Odotrace : recherche des sources à l’origine des nuisances olfactives

  • Odotrace: find sources which causes odors nuisances

DOI : 10.4267/pollution-atmospherique.6148

Abstracts

Les nuisances olfactives suscitent dans certaines zones de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) de nombreuses plaintes de la part des populations. Dès 1998, une mission de surveillance des nuisances olfactives est confiée à Air PACA, association agréée pour la surveillance de la qualité de l’air. Le dispositif de Surveillance Régionale des Odeurs (SRO) mis en place déploie des outils d’observation et d’investigation. L’observation des nuisances olfactives est assurée par le biais du recensement des plaintes et du déploiement des jurys de nez. Elle est complétée par un travail d’investigation pour localiser les zones probables d’émission des odeurs, et donc les sources potentielles. Cette investigation est rendue possible grâce à l’utilisation d’un logiciel spécifique : Odotrace. Le présent article décrit la méthode de fonctionnement d’Odotrace et son application opérationnelle par la SRO.

A significant number of public complaints, in some areas of the Région PACA, are due to bad smells. An odors monitoring network has been set up in the Région PACA since 2001. This network is managed by Air PACA. It evaluates odors nuisances by the mean of: 1) recording and listing of public complaints, 2) organizing odor observations campaigns with groups of volunteers from the nearby residents. Data coming from these observations are combined with the weather parameters to find odor sources which causes the observed nuisances. This is made possible by using an investigation tool named Odotrace.

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Introduction

Les mauvaises odeurs sont ressenties par la population en général comme la principale nuisance après le bruit et sont responsables de désagréments au quotidien.

Dans certaines zones de la région PACA, les mauvaises odeurs ou nuisances olfactives suscitent de nombreuses plaintes de la part des populations. Ces nuisances sont un sujet de préoccupation important, qui touche de près à la qualité de vie. C'est pourquoi, dès 1998, à la demande du préfet, Air PACA se voyait confier la mission de Surveillance Régionale des Odeurs (SRO).

Les objectifs opérationnels de la SRO sont décrits dans la première partie du présent article. Il s’agit à la fois de bien connaître les zones et niveaux de nuisances mais aussi de participer aux actions d’amélioration de la situation olfactive dans la région.

Après une description succincte des deux moyens d’observation déployés par la SRO, l’essentiel de l’article est consacré à l’outil d’investigation Odotrace.

Odotrace est utilisé pour aider à déterminer les sources à l’origine des nuisances olfactives. Le principe de fonctionnement d’Odotrace est décrit à travers une explication de la méthode des cônes de gêne, ses données d’entrée et les résultats qu’elle permet de fournir. Les précautions d’utilisation, notamment en lien avec la météorologie, sont également pointées.

L’utilisation opérationnelle d’Odotrace est ensuite illustrée dans ses deux applications principales. Il s’agit d’aider à la détermination des sources de nuisances olfactives à partir des plaintes des riverains, d’une part, et des observations des jurys de nez, d’autre part.

À travers des exemples de cas réels, l’utilisation d’Odotrace, en tant qu’outil d’aide à la décision dans la gestion des nuisances olfactives, est mise en perspective.

1. La surveillance régionale des odeurs dans la région PACA

La Surveillance Régionale des Odeurs (SRO) est une des missions d’intérêt général d’Air PACA (Air PACA, 2015). Son but est de coordonner les actions menées pour traiter la question des nuisances liées aux odeurs. Les objectifs de cette mission sont :

  • la gestion technique et logistique de la surveillance des nuisances olfactives : développement, mise en œuvre et maintenance des outils de surveillance ;

  • la détermination des zones où les riverains sont fortement gênés ;

  • l’identification des zones de sources supposées être à l’origine de gênes olfactives ;

  • l'information sur les nuisances olfactives dans la région auprès du public et des partenaires ;

  • l’aide à la décision pour différents acteurs engagés dans la mise en œuvre des actions de réduction des nuisances olfactives (État, communes, industriels…).

1. 1. Les outils de surveillance 

Les outils déployés pour assurer la surveillance de la gêne olfactive dans la région PACA sont :

  • le jury de nez bénévoles : constitué de riverains, ce jury participe régulièrement (une semaine par mois) à des campagnes d'observations. Au cours de ces campagnes, chaque « nez » consigne, à des moments précis de la journée, ses observations olfactives : perçoit-il une odeur ? Est-elle gênante ? Comment la caractériser ? ;

  • le recensement des observations spontanées de la population, « plaintes » : lors d'épisode aigu d'odeurs gênantes, le public peut signaler cette nuisance, par téléphone, par Internet ou via une application Smartphone dédiée : Signalement Air. Ces observations spontanées sont enregistrées et mises dans la base de données de la SRO ;

  • la surveillance « densifiée » : dans les zones où les riverains sont très gênés par les odeurs et où des sources potentielles ont été identifiées, une surveillance « densifiée » peut être mise en place. L'objectif est de recueillir et de traiter, avec l’aide d’un réseau dense de « nez » bénévoles, des observations olfactives.

