Entretien avec Ronan Dantec

Élu local à Nantes, sénateur, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et président de l’association Climate Chance

DOI : 10.4267/pollution-atmospherique.6591

Editor's notes

Ronan Dantec, élu local à Nantes, sénateur, est vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et préside l’association Climate Chance1, qui regroupe de nombreux acteurs non étatiques impliqués dans les négociations et l’action pour le climat. Il a corédigé, en 2015, avec M. Delebarre en préparation à la conférence de Paris, un rapport2 sur le rôle des collectivités locales dans la mobilisation internationale face à la menace climatique. Isabelle Roussel et Lionel Charles l’ont interrogé sur sa vision du rôle des villes dans la préparation et les suites de l’accord de Paris, dont la réussite dépend in fine de l’implication de l’ensemble des habitants au sein d’une ville plus solidaire.

Text

Lionel Charles : La COP 21 a marqué un tournant dans l’émergence du rôle des collectivités territoriales et des villes dans la réponse au changement climatique. Vous avez été vous-même un acteur important de cette reconnaissance du rôle des villes. Quelle est votre perception quant à la place reconnue aux villes dans l’accord de Paris, et surtout comment voyez-vous l’évolution de la situation, sachant que les conditions ont fortement évolué avec l’annonce par D. Trump du retrait américain de l’accord. Les villes et les collectivités locales, au moins aux États-Unis, vont voir leur rôle et leur action fortement renforcés pour honorer les engagements pris lors de la COP, dont la réussite dépend beaucoup de la manière dont les entités non étatiques s’organisent par rapport au climat.

Ronan Dantec : Il faut replacer l’accord de Paris dans l’histoire de la négociation sur le climat, et notamment dans la suite de l’échec de Copenhague où la négociation s’était faite entre États sur un modèle ancien, celui d’engagements contraignants de type Kyoto. Après l’échec de Copenhague et l’impossibilité de trouver un accord contraignant sur la répartition de l’effort entre les États, la négociation est repartie à Cancun et à Durban autour de plusieurs idées : à Cancun, un an après Copenhague, nous, réseau des collectivités locales où j’ai été très actif en tant que porte-parole climat de CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis), avons réussi à inscrire dans le préambule et dans l’accord de Cancun le rôle des villes et des collectivités locales. Et nous avons aussi réussi à obtenir pour la première fois un mécanisme financier précis dans le cadre du MDP (Mécanisme du Développement Propre), le City-wide Program. Nous avons donc réussi à Cancun, plus clairement qu’à Copenhague, à faire entrer le rôle des villes et des collectivités dans l’accord. Mais surtout, et c’est absolument essentiel, l’année suivante, à Durban, les États ont décidé, sur proposition de l’Afrique du Sud, et pour sortir de l’impasse de Copenhague, quelque chose de très important qui a été d’abandonner l’idée d’un accord contraignant, un accord négocié répartissant la charge entre les uns et les autres, pour passer à un accord sur la base du volontariat dans lequel chacun s’engage sur ce qu’il pense pouvoir faire en matière de réduction d’émissions. C’était très important parce que cela a changé fondamentalement la philosophie de l’accord. Et dans ce cadre-là, l’accord de Paris se situe clairement dans la suite de Durban. L’accord de Paris acte un objectif de la communauté internationale de limiter la hausse des températures à 2° et, si possible, à 1,5° sur la base de contributions volontaires – les fameux NDC, les National Determined Contributions –, et c’est sur cette base que s’organise la communauté internationale. Ce qui veut dire aussi que l’engagement volontaire de chaque État et de l’ensemble de ses acteurs devient un point extrêmement important. Et je pense qu’au lendemain de l’accord de Paris et avec, dans l’accord de Paris, des chapitres assez précis, notamment concernant l’après-2020, sur le rôle de l’ensemble des acteurs non étatiques, pas uniquement des collectivités territoriales, avec des mécanismes d’expertise et l’agenda de l’action, autant d’éléments ou d’outils qui annoncent, dans cet accord, un rôle accru des acteurs non étatiques, mais toujours sur la base du volontariat. On est donc dans une dynamique. Et notre responsabilité aujourd’hui est de renforcer cette dynamique, d’agréger toujours plus d’acteurs prêts à agir. Et de fait, dans les villes, il y a beaucoup de leaders, beaucoup de maires, de présidents de régions, de grands élus qui sont très volontaires. Il nous faut maintenant renforcer ces dynamiques, les mesurer, et vérifier, au-delà des engagements, les mises en œuvre. J’ai été évidemment un acteur de la mise en scène de ces engagements, notamment avec l’organisation du sommet de Lyon « Climat et territoire » en 2015, qui avait permis de mettre sur la table deux gigatonnes de réduction d’émissions en 2020… Nous avons effectivement à faire vivre cela. Se rajoute un autre élément qui renforce encore le rôle des acteurs non étatiques, depuis l’accord de Paris, qui est la sortie des États-Unis, en tant qu’État fédéral, de l’accord, avec la décision de D. Trump. La réaction d’un certain nombre d’acteurs américains, et notamment de villes et d’États fédérés, la Californie, l’État de New York, pour ne citer qu’eux, a été quasi immédiate. Avec cette idée forte que l’action réelle, concrète de ces collectivités sera suffisante pour que les États-Unis tiennent leur engagement dans l’accord, même si l’État fédéral s’en est retiré. Effectivement, l’initiative We are still in3, le pledge américain est un élément qui conforte encore cette idée que, finalement, c’est la dynamique concrète, réelle des acteurs non étatiques qui va permettre de stabiliser le climat et de sauver l’humanité.

