Introduction
En France, des voiles de pollution recouvrent régulièrement les grandes villes. Les médias relatent quotidiennement le renouvellement de pics de pollution et le dépassement des seuils d’alerte1, et les attribuent aux particules fines (PM10)2, aux poussières de compositions diverses en suspension dans l’atmosphère (chauffage au bois et au fioul, industrie, moteurs surtout diesel en ville). Une situation météorologique défavorable, l’absence de pluie ou de vent forts sont souvent pointées du doigt. Pire, cette pollution atmosphérique se déplace et gagne les villes moyennes3 et petites, et même les milieux ruraux4. Cette pollution constitue un phénomène sociétal, tant pour les générations actuelles que futures, que l’on se place du point de vue de la protection de la santé, de celle de l’environnement ou encore en écho à l’impératif de l’objectif de ville durable.
Il ne suffit plus d’invoquer le passif industriel comme responsable de la gêne tant visuelle qu’olfactive et de ses conséquences sur la morbidité et la mortalité. Désormais, lutter contre la pollution atmosphérique répond à un enjeu tant pour la santé publique que pour la qualité du cadre de vie. Mais les faits de pollution sont parfois l’objet d’évaluations complexes et sont soumis à des interprétations variées à travers le temps et l’espace, d’autant que, comme le souligne le Haut Comité de la Santé Publique dans son rapport remis au gouvernement en juin 2000, il ne faudrait plus parler de la pollution atmosphérique, « sauf à la considérer dans un sens générique, mais plutôt des pollutions atmosphériques : celle que l’on rencontre dans l’air ambiant extérieur ; mais aussi celle qui affecte encore tant de locaux de travail ; celle qui, plus sournoise car encore fort mal connue, résulte d’une mauvaise conception des bâtiments ou des équipements, ou de pratiques domestiques à risque (fumer, utiliser des produits à potentiel nocif dans des espaces confinés…) ; ou encore celle dont on peut souffrir dans divers autres lieux mal ventilés (garages souterrains, tunnels…) » (ADSP, 2000, p. 10). Ainsi, les mesures susceptibles d’améliorer la qualité de l’air et de réduire l’impact de la pollution sur la santé reposent sur des faisceaux de solutions.
Face à la récurrence des pics de pollution, on pourrait être tenté d’interpréter ces épisodes comme une certaine forme d’inaction ou d’incohérence au coût sanitaire suffisamment important pour que l’on s’y intéresse. Cela devrait être une évidence, mais ce n’est pas le cas pour la plupart des habitants des grandes villes et des capitales mondiales exposées à des niveaux de pollution qui dépassent régulièrement les seuils de dangerosité pour la santé5.
Si les réponses juridiques varient, inévitablement, avec l’objectif qu’on lui assigne, il convient alors de se demander si le droit pour chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ne formule pas en quelque sorte un « droit-créance » (Moliner-Dubost, 2003) ? Réthoriquement, cela signifie un devoir de contribution à l’amélioration de la qualité de l’air qui sous-tend que la pollution de l’air ne soit pas un facteur de dégradation de la santé. L’actualité médiatique semble montrer qu’il est difficile de choisir la qualité de l’air que l’on respire, même si l’objectif est crédible et l’ambition sincère.
On en vient dès lors à se demander si finalement les mesures pour définir des politiques visant à améliorer la qualité de l’air ne seraient pas des mesures en trompe-l’œil occultant des « blocages » ou une absence de prise de conscience de cet enjeu de santé publique. Autrement dit, des considérations autres que sanitaires ne détermineraient-elles pas l’orientation de la lutte contre la pollution de l’air, laquelle ne serait pas une priorité de l’action publique, en dehors des pics de pollution ?
1. La pollution atmosphérique, un thème mobilisateur, des enjeux reconnus par intermittence
Contrairement à d’autres ressources naturelles, l’air ambiant que nous respirons ne peut être traité et filtré avant que nous l’inspirions. Aussi, sa qualité peut avoir un impact négatif sur notre santé.
1.1. Un chemin encore très sinueux
Depuis les années 1960, la pollution de l’air fait l’objet en France d’une attention particulière, notamment à travers la loi du 2 août 19616 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs. Elle est remplacée par la Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie (LAURE)7 du 30 décembre 1996, qui reconnaît l’existence d’un impact sanitaire de la pollution atmosphérique et qui énonce le droit pour chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Elle rend obligatoire la surveillance de la qualité de l’air, la définition d’objectifs de qualité et l’information du public. Elle instaure les Plans Régionaux pour la Qualité de l’Air (PRQA)8 qui doivent s’appuyer, notamment, sur une évaluation des effets de la qualité de l’air sur la santé, la LAURE transcrivant, par ailleurs, la directive européenne du 27 septembre 19969 concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant.
Mais dans les années 90, la question du changement climatique est mise au premier plan, ce qui, dans les années 2000, introduit une confusion avec la pollution de l’air. De là, des politiques croisées air-climat-énergie sont menées pour traiter de façon convergente les problèmes liés à la pollution de l’air et aux dérèglements climatiques. Toutefois, elles ne sont pas toujours correctement articulées, même si ces deux problématiques ont une influence l’une sur l’autre. Ainsi, des mesures prises pour la lutte contre le changement climatique produisent parfois des effets négatifs sur la qualité de l’air à l’instar de l’opération de communication menée par l’ADEME10autour de « solutions simples pour limiter les émissions de polluants par le recours au chauffage au bois ». Fâcheusement, du fait de l’ancienneté du parc, l’ADEME11 a reconnu que « le chauffage au bois en période hivernale, dans certaines régions, contribue fortement à la pollution atmosphérique » et à l’émission de particules fines (ADEME, 2003, p. 1 ; Sainteny, 2015). D’ailleurs, lors de son audition par le comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, Didier Migaud a signalé que : « la politique de lutte contre la pollution de l’air pâtit de nombreuses limites et d’incohérences avec d’autres politiques publiques » (2016, p. 1). La promotion de certains combustibles pour lutter contre le réchauffement climatique en est un exemple. Mais on pourrait également interpréter le choix de l’utilisation privilégiée du bois-énergie (pour réduire les émissions de CO2 d’origine fossile), quitte à accroître les émissions de particules fines, comme la manifestation d’un intérêt moindre pour la pollution au profit de la lutte contre le changement climatique. À croire que l’abaissement de l’exposition des populations aux particules fines n’est pas au cœur de l’action du gouvernement. Lutter contre le réchauffement climatique n’équivaut pas à lutter contre la pollution de l’air. La réalité est plus complexe12.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que la pollution de l’air est un fléau majeur de notre époque13. Toutefois, comme le souligne le sondage publié par le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD, 2016)14, pour près d’un Français sur deux, c’est d’abord aux pouvoirs publics d’agir pour protéger l’environnement. Autrement dit, manifestement, il existe une disproportion problématique entre la reconnaissance d’un fléau mortel, les attentes des populations (surtout en période de pic de pollution !) et l’action des pouvoirs publics, qui peut nous interroger sur la volonté des pouvoirs publics à faire de la lutte contre la pollution de l’air, une priorité de l’action publique.
La loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV), promulguée en août 201515, prévoit une plus grande cohérence des politiques énergétiques et de lutte contre la pollution de l’air. Elle vise à intégrer l’objectif de réduction de l’exposition des citoyens à la pollution de l’air dans les objectifs de la transition énergétique (art. L.100-1-4 du code de l’énergie), tout en entretenant parfois la confusion entre les problèmes climatiques et ceux de pollution de l’air. Toutefois, les pouvoirs publics peuvent mettre en œuvre des politiques environnementales combinées tenant compte de leurs interactions pour améliorer l’efficacité, voire le coût, des mesures de réduction des émissions. Il est important de bien distinguer les mesures à effets antagonistes de celles qui seraient des mesures « gagnant-gagnant ». Ainsi, la LTECV n’intéresse pas directement la qualité de l’air mais elle énonce plusieurs mesures phares en faveur de la qualité de l’air.
D’abord, l’article 64 de la loi rappelle que la politique énergétique devra notamment contribuer à l’atteinte des objectifs du Plan national de Réduction des Émissions de Polluants Atmosphériques (PREPA) défini à l’article L. 222-9 du code de l’environnement permettant de fixer des objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques pour les années 2020, 2025 et 2030 et devant être pris en compte (art. 17) dans le Schéma Régional Climat Air Énergie (SRCAE)16 et les Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA)17.
Toutefois, ce PREPA 2 devait être arrêté par le ministre chargé de l’environnement, de l’énergie et de la mer afin d’atteindre ces objectifs, en prenant en compte les enjeux sanitaires et économiques au plus tard le 30 juin 2016. À ce jour, rien n’est encore finalisé. D’ailleurs, le rapport de la Cour des comptes (2016, p. 9) évaluant les politiques nationales de lutte contre les pollutions atmosphériques recommande à l’État, au nom du principe pollueur payeur, d’insérer dans le prochain PREPA des mesures lui permettant de respecter les objectifs européens de plafonds d’émissions d’ici 2030…
La LTECV a prévu d’autres mesures en faveur de la qualité de l’air visant à :
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accélérer la mutation du parc automobile français vers des véhicules moins polluants (art. 9 à 11) ;
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donner la possibilité aux maires de réserver la circulation aux véhicules les moins polluants sur tout ou partie de leur commune (art. 48). Ces dispositions concernent les agglomérations dans lesquelles un PPA est adopté, en cours d’élaboration ou en révision ;
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inciter financièrement la conversion des véhicules les plus polluants (art. 17bis) ;
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favoriser le développement de moyens de transports moins émetteurs ;
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renforcer les outils de planification territoriale en faveur de la qualité de l’air (art.18) et les Plans de Déplacement Urbains (PDU). La loi a prévu de faciliter le suivi des PPA et notamment la prise en compte de la qualité de l’air dans le cadre des Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET)18(art. 66). Là encore, le rapport de la Cour des comptes préconise de mesurer l’impact des actions mises en œuvre pour lutter contre la pollution de l’air dans le cadre des multiples plans nationaux, des plans locaux, ainsi que lors des pics de pollution car, précise-t-il, ils : « ne sont jamais évalués a posteriori, ni globalement, ni par action. Seul un état d’avancement des différentes mesures est effectué (cf. annexe n° 11). Il est donc impossible de disposer d’éléments permettant de réaliser un bilan coûts-bénéfices des plans, globalement et par polluant, ou même seulement de leurs principales mesures » (2016, p. 54). De plus, ces outils de planification se caractérisent par une stabilité notable de leur contenu : la majeure partie des mesures est en effet reprise dans les plans suivants. Enfin, si la LTECV contribue par certaines de ses dispositions à réduire la pollution atmosphérique, elle ne définit pas une stratégie nationale visant à unifier les politiques de lutte contre la pollution de l’air. La planification territoriale semble dictée par le risque de contentieux européen.
Enfin, si la LTECV a été mise en avant, c’est en raison de la volonté de la France d’afficher son exemplarité pour le climat en amont de la COP 21. Cependant, la transition énergétique ne sera effective que si le gouvernement tient ses engagements et ne se contente pas de réponses parcellaires ou contradictoires, à l’instar de celui de Notre-Dame-des-Landes ou le projet autoroutier A45, qui augmenteront inexorablement le transport aérien et routier.
1.2. Les enjeux majeurs de l’amélioration de la qualité de l’air
Les enjeux diffèrent en fonction des régions, en intensité et dans le temps, selon que l’on se trouve en zone rurale ou urbaine ou en fonction des conditions météorologiques, des flux atmosphériques et des réactions chimiques. Parce que l’air est un milieu dynamique lié à ses multiples constituants en perpétuelle mutation, les variations temporelles des niveaux de pollution peuvent être importantes. Il ne s’agit pas tant de disperser les polluants qui dépendent en général des conditions météorologiques que d’agir en amont de leur émission. Il ne s’agit pas non plus de renoncer du jour au lendemain à la production d’énergie, à l’agriculture intensive, aux industries extractives, métallurgiques et chimiques, à la circulation routière et aérienne, à l’incinération des ordures ménagères et des déchets industriels qui sont chacun responsables de la pollution de l’air. Il s’agit de prendre la mesure du problème et d’effectuer des priorités pour l’action publique au regard d’enjeux tant sanitaires, qu’économiques, financiers et urbanistiques.
1.2.1. Un enjeu sanitaire
Longtemps, la question sanitaire est demeurée marginale, alors même que les Anglais avaient adopté leur Clean Air Act en 1956, les Français en 1961, les Américains en 1963, les Italiens et les Suisses en 1966. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer ces dispositifs qui ont servi de déclencheur à cette reconnaissance tardive, même s’ils ont justifié ensuite d’importants ajustements et des interventions décisives des professionnels de la santé. Il faut y ajouter également la montée en puissance des exigences environnementales auxquelles ont tenté de s’opposer les lobbies des constructeurs automobiles et qui ont abouti aux normes « euro »19.
Depuis 2010, tant au niveau national qu’européen, la question de la pollution atmosphérique liée notamment au niveau de particules fines dans l’air (PM) est, suite aux découvertes médicales, devenue une question de santé publique (Revue Pollution Atmosphérique, 2012) « à impact épidémiologique majeur et corrélée aux effets des moyens de transport (routier principalement) » (Lascoumes 2007, p. 73). Ce nouvel enjeu au sein du champ politique ne permet plus de nier cette problématique abordée malencontreusement qu’à l’occasion des pics de pollution et des dépassements des seuils ou des contentieux européens. Est-ce la mobilisation médiatique ou la nécessité de gérer au mieux la circulation alternée qui semble motiver l’action publique ? Car les épisodes de forte concentration de polluant ne sont pas les plus problématiques au plan sanitaire, contrairement à la pollution de fond. La commission d’enquête du Sénat ne s’y est pas trompée : « Les pics de pollution médiatisés masquent la permanence d’une pollution de fond supérieure aux normes européennes » (2015, p. 14).
