1. Introduction
Bien que le principe d’une Analyse Coûts-Bénéfices (ACB) soit simple, la réalisation d’une ACB des ZAPA, aujourd’hui ZCR, est difficile et problématique (voir, par exemple, Rabl, 2005). Une première difficulté réside dans le choix des frontières de l’analyse et des effets à prendre en compte. Pour les ZAPA, il y a bien sûr des effets évidents, avant tout le bénéfice de la réduction des impacts sanitaires, qui doit être confronté aux coûts subis par les propriétaires des véhicules exclus et aux coûts administratifs de la mise en place d’une ZAPA. Mais qu’en est-il des effets indirects induits dans l’économie ? Par exemple, les propriétaires qui vont acheter des véhicules neufs plus tôt que sans ZAPA stimulent la production et le marché de l’automobile, avec une augmentation de la pollution pendant la production et une réduction du chômage. Même si les effets négligeables ne doivent pas focaliser l’attention, déterminer l’ordre de grandeur de chacun des effets n’est pas évident au début de l’analyse. En effet, la décision sur les ZAPA doit prendre en compte non seulement une simple comparaison des coûts et des bénéfices, mais aussi l’acceptabilité politique. Une considération cruciale est l’équité : qui paie ou gagne quoi. Toute la population profite du bénéfice sanitaire d’une ZAPA, mais le coût s’impose aux propriétaires des véhicules exclus.
Une deuxième difficulté est l’obtention des données nécessaires. Souvent, les données ne sont pas disponibles, et il faut les estimer en invoquant des hypothèses plus ou moins critiquables. Des choix subjectifs sont parfois inévitables, et les incertitudes sont souvent très importantes.
Il est instructif de regarder ce qui a été fait dans d’autres pays où des ZAPA existent déjà depuis plusieurs années. Le site Internet http://www.lowemissionzones.eu/ présente des informations intéressantes pour les LEZ (Low Emission Zones) en Europe. Dans la plupart des cas, la décision de créer ou non une ZAPA a été prise suite aux pressions des différents groupes d’intérêt, sans aucune ACB. Les recherches effectuées sur Internet, avec des mots-clés tels que LEZ, costs, benefits (en allemand : Umweltzone, Kosten), n’ont donné des résultats positifs que pour Londres (London, 2003), Anvers (TML, 2012) et l’Ile-de-France (IdF) (APUR, 2012).
2. Les ACB pour Londres, Anvers et l’Ile-de-France
2.1. L’ACB pour Londres
Au Royaume-Uni, la pratique des ACB est bien établie. L’ACB pour la LEZ de Londres (London, 2003) a considéré les effets suivants : les bénéfices pour la santé de la population (Diminution des concentrations de PM10 et de NO2, réduction de l’absentéisme et des coûts pour le système national de santé), les coûts de la mise en œuvre et de la gestion, et les coûts pour les propriétaires des véhicules. À cette époque, la LEZ proposée ne concernait que des véhicules utilitaires. L’ACB de Londres mentionne aussi plusieurs effets qui n’ont pas été évalués :
-
la réduction d’autres polluants ;
-
la réduction du bruit ;
-
l’amélioration générale de l’environnement ;
-
la sûreté améliorée des véhicules plus récents ;
-
les bénéfices pour l’industrie de l’automobile ;
-
la distribution inégale des coûts (particulièrement importants pour les petites entreprises) ;
-
l’augmentation générale des coûts des entreprises.
La décision de ne pas essayer d’évaluer ces effets est basée sur l’intuition que ces coûts seraient trop faibles pour justifier l’effort d’une analyse détaillée. Pour résumer de façon très simplifiée, cette étude trouve les résultats suivants :
-
les coûts de la mise en œuvre et de la gestion seraient de £ 6 millions à £ 10 millions pour la mise en œuvre, et de £ 5 millions à £ 7 millions/an pour la gestion, compensés en partie par un revenu de £ 1 à £ 4 millions/an ; ces coûts sont négligeables comparés aux coûts pour les propriétaires ;
-
les coûts pour les propriétaires des véhicules seraient dans une fourchette de £ 64 à £ 135 millions/an, selon le nombre de véhicules concernés, mais ce coût est peu certain à cause de la difficulté de prévoir le comportement des propriétaires ;
-
les bénéfices pour la santé de la population valent environ £ 100 millions/an.
La conclusion principale est que l’ordre de grandeur des coûts serait comparable aux bénéfices. Mais l’estimation des coûts pour les propriétaires est sous-estimée, puisque les Véhicules Utilitaires Légers (VUL) ne sont pas pris en compte ; les auteurs de l’étude soulignent qu’il faudrait une évaluation plus complète.