Isabelle Roussel : Et quand vous dites que les villes se sont engagées à des réductions, suivent-elles les mêmes protocoles d’évaluation, de monitoring et de réduction que les industriels ?  

RD : En partie, oui. On est encore dans une phase où tout cela n’est pas totalement normé. Et la question de la norme pose d’autres questions techniques, assez complexes, comme celles des outils de la norme, du reporting. Cela évolue. Il y a aujourd’hui deux lieux clés de reporting qui sont, d’une part, le Global Covenant4, plutôt porté par les Américains, par Bloomberg, le CDP (Carbon Disclosure Project) et le C 40, où l’on voit bien qu’il y a une volonté d’organiser les choses, de les mesurer et, d’autre part, une dynamique un peu plus ancienne, le Compact of Mayors5, européen d’où des données remontent également, mais pas tout à fait selon les mêmes méthodologies. Il ne faut peut-être pas encore être trop strict sur une méthode ou une autre. À Nantes, nous avons travaillé avec le système BASEMIS, un système MRV (Mesurable, Reliable, Verificable) au sens de la CCNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques), qui est encore un système un peu complexe, mais effectivement, je pense qu’il y a un vrai enjeu à démontrer aujourd’hui que les engagements pris sont suivis d’effets. Nous sommes dans ce moment-là, et les sommets Climate Chance y travaillent sérieusement. Il faut absolument crédibiliser l’action des acteurs non étatiques, et notamment des territoires. L’observatoire de l’action non étatique Climate Chance, qui devrait produire son premier rapport en novembre 2018, constituera un élément important de cette crédibilisation. Il me semble assez clair aujourd’hui, à partir du moment où l’on est sur des accords volontaires et où l’on sait que les engagements pris par les États ne sont pas suffisants puisqu’ils nous situent sur une trajectoire de hausse des températures de 3° à 3,5°, que c’est uniquement la crédibilisation des actions engagées qui crée finalement un environnement culturel ou politique qui fait que tout le monde se sent obligé de faire sa part. C’est l’antidote à ce que j’appelle le climato-fatalisme, très différent du climato-scepticisme, puisqu’il consiste à dire : « c’est grave, mais on n’y peut rien si ce n’est se protéger des migrations et essayer d’adapter au mieux son territoire », ce qui à mon avis est extrêmement dangereux. Pour lutter contre ce climato-fatalisme, pour renforcer les dynamiques d’action, il faut effectivement démontrer dans les prochaines années, mais beaucoup de gens y travaillent, que les engagements pris à Lyon lors du sommet « Climat et territoires » et à la mairie de Paris, à l’occasion du sommet organisé par Anne Hidalgo, sont suivis d’effets. Nous sommes dans ce moment-là.

IR : Les réseaux de villes s’articulent-ils sur cette dynamique ?

RD : Oui, les réseaux de villes ont l’habitude de travailler ensemble. Ils travaillent tous ensemble au niveau du Global Covenant6 à travers les trois réseaux que sont le réseau C 407 lancé par Bloomberg et Clinton, ICLEI (International Council for Local Environmental Initiatives)8, qui est le réseau des villes durables, et CGLU9 qui est le réseau généraliste mondial. Derrière cela, il y a des réseaux européens spécialisés comme Energy-Cities10 ou Climate Alliance11. Cela fait au moins dix ans maintenant que les réseaux sont très présents. J’ai porté la déclaration européenne des villes durables avec Eurocities en 2008. Cela fait au moins dix ans que nous sommes en ordre de bataille et que nous disons aux États : « intégrez-nous dans vos stratégies ». Et l’on y travaille actuellement. CGLU Afrique, le réseau africain de CGLU, est en train de travailler pour envisager d’aider les États africains pour améliorer leurs contributions volontaires à partir du potentiel d’action des villes africaines. C’est un bon exemple.

