Contribution à la compréhension de l’évolution sédimentaire et tectono-volcanique de la série triasico-liasique de l’Oued N’Fifikh (Meseta côtière, Maroc)

  • Contribution to the Understanding of the Sedimentary and Tectono-Volcanic Evolution of Triassic and Liassic Series of Oued N’Fifikh (Coast Meseta, Morocco)

DOI : 10.54563/asgn.1479

p. 145-156

Résumés

La série géologique de l’Oued N’Fifikh (région de Mohammedia, Maroc) est constituée d’un socle cambro-ordovicien gréso-micacé et d’une couverture méso-cénozoïque. Cette dernière débute par des terrains triasiques constitués successivement, de la base vers le sommet, par un ensemble silto-gréso-conglomératique (20m), des argilites inférieures (40m), et des coulés basaltiques (50m). Sur cette formation, se déposent des argilites supérieures évaporitiques (60m) d’âge liasique. Cette série est coiffée par des calcaires du Néogène. L’étude tectono-volcanologique associée à une étude sédimentologique permet de proposer un modèle d’ouverture de ce bassin sous forme d’un hémi-graben. Ce dernier, axé sur l’Oued N’Fifikh, s’intègre dans une dynamique distensive liée au rifting atlantique. La sédimentation et le volcanisme ont été guidés par des failles actives volcano-tectoniques héritées du socle hercynien. Celles-ci ont été réactivées lors de la distension triasico-liasique avant de rejouer pendant la compression atlasique.

Geological serie of the Oued N’Fifikh (Mohammedia region) consists of psammitic Cambr-ordovician basement and Meso-Cenozoic cover. The latest one begins with Triassic geological formations formed successively, from the bottom to the summit, by alternating siltstone, sandstone and conglomerates (20m), limostones and argillites (40m), and basalts (50m). On this training, are deposited the upper evaporate argillites (60m) of Liassic age are headed by Neogene limestones. The tectono-volcanic activities associated with sedimentological studies provide to propose a model of openness of this outcrop in the form of a half-graben. The Oued N'Fifikh basin, integrates into a dynamic related to distensive rifting Atlantic. Sedimentation and volcanism have been led by active faults inherited from the Hercynian basement. These faults were be replayed at the Triassic-Liassic rifting before resuming during compression Atlas.

Plan

Texte

I. — Introduction

L'Oued N'Fifikh parcourt la région de Mohammedia pour se déverser dans l'océan atlantique, tout en créant une profonde vallée où affleurent des formations triasico-liasiques. L'accès à ce secteur se fait soit par la route reliant Mohammedia et Ben Slimane, soit à partir de celle reliant Aïn Harrouda et Rabat (Fig. 1). Sur le plan de la géologie, la vallée de l'Oued N'Fifikh fait partie du bassin de Berrechid-El Gara-Ben Slimane (Fig. 2) qui occupe la partie NW de la Meseta nord-occidentale, et il est étroitement lié à la marge continentale ouest marocaine. Cette liaison se traduit par sa proximité et son parallélisme à l'Atlantique, et par la réactivité d'anciennes failles subméridiennes (Laville et Piqué, 1991), créant ainsi une structure d'hémi-grabens d'orientation NNE- SSW, et situés entre le bloc côtier mesetien à l'Ouest et le Massif Central marocain à l'Est.

Les principaux événements enregistrés par la série volcano-sédimentaire dans le bassin triasique de Berrechid-El Gara- Ben Slimane reflètent le comportement du socle hercynien et de la couverture au cours du Trias supérieur-Lias inférieur. L'ouverture et le remplissage de ce système de rift orienté NNE-SSW, et encaissé dans les reliefs paléozoïques de la Meseta nord-occidentale, étaient contrôlés par des failles normales synsédimentaires et des failles bordières majeures qui sont manifestées à partir de la réaction d'accidents sub­méridiens hérités (Lyazidi, 2004). La série de l'Oued N'Fifikh (Fig. 3) est constituée à sa base de roches silto-gréso- conglomératiques surmontées par des basaltes, tous d'âge triasique (Hamid, 2003 ; Zahour et al., 2004; Farki, 2009; Zahour et al., 2010). Les basaltes sont surmontés par des siltites et argilites supérieures évaporitiques. Les siltites et argilites post-basaltiques de l'Oued N'Fifikh avaient été considérées longtemps comme des dépôts attribués au Permo- Trias (Michard, 1976; Piqué, 1979) ou au Trias (Hamid, 2003; Hamid et al., 2003; Zahour et al., 2004). Toutefois, il convient de noter qu'à l'échelle de la Meseta, les datations radiométriques des laves basaltiques mésozoïques ont donné des âges qui correspondraient au Trias supérieur (180-200 Ma) (Westphal et al., 1979) (in Medina, 1996). L'étude palynologique, fondée sur les kystes des dinoflagellés, sur les argilites suprabasaltiques de l'Oued Mellah (région de Mohammedia), a donné un âge liasique (Rouh et al., 2007). Ces argilites liasiques riches en gypse, anhydrite et sel gemme, auraient été déposées dans un milieu aquatique évaporitique qui correspondrait probablement à une sebkha (Hamid, 2003; Hamid et al., 2003). Notons aussi que ces dépôts sont exploités pour l'extraction de la terre cuite comme en témoigne la présence de nombreuses carrières d'argiles (Zahour et al., 2010). La série triasique est coiffée par des calcaires néogènes.