Notre propos n’est pas tant de relater l’évolution de la construction de la pollution atmosphérique comme question de santé publique que de souligner ce constat aujourd’hui largement accepté et la nécessité de sa prise en compte : la pollution a un impact sur la santé humaine. Toutefois, il semble que la Commission européenne doive le rappeler à la France, notamment dans un avis motivé rendu le 29 avril 2015 pour non-respect des valeurs limites de particules fines dans dix zones, que sont : Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, Martinique, Rhône-Alpes (vallée de l’Arve), Paca AZUR, Nice, Toulon et Douai-Béthune-Valenciennes. Une seconde procédure précontentieuse vise la France avec une mise en demeure pour le NO2 suite au non-respect de la directive 2008/50/CE pour laquelle la France demandait un report de la date d’entrée en vigueur de la réglementation européenne. La commission a considéré que : « la France n’a pas adopté les mesures qui auraient dû être appliquées depuis 2005 pour protéger la santé de ses citoyens, et elle lui demande de prendre des mesures ambitieuses, rapides et efficaces afin que la période de non-conformité soit la plus courte possible ». Cette attitude est d’autant moins compréhensible que la loi française énonce le droit de chaque homme à vivre dans un environnement sain et non nocif pour sa santé, ce qui implique une évaluation des effets de la qualité de l’air sur sa santé. La réponse de la France selon la Cour des comptes passe par la mise en œuvre d’une succession de plans dont l’enchaînement est irrégulier : « sept ans se sont ainsi écoulés entre l’élaboration du PREPA et celle du plan particules, tandis que le PUQA est intervenu deux ans et demi après l’entrée en vigueur de ce dernier, et alors que toutes ses actions n’avaient pas été engagées » (2016, p. 54).
Cependant, l’évaluation peut être obtenue grâce à une démarche d’évaluation quantitative (EIQS) ou qualitative (EIS) de l’impact sanitaire20 de la pollution atmosphérique urbaine.
Cette évaluation permet de quantifier au niveau local les impacts et les bénéfices sanitaires associés à une baisse des niveaux de pollution sur une zone urbaine donnée (Ung, Blanchard et al., 2016). Ainsi, les décideurs et les professionnels de la santé et de l’environnement sont censés fixer des objectifs d’amélioration de la qualité de l’air fondés sur des critères objectifs de santé publique21, et choisir, planifier et mettre en œuvre les mesures les plus adaptées pour protéger la santé de la population. Sur le plan réglementaire, ces évaluations basées sur des indicateurs de suivi sont obligatoires depuis 200422 pour la préparation des PRQA. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET) a considéré que les résultats de ces évaluations permettent une meilleure appropriation par les décideurs locaux que les résultats plus abstraits issus de la littérature internationale. À ce titre, elles sont également un outil d’aide à la décision pour les autres plans locaux de gestion de la qualité de l’air que sont le PPA et le PDU (AFSSET, 2009). Toutefois, si ces derniers ne sont pas évalués, et que selon les statistiques du CITEPA23, les émissions d’Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) sont stables depuis 2007, ne se prive-t-on pas ainsi d’un outil indispensable pour savoir si les actions sont efficaces et efficientes ?
Cependant, ces évaluations répondent aux exigences de diminution des niveaux de pollution préconisées suite aux lois Grenelle de l’environnement ou dans les Plans Nationaux Santé Environnement (PNSE 1 et 224).
Ces indicateurs sont par ailleurs utilisés notamment par l’OMS et s’expriment en termes de nombre d’événements sanitaires attribuables à la pollution, d’années de vie perdues ou de mortalité, ou encore en termes d’années de vie ajustées sur l’incapacité.
Au niveau européen, les premiers résultats d’évaluation des risques ont été publiés au sein du programme européen Apheis (Air Pollution and Health, a European Information System) suivis par le projet Aphekom25 (Improving Knowledge and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe) dont le but était de fournir des clés aux parties prenantes en Europe pour mieux comprendre les impacts de la pollution atmosphérique sur la santé en Europe.
L’enjeu sanitaire et le coût de la pollution évalué par la Cour des comptes n’entraînent pas un renversement de fait des priorités de l’action publique, alors même que le nombre de décès prématurés par an en France dus à la pollution oscille, selon les estimations, entre 17 000 et 48 000. Cela représenterait un coût économique au minimum compris entre 20 à 30 milliards d’Euros, les chiffres variant selon le polluant examiné et les pathologies qui y sont liées. À cela, il faut ajouter le coût de la pollution pour le système de soins et notamment pour les pathologies respiratoires et les pathologies cardio-vasculaires. De même, un rapport de la commission d’enquête du Sénat (rapport n° 610, 2015) évalue le coût sanitaire – qui regroupe à la fois les dépenses de santé, comme les hospitalisations ou les soins de ville, la perte de bien-être et la surmortalité engendrées par la pollution – entre 68 et 97 milliards d’euros (données du programme « Air pur pour l’Europe » de la commission européenne26).
La commission européenne déclarait, à propos du lancement en 2013 de son programme « Air pur pour l’Europe », que : « La mauvaise qualité de l’air coûte plus cher en vies humaines que les accidents de la route, ce qui en fait la première cause de décès prématuré lié à l’environnement dans l’UE » (2013)27.
Les chiffres sont éloquents, et point n’est besoin d’en apporter d’autres28. Les menaces qui pèsent sur la santé ne trouvent pas suffisamment de résonnance, et si la montée des impératifs de santé publique peut servir d’effets déclencheurs ou de leviers, compte tenu de la complexité du phénomène de la pollution atmosphérique, elle ne suffit manifestement pas à infléchir les politiques et les comportements de la population, comme le soulignent les multiples rapports signalés. En outre, même si les collectivités territoriales peuvent intervenir en ce domaine, leur action est limitée car : « les deux tiers des concentrations de polluants dans l’air subies par les collectivités territoriales proviennent de l’extérieur : la lutte contre les émissions à l’échelle de la collectivité n’est donc pas suffisante » (Rapport sénatorial, 610, 2015, p. 164). Par ailleurs, si la pollution de l’air a changé de nature, elle évolue sans disparaître et implique d’agir « avec pragmatisme mais aussi avec résolution ».
1.2.2. Des enjeux économiques et financiers
L’évaluation de la commission d’enquête du Sénat estime le coût non sanitaire de la pollution atmosphérique à 4,3 milliards d’euros. Celui-ci recouvre la baisse des rendements agricoles et forestiers29 (Castell et Le Thiec, 2016), les dépenses de prévention et de surveillance, ou encore le coût de réfection des bâtiments abîmés par la pollution (qui dépend du degré de sulfatation ou de carbonatation des matériaux)30. La conclusion de la commission est assez simple : la pollution atmosphérique « n’est pas qu’une aberration sanitaire, c’est une aberration économique » (2015, p. 93). En témoigne le scandale Volkswagen.
