’il nomme l’affirmation de la vie ordinaire ; autrement dit, l’idée qu’une vie morale accomplie n’est pas nécessairement une vie de Saint et/ou une vie hors du monde, mais qu’elle peut aussi être mondaine et s’exprimer dans la manière quotidienne de se rapporter aux autres comme à soi. Le sujet romantique – et Taylor de convoquer en particulier Rousseau et Herder – est lui porteur des idéaux d’épanouissement de soi et d’expression, qui convergent vers un idéal clé pour la philosophie politique et morale de Taylor : celui d’authenticité. Il le définit ainsi : « Il existe une certaine façon d’être humain qui est la mienne. Je dois vivre ma vie de cette façon et non pas imiter celle des autres. […] Si je ne suis pas sincère, […] je rate ce que représente pour moi le fait d’être humain » (2015 : 37). Pour lui, la modernité est ainsi fille du choix fait par les humains de poursuivre cet idéal d’authenticité du moi. Elle ne peut donc pas être décrite comme une pure perte des cadres structurants et grandeurs du passé sous l’effet de quelques damnations ou d'une inéluctabilité téléologique.

 

Le principal reproche que Taylor adresse à une certaine compréhension – que l’on peut dire narcissique – de l’individualisme démocratique dans Le Malaise de la modernité est donc d’oublier l’ontologie morale qui l’a fait naitre et de ne pas être fidèle à l’idéal d’authenticité, par exemple en se concentrant uniquement sur la garantie des droits individuels fondamentaux. En conséquence, le souci central de Taylor est de convaincre son lecteur tant de la possibilité que de la nécessité morale de progresser vers le fait de tenir ensemble l’importance de la liberté individuelle et l’idéal d’authenticité. Fortin résume ainsi les lignes de force de son argumentation6 : 1° « l’authenticité est un idéal valable » ; 2° « des discussions rationnelles sur les idéaux et sur la façon de les poursuivre sont possibles » ; 3° « de telles discussions peuvent avoir des conséquences sur notre agir » (Fortin, 2001 : 52). Les conditions essentielles pour progresser vers cet horizon sont quant à elles présentées ainsi : 1° il faut tout d’abord s’entendre pour « reconnaître la validité de l’idéal d’authenticité » ; 2° il faut ensuite « comprendre le lien nécessaire entre notre identité propre et l’horizon de significations partagées dont nous faisons partie » ; 3° il faut enfin « affirmer le besoin que nous ressentons tous que notre identité soit reconnue des autres » (53). En bref, pour permettre de faire du permis qu’est le règne de l’individualisme démocratique un possible pour une définition de soi authentique de chacun, il faut articuler selon Taylor : l’inscription sur un arrière-plan d’intelligibilité ; une distinction de la manière (autoréférentielle et subjective) et la matière (intersubjective) dont advient et se déploie le moi chez le sujet humain ; l’engagement de chacun dans une vie plus responsable, regardant sans ciller l’idéal d’authenticité et le défi qu’il constitue pour les modernes plutôt que de s’en échapper, par exemple par la consommation à outrance ou l’indifférence à autrui et/ou aux horizons moraux qui nous entourent.

Le modèle schématique d’une société taylorienne des individus serait ainsi une démocratie pluraliste et vivante, adoptant largement une position critique vis-à-vis de ce que Taylor nomme l’atomisme (1997 : 223-254) ainsi qu’envers les visions purement instrumentales de monde. Il serait possible d’y assumer pleinement la dimension subversive de l’authenticité créatrice tout en construisant démocratiquement ce qui émerge sous sa plume comme un individualisme holiste, c’est-à-dire soucieux de créer et d’entretenir du commun et des horizons de sens partagés sans pour autant remettre en cause les conquêtes émancipatrices de la modernité libérale. L’enjeu serait alors d’apprendre à dialectiser les tensions nécessaires entre les différents hyperbiens possibles qu’il s’agirait aussi d’apprendre à reformuler et à soumettre au débat engagé et non à la relativisation radicale.

 

S’agirait-il donc, désormais, d’éduquer pour retrouver – au niveau individuel comme collectif, les deux étant fortement intriqués dans la perspective taylorienne – l’idéal d’authenticité dans l’individualisme libéral hypermoderne ?