Figure 1

Figure 1

Carte de localisation de l'Oued N'Fifikh.
 
Location map of Oued N'Fifikh.

Par ailleurs, d'autres travaux ont porté sur l'étude des formations triasico-liasiques de la Meseta côtière (Lecointre, 1935; Girard, 1987; Piqué, 1979). Néanmoins, beaucoup de lacunes de terrain subsistent. Cette étude se propose de combler certaines de ces lacunes en se fondant essentiellement sur l'étude lithologique, sur la caractérisation pétrographique des faciès, sur l'analyse sédimentologique et sur l'étude tectono-volcanologique, en particulier la localisation des centres d'émissions des laves et l'impact de la tectonique sur la répartition spatiotemporelle de la sédimentation et du volcanisme.

Pour bien comprendre la dynamique sédimentaire du remplissage détritique du bassin de l'Oued N'Fifikh, et pour cerner les facteurs ayant contrôlé la mise en place d'un tel dépôt, il a été nécessaire de faire une étude sédimentologique des faciès détritiques en procédant à l'identification et à la description détaillée des lithofaciès détritiques avec la caractérisation des corps sédimentaires. Pour la détermination granulométrique, on a utilisé la terminologie de Wentworth (in Pettijohn et al., 1973). Il a été de même question d'une reconnaissance et d'une analyse des associations de faciès et de leur corrélation avec les associations de Miall (1978). On note que la terminologie de Miall était créée pour les faciès continentaux caractérisés par une sédimentation liée aux courants de traction (Eyles et al., 1983) et aux mouvements de masse. Mais ces faciès peuvent se retrouver dans d'autres environnements sédimentaires (El Harfi, 2001). L'analyse stratonomique et séquentielle de ces dépôts et leur interprétation en termes de dynamique sédimentaire et géométrie du remplissage du bassin étudié vont permettre de déduire le milieu de dépôt.

L'analyse tectonique effectuée le long de l'Oued N'Fifikh, à la fois sur les terrains cambro-ordoviciens et sur les affleurements triasiques et liasiques, permet, d'une part, d'apporter des précisions sur la chronologie des principaux événements tectoniques qui ont affecté les terrains paléozoïques et mésozoïques, et d'autre part, de proposer un nouveau modèle de l'évolution structurale du secteur étudié.

Figure 2

Figure 2

Schéma géologique et traits structuraux de la région étudiée.
 
Schematic geological and structural features of the study area.

Figure 3

Figure 3

Colonne lihostratigraphique synthétique de l'Oued N'Fifikh.
 
Synthetic lihostratigraphic log of Oued N'Fifikh.

II. — Étude lithostratigraphique

1) Description des coupes géologiques

1.1) Coupe de Chaâba El Hamra

La coupe réalisée au niveau de Chaâba El Hamra (Fig.1, 4, 5 et 7) montre de la base vers le sommet :

a. Siltites et grés-conglomératiques triasiques : ils atteignent une épaisseur d'environ 20 m, et sont constitués de :

  • Conglomérats polygéniques, de couleur rougeâtre, qui atteignent une épaisseur de 10m. Ils sont constitués d'éléments anguleux hétérométriques de taille allant de quelque mm à 5cm, représentés essentiellement par des fragments de psammites. Ces dernières sont issues du substratum cambro-ordovicien sous-jacent. Ces éléments sont jointifs et baignent dans une matrice carbonatée. Les éléments figurés présentent un granoclassement positif. Ces conglomérats sont ferrugineux, et recoupés par des filons sub­verticaux d'hématites d'épaisseur qui varie de 0.5 à 10cm et de direction NS à N30°. Les niveaux conglomératiques sont orientés N50° et présentent un pendage faible de 5° vers le NW.
  • Alternance des niveaux hématitisés (centimétriques à métriques) de siltites et de grés (10m).

b. Siltites et argilites inférieures : épaisses d'environ 40 m, elles présentent une coloration rougeâtre, et sont d'âge vraisemblablement triasique. Cette série est actuellement exploitée pour la fabrication de la céramique « carrières de Chaâba El Hamra ».

c. Basaltes triasiques : ils sont formés d'une succession de coulées vacuolaires. Ce sont des roches de coloration gris-vert sur patine, à aspect très altéré et vacuolaire ; les vacuoles sont remplies de quartz et/ou de calcite. Ils sont parcourus par des filonets de quartz et/ ou calcite. Leur épaisseur est de l'ordre de 20cm.

d. Calcaires néogènes : ce sont des roches de coloration blanche, à base conglomératique. Ces derniers, de nature quartzitique et gréseuse, sont légèrement imbriqués. La matrice est carbonatée et abondante. Ils présentent une épaisseur supérieure à 5m.

L'ensemble est recoupé par la « faille de Chaâba El Hamra » (Fig. 4).