LC : Comment évaluez-vous les avancées actuelles ? La situation est délicate. Avec le retrait de D. Trump, la dynamique générale de 2015 s’est étiolée. Les avancées des collectivités locales et des villes semblent moins perceptibles pour le moment.

RD : Je serais un peu moins pessimiste. Je pense que nous sommes dans un moment d’action sans précédent. L’analyse des chiffres mondiaux concernant le développement des énergies renouvelables montre qu’il n’y a jamais eu un tel développement ; par exemple, les politiques de réhabilitation du logement qui se dessinent, y compris en France, et les annonces faites par M. Hulot et M. Mézard, il y a quelques semaines, sont les témoins d’un niveau d’ambition qui n’avait jamais été atteint. L’arrivée du véhicule électrique va changer la mobilité urbaine ; beaucoup de choses se passent, y compris avec le numérique. Mais effectivement, nous n’avons pas encore véritablement mis en scène les résultats quantitatifs de toutes ces évolutions. Nous sommes dans le moment de mise en cohérence de toutes les politiques publiques, en se dotant de niveaux de mesure beaucoup plus robustes. Sur ces sujets, il est important d’avancer assez vite. C’est aussi pour cela que Climate Chance, qui est la seule association mondiale ayant vocation à rassembler au niveau mondial tous les acteurs non étatiques – ce n’est pas tout à fait rien – puisse mettre tout cela en scène, le mesurer plus précisément. Nous sommes donc évidemment au milieu du gué : je considère que les évolutions sont en cours, objectivement en cours. Notre seule question, toujours la même depuis dix ans, est qu’il s’agit d’une course contre la montre : qui va gagner, de la mise en œuvre des solutions avancées ou de l’augmentation des concentrations en CO2 ? Il faut donc aller le plus vite possible, c’est un véritable enjeu immédiat, il convient de mieux concrétiser, de mieux montrer ce qui est fait, y compris en termes quantitatifs.

IR : Ne faudrait-il pas mieux mettre en scène et développer le couplage climat/air/santé pour mieux sensibiliser l’opinion ?

RD : Il est vrai que l’argument santé et pollution atmosphérique a été peu utilisé sur la question climatique car, objectivement, le CO2 lui-même n’est pas en cause d’un point de vue sanitaire. Et comme les scientifiques avaient déjà du mal à démontrer l’impact négatif du CO2 sur le climat, je pense qu’ils n’ont pas voulu s’aventurer sur des messages qui brouillaient davantage les choses. Il y a encore de grands décideurs qui sont capables de confondre la pollution atmosphérique, le CO2 et le trou dans la couche d’ozone. Mais effectivement, et cela se voit avec la Chine, le cobénéfice obtenu sur la santé publique par la sortie du charbon et du diesel représente vraiment les deux enjeux principaux avec, dans certains cas, le bois de chauffage, mais ceux-ci ne sont pas assez mis en valeur, cela me semble une évidence. Probablement parce que, y compris dans le discours scientifique, la volonté était de ne pas les mélanger, car il ne s’agit pas vraiment du même sujet et que des acteurs différents sont concernés. Il est certain, et c’est ma conviction profonde depuis longtemps, que nous irons d’autant plus vite sur le climat qu’on démontrera les impacts positifs sur les enjeux de développement durable, et la santé fait partie de cet objectif de développement durable. Si l’on réussit à mesurer une baisse des affections respiratoires, c’est un autre argument pour aller plus vite sur la mutation énergétique. C’est évident, et je suis d’accord pour dire qu’on ne l’a pas assez fait.

IR : Pourtant, on commence à voir des évaluations des bénéfices sur la santé des mesures prises, comme il était fait état dans un numéro récent de la revue Pollution atmosphérique.

RD : Tout à fait. Globalement, la qualité de l’air ne se dégrade plus. Nous sommes dans une reconquête, on serait aujourd’hui surpris des chiffres désolants sur la pollution des "rues canyons" des années 1960. Il faut accélérer cette reconquête, mais nous sommes plus exigeants car nos connaissances sont meilleures. La Chine est un véritable exemple, un bon moteur, car l’opinion publique chinoise est probablement plus sensible aujourd’hui à l’impact de la pollution atmosphérique du charbon qu’à son impact CO2. C’est un levier sur lequel il faut agir.

LC : D’un autre côté, la problématique pollution atmosphérique se situe très clairement à l’échelle urbaine, donc la conjonction climat/pollution atmosphérique/ville devrait très bien fonctionner.

RD : Nous y travaillons un peu. Climate Chance a accueilli des ateliers sur la pollution atmosphérique avec la Fédération Atmo ; les acteurs se connaissent, au moins au niveau national, mais il faut que le discours mette plus en avant les cobénéfices de la question climat. Il y a beaucoup de cobénéfices : la pollution atmosphérique, l’accès à l’énergie en Afrique, le développement. Si nous avons appelé notre association Climate Chance, c’est d’ailleurs bien pour cela, parce que nous considérons qu’il y a dans la mobilisation climatique des opportunités pour agir sur d’autres enjeux et que, de ce côté-là, mais seulement de ce côté-là, c’est quand même une chance.