En effet, les performances des véhicules découlent des avancées technologiques mais aussi des normes élaborées par les pouvoirs publics. Or ces normes sont stratégiques, comme l’a souligné le rapport sénatorial cité ci-dessus (n° 610, tome I, 2015) sur l’impact économique de la pollution de l’air. Ces normes laissent planer une impression de « tricherie généralisée sur les normes antipollution en Europe ». Depuis les années 90, l’Union européenne a fixé aux constructeurs automobiles des normes de plus en plus sévères. En septembre 2015, la norme Euro 631établit des seuils limites pour différents polluants et notamment pour les oxydes d’azote appelés NOx, dont la molécule la plus dangereuse est le dioxyde d’azote. Or les lobbies des constructeurs automobiles tentent d’intervenir – dès l’amont de l’élaboration de la norme – en influençant les parlementaires, selon les dires de la sénatrice Aline Archimbaud devant la Commission d’enquête du sénat (2015). Leur intervention se poursuit pendant l’élaboration de la norme mais aussi après, en ayant recours à de multiples artifices qui visent, par exemple, à fausser les résultats des normes d’émissions de pollution des véhicules lors du test, avec des véhicules de présérie, avant la mise sur le marché du véhicule, grâce à la « Golden Car »32. Il en ressort qu’un enjeu économique se greffe bel et bien sur l’enjeu de santé publique.
En effet, le passage à des normes d’émission de plus en plus strictes nécessite un investissement important pour les industriels et a permis de fortement réduire les émissions d’oxyde d’azote, de monoxyde de carbone, de microparticules et de nanoparticules. Toutefois, les normes existantes sont insuffisamment prises en compte ou ne sont pas toujours suivies dans le temps, car les lobbies « entendent bénéficier le plus longtemps possible de la rente liée aux activités polluantes suscitant des profits individuels tant que les coûts sont supportés par la société » (Rapport Sénat, 610, 2015, p. 14).
Paradoxalement, grâce à cette communication sur la baisse de l’impact environnemental des véhicules, les constructeurs entretiennent une communication sur le « rouler propre et le rouler vert », comme si le véhicule Euro V ou Euro VI était un label « vert », créant ainsi un amalgame qui fait passer la voiture pour ce qu’elle est rarement : propre et incitant les consommateurs à acheter et à rouler davantage. Ce discours savamment orchestré pour nous faire croire à l’existence d’une voiture « propre » rend peu audible un autre message sur l’adoption nécessaire de comportements vertueux par les automobilistes.
L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologique (OPECST), dans son rapport de février 2016, souligne : « si les pollueurs contestent et parfois résistent aux mesures mises en place pour diminuer les émissions polluantes, tous ont salué – à demi-mots ou clairement – la force de la norme et la force de la réglementation. Même si les pollueurs œuvrent par le lobbying pour ralentir les évolutions, la norme est reconnue par tous comme un levier essentiel du progrès » (OPECST, 2016, p. 13). De telles affirmations peuvent surprendre au regard du scandale Volkswagen, sans remettre en cause le caractère performatif du droit tout en relativisant sa portée. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat préconise de renforcer les normes existantes, en veillant « à ne pas simplement reporter le coût de la pollution sur les émetteurs ». D’ailleurs, Béatrice Lopez de Rodas, directrice de l’Union Technique de l’Automobile, du motocycle et du Cycle (UTAC) reconnaît que les normes sont un compromis entre des enjeux environnementaux, des enjeux économiques, des enjeux techniques et des enjeux politiques (OPECST, 2016, p. 32). De même, un communiqué de presse de la Commission européenne, suite au scandale Volkswagen, annonçait se féliciter de l’accord passé entre les États membres sur les contrôles rigoureux de la pollution atmosphérique générée par les émissions des véhicules, alors même que sous la pression du lobby des constructeurs automobiles, les nouveaux tests négociés ont été assouplis et soumis à un seuil de tolérance. Ainsi, la norme Euro 6 pour les dioxydes d’azote passe de 80 à 168 milligrammes émis par kilomètre. À partir de 2020, elle tombera à 120 mg/km, ce qui représentera encore un dépassement de 50 % de la norme. En contrepartie, à partir du 1er septembre 2017, les tests seront effectués en condition réelle et non plus en laboratoire, et ils seront déterminants pour l’autorisation sur le marché de tous les types de véhicules nouvellement réceptionnés (et à partir de septembre 2019 pour tous les véhicules neufs). On ne peut être qu’étonné par la tournure des événements, qui témoigne une fois encore du peu de cas de la santé publique face aux intérêts économiques. Ségolène Royale a déclaré suite à cette réunion : « Notre représentant ne s’est pas insurgé contre la mesure, il a soutenu malgré tout les propositions de la commissaire européenne et ensuite il s’est laissé prendre dans un débat de consensus » (RTL, 30 octobre 2015).
On peut ajouter les impacts économiques de cette pollution sur le tourisme. Il est évident que la pollution a un effet dissuasif sur les touristes et a donc pour conséquence de faire baisser les revenus dans ce secteur.
Au total, au regard de ce que coûte globalement la pollution de l’air, ne faudrait-il pas que les pouvoirs publics prennent conscience du prix d’un tel déni ? La pollution de l’air coûterait plus de 100 milliards d’euros à la France chaque année, soit dix fois la dette de la Sécurité sociale, deux fois le coût du tabac. La pollution atmosphérique a un réel impact sur l’économie et son coût protéiforme n’est pas toujours suffisamment appréhendé par les pouvoirs publics, les entreprises et les citoyens. Cela tiendrait au fait qu’il est composé d’un coût tangible, directement appréhendable en termes de richesse nationale et de produit intérieur brut (dépenses de santé, absentéisme et perte de productivité) et de coût intangible, non marchand, associé à la mortalité et à la morbidité imputables à la pollution de l’air.
Ainsi, pour le seul contentieux « particules » (dix zones concernées), le montant de l’amende infligée à la France en cas de condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne pourrait s’élever à 100 M€ la première année, puis à 90 M€ par an. Deux autres procédures précontentieuses et contentieuses sont susceptibles d’allonger la note.
1.2.3. Des enjeux environnementaux, urbanistiques et d’aménagement
Les végétaux et les écosystèmes sont également affectés par la pollution atmosphérique, comme en témoignent les pluies acides en Allemagne ou en Norvège. Il y a également un impact direct sur la pollution de l’eau, comme l’a signalé l’Institut Pasteur à propos de la présence de produits phytosanitaires dans l’eau aux périodes d’épandage33. C’est encore l’eutrophisation des espaces en eau liée à l’excès de dépôt d’azote ou encore aux effets de l’ozone sur la végétation. La biodiversité se dégrade, alors que notre prospérité en dépend. Malgré la réduction des émissions atmosphériques, l’eutrophisation, l’acidification et une trop forte concentration d’ozone affectent les écosystèmes. Il suffit de consulter le rapport de l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) de 2015 pour mesurer les dégradations causées à l’environnement par la pollution34.