1.2) Coupe de Sidi Larbi

La succession lithologique montre de la base vers le sommet les unités suivantes (Fig. 1, 6 et 7) :

a. Basaltes : ils correspondent au même faciès que celui décrit à Chaâba El Hamra et sont formés d'une succession de coulées à sommet de laves vacuolaires dont la puissance atteint 50 m.

b. Siltites et argilites supérieures liasiques : ce sont des roches de coloration rougeâtre, tendres, dont l'épaisseur est supérieure à 20 m. Cette formation a été attribuée au Trias (Hamid, 2003). Les études micropaléontologiques récentes effectuées sur des faciès identiques et de même ordre stratigraphique dans d'autres bassins de la Meseta (argilites et siltites suprabasaltiques de l'Oued Mellah) ont permis de mettre en évidence un assemblage des kystes de dinoflagellés qui caractérisent l'époque liasique (Rouh et al., 2007).

c. Calcaires : équivalents à ceux décrits à Chaâba El Hamra.

1.3) Coupe d'Ain Rahal

La coupe d'Ain Rahal (Fig.1 et 7) montre, de la base vers le sommet, les faciès suivants :

a. Basaltes triasiques qui se présentent sous forme de coulées très épaisses dépassant cette fois-ci 50m de puissance. Il s'agit du même faciès que celui déjà décrit à Chaâba El Hamra et à Sidi Larbi.

b. Siltites et argilites supérieures liasiques, dont l'épaisseur est supérieure à 60 m.

c. Calcaires du Néogène équivalents à ceux décrits à Chaâba El Hamra et à Sidi Larbi.

Les formations de la couverture méso-cénozoïques de l'Oued N'Fifikh reposent en discordance angulaire sur le socle psammitique d'âge cambro-ordovicien.

Figure 4

Figure 4

Coupe géologique de l'Oued N'Fifikh.
 
Geological section of Oued N'Fifikh.

2) Coupe synthétique

La coupe synthétique obtenue à partir de la corrélation des coupes sériées réalisées le long de la vallée de l'Oued N'Fifikh permet de mettre en évidence l'existence de trois grandes unités lithologiques triasico-liasiques distinctes qui reposent en discordance majeure sur un socle cambro- ordovicien psammitique (Fig.7). La base de la série géologique est soulignée par un ensemble silto-gréso- conglomératique (20 m) d'âge vraisemblablement triasique. L'ensemble gréso-conglomératique triasique encaisse une minéralisation ferrifère de type disséminée et filonienne (Fig. 3). Sur ces dépôts continentaux, se déposent des argilites rouges (40 m) triasiques. Ces dernières font suite à des coulées basaltiques triasiques (50 m). Sur cette formation, se déposent des siltites et argilites supérieures évaporitique liasiques (60 m). Ces formations mésozoïques sont recouvertes par des calcaires du Néogène.

III. — Caractérisation pétrographique des faciès

L'étude pétrographique a porté sur les faciès cambro- ordoviciens et triasiques de l'Oued N' Fifikh.

a) Faciès du socle paléozoïque

Ces faciès sont représentés par des schistes micacés d'âge cambro-ordovicien qui affleurent à Chaâba El Hamra (Fig. 4 et 5). Ce sont des schistes légèrement métamorphisés (schistosité de fracture). Ils sont constitués essentiellement de grains de quartz engrenés et de paillettes de muscovite. La roche est marquée par des trainées d'oxydes de fer auxquelles s'associent un enchevêtrement de paillettes orientées de micas ce qui donne à la roche un aspect lité.

b) Faciès sédimentaires triasiques

Les faciès détritiques mis en évidence par l'étude microscopique sont :

  • Des faciès gréso-congolomératiques à ciment carbonaté (Fig. 3 et 5) : les éléments figurés de ces faciès sont dominés par des fragments lithiques de nature gréso-micacé et quartzitique auxquels sont associés des minéraux de quartz et de feldspath, provenant du socle cambro-ordovicien sous- jacent. On note également la présence, même en faible pourcentage, de fragments de roches de nature volcanique (laves feldspathiques à mésostase opacifiée). Les fragments des roches présentent une forme elliptique à sphérique témoignant d'un transport court; les autres éléments figurés, tels que le quartz et les feldspaths, sont angulaires à sub­angulaires à surface rugueuse; ceci indique qu'ils n'ont pas subi un long transport et que leur source d'apport est proche de l'affleurement où ils se sont déposés. L'ensemble des éléments figurés présente un mauvais classement, et le contact entre eux est nul à ponctuel, parfois linéaire. Ceci indique qu'ils sont immatures à légèrement matures.
  • Des conglomérats et grés ferrugineux (Fig. 3) : ils correspondent au stade ultime et avancé de l'oxydation des grés ferrugineux et se manifestent par une oxydation totale des éléments figurés et du ciment.

c) Basaltes

Les basaltes (Fig. 3) se présentent sous forme de plusieurs coulées aux sommets vacuolaires. Ces coulées sont parcourues de filonets d'épaisseur décimétrique (20 cm) et d'extension métrique, remplis de silice ou de calcite. Les filonets de Chaâba El Hamra montrent un cœur rempli de silice et des parois calcitiques. Au microscope, la paragenèse primaire comporte des plagioclases qui sont partiellement ou totalement englobés par des clinopyroxènes offrant ainsi à la roche une texture ophitique à sub-ophitique. On note également la présence des minéraux opaques inclus dans la mésostase avec une structure dendritique de taille généralement inférieure à 0,1 mm, soulignant ainsi un refroidissement rapide de la roche. Les basaltes vacuolaires renferment, en plus des plagioclases et des clinopyroxènes, des vacuoles sphériques millimétriques à centimétriques remplies de silice. La paragenèse secondaire comporte de la chlorite verte disséminée en plages dans la mésostase, de la silice qui remplit d'une part les vacuoles et d'autre part les veines et les filonets. Plus rarement la calcite s'associe à la silice pour tapisser les parois des filonets.