2. Une philosophie de l’éducation taylorienne ?

J’ai demandé au professeur Taylor : « Avez-vous une philosophie de l'éducation ? ». Après une brève pause, il m'a regardé, quelque peu déconcerté, et a répondu : « Je ne pense pas y avoir suffisamment réfléchi. » Il avait raison dans son évaluation de son propre travail, mais seulement en partie. Je lui ai rappelé quelques-unes des idées sur l'éducation que j'avais extraites de certains de ses ouvrages moins connus au cours de mes recherches. « C'est moi qui ai écrit ça ? » m'a-t-il demandé, amusé. J'ai répondu « Oui ». « Oh, » répond-il. Ne voulant pas donner l'impression que je connaissais le professeur Taylor mieux qu'il ne se connaissait lui-même, j'ai convenu avec lui que même s'il n'avait pas une philosophie de l'éducation explicite, une philosophie de l'éducation pouvait en effet être implicite dans ses écrits. « Ma tâche, » ai-je poursuivi, « est de rendre explicite ce qui est implicite dans vos écrits relatifs à l'éducation. » « Je vois », a-t-il répondu, avec un signe de tête d'approbation (Palma, 2014 : 6).

Traiter de manière systématique de la philosophie de l’éducation de Taylor – ce qui, comme le suggère la citation ci-dessus, ne se peut faire qu’en croisant un grand nombre de sources étant donné que l’intéressé n’a jamais rassemblé lui-même ses principales idées en la matière dans un ouvrage dédié – exigerait un espace de texte et un degré de détails que nous ne pouvons mobiliser ici et qui nous éloignerait de plus de l’objet spécifique du présent dossier. Par souci de clarté et de concision, nous nous appuyons donc ici – outre notre propre mise en œuvre antérieure d’une telle démarche dans un autre contexte (Roelens, 2022) – sur les sept contributions clés de la pensée taylorienne dans ce registre identifiée par Anthony J. Palma7 (2014 : 290-299). Ce dernier remarque que l’identification internationale de Taylor comme penseur clé du multiculturalisme engage nombre de spécialistes de l’éducation et de la formation à n’envisager le détour par son œuvre que dans le traitement de ce seul thème. Il y a cependant au moins sept bonnes raisons, selon lui, de pousser au-delà ce recours.

 

Premièrement, l’œuvre taylorienne montrerait ce qu’il y aurait de perte irréparable pour nos contemporains à peu ou mal connaitre l'anthropologie philosophique de la modernité occidentale qui a fait naitre la forme de vie à laquelle ils ont à se confronter désormais. Une tâche capitale de tout processus éducatif et de toute école serait donc de donner les moyens à tous de la connaitre et de se l’approprier de manière à la fois compréhensive, singulière et critique.

Deuxièmement, Taylor nous engage à une profonde réflexion épistémologique lourde de conséquences potentielles pour la philosophie de l’éducation. Plaidant pour un certain réalisme épistémologique et refusant l’idée que le sens pourrait se réduire au champ de la vérification empirique potentielle par l’humanité, Taylor critique le naturalisme en général et dans l’éducation en particulier. Il pense l’humain comme ce qu’il nomme un self interpreting animal, et met au premier plan l’importance de la démarche herméneutique.

Troisièmement, la perspective taylorienne pousse ceux qui pensent l’éducation à une démarche réflexive vis-à-vis de l’héritage des Lumières et de leur influence sur les cadres qui jalonnent leurs propres conceptualisations et actions. Hostile à l’applicationnisme8 comme au scientisme9, Taylor ne l’est pas moins à l’endroit des postures qui mettraient au ban, en tant que vestiges de l’obscurantisme, les ressources éducatives de la foi, de la communauté ou encore de la nature.

Quatrièmement, Taylor pense avec acuité les conditions de possibilité de la création puis de la durabilité d’une société de dialogue. Les institutions éducatives y ont nécessairement part, car en l’absence de cadre moral commun évident en permettant la conjuration – du fait du pluralisme libéral et démocratique contemporain – le terrain pourrait être laissé de manière funeste au relativisme le plus dissolvant comme au nationalisme le plus étroit. Faire place au « contact entre l'enseignant et l'étudiant, à l'expression et aux sentiments spontanés, au débat intellectuel rigoureux et à une véritable communauté » (Palma, 2014 : 294) est donc plus que jamais indispensable, et les politiques d’éducation doivent selon Taylor être pensées en conséquence en se défiant des tendances à la massification bureaucratique et/ou corporatiste qui les guettent trop souvent.