IR : Comment la gouvernance de Climate Chance est-elle organisée ?

RD : Climate Chance est un comité d’orientation stratégique qui rassemble à peu près tous les réseaux possibles au niveau international, tous les focal points, les groupes majeurs de la négociation sur le climat, tous les grands réseaux internationaux, tous les animateurs des coalitions, c’est le lieu de la décision et de l’expression collective. Pratiquement, une bonne centaine de structures s’y retrouvent. Il s’agit d’une association garante, que je préside, qui ne prend jamais de position de fond et qui tient justement le rôle d’établir une synthèse entre tous ces acteurs. Climate Chance est une petite structure, d’une trentaine de membres, qui ont été choisis pour leur implication, dont le président d’honneur est Jean Jouzel, avec des représentants des réseaux de collectivités, des ONG, des entreprises, de manière très équilibrée. L’association génère des lieux pour créer des consensus sur les messages prioritaires des acteurs non étatiques. Nous avons vocation à rassembler dans les sommets que nous organisons et dans le comité d’orientation tous les acteurs mondiaux qui le souhaitent, parmi les neuf groupes majeurs reconnus par l’ONU comme acteurs non étatiques.

LC : Y a-t-il une dynamique d’adhésion à cette structure ?

RD : Les deux dernières déclarations des sommets de Nantes et d’Agadir sont, à ce jour, les déclarations les plus largement signées au niveau mondial par les acteurs non étatiques. C’est très représentatif. La déclaration d’Agadir a été signée par tous les réseaux mondiaux de collectivités : le CAN, le Climate Action Network, qui est le grand réseau mondial d’ONG, l’organisation mondiale des syndicats, des réseaux mondiaux d’entreprises… C’est effectivement le lieu le plus représentatif de l’action non étatique mondiale, le plus large, avec de vraies méthodologies pour essayer d’élaborer des synthèses entre les membres.

LC : Affirmer des solidarités à l’échelle mondiale avec une grande hétérogénéité des configurations soulève une question d’échelles. Comment cette diversité se module-t-elle dans le cadre d’une structure unique ?

RD : Comme rien n’est coercitif, il s’agit d’agréger toutes les bonnes volontés, avec des situations différentes, donc des acteurs qui n’ont pas les mêmes priorités, suivant les territoires. Nous tenons beaucoup à une entrée par les territoires forts d’acteurs qui définissent des solutions différentes. Ensuite, nous avons à renforcer la diffusion des bonnes pratiques, qui reste un enjeu majeur. L’accès au financement a fait l’objet d’un rapport de Climate Chance, nous avons aussi envoyé des messages clés pour la CCNUCC, en lien avec son agenda d’action. Certains points restent compliqués dans le cadre de la négociation internationale, car tous les États n’ont pas la même perception des acteurs non étatiques. Il s’agit alors d’une diplomatie un peu complexe, avec des équilibres permanents à gérer ; l’agenda d’action de la CCNUCC en est un exemple, car celle-ci juge jusqu’où elle peut aller sans que des États ne bloquent le processus. Cela reste délicat, mais il faut assumer cette complexité et appuyer vraiment les dynamiques d’action.

LC : Mais, par exemple, en ce qui concerne les villes chinoises, sont-elles davantage mobilisées, ou plutôt l’État ?

RD : Dans un pays comme la Chine, l’État joue un rôle central, et l’on voit bien que la Chine est aujourd’hui mobilisée sur sa production électrique au charbon. La Chine a aussi quelques démonstrateurs de villes durables, c’est une situation assez hétérogène. J’ai entendu des responsables chinois m’expliquer que plus les autoroutes étaient larges, plus les gens allaient vite, mieux ça allait. Il serait faux de dire que la situation est homogène en Chine aujourd’hui.

LC : Et dans les pays africains, la réponse est sans doute également disparate ?