IV. — Analyse sédimentologique

Dans la série triasico-liasique de l'Oued N'Fifikh (Fig. 5 & 7), on a pu identifier les lithofaciès suivants (Fig. 7 et 8), conformément à la classification de Miall (1978).

Figure 5

Figure 5

Colonne lithostratigraphique de Chaaba El Hamra.
 
Lithostratigraphic log of Chaaba El Hamra.

Figure 6

Figure 6

Coupe géologique réalisée au niveau de Sidi Larbi.
 
Geological section performed at Sidi Larbi.

  • Lithofaciès C1 : il affleure uniquement à Chaâba El Hamra. Il s'agit d'un conglomérat de couleur rouge sombre, massif, induré, bréchique et inorganisé. Il est constitué d'éléments anguleux, hétérométriques (3 mm à 10 cm), comprenant des galets, des graviers et des granules non classés, de composition gréso-micacés, remaniés du socle. Ces éléments flottent dans un ciment carbonaté. On note la dissémination au sein de ce faciès de quelques lentilles centimétriques d'argilites. Aucune figure, ni structure sédimentaire n'est visible au sein de ce faciès qui présente une épaisseur d'environ 2 m. Le mécanisme de transport ayant abouti à ces dépôts était assez court pour engendrer un bon classement des éléments transportés, ce qui a conduit à un dépôt simultané des éléments figurés et de la matrice. Ceci est l'équivalent des dépôts de transport en masse de type coulées boueuses « Débris flow ». La forme angulaire des éléments figurés indique qu'ils n'ont pas subi un long transport. Ce lithofaciès correspondrait au faciès GmSl décrit par Miall (1978) (Tabl. I), lequel correspond à un paraconglomérat reflétant une ambiance sédimentologique caractéristique de la partie proximale d'un cône alluvial, résultant d'un courant fluviatile torrentiel.
  • Lithofaciès C2 : c'est un faciès qui a été rencontré uniquement à Chaâba El Hamra. Il s'agit d'un conglomérat hèmatitisé, de couleur rouge violacée et présentant une épaisseur d'environ 4 m. Il est constitué d'éléments subanguleux à subarrondis, de taille variable allant de 5 à 10 cm, comprenant des galets et des graviers. Ces derniers sont de nature quartzitique et gréso-micacée. Ils sont bien classés et montrent un granoclassement positif. Ces éléments flottent dans un ciment carbonaté peu abondant. Ce faciès montre des structures chenalisantes, avec des chenaux dépassant 1m de largeur. Ce faciès conglomératique pourrait correspondre, par le bon tri, le granoclassement positif de ses éléments figurés constitutifs et par le litage oblique en auge, au faciès Gt de Miall (1978) (Tabl. I) interprété comme étant un dépôt de remplissage de chenaux d'ordre décamétrique (El Harfi, 2001), résultant d'un régime fluviatile de forte énergie à la base mais qui devient relativement faible vers le sommet. Miall (1978) inscrit ce faciès dans une dynamique fluviatile en tresse distal (El Harfi, 2001).

Figure 7

Figure 7

Corrélation des coupes réalisées le long de l'Oued N'Fifikh.
 
Correlation of sections made along the Oued N'Fifikh.

  • Lithofaciès C3 : ce faciès a été mis en évidence à Chaâba El Hamra. C'est un conglomérat hématitisé, de couleur rouge violacée et puissant d'environ 3 m. Il est constitué d'éléments de quartzite et de grés micacé. Ce sont des éléments subanguleux à subarrondis, de taille allant de 4 mm à 5 cm et présentant un granoclassement positif. Le liant réunissant ces éléments figurés est un ciment carbonaté. Ce faciès montre un litage oblique plan par lequel il correspond au faciès Gp de Miall (1978) (Tabl. I), qui l'interprète comme étant un dépôt de barres longitudinales (El Harfi, 2001).
  • Lithofaciès C4 : ce faciès a été rencontré uniquement à Chaâba El Hamra, et correspond à un conglomérat très hématitisé, à dominance gréseuse, de couleur rouge violacé et puissant d'environ 1m. Il est constitué d'éléments de quartzites et de grés micacés. Ces derniers sont subanguleux à subarrondis, de taille allant de 1 à 4 mm et présentant un granoclassement positif. Le liant est carbonaté. Ce faciès montre un litage oblique en auge. Il correspondrait, par son litage oblique en auge, au faciès St de Miall (1978) (Tabl. I), interprété par Collinson (1970) comme étant un dépôt de remplissage de chenaux mineurs incisant la surface des barres longitudinales lors de la chute du niveau hydrodynamique (El Harfi, 2001).
  • Lithofaciès C5 : ce faciès a été rencontré uniquement à Chaâba El Hamra. Il s'agit d'un grès massif de couleur rouge brique, de puissance variable allant de 30 cm à 2,5 m. Il est très grossier à la base, parfois microconglomératique et évolue progressivement à un grès très fin vers le sommet du banc, soulignant ainsi un granoclassement positif. Ce faciès ne présente aucune figure ni structure sédimentaire. L'aspect massif de ce faciès, le granoclassement positif, l'absence de toute figure ou structure sédimentaire rapprochent ce faciès C5 du faciès Sm de Miall (1978) (Tabl. I) interprété comme résultant d'une diminution progressive du régime hydrodynamique qui l'a mis en place, comme il pourrait correspondre selon Rust (1982) (in El Harfi, 2001) aux dépôts d'un cycle de crue fluviatile.
  • Lithofaciès C6 : ce faciès a été mis en évidence à Chaâba El Hamra, Il s'agit de siltites et argilites rougeâtre à fines laminations horizontales, et dont le sommet présente des figures de charges ou « load mark ». Il correspond au faciès Fl de Miall (1978) (Tabl. I) qui est un dépôt d'accrétion verticale caractéristique d'un écoulement laminaire de très faible énergie.