De la même façon, les décisions en matière de planification et d’aménagement des territoires ont des impacts directs sur l’environnement et sur la santé des citoyens. En effet, la composition des « ambiances » urbaines a un impact sur les nuisances auxquelles sont exposées les populations, et notamment la dégradation de la qualité de l’air. À travers les documents de planification (SCoT, PLUi, PDU...) jusqu’aux choix d’aménagement des espaces bâtis et non bâtis, il est possible de favoriser la dispersion des polluants et notamment d’agir sur la pollution de proximité et les mécanismes d’exposition. Cependant, cela commence par une bonne connaissance de la qualité de l’air et des outils et modèles existants.
La campagne intitulée « Des territoires qui respirent », menée à l’initiative de l’ADEME, a pour objet de sensibiliser les acteurs de l’urbanisme, les professionnels et les collectivités, et de leur fournir des pistes pour faciliter la prise en compte de la qualité de l’air et des enjeux sanitaires associés dans les projets urbains et d’aménagement du territoire.
L’État a lancé en 2015 un appel à projets s’adressant en priorité aux grandes villes couvertes par un PPA « villes respirables en 5 ans », qui se propose de mettre en œuvre des mesures ambitieuses et exemplaires pour la reconquête de la qualité de l’air35. L’objectif étant defaire émerger des « villes laboratoires » volontaires. Ainsi, 25 collectivités de toutes tailles ont été retenues, et elles bénéficient pendant cinq ans d’un appui financier et méthodologique de la part de l’État et de l’ADEME et, pour deux d’entre elles, d’un contrat local de transition énergétique pour soutenir leur projet en faveur de la qualité de l’air.
2. Moratoire et renoncement autour de l’écotaxe : un itinéraire tortueux, des mesures en trompe-l’œil et des « éléments de langage »
2.1. La taxe sur les poids lourds, mesure phare du Grenelle de l’Environnement en 2007
Face à la récurrence des épisodes de pollution en France et devant l’éventualité de leur reproduction, notamment dans les zones très urbanisées ou densément peuplées ainsi que dans les zones aux conditions géographiques et topographiques particulières comme les vallées, il convient de s’interroger sur l’efficacité des mesures mises en place. De plus, l’apparition de « points noirs », c’est-à-dire de concentrations de polluants dépassant les seuils réglementaires fixés au niveau européen, soumet les populations à une exposition quotidienne et prolongée à la pollution et entraîne un impact sanitaire important et des coûts élevés pour la collectivité.
Le rapport du Sénat, fait au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, dénonce le manque d’objectifs clairs de la politique actuellement menée par les gouvernements successifs (Rapport Sénat 610, 2015, p. 14) et le rapport annuel de la Cour des comptes souligne de son côté « l’échec stratégique et déplore le gâchis de l’écotaxe » (2017, p. 222) qui résultait de l’engagement n° 45 du Grenelle de l’Environnement. En effet, la loi Grenelle II, au terme de son article 11, énonçait que l’écotaxe entrerait en vigueur en 2011. Elle était l’illustration que l’écologie n’est pas l’ennemie de l’économie. Sa suspension « sine die »36 dans un premier temps reflète cette absence de volonté sur le long terme et « constitue un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables. Cet échec ne saurait s’expliquer que par des considérations conjoncturelles. Plusieurs causes structurelles peuvent en effet être avancées » (Cour des comptes, 2017, p. 222).
Force est de constater que la loi n’a pas été appliquée en 2011, tout comme elle ne l’avait pas été en 1996. Comme l’a souligné Arnaud Grossement : « Qu’une loi votée aussi largement puisse ne recevoir aucune application interroge non seulement les juristes mais tout citoyen » (novembre 201337). Pour rappel, lors de la présentation du projet d’écotaxe à l’Assemblée, le 17 juin 2009 par Jean-Louis Borloo, ministre en charge de ce dossier, l’analyse du scrutin38 sur ce texte montre qu’il a été adopté à une quasi-unanimité (nombre de votants : 492 ; nombre de suffrages exprimés : 471 ; pour l’adoption : 466 ; contre : 5).
Pourtant, l’écotaxe a été reportée au 1er octobre 2013 en raison, semble-t-il, de difficultés techniques de mise en œuvre, puis une nouvelle fois au 1er janvier 2014, avant d’être suspendue par le Premier ministre le 29 octobre 2013 suite à un mouvement de contestation. Un an plus tard, le projet a été définitivement abandonné.
Afin de mettre en œuvre cette écotaxe, l’État avait signé, le 20 octobre 2011, un contrat de partenariat avec Écomouv’, société privée. En raison de la rupture unilatérale du contrat par l’État, celui-ci devra s’acquitter d’une indemnité de 839 millions d’euros à Ecomouv’, qui ne constitue qu’une partie des dédommagements39. L’abandon de l’écotaxe non seulement constitue un fiasco mais tourne au scandale d’État, au point que le Sénat pense un moment demander la création d’une commission d’enquête parlementaire pour mettre au clair les conditions d’attribution de ce partenariat public-privé40. C’est finalement le Service Central de la Prévention de la Corruption (SCPC), unité spécialisée du ministère de la Justice, qui transmet une demande d’ouverture d’enquête préliminaire au parquet de Paris.
La confusion autour de l’écotaxe est à son paroxysme, comme en témoignent les déclarations de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie : « Je le répète, il y a beaucoup de confusion sur ce sujet : ce n’est pas la suspension de l’écotaxe qui est inscrite dans la loi, c’est la suspension des modalités de l’application de cette écotaxe sous la forme du contrat Ecomouv’ qui n’était pas opérant et d’ailleurs qui n’a pas commencé, même dans son aspect expérimentation ». Suspension ou abandon, ce report de l’écotaxe est érigé en symbole du « ras-le-bol fiscal » et ne peut s’interpréter que comme un nouveau recul du gouvernement. Dans la même logique, le verdissement de la taxe intérieure sur les carburants est reporté à 2016, la fiscalité du diesel est abandonnée, le bonus écologique pour les véhicules moins polluants disparaît, etc.
Progressivement, on s’éloigne des opportunités d’une fiscalité écologique basée sur le principe du pollueur-payeur et dont les recettes pourraient servir au développement des transports durables, pour ne retenir que le contrat léonin souscrit par l’État.
2.2. L’abandon de l’écotaxe : recul écologique ou nécessité économique ?
Pourtant, l’instauration d’une taxe pour freiner les nuisances et compenser les dégâts avait soulevé l’enthousiasme des élus et également celui du gouvernement. Le projet visait alors à faire payer aux poids lourds l’usage du réseau routier national non concédé (actuellement gratuit) et des routes départementales et communales susceptibles de subir un report significatif de trafic en raison des péages existants et à venir. Par ailleurs, il s’agissait d’appliquer la nouvelle directive européenne « Eurovignette » du 27 septembre 2011 relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures. Elle permettait aux pays membres de majorer les tarifs des péages pour la pollution et la congestion générées par les poids lourds. Le texte devait entrer en vigueur fin 2013 et prévoyait une augmentation en moyenne des redevances de 3 ou 4 centimes d’euros par véhicules et par kilomètre. Les pays membres pouvaient moduler les tarifs des péages en les majorant jusqu’à 175 % aux heures de pointe durant 5 heures par jour. Dans les zones sensibles et montagneuses, une majoration jusqu’à 25 % était prévue pour les véhicules aux classes d’émissions les plus polluantes (EURO 0 à II), étendue le 1er janvier 2015 à la classe EURO III. Des dérogations et des exonérations étaient prévues pour certains véhicules41. Cette directive devait donc entrer en vigueur au second semestre 2013, date à laquelle l’écotaxe poids lourds était prévue en France.