RD : Certaines villes bougent. Lors du sommet d’Agadir, la région de Souss-Massa a montré une réelle dynamique. Il y a de vraies prises de conscience. Les régions ivoiriennes, avec lesquelles nous essayons d’organiser quelque chose dans les prochains mois, sont très mobilisées par la grande initiative mondiale des régions qui est le Under2 MOU (Memorandum Of Understanding), porté notamment par la Californie. Je reste convaincu que les grandes villes du monde ont beaucoup de problématiques communes, les questions de mobilité sont les mêmes. Après, on est souvent confronté à une question d’accès au financement. Les villes africaines n’offrent pas toutes les garanties pour avoir accès aux financements nécessaires au niveau international pour développer un métro ou des transports en sites propres, et c’est pourquoi, au sein de nos propositions principales, aujourd’hui, cette question de l’accès au financement est absolument centrale. Fondamentalement, nous avons un cadre, l’accord de Paris ; les réponses à apporter au problème climatique sont connues : on a les solutions en termes de développement des énergies renouvelables, de choix techniques de mobilités, de réhabilitation des logements… Tout cela est à peu près connu, cela va encore progresser, mais globalement on connaît les solutions. Mais nous n’avons pas les financements suffisants pour permettre une transition suffisamment rapide. C’est pourquoi notre plaidoyer prioritaire en tant que Climate Chance, à partir des quinze propositions qui ont été vues par l’ensemble de la galaxie climat, collectivités, ONG, entreprises, consiste à faire vivre ces quinze priorités en en discutant avec des bailleurs. Je suis intimement persuadé que cela se jouera sur les financements, sur l’accès aux financements, et que si cet accès aux financements est à la hauteur, cela débouchera – les villes africaines sont le bon exemple à ce propos – sur l’accès à l’énergie, à la mobilité, qui permet du développement. Les deux vont toujours ensemble. Je considère que nous avons un seul agenda, un agenda commun : climat et développement, tel qu’il est inscrit dans le cadre de l’accord de Paris et des dix-sept ODD (Objectifs de Développement Durable).

LC : L’accès au financement a été posé avant l’accord de Paris avec l’émergence des Green bonds et de la finance verte. Comment se fait l’articulation entre les grands bailleurs de fonds et les villes ?

RD : Je pense que sur ce plan, beaucoup de choses restent à écrire. Nous avons quelques bailleurs, en premier lieu l’AFD, qui prêtent directement aux villes, en Amérique latine notamment. Donc quelques bons exemples, mais ça reste assez rare encore. Il faut regarder du côté du Fonds vert et son évolution aujourd’hui. Cela dépend aussi des nouvelles structures d’habilitation du Fonds vert qui pourront faire du crédit direct à des acteurs non étatiques, et puis, et en ce sens, le One Planet Summit a été, je pense, un exercice précieux, il faut surtout voir la stratégie des grands bailleurs. Quand la Banque mondiale annonce qu’elle ne financera plus les hydrocarbures, il y a un effet d’annonce, même si cela reste à préciser dans le détail, mais cela veut dire que, demain, nous n’aurons pas seulement des financements climat, mais aussi aucun financement contradictoire avec le climat, ce qui, quelque part, est plus important. Il ne s’agirait pas de financer une centrale solaire, d’un côté, et une deux fois huit voies de l’autre ; pourtant, il y a des pays dans lesquels le développement de la centrale thermique au charbon côtoie un champ d’éolienne. C’est cet enjeu de cohérence qui est sur la table. Ce n’est pas encore gagné, mais l’idée selon laquelle en l’absence de cohérence globale, rien ne marchera, progresse.

IR : Cela pose la question de l’évaluation des projets pour éviter les effets pervers.

RD : Absolument. Cette question de l’évaluation est centrale, y compris dans le rôle des ONG ; leur capacité d’évaluation, leur capacité d’accéder aux données, sont essentielles. Et il faut absolument réussir, dans les prochaines années, à éradiquer les financements absurdes, pervers et aberrants par rapport à la lutte contre le changement climatique, qui sont encore trop nombreux. C’est sur ce point qu’il faut véritablement travailler.

LC : Il y a un problème de fond des stratégies environnementales et climatiques, qui est précisément d’assurer leur cohérence.

RD : Un certain nombre de gens savent que je suis plutôt un optimiste indécrottable, sinon on n’agit pas… Mais il me semble que nous sommes passés du stade où l’action climatique était périphérique par rapport aux grandes masses de financements du développement à une action climatique qui, aujourd’hui, est au cœur du sujet et réinterroge les autres financements. Tout n’est pas encore cohérent, il y a encore beaucoup de contradictions, mais nous sommes dans le temps de la contradiction. Et dans une deuxième phase. La troisième phase, à atteindre le plus vite possible, est de mettre tout cela en cohérence. On n’y est pas encore, mais nous ne sommes plus dans un système où il y aurait, pour se faire plaisir, quelques financements climat, quelques panneaux solaires à côté de la centrale thermique. Nous sommes au moment – et le One Planet Summit de ce côté-là est un moment important – où l’on se pose la question de la contradiction.

LC : Dans ce numéro de la revue, on voit émerger une critique de la ville durable, dont une des limites est soulignée par la contradiction entre le discours et la mise en œuvre avec, par exemple, une politique favorable sur le plan énergétique mais défavorable à la qualité de l’air. Le chauffage au bois, en France, illustre cette contradiction.