2.2. L’ACB pour Anvers
Pour la ville d’Anvers, en Belgique, l’ACB a analysé deux niveaux d’exclusion, le premier entrant en vigueur en 2015, le deuxième en 2020 (TML, 2012). Seuls les véhicules conformes aux normes suivantes seront admis à la circulation dans Anvers :
en 2015 :
-
véhicules particuliers diesel EURO3 + filtre à particules ;
-
véhicules particuliers essence EURO1 ;
-
véhicules utilitaires et camions diesel EURO4 ;
en 2020 :
-
véhicules particuliers diesel EURO5 ;
-
véhicules particuliers essence EURO2 ;
-
véhicules utilitaires et camions diesel EURO5.
Si l’évaluation des coûts pour les propriétaires des véhicules exclus est détaillée et correcte pour les véhicules particuliers, l’hypothèse d’un remplacement anticipé des poids-lourds concernés est retenue au lieu de considérer l’alternative bien moins chère de l’ajout d’un filtre à particules en seconde monte.
Pour les coûts de la mise en œuvre et la gestion de la LEZ, les auteurs estiment une valeur présente entre 5 et 8 M€. Les coûts sont bien plus importants pour les propriétaires des véhicules exclus, environ 120 M€ (pour la plupart dus au remplacement anticipé des véhicules).
Les bénéfices sont évalués en termes de gain d’espérance de vie, avec une valeur monétaire de 50 000 €/année de vie, valeur recommandée par le projet européen ExternE (ExternE, 2008). Mais la diminution des maladies n’est pas prise en compte. Le bénéfice sanitaire de la LEZ d’Anvers serait de 8 millions €/an. Afin d’exprimer ce bénéfice comme valeur actualisée totale1, les auteurs actualisent une série infinie de ces valeurs annuelles avec un taux d’actualisation de 4 %, ce qui donnerait la valeur actualisée totale de 200 M€ (millions €). Ce calcul est erroné parce que les effets d’une LEZ sont limités dans le temps par le renouvellement « spontané » du parc roulant (les vieux véhicules sont remplacés naturellement par des véhicules neufs donc moins polluants). Il faut donc considérer le rythme de renouvellement du parc avec l’hypothèse selon laquelle le bénéfice total est entre 4 et 5 fois le bénéfice de la première année. Dans ce cas, les bénéfices sanitaires totaux seraient d’environ 4,5 × 8 millions € = 36 M€, bien inférieurs aux coûts.
2.3. L’ACB pour l’Ile-de-France
À première vue, cette étude (APUR, 2012) paraît très complète. Un grand nombre d’effets sont évalués, bien plus que ceux pris en compte pour Londres et Anvers :
-
les coûts administratifs de mise en œuvre et de gestion ;
-
le coût du remplacement des véhicules exclus ou leur perte de valeur ;
-
le changement de modal pour ceux qui abandonnent la voiture en faveur de Transports en Commun (TC), y compris la valeur du temps du déplacement ;
-
la modification des nuisances sonores ;
-
l’évolution des émissions de gaz à effet de serre ;
-
et, bien sûr, les coûts sanitaires2.
Tous ces effets sont évalués pour les 9 scénarios sélectionnés par la mairie de Paris. Les scénarios concernent différentes étendues géographiques, ainsi que différents niveaux d’exclusions de vieux véhicules (voir le tableau 1). En résumé, les scénarios 2* excluraient les véhicules diesel des normes EURO1 et EURO2, et les scénarios 3* excluraient en plus les véhicules diesel de la norme EURO3. Les étendues géographiques vont de Paris intramuros jusqu’à intra-A86, avec A86 inclus.
Tableau 1. Véhicules exclus par les ZAPA des scénarios 2* et 3*, selon la date de leur première immatriculation (source : AIRPARIF).
Vehicles excluded by the LEZ of scenarios 2* and 3*, according to the date of their first registration.
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Scénario |
VOITURES PARTICULIERES |
CAMIONETTES |
POIDS LOURDS, AUTOBUS et AUTOCARS |
|
2 * |
Entre le 01/01/1997 et le 31/12/2000 inclus |
Entre le 01/10/1997 et le 31/12/2000 inclus |
Entre le 01/10/2001 et le 30/09/2006 inclus |
|
3 * |
Entre le 01/01/2001 et le 31/12/2005 inclus |
Entre le 01/01/2001 et le 31/12/2005 inclus |
- |
Le tableau 2 montre le parc immatriculé en IdF et les pourcentages des véhicules qui seraient exclus par les deux niveaux d’interdiction envisagés. Pour les PL, les pourcentages ne changent pas parce que pour cette catégorie, les scénarios 3* ne durcissent pas l’exclusion au-delà des scénarios 2*.