Cinquièmement, la pensée taylorienne nous offre de précieuses clés pour saisir l’enjeu linguistique du devenir humain par l’éducation et les réseaux complexes d’intersubjectivité permis par le langage. Pour lui, la « langue [est fondamentalement ce qui] crée un lien commun de compréhension entre ceux qui la partagent, apporte une cohésion à la société dans laquelle elle s'inscrit et reflète une vision particulière du monde. [Elle] est, en fait, le cœur et l'âme d'une culture » (Palma, 2014 : 294-295).

Sixièmement, une philosophie de l’éducation taylorienne permet d’envisager à nouveaux frais les institutions éducatives à l’aune de ce que pourraient être leurs contributions dans la mise en œuvre démocratique de la vaste tâche consistant à combler le fossé entre laïcs et religieux dans les sociétés libérales de la modernité tardive. Palma rappelle ainsi que la

laïcité moderne repose sur l'égalité de respect, la liberté de conscience, la séparation de l'Église et de l'État, et la neutralité de l'État à l'égard des mouvements laïques et/ou religieux. La modernité permet une pluralité de positions spirituelles – théisme, déisme, agnosticisme, athéisme, sécularisme, humanisme, etc. Certaines de ces positions spirituelles sont plus ouvertes à la "transcendance", tandis que d'autres sont plus ouvertes à l'« immanence ». Dans ce contexte, Taylor appelle à une plus grande sympathie intellectuelle, émotionnelle et spirituelle entre ces positions, dont aucune n'est « monolithique » […]. La reconnaissance d'une variété d'horizons authentiques de signification dans le contexte de la démocratie libérale – à la fois métaphysiques et non métaphysiques – devrait informer toute philosophie éducative (Palma, 2014 : 295).

Septièmement, si l’intérêt de la pensée éducative de Taylor ne se limite pas à son statut d’outil privilégié pour la confrontation des sociétés occidentales aux nouveaux enjeux contemporains de la diversité culturelle et du multiculturalisme, leur richesse dans ce registre n’en est pas moins toute à fois décisive. Taylor participe d’une critique de la prétention de neutralité de l’état libéral dans ce domaine, et en appelle donc à un engagement aussi conscient et compatible que possible avec la poursuite de l’idéal d’authenticité. Contre une diversité de surface faite d’indifférence polie, l’approche taylorienne a pour horizon une intercompréhension accrue, des dialogues plus féconds, des phénomènes de reconnaissance augmentés quantitativement et qualitativement. Dans cette même optique, pour lui, la « manière dont une institution répond à la question de l'identité humaine affecte tous les aspects de sa mission éducative. […] Si la compréhension interculturelle est indispensable dans les sociétés pluralistes modernes, l'implication logique est qu'elle l'est également dans l'éducation moderne » (Palma, 2014 : 296). Aussi est-il désormais « urgent de former les jeunes esprits à l'art de la délibération multiculturelle » (296).

 

On l’aura compris, cela ouvre bien d’autres réflexions potentielles à partir de Taylor que celle qui réunit ici les auteurs du présent dossier autour de la thématique de l’imitation. Il nous semble cependant, et notre troisième partie vise à étayer et expliciter cette proposition, qu’elle offre dans ce registre particulier des ressources heuristiques particulièrement fécondes.

3. L’idéal d’authenticité à l’épreuve de l’imitation

Qu’en est-il donc si l’on s’intéresse plus spécifiquement à la manière dont l’idéal taylorien d’authenticité en général et la philosophie de l’éducation qui s’y connecte en particulier se confronte au thème spécifique de l’imitation, en se plaçant électivement dans les démocraties hypermodernes ?