RD : Je ne suis pas sûr qu’il y ait, au final, tant de contradictions que ça, aussi manifestes. Je vois assez peu d’impacts négatifs centraux à la transition en cours. Secondaires, oui, mais pas centraux à la transition en cours, je n’en vois pas énormément.

LC : Un autre aspect est celui des choix technologiques, de la voiture électrique, par exemple.

RD : Le véhicule électrique est un bon exemple des difficultés à venir. Basculer vers un système durable pose de nombreuses questions et principalement des questions d’impact social. C’est probablement là-dessus qu’on a le plus de difficultés. Aujourd’hui, la transition énergétique des territoires est plutôt bénéfique à de nombreux niveaux, en termes d’emplois, en termes de robustesse, de maîtrise du prix des factures énergétiques. Les effets pervers, au final, sont peu nombreux.

IR : Le côté inégalitaire, malgré tout.

RD : Mais qui n’est pas directement lié à ça. La voiture électrique, déjà, pose davantage de questions, au sens où, demain, elle ne répondra pas à la question de la congestion des villes, surtout des villes européennes anciennes, qui n’ont pas été conçues pour la voiture. On pourra très bien, demain, passer quatre heures dans un embouteillage avec une voiture électrique. Il faut anticiper sur les risques. Les deux principaux problèmes que j’observe dans la transition vers la ville durable sont d’abord que les territoires les plus à même d’aller vers la ville durable, la plus agréable à vivre, sont les territoires riches, parce qu’ils ont une capacité de maîtrise financière plus forte. Si cette mutation n’est pas accompagnée, elle creuse finalement les inégalités, pas au sens où elle les exacerbe, mais au sens où certains territoires progressent plus vite que les autres. Un deuxième effet négatif qui en découle, et qui est vraiment la grande interrogation de la ville durable, c’est l’importance, dans un monde très libéral, cela veut dire que les gagnants de la transition sont également les gagnants de la compétition libérale, les riches deviennent encore plus riches et les pauvres plus pauvres. Des villes engagées dans la transition mais qui se vivent dans la compétition font des choix aberrants : l’archétype, c’est Nantes, dont j’ai été le vice-président en charge du climat, de l’environnement et du développement durable pendant dix ans, qui s’est plutôt engagée dans la transition – la ville a été capitale verte de l’Europe, ce n’est pas pour rien –, mais avec un projet d’aéroport qui est une aberration absolue, parce que le critère de la compétition libérale reprend le dessus12. Il y a donc cette contradiction mal dépassée : un premier enjeu financier, une possible aggravation des inégalités par répartition de richesses entre les territoires, cette difficulté reste et joue beaucoup sur l’aspect libéral. Je pense que cela, nous ne l’avons pas assez dit. Les enjeux sociaux doivent faire l’objet d’une attention permanente, sinon ce n’est pas de la ville durable, en fait, c’est une ville de la qualité de vie, mais ce n’est pas une ville durable. Je suis extrêmement attentif à cela.

IR : La différence entre la ville et sa périphérie n’est-elle pas un enjeu mondial ?

RD : Je pense qu’on est à la fin d’un système qui marche très mal, et que l’on ne peut pas continuer à avoir un tel déséquilibre dans l’activité sur le territoire. Quand on ferme un sous-traitant de Peugeot, comme à La Souterraine, c’est l’ensemble du territoire qui va souffrir et pas seulement les 200 salariés qui seront licenciés. La conséquence est la concentration des emplois, des logements et des activités sur les mêmes territoires au prix d’une flambée des prix de l’immobilier qui exclut les habitants des villes centres, les envoie dans les périphéries et aggrave les déséquilibres. En termes de durabilité, c’est une rupture, il va falloir se redonner des règles d’aménagement du territoire pour faire en sorte que l’activité soit répartie, que l’offre de logement soit répartie. Sinon, les populations les plus modestes sont expulsées des villes centres, et les territoires en sortent très déséquilibrés. Cette réflexion pour rééquilibrer les territoires est portée au Sénat par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mais les leviers de la reconstruction d’un aménagement des territoires plus équilibré n’ont pas encore été trouvés, alors qu’on sait que la compétition libérale ne fonctionne plus.

LC : Elle se situe même en contradiction

RD : Jusqu’à un certain point. On a pu observer ces dix ou vingt dernières années un certain nombre de villes qui étaient plutôt périphériques, comme Nantes, Rennes ou Bordeaux, tirer leur épingle du jeu avec une forme de rééquilibrage. Guichard avait fait les métropoles d’équilibre, mais nous sommes à la fin de ce cycle, parce qu’il génère beaucoup de périurbain et n’empêche pas un déséquilibre majeur du territoire entre Est et Ouest, et il va donc falloir repasser à des méthodes plus volontaristes.

