À l’automne 2016, deux rassemblements importants ont réuni les acteurs de la qualité de l’air. Les événements du mois de décembre, commentés dans l’éditorial rédigé par Corinne Lepage dans ce même numéro, ont montré combien cette mobilisation est encore d’actualité, tant la tâche à accomplir pour améliorer la qualité de l’air est importante. Ces deux manifestations étaient tournées vers les décideurs, visant à promouvoir des actions pertinentes à mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’air. Les assises nationales de la qualité de l’air avaient pour objectif : « de mobiliser l’ensemble des acteurs pour : échanger, valoriser les retours d’expériences, mieux connaître les outils mobilisables, et définir ensemble les bonnes pratiques pour changer les comportements en faveur de la qualité de l’air intérieur et extérieur, dans tous les secteurs d’activité ». Le congrès de la SFSE, tourné vers la qualité de l’air, affichait lui aussi l’ambition : « de contribuer à définir les éléments d’appui aux décideurs confrontés à la complexité du sujet et les moyens d’impliquer les citoyens, acteurs nécessaires de leur propre santé ». La focale de ces deux manifestations était un peu différente, dans la mesure où l’ADEME et le ministère déclinaient des outils réglementaires au service de l’action, tandis que la SFSE, en tant que société savante, insistait davantage sur la production scientifique d’outils mis à la disposition des décideurs.
Les troisièmes assises nationales de la qualité de l’air se sont déroulées à Montrouge les 22 et 23 septembre 2016
Les interventions sont disponibles en ligne1. Ces journées étaient résolument tournées vers la déclinaison des outils réglementaires et des aides, mis à disposition par l’État (ministère et ADEME) à l’intention des collectivités locales considérées comme les détenteurs des principaux leviers d’actions préventives. Le déroulement de ces journées, qui ont rassemblé plusieurs centaines d’acteurs, montre l’évolution de cette problématique. En effet, le temps de la connaissance, s’il est loin d’être révolu, n’est plus suffisant s’il ne débouche pas sur des actions précises. L’ADEME, après avoir réalisé de nombreuses campagnes de communication, s’interroge sur la manière dont il est possible d’agir sur les comportements. Solange Martin a présenté une synthèse sur l’apport des sciences sociales sur ce sujet2.
Puis, pour répondre à la question posée : "Comment réussir à faire changer les comportements des différents acteurs en faveur de la qualité de l'air ?", les organisateurs ont confié à Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle, l’animation d’une séance à laquelle pouvaient prendre part, autour d’un café, l’ensemble des participants. La synthèse de cet atelier, particulièrement intéressante, n’est pas encore en ligne. Plusieurs séquences, qui se déroulaient parfois en parallèle, présentaient des expériences concrètes d’actions menées dans les collectivités, soit de manière plus réglementaire avec les PCAET, soit à travers la diversité des initiatives locales. Les élus locaux étaient largement sollicités pour présenter les actions réalisées dans différents secteurs, que ce soit celui des transports, de l’urbanisme ou de l’air intérieur. La réflexion sur les inégalités n’était pas oubliée. Il semblerait que les attentes vis-à-vis d’un air respirable soient fortes, mais quelle mesure a-t-on de l’ampleur des efforts qu’il convient de consentir à différents niveaux pour y répondre de manière satisfaisante ?
À l’occasion de ces assises, les participants ont pu trouver dans la pochette qui leur a été remise la publication intitulée « l’air, énergie de la vie » destinée à un large public. Les nombreux auteurs se sont attachés à mettre à la disposition du public, sous une forme agréable à lire, des connaissances très diverses sur l’air.
La Société Française Santé Environnement a tenu son colloque annuel à Strasbourg les 28 et 29 novembre 2016. Réunissant scientifiques, opérateurs de terrain et décideurs, ce congrès avait pour thème « qualité de l’air et santé. Sciences et échelles d’action », et pour objectif « de présenter et discuter les données scientifiques disponibles sur lesquelles s’appuyer pour prendre des décisions d’action à différentes échelles spatiales, locale, régionale, voire transfrontalière, tenant compte du contexte économique. Il s’agissait de présenter des éléments d’appui aux décideurs confrontés à la complexité du sujet et d’évoquer quels seraient les moyens d’impliquer les citoyens, acteurs nécessaires de leur propre santé ».
Compte tenu de l’évolution rapide de la science sur la connaissance des effets de la pollution atmosphérique sur la santé et de l’ampleur des incertitudes et des différentes échelles qui concernent la pollution atmosphérique, cet objectif était difficile à atteindre.
D’ailleurs, dès l’ouverture du congrès, Linda Cambon, professeure à l’EHESP, a montré quelles étaient les difficultés pour transférer les connaissances depuis le monde de la recherche jusqu’à celui de la décision politique.
La plupart des communications présentées sont en ligne3, car six sessions se sont tenues de manière parallèle, ce qui rend difficile un compte rendu exhaustif.
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Session 1 : exposition à la pollution atmosphérique
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Session 2 : un urbanisme favorable à la santé
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Session 3 : mobilités et pollution atmosphérique
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Session 4 : expositions et effets de santé, air ambiant
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Session 5 : expositions et effets de santé, air intérieur
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Session 6 : effets sur la santé de la pollution de l'air : impact socio-économique
Ce congrès a permis d’apprécier l’ampleur du développement des connaissances, tant dans des domaines fondamentaux que dans ceux des sciences appliquées. Quelques élus ont bien voulu faire part de leurs difficultés, des relations indispensables qu’ils entretiennent avec le monde de la recherche mais aussi de l’absence d’évaluation du bénéfice des actions mises en œuvre.
L’implication des citoyens dans le domaine de la santé environnementale est un enjeu fort, surtout s’il s’agit de dépasser le stade de la communication pour atteindre celui de l’action préventive. Une seule étude rendait compte des perceptions des habitants relatives à leur environnement et leur santé ; elle a été effectuée dans la « Vallée de Seine » (Yvelines) et a été présentée par Étienne Cassagne (SEPIA).
En conclusion, le déroulement de ces deux manifestations permet d’apprécier le passage du domaine de la connaissance à celui de l’action, et il faut souligner l’importance des initiatives, parfois courageuses, prises dans les collectivités locales. Cependant, on peut déplorer la présence encore très limitée des sciences sociales pour éclairer cette évolution compliquée, car la multiplication des expériences ne définit pas une politique mais rend plutôt compte de l’importance des contraintes liées au contexte local. Comme le montre le document de l’ADEME sur les comportements, c’est l’ensemble des disciplines des sciences sociales qui doivent être mobilisées pour comprendre le poids des contraintes variées qui pèsent sur l’individu, avant tout à la recherche de son propre développement. Certes, au nom de la sécurité sanitaire et de l’intérêt général, l’État se doit de poser un regard sur les habitudes et les styles de vie des habitants. Mais ce sont les collectivités locales qui détiennent les principaux leviers d’action. Or celles-ci se situent entre le bien-être de leurs électeurs et les injonctions de l’État ; elles ont à cœur de s’appuyer sur des corps intermédiaires pour développer toute l’ingénierie sociale nécessaire. Encore faudrait-il qu’une vraie réflexion puisse être apportée sur les méthodes déployées, les choix librement consentis étant hautement préférables, en régime démocratique, aux changements obtenus par la peur ou par des techniques de manipulation relevant d’attitudes trop explicitement directives !