 

Un premier niveau de lecture conduit à voir la résurgence de l’imitation (sous la forme du conformisme de masse et en contradiction avec l’idéal d’authenticité) comme un symptôme par excellence du malaise moderne. Cela est très clair en particulier dans le commentaire de Spitz lorsqu’il écrit que, pour Taylor, « la forme suprême de l’inauthenticité est le conformisme et l’esprit d’imitation » (1993 : 265), formule mise en contrepoint avec le fait que « l’idéal d’authenticité implique […] la substitution du principe de créativité au principe d’imitation » (275). Mimer les autres au présent pour donner l’illusion du soi – et non plus imiter la génération précédente par souci de continuité d’une tradition à honorer – serait donc une coupable passion démocratique contemporaine. Un tel diagnostic peut ainsi s’appuyer sur certaines analyses de Tocqueville (1981a, 1981b), croisant les tendances des individus démocratiques à la fois au conformisme de l’opinion majoritaire et au repli sur soi. Mais, comme le montre notamment Vincent Descombes (2007 : 200-209), elle est aussi en contradiction avec d’autres apports tocquevilliens, notamment la distinction entre égoïsme et individualisme. Cela pose aussi la question de la part faite à l’expressivisme, qui est une autre source importante de la subjectivité moderne et qu’on ne peut simplement critiquer en bloc au prétexte de la nécessité de le contenir dans des bornes raisonnables. Au contraire, une plus grande fidélité tant compréhensive que morale à l’anthropologie philosophique et historique de la modernité dont Taylor brosse le panorama inviterait au contraire en quelque sorte à se tourner vers soi avant tout pour mieux aller vers les autres.

La plausibilité de cette lecture peut sans doute être renforcée si on l’envisage en lien avec un contexte éditorial proche, notamment la parution aux États-Unis d’ouvrages importants allant dans ce sens, comme ceux d’Allan Bloom en 1987 (2018 pour la traduction française) et de Christopher Lasch en 1979 et 1984 (2008 et 2018 pour les traductions françaises), ou, sur un ton plus nuancé (Roelens, 2021b), ceux de Gilles Lipovetsky (1983, 1992) en France. Si Taylor discute ces ouvrages dans Le malaise de la modernité et conteste le fait que les phénomènes que ces auteurs (surtout les deux premiers) déplorent soit ontologiquement inscrit – de même que leur déploiement inévitable – dans les principes mêmes de l’individualisme moderne, il semble partager avec eux leurs jugements sévères sur un certain nombre de phénomènes associables à une explosion des tendances narcissiques. Sans doute est-il aussi permis de mettre en dialogue ces possibles interprétations de ce que propose Taylor avec certaines de ses inspirations importantes (Herder, 2000), ou encore en les reliant à des analyses antérieures de l’individualisme de masse (Adorno, 2011 ; Ortega y Gasset, 1937 ; Riesman, 1964) et pouvant présenter des points communs10.

Est-ce à dire que Taylor prônerait l’éducation par l’imitation du passé comme rempart contre l’imitation au présent dans le cadre d’un individualisme narcissique de masse, et ses conséquences funestes ? Ce serait faire peu de cas de la distinction qu’il opère (Gagnon, 2002) entre la manière du devenir sujet (par la formulation d’hyperbiens, l’évaluation morale et le rapport aux autres significatifs, par exemple) et la matière à partir de laquelle elle peut être réalisée aujourd’hui dans une société démocratique, ayant fait le choix de repousser les lacs et entraves de la tradition et des hiérarchies supposées naturelles en ce qu’ils avaient d’aliénant.

 