1. 2. Les outils d’investigation 

Identifier les zones dans lesquelles les riverains sont gênés par les nuisances olfactives est l’objectif premier de la surveillance des odeurs.

Ce travail de constat est complété par un travail d’investigation. Le but est de localiser les zones probables d’émission des odeurs afin d’identifier plus facilement et plus rapidement les sources. Cette investigation est rendue possible grâce au développement du logiciel spécifique : Odotrace.

Les outils de surveillance permettent d’acquérir des données sur la gêne olfactive. Le croisement de la base de données « gênes olfactives » avec la météorologie et la cartographie, via Odotrace, permet de déterminer les zones de gêne olfactive et les zones de sources probables de gêne.

2. ODOTRACE

2. 1. Introduction

Odotrace croise les informations de la gêne olfactive et les données météorologiques.

En connexion permanente avec la base de données des observations spontanées « plaintes », Odotrace permet de suivre la « trace » de l’odeur et de remonter à sa zone d’émission. Pour ce fait, Odotrace croise ces données « olfactives » avec les données météorologiques.

2. 2. Méthode mise en œuvre par Odotrace

Odotrace utilise la méthode dite des cônes de gêne olfactive.

Odotrace extrait les données de la station météorologique la plus proche de l’observation olfactive. Il trace un premier cône à partir de la direction et de la vitesse de vent du quart d’heure précédant l’observation. Ce cône délimite la zone à l’origine de l’odeur si celle-ci a été émise depuis moins d’un quart d’heure. Un second cône, puis d’autres, sont tracés pour tenir compte des odeurs émises pendant les différents quarts d’heure précédant l’observation.

Les cônes ainsi tracés suivent une rétrotrajectoire, délimitent la zone la plus probable dans laquelle a été émise l’odeur et facilitent l’identification de la source odorante.

La météorologie, un élément critique dans la méthode des cônes de gêne.

Il est clair que la météorologie joue un rôle primordial dans la méthode des cônes de gêne olfactive. Aussi, le choix proposé dans Odotrace, c’est-à-dire l’utilisation des données de la station météorologique la plus proche de l’observation olfactive, est un élément à prendre en compte dans l’expertise des résultats obtenus.

En effet, ce choix est pertinent dans les configurations météorologiques simples : situation synoptique bien établie. Par contre, pour les configurations météorologiques complexes, la station météorologique la plus proche n’est pas forcément représentative tout le long de la rétrotrajectoire qui suit le tracé des cônes de gêne olfactive. C’est le cas notamment dans les zones avec un relief très prononcé, comme dans les départements alpins, ou dans le cas de présence de régimes météorologiques particuliers, brises de mer, de terre ou d’étang, par exemple.

Dans ces derniers cas, les résultats d’Odotrace doivent être complétés et validés par une connaissance du terrain du point de vue météorologique.

Le choix de la station météorologique la plus proche de l’observation olfactive, s’il est trivial et permet dans la pratique un fonctionnement très rapide d’Odotrace, doit être un point de vigilance dans l’utilisation opérationnel de l’outil. C’est également un axe privilégié des améliorations en perspective d’Odotrace.

Figure 1. Principe d’Odotrace.

Odotrace principle.

2. 3. Mise en œuvre d’Odotrace dans la surveillance des nuisances olfactives

Odotrace est un outil d’investigation et de recherche de sources de nuisances olfactives.

Odotrace est utilisé en appui aux deux outils de surveillance de la SRO :

  • comme suite à une ou plusieurs plaintes, il permet de situer rapidement la zone probable de la source d’odeur ;

  • à partir de la base de données des observations, il peut être utilisé pour déterminer et hiérarchiser les zones de sources d’odeurs dans la région.

La simplicité de la méthode utilisée par Odotrace fait qu’il est très facile à implémenter dans un système informatique et à utiliser au quotidien.

3. Prise en compte de la dispersion des odeurs dans Odotrace

3. 1. Paramètres déterminants 

Dans la construction du cône de gêne olfactive, il est primordial de connaître trois paramètres géométriques :

  • l’orientation du cône ;

  • la profondeur du cône ;

  • l’angle du cône.

