Villes et changement climatique- Îlots de chaleur urbains

sous la direction J.-J. Terrin, Editions Parenthèses, 2015.

DOI : 10.4267/pollution-atmospherique.6751

Text

L’Îlot de Chaleur Urbain (ICU) est l’écart de température entre le centre de la ville minéralisé et la périphérie proche de la campagne. En 1818 déjà, L. Howard mesurait à Londres un écart de 3,6 °C la nuit. Dans le contexte du réchauffement climatique, ce contraste va s’aggraver et rendre la ville irrespirable par fortes chaleurs. Ce livre présente les projets et stratégies de dix villes : Barcelone, Lyon, Marseille, Montréal, Nantes, Rennes, Rome, Stuttgart, Toulouse et Vienne, face au changement climatique, pour limiter l’ICU mais aussi pour se protéger des inondations. Ceci a été réalisé avec le programme européen POPSU, qui associe chercheurs, experts techniques et responsables locaux. L’ouvrage fait le compte-rendu des expériences spécifiques des villes dans ce but et de leurs projets architecturaux ou urbanistes futurs, ce qui représente une mine d’informations parfois disparate. Une introduction pose la problématique : « Penser la ville avec le climat », tandis qu’une conclusion donne des pistes méthodologiques. Je présente la ville de Rennes qui a fait une analyse approfondie du phénomène, puis Lyon et Rome, avant de terminer par la méthodologie.  

La ville de Rennes a bénéficié d’un réseau de 21 stations, ce qui a permis d’étudier finement l’ICU. Voici d’abord l’évolution des températures à l’horizon 2050-2071, obtenue avec le modèle Arpège et le scénario médian A1B du GIEC, comparée à la climatologie 1981-2010. Le nombre de journées chaudes (Tmax > 25 °C) par an pourrait doubler (de 44 à 88), et le nombre de journées très chaudes (Tmax > 30 °C) pourrait tripler (de 10 à 35). Ce nombre de journées très chaudes a doublé à Rennes entre les périodes 1950-1979 et 1980-2009. Enfin, selon ce scénario, la température moyenne à Rennes augmentera de 2,1 °C, et le nombre de jours de gel sera divisé par deux.

Voilà ce qu’on a observé avec ce réseau de mesures. L’ICU a pu atteindre 6,2 °C entre le centre de Rennes et une station de référence campagne au Nord. La proximité d’espaces verts ou de zones humides d’une certaine étendue atténue sensiblement cet écart. L’ICU est présent toute l’année, mais plus marqué de mars à octobre. Il est plus fréquent en été qu’en hiver, puisque sa formation est favorisée par un régime de ciel clair sans vent. Au cours de la journée, les écarts de température sont plus faibles et augmentent au coucher du soleil jusqu’à la fin de la nuit : c’est un phénomène essentiellement nocturne. Enfin, en analysant l’environnement urbain des stations à l’aide de la fraction de végétation et de la fraction bâtie, on obtient comme conditions de formation de l’ICU (dans l’ordre) : surfaces verticales, « canyon urbain », nature des matériaux (albédo), réduction des flux d’air, manque d’eau, circulation automobile, chauffage…

Allons maintenant à Lyon, au climat continental, où l’on a étudié l’ICU avec les cartes de température de surface (Landsat). Elles indiquent les différents points chauds de l’agglomération, dont certaines zones (aéroports, autoroutes) ne sont pas densément peuplées. Des modélisations ont été réalisées sur le nouveau quartier Confluence (150 ha au centre). Des expériences de végétalisation et d’arrosage ont estimé le rafraîchissement. Ces études s’intègrent dans le plan climat énergie territorial et le plan local d’urbanisme.

Terminons par Rome, qui veut protéger son patrimoine culturel mais aussi augmenter sa résilience face aux évènements extrêmes, puisque la ville est sensible aux vagues de chaleur et a souffert de l’expansion urbaine. Une carte de vulnérabilité climatique de la ville a été réalisée avec le plan d’occupation des sols, les images du satellite MODIS, l’indice de végétation NDVI (résilience des zones vertes) et les données des inondations passées.

J’aborde maintenant la conclusion qui présente des pistes de méthodologie à travers trois contributions. La plus intéressante, celle de S. Salat, architecte et mathématicien, évoque la ville blanche (murs blanchis pour limiter le réchauffement), verte (végétalisation) et bleue (présence de l’eau pour rafraîchir), trois méthodes pour limiter l’ICU. La physique des phénomènes est bien présentée, notamment l’aspect radiatif mais aussi les régimes de vent dans la ville, enfin la texture morphologique de la ville et sa complexité. En résumé, la technique verte et bleue simultanée n’abaisse que de 1 à 2 °C l’ICU, et un renvoi au projet Épicéa est essentiel pour illustrer les trois techniques lors de la canicule 2003 à Paris. La conclusion générale de ce tour d’horizon est de mesurer pour mieux contrôler mais aussi de disposer d’outils (modèles numériques à différentes échelles) pour prévoir et nourrir le dialogue des différents acteurs de la ville.

     

ÉPICEA : Étude Pluridisciplinaire des Impacts du Changement climatique à l’Échelle de l’Agglomération

ICU : Îlot de Chaleur Urbain

NDVI : Normalized Difference Vegetation Index[endmyItalico]

POPSU : Plate-forme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines  

References

Electronic reference

Régis Juvanon du Vachat, « Villes et changement climatique- Îlots de chaleur urbains », Pollution atmosphérique [Online], 237-238 | 2018, Online since 10 octobre 2018, connection on 11 décembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/pollutionatmospherique/6751

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Régis Juvanon du Vachat

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