La pensée taylorienne est en effet ici fondamentalement une philosophie de l’accomplissement et de la reconnaissance. C’est ainsi qu’il justifie son choix, contre son maître Isaiah Berlin, de la liberté positive contre la liberté négative : « nous ne sommes libres que dans la mesure où nous nous sommes effectivement déterminés nous-mêmes, où nous nous sommes nous-mêmes donné forme à notre propre vie. Le concept de liberté est donc un concept d’accomplissement [et non un] concept de possibilité » (Taylor, 1997 : 256). La question n’est donc pas celle du retour au fonctionnement des sociétés traditionnelles d’honneur, de hiérarchie, de places et de rôles fixés a priori, mais d’une meilleure compréhension et exploration de ce que peut devenir la fidélité hors des sociétés d’honneur, autrement dit dans un cadre démocratique (hyper)moderne : « Être fidèle à moi-même signifie être fidèle à ma propre originalité qui est quelque chose que moi seul peux énoncer et découvrir. En l’énonçant, je me définis moi-même du même coup. Je réalise une potentialité qui est proprement mon bien » (2009 : 48). C’est en ce sens que, dans l’esprit de Taylor, la « reconnaissance n’est pas simplement une politesse que l’on fait aux gens : c’est un besoin vital » (42) : être reconnu dans la réalisation de la potentialité susmentionnée est ce qui donne sens à l’existence individuelle comme à son inscription dans un collectif où l’on s’efforce d’être fidèle à ce que doit être, pour chacun, son accomplissement. Le mépris, au contraire, propulse hors de cette sphère possible de réalisation de soi et, en un sens, hors du champ des existences humaines respectables, valables, dignes.

La proposition est donc bien davantage celle d’imiter dans l’hypermodernité un geste philosophique antérieur, celui par lequel la modernité démocratique a choisi moralement de se faire avec ses gains et ses pertes, ses conquêtes et ses problématiques, contrairement aux deux idées d’une histoire par soustraction ou d’un pur déclin. En d’autres mots, les cinq siècles de modernité allant schématiquement de la Réforme à la fin des années 1960 auraient été le théâtre de compromis entre les différentes exigences de l’existence humaine qu’il serait juste de vouloir renouveler, mais vain de vouloir simplement dépasser radicalement comme si ce passé ne pesait plus sur notre présent. Cela doit toutefois être effectué en s’en appropriant ce que l’on pourrait appeler la course ou la trajectoire d’ensemble, c’est-à-dire ce que ce geste peut ou ne peut pas être dans le contexte historique et symbolique bien spécifique des démocraties libérales occidentales contemporaines. Tout, en un sens, concourt dans la démarche de Taylor à enjoindre ces dernières et les individus qui les composent d’accepter à leur tour de se confronter à l’épineuse question de la définition des hyperbiens, notamment par le dialogue dans l’espace public et la participation politique respectueuse des autres et des institutions.

 

Deux questions – dont les réponses sont grosses d’implications tant théoriques que pratiques – doivent par conséquent être ici à la fois distinguées et abordées de front pour une philosophie politique et morale de l’éducation dans la modernité tardive.

La première pourrait être : que permettre dans l’éducation ? Pour Taylor, il est clair que l’éducation doit favoriser positivement l’accès à une vie bonne conçue comme vie authentique. Bien des nuances sont possibles pour une telle vie, mais il en exclut aussi certaines, comme par exemple une vie explicitement tournée vers le consumérisme ou encore les plaisirs de la table et/ou du sexe. Dit encore autrement : les possibilités de chacun de définir ce qu’est pour lui une vie bonne ne sont pas limitées par le seul impératif de ne pas nuire aux autres, et les individus concernés n’en sont pas forcément les meilleurs juges (Taylor, 1997 : 263-283). Cette perspective s’éloigne ainsi explicitement de ce que serait une perspective libérale de type rawlsienne (Rawls, 1995), sise notamment sur l’idée de neutralité axiologique exigée de l’Etat dans ses fonctions d’éducation. On ne saurait simplement, dans l’esprit de ce que propose Taylor, promouvoir ni activement ni passivement ou encore laisser se déployer des formes de devenir sujet inauthentique lorsqu’on assume vis-à-vis de l’individu concerné une responsabilité éducative. L’imitation serait ici, pour l’éducateur, un motif de vigilance, en raison de son ambivalence signifiée ci-avant.

Si cette première prescription est essentiellement négative, elle nous semble redoublée et complétée par une seconde, plus positive et qui répond, elle, à la question : que doit permettre l’éducation ? Il nous semble possible de dire qu’il s’agirait d’une forme d’autonomie individuelle qui ne se laisse pas confondre pas avec l’indépendance, et qui reste compatible avec des conceptions plus substantielles du bien que ne le serait une simple conception libérale et individualiste de l’existence humaine. Ici se déploie l’horizon politique et culturel de la pensée taylorienne, convergeant vers ce que Palma résume par la formule suivante : « une éducation pour des esprits et des cœurs culturellement divers, ancrée dans la reconnaissance humaine, historique et épistémologique, et démocratiquement ouverte à la fois à l'immanence et à la transcendance, est la véritable vocation de la pensée éducative de Charles Taylor » (2014 : 299). L’imitation y serait accueillie pour ce qu’elle peut avoir de ressources de sens, et repoussée pour ce qu’elle peut avoir de potentiellement inauthentique.