Figure 8

Figure 8

Étude sédimentologique de la formation silto-gréso-conglomératique.
 
Sedimentological study of the siltstone, sandstone and conglomerate formation.

  • Niveau carbonaté : il s'agit d'une surface à encroûtements carbonatés, rencontrés au sommet de la formation gréso-conglomératique de Chaâba El Hamra au toit du faciès C6. Ce niveau présente un litage fin horizontal sans aucune trace de racines de végétaux. Les encroûtements carbonatés peuvent être le résultat d'une recristallisation de solutions qui se filtrent le long des joints et des ruptures et mêmes des pores préexistants dans les dépôts durcis. Ces incrustations peuvent résulter d'un processus pédogénétique (El Arabi & Essamoud, 2003). Ils peuvent également être le résultat de l'émersion du banc suite aux battements de la nappe phréatique (El Youssi, 1986). Dans notre cas, le fait que ce niveau présente un litage fin horizontal ne montrant pas de vestiges de racines de végétaux, indique que ces encroûtements pourraient être le résultat des battements de la nappe phréatique.
  • Faciès silteux et argileux évaporitiques : ils sont absents à Chaâba El Hamra et affleurent à Sidi Laâbi et Ain Rahal. Ils correspondent à des siltites et argilites de coloration rougeâtre, très fines avec des intercalations de niveaux décimétriques silteux et argileux verdâtres. Les structures sont très rares voire absentes vu les conditions d'affleurement et la végétation intense qui font de cette formation une zone de pâturage. Ce faciès est interprété comme étant un dépôt d'étang par décantation équivalent au faciès F1 de Miall (1978).

V. — Analyse séquentielle et association des faciès

L'étude sédimentologique des faciès identifiés dans la formation silto-gréso-conglomératique de Chaâba El Hamra nous a permis de distinguer, de la base vers le sommet, les séquences élémentaires suivantes (Fig. 8) :

La séquence de type 1 : cette séquence est composée d'un seul terme représenté par les conglomérats bréchiques à éléments anguleux non classés (lithofaciès C1). Par ses caractéristiques, elle reflète une ambiance sédimentologique rappelant les coulées boueuses de la partie proximale d'un cône alluvial, résultant d'une dynamique fluvio-torrentielle. Il est probable que cette séquence présente des termes supérieurs mais qui ont probablement été sujet à l'érosion.

La séquence de type 2 : cette séquence est représentée par la superposition des faciès C2, C3, C4, C5 et C6 qui correspondent respectivement aux faciès Gt, Gp, St, Sm et Fl de Miall (1978), et qui se présentent dans l'ordre suivant :

  • À la base le faciès C2 à granoclassement positif et montrant des structures chenalisantes.
  • Le faciès C3 conglomératique à granoclassement positif et à litage oblique plan.
  • Le faciès C4 conglomératique à granoclassement positif et à litage oblique en auge.
  • Le faciès C5 grés massif rouge à granoclassement positif. Ce faciès ne présente aucune figure ni structure sédimentaire.
  • Le faciès C6 représenté par les siltites et argilites à litage horizontal plan.

Les faciès C2, C3 et C4, sont interprétés par Miall (1978) comme étant des dépôts de remplissage des chenaux résultant d'un régime fluviatile en tresse de forte énergie au début mais qui tend à s'affaiblir par la suite. Les grés massifs granodécroissants, sans figure ni structure sédimentaire, sont décrits par Miall (1978) comme le résultat d'une diminution progressive du régime hydrodynamique qui les a mis en place et sont appelés « waningfloog » par Middleton et Trujillo (1984) (in El Harfi, 2001). Les siltites et argilites à litage horizontal plan, sont interprétés selon Miall (1978) comme étant une caractéristique d'un écoulement de très faible énergie. Le passage progressif des conglomérats aux grès puis aux siltites et argilites indique que cette séquence est granocroissante résultant d'un régime fluviatile en tresse proximal de forte énergie qui tend à diminuer progressivement vers le sommet de la séquence avec une tendance séquentielle de type « finingupward ».

La séquence de type 3 : elle est formée par l'association des faciès C5 et C6, siltites et argilites évaporitiques qui correspondent respectivement aux faciès Sm et Fl de Miall (1978), elle montre successivement de la base vers le sommet :

  • Le faciès C5 à granoclassement positif et ne présentant aucune figure ni structure sédimentaire ;
  • Le faciès C6 à fin litage horizontal plan et se terminant par des « load mark » ;
  • Le faciès silteux et argileux évaporitique.