L’écotaxe devait s’appuyer sur les trafics réellement effectués plutôt que sur le coût du travail et sur les biens des entreprises de transport routier42. Au final, elle reposait sur une fiscalité plus juste puisqu’elle concernait tous les poids lourds, quelle que soit leur nationalité. Enfin, elle pouvait être perçue comme un « signal-prix » qui favoriserait le report modal grâce à un mécanisme de répercussion de la taxe sur les chargeurs, tout en apportant de nouvelles ressources pour la construction des infrastructures de transport décidées lors du Grenelle de l’Environnement.
Toutefois, à cette même date, alors que le Conseil d’État approuve le 27 juillet 2011 le schéma futur de taxation du réseau routier soumis à l’écotaxe, les autoroutes, principaux points de transit de tous les transports internationaux, ne sont pas concernées par la taxe43. Après la suspension de l’écotaxe, la loi de finances rectificative pour 2014 du 8 août 2014 revient sur l’écotaxe poids lourds44 en conservant presque intégralement le régime juridique de « l’écotaxe mais en lui apportant, principalement, une correction quant au réseau routier concerné par cette taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises ». L’écotaxe s’éloigne de ses objectifs initiaux et ressemble alors à un « péage de transit ».La réforme consiste à renvoyer au décret le soin de définir le réseau routier pour l’application de la taxe. Le dispositif de l’écotaxe poids lourds n’est donc pas enterré mais modifié à ce moment-là.
Le nouveau dispositif proposé ne répond plus aux mêmes ambitions. En effet, le réseau routier concerné est réduit de 15 000 à 4 000 kilomètres45, et la recette brute annuelle attendue affectée à l’AFITF46 est de l’ordre de 550 millions d’euros. Les véhicules concernés sont les camions de plus de 3,5 tonnes, et ils paieront quand ils emprunteront des routes nationales à fort trafic. Ce dispositif doit nous convaincre que le principe issu du Grenelle de l’Environnement – pollueur-payeur – est préservé.
En octobre 2016, le Conseil d’État, saisi par l’association Alsace Nature, a enjoint le gouvernement de prendre l’arrêté devant permettre la collecte de l’écotaxe poids lourds dans un délai de six mois, faute d’avoir abrogé à ce jour la loi qui l’avait créée. Suite à cela, un nouveau rebondissement a lieu lors de l’analyse du projet de loi de finances 2017. Un amendement du député socialiste du Finistère, Richard Ferrand, a été adopté et a supprimé définitivement l’écotaxe (17 novembre 2016). Cette mise à terme de l’écotaxe ravit les organisations de transporteurs routiers qui s’inquiétaient d’un retour de l’écotaxe sur le devant de la scène médiatique. À l’origine du projet, Jean-Louis Borloo expliquait son opposition farouche en ces termes : « Il s’est passé six ans, la crise est passée par là, on a pris 60 milliards de taxes en plus, et les modalités qui sont prévues sont incompréhensibles » (Le Monde, 2013). Reste cet « abandon coûteux » pour les finances publiques, selon la Cour des comptes (Rapport annuel, 2017).
3. La lutte contre la pollution de l’air n’est pas une priorité de l’action publique, en dehors des « pics de pollution »
La résurgence des pics de pollution et la banalisation des solutions proposées conduisent à nous demander si la question est suffisamment importante pour mériter l’attention politique et si les modes de gestion proposés sont efficaces et légitimes. À la lecture des conclusions des deux rapports de la Cour des comptes (21 janvier 2016 et 8 février 2017)47, on pourrait penser que non.
3.1. Des mesures à la hauteur de l’urgence ?
Les réponses qui existent aujourd’hui ne sont pas à la mesure de l’enjeu de santé publique que représente la qualité de l’air, alors que les Français la placent désormais comme leur première préoccupation environnementale. La restitution ci-dessus de l’itinéraire du renoncement à l’écotaxe montre, s’il fallait encore s’en convaincre, que les blocages politiques ont été nombreux pour que l’écotaxe ne voie pas le jour. Il est même surprenant que sur ce sujet tout ou presque ait donné lieu à un débat : les prestataires pour la collecter, le réseau routier concerné, à l’exclusion de l’impact sanitaire de la pollution. Pourtant, comment ignorer 48 000 décès par an en France48 ? Cette mortalité invisible justifie l’instauration d’une politique publique ambitieuse qui ne peut se matérialiser par l’empilement de dispositifs hétérogènes, dont tous n’ont pas pour objectif premier l’amélioration de la qualité de l’air. L’amélioration non moins réelle de la situation pour certains polluants semble satisfaire le gouvernement, « même si des "points noirs"persistent localement »49. Autrement dit, l’État se contenterait d’une gestion des pics de pollution, par ailleurs peu probante : « Ces épisodes de pollution, qui se déclenchent lorsque les polluants dépassent des seuils d’alerte, sont la conséquence directe de la non-maîtrise des émissions et des concentrations de polluants sur le long terme ». (...) De plus, ces seuils réglementaires, selon la Cour, sont, pour l’ozone, les particules fines et le soufre, bien supérieurs aux normes préconisées par l’OMS. De même, « l’existence de deux seuils (information-recommandation et alerte) déclenchant des actions administratives en cas de pic de pollution est un facteur compliquant la communication » estime le rapport, « d’autant que les médias et les différents niveaux politiques communiquent de manière autonome, ce qui peut contribuer à brouiller les messages » et que la différence entre le seuil d’information-recommandation et le seuil d’alerte crée de la confusion.
L’impact des mesures mises en place lors de ces pics de pollution (circulation alternée, limitation de la vitesse, baisse de l’activité industrielle) est marginal, car c’est le changement de la situation météorologique qui met fin au pic de pollution. Par ailleurs, il est désormais admis que la pollution de fond supportée au quotidien est plus néfaste en termes de santé que celle constatée lors des pics de pollution.
Peut-être que certains ont pensé qu’il suffirait d’adresser quelques prières à Éole pour éviter la pollution aux particules fines ! Finalement, ce ne serait pas tant l’incohérence de l’action publique pointée par la Cour des comptes, notamment dans la Vallée de l’Arve (janvier 2016), que les conditions climatiques. On retrouve ici la même communication en forme de confusion que celle entretenue par le gouvernement lors de la décision de « suspendre » l’entrée en vigueur du dispositif d’écotaxe ou celle concernant l’interdiction du feu à l’âtre. Ce sont les doutes sur la légalité du contrat passé avec la société privée qui ont justifié la suspension du dispositif, alors même que le Conseil d’État s’était prononcé sur la légalité dudit contrat (CE, 24 juin 2011, n° 347720).