Ouverture conclusive : face au défi de l’individualisation de masse

Arrivés au terme de cette étude de ce que nous paraissent être les principales ressources qu’offre la pensée de Taylor pour une philosophie politique et morale de l’éducation face au défi de l’individualisation de masse en général – au prisme du concept d’imitation en particulier – il nous parait possible de dégager respectivement trois promesses, limites et perspectives que cette prime exploration permet de dessiner.

 

Remarquons d’abord que les promesses heuristiques qui sont celles d’une telle démarche consonnent clairement avec les rôles plus globaux que Taylor attribue au travail intellectuel dans la modernité démocratique.

Premièrement, sa pensée nous engage à penser l’individualisme comme idéal normatif et non comme ontologie, et à projeter en conséquence, philosophiquement, ce que peuvent ou non être l’éducation et la formation aujourd’hui.

Deuxièmement, si l’on admet que le but de l’éducation et de la formation est aujourd’hui le devenir autonome, la pensée taylorienne nous offre de précieuses ressources pour mieux comprendre pratiquement comment la définition singulière d’une vie bonne – qui en constitue un des enjeux centraux – peut s’opérer subjectivement.

Troisièmement, et l’on repérera ici une certaine continuité par rapport à cet idéal d’autonomie comme capacité à choisir par soi-même, Taylor nous rappelle que la situation hypermoderne qui pose en des conditions inédites le défi du devenir soi-même à toutes et tous est le résultat d’un certain nombre de choix moraux signifiants des modernes à connaitre et assumer face au leitmotiv de la simple perte d’un supposé âge d’or projeté dans le passé où ces mêmes choix ont été faits.

 

L’œuvre taylorienne offre au lecteur francophone en général et français en particulier un certain nombre de perspectives d’avancées dans le travail intellectuel d’élucidation des mutations de notre temps originales et complexes.

Nous pensons bien sûr ici en premier lieu aux possibilités offertes pour une philosophie politique de l’école en contexte multiculturel, qui n’est pas pour rien – ainsi que le note bien Palma comme nous l’avons vu ci-avant – un point nodal du recours à Taylor pour penser l’éducation et la formation aujourd’hui.

De même, en second lieu, les pas de côtés, comparaisons, tensions, contrepoints et le cas échéant compléments que permet la conception taylorienne de la sécularisation moderne par rapport aux conceptions républicaines françaises de la laïcité constitue un champ d’investigation aussi fécond qu’important par rapport aux questions socialement et politiquement vives dans ces espaces aujourd’hui.

Se saisir des thèses tayloriennes pour une philosophie de l’éducation envisagée dans une perspective pratique et appliquée au sein des démocraties libérales contemporaines peut sans doute toutefois être rendu ardu en certains cas par le tropisme de l’anthropologie philosophique taylorienne vers la thèse selon laquelle il y aurait en l’humain une forme de besoin de transcendance inhérent, autrement dit d’impossibilité d’inscrire le fonctionnement démocratique et l’autonomie individuelle et collective dans la pure immanence. Cette thèse a ses défenseurs comme ses critiques et ses sceptiques, mais elle doit a minima être questionnée sans détours11.

 

Notre dernier mot sera donc ici prudence, au double sens où nous aimerions insister tant sur la perte que constituerait pour le travail intellectuel dans ce registre l’oubli de la flèche taylorienne dans le carquois du libéral-pluralisme face à la question éducative dans une société des individus que sur la nécessité, à notre sens, de faire flèche d’autres bois faits de conceptions plus négatives de la liberté pour en pondérer les trajectoires les plus problématiques.