Cette séquence est granodécroissante et résulte d'un écoulement de forte énergie qui devient progressivement plus calme et laminaire pour déposer au sommet de la séquence, par simple décantation, des siltites laminées qui confèrent à l'ensemble de l'association une tendance séquentielle de type «finingupward». Ceci indique que cette séquence élémentaire est le résultat d'un système fluviatile en tresse mais plus distal que le premier.

VI. — Étude tectono-volcanique

1) Apport de la paléovolcanologie à la compréhension de l'évolution et la dynamique du bassin de l'Oued N'Fifikh

Si on analyse les coupes réalisées au niveau de l'Oued N'Fifikh (Fig. 7), on constate qu'à l'extrémité sud orientale du l'Oued N'Fifikh, plus précisément au niveau de Chaâba El Hamra, les dépôts silteux et argileux évaporitiques du Lias font défaut, alors que la série détritique triasique est presque complète et montre successivement un ensemble silto-gréso- conglomératique, ensuite des argilites et siltites inférieures qui succèdent par des coulées basaltiques d'une puissance réduite d'environ 20 m, passant sans transition à des calcaires néogènes.

Plus à l'Ouest, précisément à Sidi Larbi, les formations géologiques se réduisent à une succession de coulées basaltiques aux sommets vacuolaires totalisant une épaisseur supérieure à 50 m, surmontées par un niveau décamétrique de siltites et argilites supérieures (20 m) d'âge présumé liasique. Ces dernières, sont coiffées par des calcaires du Néogène. A l'extrême nord occidental du secteur étudié, plus particulièrement à Aïn Rahal, on retrouve les mêmes formations que celles rencontrées à Sidi Larbi, néanmoins, on remarque que les coulées basaltiques sont plus puissantes (plus de 50 m) et les dépôts d'argilites supérieures sont cette fois-ci plus épais (60 m).

En résumé, la corrélation de l'ensemble des coupes réalisées montre que l'épaisseur des laves augmente progressivement du Sud-Est (20 m à Chaâba El Hamra) vers le Nord-Ouest (50 m à Aïn Rahal). Ceci indique que le centre d'émission de ces laves était, probablement, localisé au NW, à proximité d'Aïn Rahal qui correspondrait vraisemblablement au cœur de la série, où les coulées basaltiques atteignent leur puissance maximale. Il semble que cette activité magmatique soit étalée à partir du cœur du bassin situé probablement au NW (Aïn Rahal) vers sa périphérie située au SE à Chaâba El Hamra qui constituait un haut fond à l'époque. L'étude de terrain montre que l'activité volcanique est limitée à l'Est par la faille de Chaâba El Hamra. On pense donc qu'au moment de la mise en place des basaltes, le bloc oriental de Chaâba El Hamra constituait un horst à substratum cambro-ordovicien, raison pour laquelle les laves n'ont pas débordé cet accident, alors que la partie Ouest formait un bassin en hémi-graben. Il est probable que la mise en place des basaltes soit liée, à un stade avancé, au fonctionnement de la faille de Chaâba El Hamra qui aurait rejoué en faille normale (ou listrique?) pendant le Trias comme en témoigne tout plus ou moins la présence des failles synsédimentaires dans l'ensemble silto-gréso- conglomératique de base d'âge triasique.

2) Tectonique et impact sur l'évolution et la paléogéographie de l'Oued N'Fifikh

L'analyse des structures tectoniques enregistrées dans les formations triasiques et liasiques permet de mettre en évidence leur rôle primordial dans l'évolution du secteur étudié.

a) Déformation hercynienne

La série triasico-liasique de l'Oued N'Fifikh est limitée à l'Est par la faille de Chaâba El Hamra (Fig .4) et à l'Ouest par la faille de Tamda (Fig. 2). L'accident de Chaâba El Hamra représente vraisemblablement le prolongement méridional de la faille majeure de Bouznika (Fig. 2). Celle-ci fait partie de la « Zone de Cisaillement de la Meseta Occidentale » (Piqué, 1979). Dans la Meseta côtière septentrionale, la faille sub-méridienne de Bouznika met en contact les terrains cambro-ordoviciens du môle côtier à l'Ouest, avec ceux du Dévono-Carbonifère de la bande de Ben-Slimane à l'Est (Piqué, 1979 ; El Attari, 2001), et se prolonge depuis la région de Rabat au Nord jusqu'aux Jbilet au Sud. Cette faille aurait joué, au cours de l'Hercynien, en décrochement d'abord senestre puis dextre (El Attari, 2001). Ceci nous permet de penser que l'histoire évolutive d'affleurement serait contrôlée par le jeu conjugué de ces deux failles bordières. Ces accidents tectoniques pourraient être soit des failles néoformées, soit des failles préexistantes et héritées du socle hercynien et réactivées lors du Trias et probablement lors des événements récents. La présence de fractures préexistantes enregistrées dans le socle cambro- ordovicien, localisé aussi bien à l'Ouest qu'à l'Est du secteur, permet d'opter en faveur de la seconde hypothèse.