Tableau 2. Le parc immatriculé en IdF et les % des véhicules qui seraient exclus par les scénarios 2* et 3* (source : APUR, 2012).
The fleet in Greater Paris and the% of vehicles that would be excluded by the scenarios 2* and 3*.
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TOTAL PARC |
INTERDITS** |
INTERDITS*** |
||
|
VP |
5 383 000 |
1 472000 – 27 % |
2 355 000 – 44 % |
|
|
Ile-de- |
VUL |
745 000 |
291 000 – 39 % |
541 000 – 73 % |
|
France |
PL |
77 000 |
55 000 – 71 % |
55 000 – 71 % |
|
Total |
6 200 000 |
1 818 000 – 29 % |
2 951 000 – 48 % |
Le tableau 3, présenté dans le rapport de l’APUR (2012) reprend la somme des coûts fixes et coûts/avantages annuels. Les avantages annuels, appelés ici « bénéfice annuel » (troisième ligne du tableau 3) sont positifs dans tous les scénarios. Il faut transformer ce bénéfice annuel net en valeur actuelle équivalente, en fonction de la durée effective des bénéfices de 4,5 ans. Le résultat est indiqué en italique en bas du tableau 3. Le bénéfice actualisé serait plus important que les coûts fixes pour tous les scénarios, et le scénario 2 (3* Intra A86 incluse) serait le meilleur, avec une somme bénéfice actualisé + coûts fixes égale à 2 116 millions €.
Tableau 3. Résumé du tableau 30 d'APUR (2012).
Summary of Table 30 from APUR (2012).
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Scénario |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
7 |
8 |
9 |
|
Coûts fixes |
-263 |
-481 |
-481 |
-469 |
-251 |
-469 |
-251 |
-469 |
-469 |
|
Bénéfice annuel |
228 |
577 |
563 |
n.d. |
104 |
210 |
119 |
250 |
280 |
|
Durée effective, ans |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
4.5 |
|
Bénéfice actualisé |
1026 |
2597 |
2534 |
468 |
945 |
536 |
1125 |
1260 |
|
|
Bénéfice actualisé + coûts fixes, M€ |
763 |
2116 |
2053 |
217 |
476 |
285 |
656 |
791 |
Chiffres arrondis en M€ et M€/an. Bénéfice annuel = la somme de ces coûts et avantages annuels de ce tableau. Les trois dernières lignes ajoutent une actualisation simplifiée du bénéfice annuel en supposant que la totalité du bénéfice est 4.5 fois le bénéfice annuel (de la première année).
Rounded figures in M€ and M€/year. Annual benefit is the sum of the annual costs and benefits of that table. The last three lines approximate the present value of the annual benefits by assuming that it is 4.5 times the benefit in first year.
Pourtant, ces conclusions ne sont pas fiables à cause de la sous-estimation de la perte de valeur des véhicules exclus. Premièrement, le nombre de véhicules exclus est basé sur le parc roulant et non pas le parc immatriculé. Pour les VP, ce dernier est deux fois plus important que le parc roulant dans les scénarios 2*, et 1,5 fois plus important dans les scénarios 3*. Le parc roulant est basé sur les véhicules qui ont été observés pendant les quelques jours d’une enquête et ne prend pas en compte les utilisations moins fréquentes. Un propriétaire qui continue de payer les frais d’assurance, obligatoire en France, ne le fait certainement pas sans l’intention d’utiliser son véhicule. L’interdiction (pour ceux à l’intérieur de la ZAPA) ou la limitation de l’utilisation (pour ceux à l’extérieur de la ZAPA) serait donc une perte pour le propriétaire, indépendamment du nombre de km par an.
Une deuxième raison pour la sous-estimation est que le montant de la perte est basé sur la prime à la casse, en prenant 718 € par voiture pour les VP exclus par le niveau 2*. Le pourcentage des propriétaires éligibles qui ont utilisé la prime est largement en dessous de 100 % et, pour les autres, la valeur, pas du tout prise en compte par APUR, est plus importante.
Malgré cette sous-estimation, APUR (2012) fournit beaucoup de résultats intéressants. Un point surprenant est l’importance d’un changement de la durée des déplacements suite à l’imposition d’une ZAPA. Les auteurs trouvent que la valeur d’un changement de la durée des déplacements est plus importante que la valeur de la pollution. Le gain de temps vaut entre 28 et 313 M€/an, selon le scénario, pour les VP, et entre 9 et 39 M€/an pour les PL (M€ = millions €).