Cependant, à l’échelle locale, les métropoles peuvent se saisir de cet enjeu, notamment depuis les lois de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (MAPTAM), de la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe). Elles peuvent mettre en place des plans pour protéger la qualité de l’air avec des zones dites à « basses émissions », des Zones de Circulation Restreinte (ZCR50), réintroduire la nature en ville, inciter au remplacement des appareils de chauffage, favoriser la promotion des modes de transport doux. Faut-il le rappeler, la lutte contre la pollution de l’air est un combat de dimension locale, échelon le plus pertinent pour agir, et qui nécessite des réponses concertées entre tous les responsables de terrain. Encore faut-il que les élus locaux s’engagent sur ce sujet.
Dans cette perspective, pas moins de 194 villes dans 9 pays européens (dont Londres, Stockholm, Lisbonne, Milan, Amsterdam, etc.) ont déjà mis en place des plans pour protéger la qualité de l’air avec des zones dites à « basses émissions ». En France, outre Paris, 24 ensembles urbains sont candidats à la mise en place de Zones de circulation restreinte, dont Bordeaux, Montpellier, Lille, Lyon ou Toulouse. À cet effet, la mairie de Paris a fait adopter le 9 février 2015, un plan de restructuration de la circulation automobile. Toutefois, une politique d’amélioration de la qualité de l’air ne peut être efficace que si elle concerne l’ensemble de la région parisienne, ce qui nécessiterait une refonte totale du plan de transport dans la région et la mise en place ambitieuse d’équipements et de moyens pour remplacer les automobiles.
Par ailleurs, depuis le 1erseptembre 2015, toutes les voitures neuves provenant des États membres de l’UE sont soumises à la norme Euro 6, qui fixe notamment de nouveaux plafonds d’émissions pour les oxydes d’azote (NOx) des diesels. Cependant, l’actualité a montré que les normes Euro s’appuient sur des tests en usine et non sur les émissions en condition réelle de circulation. En outre, certains véhicules classés Euro 6 émettent jusqu’à dix fois plus de particules que la limite autorisée. Depuis la LTECV, les véhicules à très faibles émissions peuvent bénéficier de conditions de circulation et de stationnement privilégiées. Les Zones à Circulation Restreinte (ZCR) permettent de réserver la circulation à certains véhicules en fonction d’une nouvelle classification basée sur leurs niveaux d’émissions de polluants atmosphériques (arrêté du 23 juin 2016)51, et en leur réservant des avantages au stationnement ou de circulation (décret 29 juin 201652).
3.2. Le droit de chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé, entre civisme sanitaire et principe pollueur-payeur
Chacun a le droit à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Ce droit se présente comme l’objectif d’une politique à laquelle toute personne, publique ou privée, physique ou morale, doit concourir. Ainsi, la qualité de l’air est l’affaire de tous les citoyens et aussi une question de comportements individuels. Ce lien non équivoque entre air et santé était déjà présent dans la loi du 2 août 196153.Cependant, le « droit à l’air » ne vise pas la santé de la population mais la santé de chacun. La santé n’est pas perçue ici comme devant faire l’objet d’une protection au titre de l’ordre public mais comme « un bien individuel ». Aussi, le « civisme sanitaire » que le secrétaire d’État, Bernard Kouchner, appelait de ses vœux (Le Monde du 14 août 1998) devient un message brouillé lorsque la taxe qui était basée sur les principes pollueur-payeur et sur celui de l’utilisateur-payeur a été abandonnée. L’écotaxe visait à la prise en charge des dommages environnementaux liés notamment à la pollution routière, alors que le nouveau dispositif ne fait plus aucune référence à l’écologie mais vise un ciblage des trajets longues distances, particulièrement sur les véhicules étrangers qui échappaient à toute contribution financière lorsqu’ils n’utilisaient pas les autoroutes.
Pour combattre et limiter la pollution atmosphérique, les élus locaux peuvent également convaincre leurs administrés que le chauffage au bois pollue autant que le trafic routier. Ils peuvent également contribuer à ce que leurs villes soient des « villes laboratoires » dans le cadre de l’appel à projets « Villes respirables en 5 ans ».
Ces dispositifs permettent d’engager localement des politiques volontaristes probantes ; même si les stratégies urbanistiques récentes, fondées sur le concept de la ville durable, s’appuient sur un bénéfice sanitaire qui relève plus de la qualité de la vie que de l’évitement des risques, elles contribuent à la prévention de la qualité de l’air.
Ce faisant, quelles sont les marges de manœuvre dévolues aux collectivités pour faire face à la réduction de la pollution atmosphérique ? La qualité de l’air dans plusieurs villes de France reste insatisfaisante au regard des normes, notamment pour le dioxyde d’azote, l’ozone, les particules et le benzène. De plus, même si la réglementation s’est durcie ces dernières années, les actions pour améliorer la qualité de l’air en tant qu’enjeu de santé publique se traduisent par la persistance d’une situation dégradée. Pourtant, le recours à des mesures réglementaires et coercitives, fiscales ou incitatives fondées sur le comportement individuel, permanentes ou provisoires ne suffit pas à mettre en œuvre les solutions destinées à améliorer la qualité de l’air. Comme il a été dit ci-dessus, si le cadre réglementaire a évolué, longtemps, les collectivités n’avaient pas les compétences pour traiter la question de la pollution atmosphérique si ce n’est dans le cadre étroit des pouvoirs de police du maire. Si, depuis la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, la Région est chef de file sur les questions de qualité de l’air, elle ne lui permet pas toujours d’agir de façon autonome pour réduire la pollution atmosphérique, à l’instar de l’exemple du projet d’écotaxe proposé par Chantal Jouanno54 pour la Région Ile de France, comme en témoigne le rapport de la commission d’enquête du sénat : « l’État n’assume pas entièrement la responsabilité qui est la sienne dans l’organisation des mesures de lutte contre la pollution de l’air. Sous prétexte de permettre l’adaptation des mesures aux circonstances locales, l’initiative est transférée aux collectivités territoriales qui, dans leur diversité, ne sont généralement pas en mesure d’imposer des mesures restrictives applicables à l’ensemble d’un bassin de vie » (2015, p. 164). Cette situation justifierait que les villes ne savent pas comment gérer le problème alors que l’opinion publique attache une importance très élevée à la qualité de l’air et attend des mesures à la hauteur de l’enjeu. Si les communes disposent des outils de la planification, elles doivent aussi disposer de données issues de la surveillance de la qualité de l’air. Celles-ci impliquent notamment des moyens financiers, qui, selon la loi, sont mutualisés entre l’État, les collectivités territoriales et les industriels. Or le financement des associations de mesure de la qualité de l’air n’est pas pérenne55 (Rapport Sénat 610, 2015 ; Cour des comptes, 2016 ; OPECST, 2016). Pire, il est fragilisé, car la réduction des moyens financiers de l’État ne permet guère d’accompagner les collectivités, qui se retrouvent principal financeur des Associations Agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). De même, le système national de modélisation et de cartographie « PREV’AIR »56, mis en place en 2003, a fourni en 2015 son inventaire avec des données datant de 2007. Dans ces conditions, comment diffuser quotidiennement les prévisions et les cartographies de qualité de l’air à différentes échelles spatiales ? Comment les citoyens peuvent se tenir informés et s’impliquer en complément des collectivités et des associations ? Comment penser alors que la lutte contre la pollution de l’air constitue une priorité de l’action publique ? De même, pourquoi ne pas systématiser le suivi de « nouveaux » polluants, tels les pesticides ? Les collectivités se rabattent pour des soucis de communication vers les pics de pollution car elles ne disposent pas des stratégies nécessaires pour gérer la pollution de fond. Des mesures locales sont parfois difficiles à mettre en œuvre du fait d’interventions de niveau national. Comme l’illustre l’exemple de l’écotaxe régionale, l’État brouille les responsabilités et l’efficacité des dispositifs.