Tableau I

Code des faciès Lithofacièes Structures sédimentaires Interprétation
Gms Conglomérat massif à matrice dominante Pas de structures sédimentaires Coulée boueuse ou écoulement de débris
Gm Conglomérat massif à stratification frustre Litage horizontal
imbrication
Barre longitudinale
Dépôt de résidus de déflation,
Dépôt de tamisage ou de vennage
Gt Conglomérat stratifié Litage oblique, couche entrecroisé-couche oblique, base ravinante Remplissage de chenaux mineurs
Gp Conglomérat stratifié Litage oblique, entrecroisé
Litage planaire
Barre lingoïde ou accroissement delta à partir de reste de barre
St Sable moyen à très grossier à graviers Litage arqué ou entrecroisé ou isolé (théta) Régime éolien (unes): bas régime de courant
Sp Sable moyen à très grossier à graviers Litage entrecroisé planaire, isolé (alpha) ou groupé Barre lingoïde, transervale; bas régime de courant
Sn Sable très fin à très grossier, peut-être à gravier Différents types de rides de courant Rides du bas régime de courant
Sh Sable très fin à très grossier, peut-être à gravier Lamination horizontale et léniation des éléments Stratification plane, régime bas ou intermédiaire
Sl Sable fin Litage entrecroisé avec des angles i=10° Remplissage de sillons, de crevasse et d'antidunes
Se Érosion avec débris de roches sillons d'érosion Litage entrecroisé fruste Remplissage de chenaux
Ss Sable fin à grossier, peut-être à granules ou à gravies Large sillon peu profond, litage oblique, entrecroisé Remplissage de chenaux
Sse, She, Spe Sable Analogues à ss, sh, sp Dépôts éoliens (dunes)
Fl Sable, siltes, argiles Lamination très fine avec des microrides Dépôts d'étang par décantation
Fsc Siltes, argiles Lamination massive Dépôts d'étang par décantation
Fcf Vases ou argiles Massif avec des mollusques d'eau douce Dépôts d'étang par décantation
Fm Argiles, Siltes Massof avec des fentes de dessication Dépôts alluviaux d'inondation drappage
Fr Siltes, argiles Présence de racines Zone de marécage (rivage)
C Charbon, boue carbonatée Restes de plantes mélanges à de la boue Marais, marécage

Les lithofaciès types d'après Miall (1978).
 
The type lithofacies according to Miall (1978).

b) Distension triasique et liasique et impact sur la sédimentation et le volcanisme

À l'Oued N'Fifikh, cette distension s'est manifestée par :

  • Une tectonique distensive contemporaine à la sédimentation et qui semble être vraisemblable comme en témoigne la présence au sein de l'unité silto-gréso- conglomératique, d'âge probablement triasique, de failles synsédimentaires sub-méridiennes, d'extension métrique et à effondrement vers l'Ouest. Ces structures montrent la même direction que celle de la faille de Chaâba El Hamra. Il est probable que ces structures aient contrôlé la subsidence ainsi que les dépôts des sédiments triasiques et liasiques.
  • Des émissions de coulées de laves basaltiques. La corrélation des différentes coupes sériées (Fig. 7), réalisées le long de l'Oued N'Fifikh, a montré que la puissance des basaltes augmente progressivement de l'Est (où elle est de l'ordre de 20 m à Chaâba El Hamra), à l'Ouest (où elle atteint une épaisseur supérieure à 50 m à Aïn Rahal et Sidi Larbi). Cette importante activité volcanique témoigne d'une distension et d'un amincissement crustal fini-triasique. Il semble que la faille de Chaâba El Hamra ait rejoué en faille normale (ou listrique) au cours du Trias voire même du Lias inférieur, tout en provoquant un effondrement progressif vers l'Ouest à Nord-Ouest.
  • Une sédimentation grossière dans la partie orientale, mais fine dans sa partie occidentale.

Ces données structurales, sédimentaires et volcanologiques permettent de proposer une organisation du secteur d'étude en une géométrie en forme d'un hémi-graben à effondrement vers l'W à WNW dont l'asymétrie serait en liaison avec l'héritage structural hercynien de Chaâba El Hamra.

c) Compression post-triasique

Il s'agit d'une tectonique compressive tardi-à post-Trias, manifestée par la réactivation de la faille de Chaâba El Hamra. En effet, le long de cet accident, les derniers mouvements, qui affectent à la fois l'ensemble silto-gréso-conglomératique et les argilites inférieures sus-jacentes avec un rejet vertical de plus de 15 m (Fig. 4), témoignent d'une déformation fini-triasique à post-triasique. Dans ce dernier cas, on peut formuler l'hypothèse d'une tectonique récente, vraisemblablement atlasique. Si cette hypothèse est valable, la faille majeure de Chaâba El Hamra aurait rejoué pendant l'orogenèse atlasique (équivalent à l'orogenèse alpine en Europe) en sens inverse tout en provoquant un soulèvement et un basculement des blocs cette fois-ci vers l'Est (le rejet de la faille a été estimé à plus de 10 m sur le terrain).