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Notes

1 Nous avons précisé ailleurs davantage ce que sont les contours de cette démarche et la manière dont nous nous en saisissons, et nous permettons ici d’y renvoyer (Roelens, 2021a). Retour au texte

2 Charles Magrave Taylor nait en 1931 à Montréal, ville où il enseigne de 1961 à 1997 à l’Université McGill. Ses premières recherches, menées à l’université d’Oxford, ont pour objet l’étude philosophique du comportement humain et tentent une rencontre des approches analytiques anglo-saxonnes et de l’histoire philosophique continentale, française et allemande en particulier. Après un passage par la philosophie du langage, il noue ensuite « deux grands axes d’analyse, complémentaires, relevant d’une part [de l’]histoire des idées, des origines de l’identité moderne, et d’autre part d’une volonté d’inscrire celle-ci au cœur des débats philosophiques et politiques contemporains » (Taylor, 2014 : 27), et en particulier dans les thématiques de la diversité culturelle et de la reconnaissance. Une forte inspiration hégélienne traverse par ailleurs l’ensemble de son œuvre (1998), de même qu’un souci constant de dialogue avec l’ensemble des sciences humaines et sociales. Retour au texte

3 Voir en particulier, pour la réception francophone, Cometti, 1996, Fortin, 2001, Spitz, 1993 Retour au texte

4 Les enjeux pour la philosophie de l’éducation de la pensée tocquevilienne étant ici massifs : voir Chabot, 2005 ; Foray, 1996 ; Gauchet, 1980. Retour au texte

5 Lesquels « ne sont pas seulement incomparablement plus importants que d’autres, mais encore déterminent le point de vue à partir duquel ces biens doivent être pesés, jugés et faire l’objet d’une décision » (Taylor, 1998 : 112). Retour au texte

6 Voir aussi sur ce thème et dans la perspective d’une réhabilitation dynamique de l’idéal d’authenticité face à ses contrefaçons narcissiques, l’ouvrage Repenser l’authenticité de Nicolas Voetzel (2021). Ce dernier se propose en effet de réunir autour de cette notion clé deux importants philosophes contemporains, Charles Taylor et Charles Larmore offrant quelque chose comme des synthèses respectives des apports des traditions continentales et analytiques pour appréhender les défis actuels posés à la subjectivité moderne voire hypermoderne. Retour au texte

7 Dans une très riche thèse anglophone non publiée en français, dont l’ensemble des traductions que nous livrons dans le présent article sont personnelles. Retour au texte

8 Nous désignons ici par ce terme la double prétention à pouvoir : 1° dériver assez directement et systématiquement des pratiques éducatives de résultats scientifiques, souvent présentés comme evidence-based ; 2° les incarner dans des politiques publiques volontaristes dans ce domaine (Renier et Kerlan, 2020). Retour au texte

9 Idée selon laquelle la connaissance scientifique expérimentale permet seule de résoudre les problèmes philosophiques. Rappelons de plus qu’il consacra ses premiers travaux importants à une critique sévère des thèses behavioristes de l’explication des actions humaines et du fonctionnement social (Taylor, 2021). Retour au texte

10 Ces mises en perspectives avec les pensées de José Ortega y Gasset ou de Theodor W. Adorno sur fond d’une inspiration herderienne fondamentale du côté du philosophe canadien sont par exemple amorcées par Paul May dans son étude compréhensive et critique de la pensée taylorienne du multiculturalisme (2016 : 93-95). Retour au texte

11 Nous avons dégagé ailleurs les linéaments d’une telle discussion, à partir des contributions respectives au débat de Gauchet et de Régis Debray (Roelens, 2020). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Camille Roelens, « Imitation et authenticité : réflexions à partir de Charles Taylor », Mosaïque [En ligne], 17 | 2022, mis en ligne le 03 juin 2022, consulté le 28 avril 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/mosaique/362

Auteur

Camille Roelens

Camille Roelens est chercheur au Centre Interdisciplinaire de Recherche en Éthique de l’Université de Lausanne, associé dHCenter et ISSR (UNIL), Proféor-CIREL (Lille), ECP (Lyon), LIRFE (Angers), collaborateur scientifique du CREN (Nantes). Il est également secrétaire de l’AECSE et de la SOFPHIED, membre du GREM, du GREE (Montréal) et du LRPhPA (Rhodes).

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