En juin 2016, Valérie Pécresse, présidente de région, a présenté pour la région Ile de France un plan pluriannuel (2016-2021) de la qualité de l’air, qui vise à placer la qualité de l’air en tête de ses priorités environnementales et de santé publique. Une des mesures les plus emblématiques consistait à mettre en place une écotaxe régionale pour les poids lourds en transit. Cependant, la région n’a pas le pouvoir de mettre en place seule ce dispositif, qui implique un décret du gouvernement. Aussi, le plan pluriannuel propose que la présidence de la région soit mandatée pour « définir avec l’État les dispositions nécessaires à la mise en œuvre d’un prélèvement sur le transport routier de marchandises qui emprunte les routes de sa région et les modalités permettant d’en garantir l’équité et la conformité avec le cadre de la réglementation communautaire » (Le Monde, 16 juin 2016). La réponse du gouvernement français a été pour le moins contradictoire et souligne les blocages auxquels sont confrontées les collectivités. En effet, Ségolène Royal, à l’origine de l’abandon de l’écotaxe nationale, avait déclaré que « les régions ont toute légitimité à conduire des réflexions approfondies » sur le sujetet les a invitées à faire des propositions(Association des régions de France, mars 2016) car, dit-elle : « Je pense que c’est une bonne idée, non seulement pour la région Ile-de-France mais également pour d’autres régions, par exemple la région Alsace ». François Hollande, lui-même, avait proposé, en novembre 2015 lors d’un déplacement à Metz, qu’une « expérimentation » de l’écotaxe en Alsace-Lorraine soit envisagée, si les élus en décident et si elle est compatible avec les engagements européens. Néanmoins, le gouvernement avait fait savoir qu’il n’envisageait pas du tout « d’ouvrir la possibilité d’une écotaxe au niveau des régions » (AFP, 11 août 2015). Cette taxe régionale devait d’abord supporter le surcoût du « passe de transport » public Navigo, ramené au tarif unique mensuel de 70 € et déficitaire de 300 millions d’Euros selon sa présidente. Accessoirement, son objectif induit, selon Chantal Jouanno, visait la santé publique en contribuant à la fin progressive du diesel et à la limitation de la circulation des camions « qui préfèrent traverser Paris et rouler sur son périphérique gratuit malgré les bouchons à supporter plutôt que les autoroutes payantes qui pèseraient fortement sur leur budget ». Cette taxe permettrait, en plus d’une recette estimée à 100 millions d’euros annuels, de fluidifier le trafic et, par la même occasion, de réduire considérablement la pollution due aux gaz d’échappement. En définitive, la proximité récurrente d’élections locales ou nationales a eu raison de l’écotaxe, qui semble avoir été remplacée par une hausse de quatre centimes par litre de la taxe sur le gazole. Ce projet d’écotaxe régionale ne verra vraisemblablement pas le jour.
D’autres préconisations et mesures destinées à lutter contre la pollution atmosphérique concernent directement les collectivités territoriales et les communes au premier chef, notamment en matière de gestion des pics de pollution, dont le cadre réglementaire a été renforcé en 2016 par la publication de plusieurs décrets et arrêtés complétant les dispositifs existants. Ainsi, l’arrêté du 26 août 201657 relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air, qu’ils soient dus aux particules fines ou à l’ozone, vise à améliorer l’efficacité du dispositif, en favorisant notamment l’association automatique des élus locaux aux décisions prises.
De même, au titre de son pouvoir de police, le maire peut envisager plusieurs mesures lors d’une procédure d’alerte, à l’instar de l’abaissement des vitesses maximales autorisées, de la limitation du trafic des poids lourds, de la circulation alternée ou de la restriction de circulation pour les véhicules les plus polluants. Pour autant, les élus locaux ne sont pas décisionnaires. Ces dispositifs réglementaires autorisent des changements en termes de réactivité par rapport aux épisodes de pollution. L’arrêté permet de déclencher des mesures d’urgence dès le premier jour de prévision d’un dépassement du seuil d’information et de recommandation.
Cependant, en dépit de ce volontarisme, de nombreux territoires restent en attente de la mise en place d’une gestion des pics de pollution intégrant ces évolutions ou même d’une politique plus cohérente et intégrée. Aussi, par une instruction en date du 5 janvier 2017, Ségolène Royal demandait aux préfets de prendre, avant le 7 avril 2017, les arrêtés préfectoraux déclinant le nouveau cadre national de gestion des pics de pollution atmosphérique défini par l’arrêté du 26 août 2016. En outre, selon les territoires, la circulation alternée ou différenciée est inégalement mise en œuvre, tout comme la gratuité des transports en commun, pour répondre aux préoccupations légitimes de leurs habitants.
Une autre mesure de lutte contre la pollution atmosphérique, adoptée par amendement au projet de loi de finances 2017, repose sur l’alignement progressif de la fiscalité du diesel, jusqu’ici très avantageuse, sur celle de l’essence. Toutefois, et quelles que soient les caractéristiques de ces carburants58, le rapport annuel de la Cour des comptes (2017) souligne que cet alignement obéit à d’autres finalités que la santé publique. Pour la remplacer, le gouvernement a augmenté la fiscalité sur le gazole (TICPE), et ce dispositif génèrera plus de recettes que ce qui était envisagé (1,5 milliard de plus attendu au total d’ici 2024). Toutefois, la question de la lutte contre la pollution ne saurait se résumer à celle de la fiscalité du diesel.
Conclusion
Si un plan particules a été mis en place en juillet 2010 avec pour objectif de faire baisser de 30 % le nombre de particules (PM2,5) dans les secteurs de l’industrie et du tertiaire, du chauffage domestique, des transports, de l’agriculture et en cas de pic de pollution, quel est son impact dans un pays où le diesel est roi (plus de 60 % des véhicules dans le parc automobile français). Quelle est la place accordée à la pollution de l’air dans les politiques publiques ? L’efficacité de l’action des pouvoirs publics est contrariée par les incohérences entre les objectifs de cette politique et ceux poursuivis dans d’autres secteurs. Enfin, si la fiscalité écologique est censée modifier les comportements, elle ressemble souvent à un vieux serpent de mer. L’évolution vertueuse des comportements des consommateurs ne peut suffire à faire prévaloir l’enjeu de santé publique sur l’enjeu économique.