3. 2. Orientation et profondeur du cône 

Le cône est construit à l’aide des données météorologiques issues de la station de mesure la plus proche du lieu d’observation de la gêne olfactive. Les premières données indispensables pour cette construction sont la vitesse et la direction du vent. Ainsi :

  • l’orientation du cône est exactement celle de la direction du vent ;

  • la profondeur du cône est proportionnelle à la vitesse du vent.

Cette manière de construire le cône de gêne olfactive traduit le déplacement de la masse d’air odorante de la zone des sources au lieu de l’observation.

3. 3. Angle de cône de gêne

3. 3. 1. Méthode gaussienne stationnaire symétrique

Dans une démarche simplifiée, l’ouverture angulaire du cône de gêne peut être considérée fixe et égale à 90°. Cependant, l’adoption de cette hypothèse conduit souvent à des zones de sources potentielles d’odeurs très larges.

Pour permettre à ODOTRACE d’être plus pertinent et plus précis dans la délimitation des zones de sources potentielles d’odeurs, la définition de l’angle des cônes de gêne est déduite de la physique de dispersion atmosphérique des odeurs.

  • L’évolution de la masse d’air odorante dans l’atmosphère est considérée au travers d’un modèle de dispersion gaussien et stationnaire.

  • Par symétrie, on démontre (Béal et al., 2006) que les équations de dispersion gaussienne et stationnaire s’appliquent à la fois à la trajectoire de la masse d’air (retombée du panache) et à sa retrotrajectoire (sources du panache).

Figure 2. Symétrie du modèle gaussien de dispersion stationnaire.

Symmetry of the Gaussian dispersion model.

L’idée est d’appliquer la théorie de la dispersion gaussienne à la détection des sources d’odeurs. Il s’agit « d’inverser » cette théorie. Si on considère S1 comme étant une source de rejet et S2 comme étant un point dans le « panache gaussien » de la dispersion du rejet, on peut, de façon assez simple, montrer la validité de l’hypothèse de réversibilité : en effet, partant de : d1 = d2 et par des propriétés de géométrie, il est évident que, pour que le point S2 soit dans le cône de sommet S1, il faut : y2<=d2. Ceci implique que : y1<=d1.

Le point S1 est donc dans le cône de sommet S2. C’est bien ce que nous souhaitions montrer. On peut donc « inverser » le cône de la théorie de la dispersion pour localiser une source de rejet olfactif.

3. 3. 2. Détermination des ouvertures angulaires des cônes de gêne

Les ouvertures angulaires des cônes de gêne sont ainsi déterminées à partir des équations symétriques de dispersion gaussienne stationnaire (Béal et al., 2006). La valeur de ces ouvertures dépend de la stabilité atmosphérique.

Le tableau 1 donne les valeurs des angles de cône de gêne pour les différentes classes de stabilité.

Ces résultats sont à comparer avec l’ouverture calculée avec la méthode simplifiée : angle d’ouverture constant et égal à 90°.

La comparaison montre que la méthodologie, décrite ici, aboutit à des ouvertures angulaires :

  • inférieures à 90° ;

  • dépendantes de la classe de stabilité.

Classe de stabilité atmosphérique

Angle (en°)

P=0,95

Angle (en°)

P=0,999

A

47

73

B

36

57

C

26

42

D

20

33

E

16

26

F

12

21

Bibliography

Beal P., Hourdin G., Mesbah B., Poulet D., 2006 : ODOTRACE. Recherche des sources d’odeur à partir des plaintes des riverains. Méthodologie et améliorations, Pollution Atmosphérique, 192, 465-473. Disponible en ligne. https://doi.org/10.4267/pollution-atmospherique.1552

Bowen B.M., Dewart J.M., Chen A.I., 1983 : Stability class determination: a comparison for one site. Proceedings of Sixth Symposium on Turbulence and Diffusion. American Meteorological Society, Boston MA1, 211-214.

Air PACA, 2015 : Surveillance Régionale des Odeurs. Bilan SRO.

Illustrations

References

Electronic reference

BouAlem Mesbah and Mélanie Selvanizza, « Odotrace : recherche des sources à l’origine des nuisances olfactives », Pollution atmosphérique [Online], 234 | 2017, Online since 09 juillet 2017, connection on 11 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/pollutionatmospherique/6148

Authors

BouAlem Mesbah

Air PACA,route de la Vierge, 13500 Martigues.

By this author

Mélanie Selvanizza

Air PACA, route de la Vierge, 13500 Martigues.

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