Dans le cadre du 9e forum mondial de la Météo et du Climat, la Société Météorologique de France a organisé à Genève, dans les locaux de l’OMM, le 22 mars 2012, à la veille de la journée mondiale de la météorologie, une journée2 consacrée à « l’hydrométéorologie : un outil pour le développement socioéconomique ? ».
Cette journée, dont le thème est éloigné de la qualité de l’air, met en évidence les exigences quant aux services climatiques qui permettent une gestion très optimisée des aléas météorologiques.
Cette journée posait trois questions :
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Quels sont les besoins pour produire une information hydrométéorologique de qualité dans les pays développés et en voie de développement ?
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Quels bénéfices socio-économiques peut-on retirer d’une meilleure information hydrométéorologique ?
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Comment assurer le développement de long terme des services hydrométéorologiques ?
Après l’ouverture officielle par le représentant du président de l’OMM et Jean Jouzel, Madame Salerno, conseillère administrative à la ville de Genève, a accueilli les participants en insistant sur la congruence qui pouvait exister entre le thème de ces journées et les orientations de la ville de Genève en faveur du développement durable. Genève, première ville suisse à avoir adhéré à la charte d’Alborg, a décidé d’aller plus loin que l’Union Européenne dans la réduction des gaz à effet de serre. D’ici 2050, la ville s’est engagée à ne consommer que des énergies renouvelables. Dans le cadre de cette orientation, Genève accueillera en avril 2013 le congrès de l’ICEI, la conférence des villes durables.
Que ce soit à travers l’exemple de la santé, des entreprises ou de l’agriculture, le besoin de services hydrométéorologiques a été unanimement reconnu. Ces services sont définis comme une chaîne comportant plusieurs maillons : Les données de l’observation, la diffusion de l’information, la production de connaissances et sinon l’action, du moins, la décision politique. Les trois premiers maillons relèvent de la démarche scientifique tandis que les deux derniers doivent répondre aux besoins de la société. La production de connaissances a donc un statut intermédiaire intégrant des données sociales dans la production scientifique.
Globalement, les travaux de cette journée ont souligné combien les maillons intermédiaires, l’information et la production de connaissances sont faibles. C’est pourquoi les représentants des présentateurs de télévision, venant de 30 pays différents, ont insisté sur le rôle qu’ils pouvaient jouer puisque situés à l’interface entre un système très technique et la population.
Les prévisions météorologiques et hydrologiques font partie du quotidien dans les pays industrialisés mais restent largement absentes dans les pays en voie de développement. Des études récentes mettent pourtant en évidence les bénéfices économiques, sociaux et en termes de sécurité et de qualité de vie que peuvent créer ces informations, dans les pays industrialisés comme dans les pays émergents ou en développement. L’objectif de cette journée consistait à montrer l’importance des services rendus par une prévision hydrométéorologique opérationnelle de manière à encourager les investissements dans ce secteur qui semble être un bon moyen d'accélérer le développement et la croissance économique, et d'aider les populations à sortir de la pauvreté.
De nombreuses interventions ont insisté sur le bénéfice apporté par la prévision et la prévention. Le développement de ces services permet au secteur des transports mais aussi dans bien d’autres domaines relevant du secteur privé de faire des économies considérables. Optimiser le salage des routes fait partie des gains de productivité rendus possibles, à telle enseigne que certains intervenants ont posé la question de l’ampleur de l’investissement public pour des bénéfices privés. Les services hydrométéorologiques ne sont pas utilisés seulement pour prévenir les catastrophes, ils ont d’autres utilités ; la Banque mondiale a diligenté une étude sur les services rendus aux entreprises qui reconnaissent que les prévisions et leur amélioration qualitative leur permettent d’anticiper leurs actions qui, mieux ajustées, coûtent moins cher. C’est ainsi que, selon une enquête suisse, les services rendus par les prévisions météorologiques suisses ont permis d’économiser 90 à 110 millions de FCH.
Un autre grand thème de cette journée concerne l’Afrique et les interrogations sur le contraste entre l’immensité des besoins et la faiblesse de l’offre. En effet, au début de la journée, Seleshi Bekele du centre africain de politique climatique en Éthiopie a montré le caractère très clairsemé des réseaux africains qui, à l’exception de l’Afrique du Sud, manquent cruellement de stations de mesures de bonne qualité. Pourtant, la gestion des épidémies et les pratiques culturales ne peuvent qu’être optimisées par une prévision efficace. Toutefois, comme le soulignait Ousman n’Dyia des services de l’aviation civile et de la météorologie sénégalaise, la validité scientifique de la prévision ne suffit pas : elle doit être appropriée par les acteurs locaux. Par exemple, pour être utile, la prévision du climat doit considérer les périodes critiques pour les agriculteurs (semis) et pour le développement de la plante (floraison et remplissage des grains). Près d’un quart des semis sont ratés à cause du faux départ de la mousson.
Or de nombreux pays ne sont pas en capacité de fournir des services fiables et crédibles. Faute d’investissements suffisants, ils se privent de bénéfices précieux et s’intègrent alors dans une spirale de vulnérabilité.
Ces services doivent être plus internationaux, à l’image d’Agrymet créé après la grande sécheresse des années soixante-dix. Cet organisme a connu une intense activité entre 1975 et 1980, mais les cadres formés à cette époque ont disparu.
Assurer la durabilité des services « hydrométéo » est un enjeu de la société de demain. Comment assurer la fiabilité de la collecte des données si celle-ci dépend de la fonction régalienne d’États faibles ou affaiblis ? Les données sont collectées dans le cadre des projets, ce qui n’assure pas la durabilité. Comment améliorer l’accès à ces données, car le coût de l’ignorance est élevé quand elle se traduit par un surdimensionnement des ouvrages par sécurité, ce qui crée de la richesse pour le BTP mais se traduit par un coût global élevé.
À un moment où la maîtrise du changement climatique est inscrite sur l'agenda politique, il est essentiel de doter les différents pays d'outils de mesures fiables pour imaginer des solutions locales leur permettant de s'adapter aux changements du climat et de lutter contre la vulnérabilité des habitants. Cette journée, riche en échanges d'expériences, contribue à la construction de cette orientation stratégique.