IR : Mais est-ce que ce rééquilibrage n’induit pas une contradiction entre une vision autoritaire de l’aménagement et la production très décentralisée des énergies renouvelables ?

RD : La production d’une énergie décentralisée encourage ce rééquilibrage, mais je reste partisan d’un prix unique de l’électricité, parce qu’autrement les territoires ensoleillés auront demain une énergie moins chère, et l’on va recréer du déséquilibre. Il s’agit de trouver un équilibre complexe entre des territoires toujours plus autonomes et solidaires.

IR : C’est compliqué.

RD : Mais le prix unique de l’électricité avec des recettes fiscales de production pour les territoires est une bonne solution par rapport à cela.

IR : D’un autre côté, on voit bien que la période d’un État fort est quand même derrière nous…

RD : Je ne suis pas convaincu qu’un pays dans lequel à peu près 50 % de l’argent passe par la case action publique avant d’être redistribué puisse être considéré comme un État faible. À ce niveau de financement par l’action publique de tout ce que l’on fait, l’État est probablement moins faible qu’il n’en a l’air. Néanmoins, il y a des contradictions entre le dynamisme local et l’État fort, parce que l’on n’a pas réussi à reconstruire un paradigme. Les villes peuvent jouer un rôle mais elles sont très engagées dans ce mouvement de compétition entre les territoires. Et en ce sens, il n’y a pas un acteur qui va sauver la planète sans les autres. Les villes seules ne sauveront pas la planète, les États seuls ne sauveront pas la planète. C’est bien une cohérence entre tous les niveaux d’intervention qui permet de faire sens.

IR : La France a malgré tout multiplié les niveaux d’intervention territoriaux.

RD : Pas beaucoup plus que les autres pays.

IR : Mais c’est quand même compliqué.

RD : Non. Le grand enjeu finalement est d’interroger une doctrine d’aménagement du territoire, y compris à l’échelle européenne. Cette absence de doctrine est certainement une difficulté aujourd’hui.

LC : On pourrait poser la question de pourquoi, qu’est-ce qui manque du point de vue de la pensée, du point de vue de l’action ?

RD : Je pense que le dogme libéral a véritablement pris le dessus. Il permet de considérer que plus les territoires sont libres d’agir, ce qui était un peu aussi le sens de la décentralisation, mieux ils se développent. Mais ces dix, quinze dernières années ont fait ressortir que ce n’est pas parce que des territoires vont bien qu’on a des sociétés qui vont bien. Ce n’est pas parce que Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse vont bien que la France va bien. Je crois aux fonctions métropolitaines, je pense que l’Ouest de la France montre bien avec Nantes, Rennes, Brest que si l’on a ces territoires avec des fonctions métropolitaines, l’ensemble du territoire va mieux, mais que nous avons maintenant, à côté de ça, à détricoter une partie du paradigme de la concentration d’activités sur quelques territoires. Et là, il faut trouver les leviers.

IR : Le changement climatique ne pourrait-il pas être précisément un levier pour revaloriser les territoires périphériques qui ne sont pas sans atouts, ils sont attractifs puisque les gens veulent y aller ?

RD : Le périurbain n’est pas une solution. La question qui se pose est celle de la place des villes moyennes. Le système périurbain ne fonctionne pas correctement politiquement, cela apparaît chaque jour. Il est le lieu de l’exclusion de la ville-centre.

IR : C’est un regard pessimiste. Il y a beaucoup d’atouts dans le périurbain avec l’énergie positive, le cadre de vie.

RD : Le périurbain est subi. Dans le périurbain, les foyers fiscaux sont pauvres avec des voitures en mauvais état et beaucoup de fuel. Il faut recréer des sociétés moins excluantes. Dans la société actuelle, le groupe dominant est dans la ville-centre, hors logement social qui peut rester dans la ville-centre. Les petites classes moyennes qui sont les plus fragiles sont effectivement dans le périurbain. Ça ne marche pas.

IR : Mais on en a quand même pour un certain nombre d’années.

RD : Une des réponses est certainement autour des villes secondaires. Il faut sortir une partie de l’activité des grands centres.

LC : L’évolution sociotechnique va dans la direction inverse avec tout ce qui est smart city, etc. Les start-up s’installent dans les villes les plus connectées, elles sont liées à la centralité urbaine.

RD : Bien qu’étant responsable d’une région qui va bien, je maintiens qu’on est à la fin du cycle de l’aménagement du territoire coercitif selon O. Guichard et du principe d’un État aménageur. Ce cycle n’était pas totalement faux. Les métropoles d’équilibre ont été les grandes gagnantes de la compétition libérale, elles ont profité à l’ensemble du territoire. Le pays de Redon va bien, il est dans le triangle magique Rennes-Nantes-Vannes, alors que la Creuse ou encore la Meuse vont mal. Comment fait-on pour rééquilibrer ? C’est vraiment la question posée à la génération politique au pouvoir et à l’ensemble des forces de la société.