La plausibilité d’un tel résultat est facile à démontrer par un simple exemple. Prenons une VP diesel EURO2 qui fait un trajet de 12,5 km à une vitesse moyenne de 25 km/h. La durée de 0,5 h coûte 7 € si le temps est valorisé à 14 €/h, valeur (arrondie) supposée par APUR pour les conducteurs des VP. L’émission de PM2.5 est de 0,08 g/km, donc 1,0 g pendant ce trajet, et celle de NOx est moins de 0,7 g/km (cette limite étant pour la somme des HC et des NOx). Pour le coût de dommages (essentiellement la santé), APUR prend les valeurs de l’étude IMPACT (CE Delft, 2008), qui sont basées sur les projets ExternE (ExternE, 2005 ; ExternE, 2008) : 9,7 €/kg NOx et 509 €/kg PM2.5.
Le coût des PM2.5 est de 0,51 € pour ce trajet, et le coût des NOx est moins de 0,08 €. Le coût du temps est plus que 12 fois plus important que celui de la pollution, même pour la voiture la plus polluante ! C’est une considération qu’il ne faut pas oublier, car la création d’une ZAPA changerait certainement la durée des trajets, à la fois pour les propriétaires des véhicules exclus qui prennent désormais les Transports en Commun (TC) et pour tous les autres véhicules qui profitent de la réduction de la congestion. Les changements des temps de trajet pourraient entraîner des coûts ou des bénéfices importants, peut-être bien plus importants que les bénéfices sanitaires. Malheureusement, ces changements sont très difficiles à quantifier et trop peu certains pour savoir si l’effet net serait positif ou négatif. Les hypothèses faites par APUR sur ces points ne sont qu’un choix particulier et discutable.
Les coûts de la mise en place de la signalisation et des outils de contrôle sont de 0,36 M€, et les coûts annuels de gestion et de contrôle s’élèvent à 0,683 M€/an, négligeables face aux coûts subis par les propriétaires des véhicules exclus et aux avantages pour la collectivité. Pour ces derniers, la modélisation de l’exposition de la population a été effectuée par Airparif. La valeur des bénéfices environnementaux et sanitaires varie d’environ 50 M€/an à 180 M€/an, selon le scénario. C’est la valeur dans la première année de la ZAPA, mais il faudrait aussi regarder l’évolution de ces bénéfices au cours des années suivantes, ce qui n’a pas été fait par APUR.
Deux autres catégories de bénéfices, la diminution des accidents et des nuisances sonores, s’avèrent beaucoup moins importantes. Pour les accidents, le bénéfice serait dans la fourchette de 0,5 à 6,7 M€/an, et pour les nuisances sonores, de 0,7 à 14,4 M€/an, selon le scénario.
2.4. Une ACB des filtres à particules
Puisque les ZAPA proposées pour la France n’excluraient que les véhicules diesel et ceux-ci pourraient devenir conformes en installant un Filtre À Particules (FAP), il est intéressant de citer également l’ACB des FAP par E. Masse (Masse, 2003). Les coûts d’un FAP estimés par Masse sont résumés ici dans le tableau 4. Le coût d’un FAP doit être amorti sur le reste de la durée de vie du véhicule, également estimé par Masse.
Tableau 4. Les coûts d’un FAP, estimés par Masse (2003).
Cost of a particle filter, estimated by Masse (2003).
|
Type du coût |
VP et VUL |
Camions et bus |
|
Installation |
1 000 € |
5 000 € |
|
Maintenance |
200 €/an |
200 €/an |
Pourtant, les FAP ne sont toujours pas disponibles pour rééquiper les VP et VUL.
However, such filters are still not available for retrofitting VP and VUL in France.
Les coûts et les bénéfices sanitaires des FAP sont évalués pour les VP et VUL, les camions et les bus. En plus de la valeur actualisée nette, Masse (2003) présente aussi le taux de rendement interne de la seconde monte d’un FAP. Ce dernier indicateur a l’avantage d’être non dimensionnel et indépendant du nombre de véhicules ; il peut être comparé aux taux de rendement d’autres investissements de la collectivité, et il devrait être plus élevé que le taux d’actualisation social. Ce dernier est dans une fourchette de 3 et 6 %, et actuellement le gouvernement français préconise un taux de 4 %. Les taux de rendement interne de Masse (2003) sont 244 % pour les bus, 83 % pour les camions, et 8,4 % pour les VP et VUL. Cela signifie que pour la collectivité, le FAP serait excellent pour les bus et les camions mais seulement acceptable pour les VP et VUL (si le FAP était disponible pour les rééquiper).