IR : Le Cholettais, la Vendée, les Deux-Sèvres ont été les chantres du développement local sans intervention de la puissance de l’État.

RD : Oui, c’est vrai. Ce sont de bons exemples, le Cholettais profite de la dynamique Nantes-Angers, c’est évident. Mais oui, Vendée-Deux-Sèvres sont de bons exemples, mais ça ne fonctionne pas sur l’ensemble de la France. Et ils ne sont pas très loin des grands centres industriels. Donc on a besoin de cet équilibre. Et tous les territoires ne vont pas bien. Le pays de Chateaubriand ne va pas bien, alors qu’il aurait pu avoir le destin du Cholettais, mais ce n’est pas le cas, il y a vraiment des territoires qui souffrent.

IR : Cela dépend d’initiatives locales.

RD : Oui, mais on ne peut se limiter à ce qu’il y ait le bon élu au bon moment, ou les bonnes forces économiques ou la bonne synergie, cela laisse trop de territoires de côté.

IR : C’est quand même compliqué.

RD : Je pense que ça doit être sur la table de la réflexion.

IR : Le changement climatique est un bon indicateur de dysfonctionnements liés à de nombreux facteurs, il oblige à se poser ce genre de questions.

RD : Oui. Tout n’est cependant pas lié au changement climatique, mais c’est une bonne manière d’interroger l’ensemble du développement.

LC : Mais on ne peut pas tout faire porter par le changement climatique. C’est l’articulation des différentes composantes qui est en jeu, alors que souvent beaucoup de raisonnements visent à opposer différents secteurs : social et économie, par exemple.

IR : Une dernière question par rapport au GIEC (Groupe Intergouvernemental pour l’Étude du Climat) qui a bien joué son rôle de lanceur d’alerte. N’y aurait-il pas besoin d’apports scientifiques plus orientés vers les actions locales, vers les villes, etc. ?

RD : Le GIEC organise à Edmonton13 au mois de mars un sommet sur l’impact du climat sur les territoires, avec une étude et un colloque sur précisément l’approche territoriale et l’impact des territoires sur les émissions de CO2. Le GIEC est parfaitement conscient de l’enjeu territorial. Le GIEC est la synthèse de tout ce qui se produit.

IR : Est-ce qu’il n‘y a pas besoin de rééquilibrer vers d’autres disciplines que la climatologie ?

RD. Le GIEC, ce n’est pas que des climatologues. Certains chapitres des rapports du GIEC ne sont pas des chapitres climat. Mais effectivement, ce qu’on demande au GIEC aujourd’hui c’est d’étudier davantage de manière scientifique les solutions, et le sommet d’Edmonton sera une vraie occasion.

LC : Mais ces études ne peuvent pas se faire uniquement à l’échelle mondiale.

RD : Avec les dynamiques du Global Covenant ou du Compact of Mayors, le travail des réseaux spécialisés, d’ICLEI, d’Energy Cities, nous possédons tout de même énormément de données sur l’action territoriale. Nous ne sommes pas démunis d’éléments de réflexion. On sait que cela passe par la mise en cohérence des politiques publiques, un rôle clé de l’urbanisme, la capacité d’investissement, donc la richesse du territoire joue énormément. Je pense que toutes ces données, on les connaît. Mais Edmonton sera intéressant.

Notes

1  http://www.climate-chance.org/qui-sommes-nous/presentation-de-lassociation/ Return to text

2  Dantec R., Delebarre M., Les collectivités territoriales dans la perspective de Paris climat 2015 : de l’acteur local au facilitateur global [En ligne] : http://www.assemblee-nationale.fr/14/evenements/mardi-avenir/2014-06/MAE-rapport-2013.pdf Return to text

3  https://www.wearestillin.com/ Return to text

4  https://www.globalcovenantofmayors.org/about/ Return to text

5  http://www.c40.org/programmes/compact-of-mayors Return to text

6  https://www.globalcovenantofmayors.org/ Return to text

7  http://www.c40.org/ Return to text

8  http://www.iclei.org/about/who-is-iclei.html Return to text

9  https://www.uclg.org/fr Return to text

10  http://www.energy-cities.eu/ Return to text

11  http://www.climatealliance.org/ Return to text

12  Cet entretien s’est déroulé en janvier 2015, avant donc la décision par le gouvernement d’E. Philippe d’abandonner la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Return to text

13  https://www.ipcc.ch/meetings/cities/ Return to text

References

Electronic reference

Isabelle Roussel and Lionel Charles, « Entretien avec Ronan Dantec », Pollution atmosphérique [Online], 237-238 | 2018, Online since 12 octobre 2018, connection on 11 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/pollutionatmospherique/6591

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Isabelle Roussel

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