Vu cette grande différence de rendement interne entre VP et VUL, d’un côté, et les PL, de l’autre, il serait souhaitable d’étudier ces types de véhicules séparément dans l’ACB des ZAPA, afin de décider si les ZAPA devraient interdire seulement les PL ou tous les véhicules. Malheureusement, cette possibilité n’a pas été considérée dans la définition des scénarios et dans l’analyse effectuée.
2.5. Leçons de ces ACB
Bien que partiellement satisfaisantes, ces ACB apportent des informations importantes :
-
Londres (London, 2003) applique la méthode correctement, mais l’évaluation du coût pour les propriétaires des véhicules exclus n’est pas suffisamment rigoureuse et détaillée ;
-
Anvers (TML, 2012) fait une bonne évaluation des coûts pour les propriétaires des VP, mais l’actualisation des bénéfices est erronée ;
-
L’Ile de France (APUR, 2012) tient compte d’autres effets, tels que le bruit, les accidents et la valeur de la durée des déplacements, mais le coût pour les propriétaires des véhicules exclus est considérablement sous-estimé, et il manque une comparaison pertinente des coûts fixes et des bénéfices annuels ;
-
L’ACB des FAP (Masse, 2003) montre qu’une ZAPA qui ne concerne que les PL et les cars aurait certainement des bénéfices plus importants que les coûts, tandis que l’exclusion des VUL et des VP risque de ne pas apporter un bénéfice net.
Un point qui pourrait être très important est la possibilité de dérogations, qui risquent d’être nécessaires pour que la population accepte la création d’une ZAPA. Les dérogations changeraient à la fois les coûts et les bénéfices. Le rapport de l’APUR mentionne les dérogations les plus probables, mais sans estimation de leurs effets.
Parfois, la pénalité imposée par l’Union Européenne (UE) pour un dépassement des directives sur la qualité de l’air est invoquée comme un coût. Même si l’on décidait simplement qu’il faudrait ajouter les pénalités évitées aux bénéfices d’une ZAPA, leur estimation reste problématique. Selon les dossiers Santé et Environnement3, si rien n’était fait, à partir de 2014, la France s’exposait à une amende d’au moins 11 millions d’euros, plus des astreintes journalières d’au moins 240 000 euros. Mais jusqu’à présent, l’UE n’a demandé des pénalités à aucun des nombreux pays membres en dépassement, et ces pays peuvent demander que l’application de la réglementation soit mise en attente s’ils ont fait un effort mais n’ont pas encore réussi à éviter les dépassements. Le cas échéant, le montant d’une pénalité dépendrait de l’interprétation que l’UE ferait de la situation.
3. Conclusion
Malgré des résultats couts/bénéfices favorables à la mise en œuvre d’une ZAPA en IdF pour le scénario considéré, les incertitudes que nous avons évoquées pourraient amener certains groupes de pression à revendiquer la conclusion opposée.
Les bénéfices sanitaires attendus n’ont été évalués que pour le scénario Intra-A86 A86 incluse 3* parce que c’est le scénario qui maximise le bénéfice, et c’est le seul pour lequel la réduction de l’exposition a été calculée par l’INRIA, Géovariance et Airparif. En dépit des incertitudes évoquées, il est intéressant d’évaluer le rapport bénéfice/coût selon le périmètre retenu. En fait, le rapport bénéfice/coût serait bien meilleur pour les scénarios 2* parce qu’ils n’excluent que les véhicules qui sont les plus polluants et qui valent moins à cause de leur âge. On pourrait aussi commencer avec une ZAPA 2* et ne passer à 3* que quelques années plus tard. Une autre alternative avec un rapport bénéfice/coût plus important serait une ZAPA qui ne concernerait que Paris intramuros, parce que l’impact évité par véhicule exclu augmente avec la densité de la population de la zone. Le rapport bénéfice/coût serait le plus favorable pour une ZAPA qui ne concernerait que les PL et les cars. Ces véhicules ont des émissions très élevées, et le coût d’un FAP par kg de polluant évité est relativement faible.
Finalement, il ne faut pas oublier la question de l’équité, c’est-à-dire qui paierait quoi, et les possibilités de compenser les perdants (les propriétaires des véhicules exclus), puisque la répartition des coûts est très inégale. Les propriétaires des véhicules anciens sont pour la plupart moins aisés que ceux des véhicules récents. Pour quelqu’un qui est pauvre et habite loin des transports en commun, se rendre au travail deviendrait difficile. La compensation des perdants par les gagnants (principalement la collectivité) n’est pas seulement une question d’équité mais aussi un levier important pour convaincre la population d’accepter la création d’une ZAPA.