VII. — Synthèse et discussion

L'étude sédimentologique des faciès et l'analyse séquentielle de la sérié triasico-liasique de l'Oued N'Fifikh, indique que cette dernière est composée de trois séquences élémentaires généralement granodécroissantes positives. La première rappelle les coulées boueuses de la partie proximale d'un cône alluvial, résultant d'une dynamique fluviatile torrentielle. La deuxième séquence est caractéristique d'un système fluviatile en tresse proximal, mais plus distal que le premier, de forte énergie qui tend à diminuer progressivement vers le sommet de la séquence pour déposer les siltites laminées conférant ainsi à l'ensemble de la séquence une tendance séquentielle de type « finingupward ». La troisième séquence est rythmique, caractéristique d'un système fluviatile en tresse mais plus distal que le précédent. Les faciès silteux et argileux évaporitiques liasiques traduisent un milieu marin épicontinental et peu profond.

Les épaisseurs des faciès grossiers diminuent progressivement de la base de la formation vers son sommet au profit des faciès fins. Ceci nous permet de dire que les six séquences élémentaires forment une mégaséquence grano- et strato-décroissante avec la première séquence élémentaire caractéristique des coulées boueuses de la partie proximale d'un cône alluvial, et cinq séquences élémentaires représentant des dépôts de la partie proximale d'un système fluviatile en tresse dont l'énergie tend à diminuer progressivement de la première à la cinquième séquence comme en témoigne la diminution progressive des puissances des termes grossiers en faveur des termes fins d'une séquence à une autre .

La présence des failles synsédimentaires fossilisées dans les dépôts silto-gréso-conglomératiques, l'organisation de la série triasico-liasique en un hemi-graben à vergence ouest à nord-ouest, où se déposent d'abord des dépôts continentaux détritiques grossiers au SE, puis fins au NW avant la mise en place d'un volcanisme et d'une sédimentation fine de Sebkha, sont autant d'arguments qui témoignent d'un contrôle tectonique de la sédimentation et du volcanisme lors du Trias et du Lias. La faille bordière de Chaâba El Hamra, qui correspondrait à un accident tectonique hérité du socle hercynien, aurait rejoué en faille normale (ou listrique?) pendant le Trias, voire lors du Lias inférieur. Cette faille aurait contrôlé la subsidence ainsi que la sédimentation et le volcanisme du secteur. Cette distension serait probablement liée au rifting atlantique. Ensuite, on suggère que lors des mouvements récents, probablement atlasiques, cet accident tectonique aurait été réactivé de nouveau avec un mouvement en sens inverse tout en provoquant un soulèvement au NW et ainsi un effondrement des blocs vers le SE. Ce soulèvement, de l'ordre de 10 m de rejet environ, est enregistré par le basculement des blocs de part et d'autres de la faille de Chaaba El Hamra. Selon ce modèle, l'évolution de la série triasico-liasique de l'Oued N'Fifikh correspondrait à une dynamique sédimentaire et volcanique liée à des failles actives volcano-tectoniques héritées du socle hercynien et réactivées lors du Trias et pendant l'événement tectonique atlasique.

On peut aussi suggérer une ouverture de l'Oued N'Fifikh en « Pull Apart ». Ce dernier aurait été individualisé entre l'accident de Chaâba El Hamra au SE, et l'accident de Tamda au NW. Néanmoins, il reste à confirmer les traces du mouvement horizontal le long de ces deux accidents pendant le dépôt des formations mésozoïques. Si ce modèle est correct, la série de l'Oued N'Fifikh aurait pris naissance dans un régime tectonique en transtension- transpression (distension locale dans un contexte compressif régional). Selon cette hypothèse, ces deux accidents sub-méridiens bordiers de l'Oued N'Fifikh auraient rejoué, pendant le Trias voire même lors du Lias inférieur, en décrochement senestre lié à un raccourcissement régional orienté NW-SE.

VIII. — Conclusion

Sur la base des critères sédimentologiques, tectoniques et magmatiques, nous avons abouti à un modèle résumant les différentes étapes de l'évolution géodynamique de l'Oued N'Fifikh au cours des temps mésozoïques :

  • Individualisation de l'affleurement de l'Oued N'Fifikh à l'aplomb de la faille de Chaâba El Hamra. Cet accident représenterait un héritage structural hercynien et constitue le prolongement méridional de la faille majeure de Bouznika;
  • Dépôt des éléments détritiques terrigènes d'abord grossiers puis fins. Ceci traduit le passage d'un régime torrentiel à un régime hydrodynamique de base énergie contemporain à la pénéplanation progressive des zones d'apport. On pense que les éléments sont remaniés du substratum immédiat non loin du milieu de dépôt comme en témoigne la présence, dans les dépôts silto-gréso- conglomératiques, des éléments schisto-micacés, mais il est possible que, par moment, les sédiments soient venus d'ailleurs et plus précisément du nord comme en témoigne la présence des éléments volcaniques qui pourraient être remaniés des laves cambriennes de l'Oued Ghebbar;
  • Comblement du bassin par des argilites (argilites inférieures);
  • Mise en place des basaltes dont l'arrivée serait probablement liée à la distension fini-triasique traduite dans l'affleurement par le rejeu de la faille de Chaâba El Hamra pendant le Trias et le Lias;
  • Dépôt des siltites rouges supérieures évaporitiques (sel, gypse, anhydrite) dans un milieu marin peu profond, correspondant probablement à une sebkha.

Les phénomènes tectoniques et magmatiques que connaît l'hémi-graben de l'Oued N'Fifikh sont en étroite relation avec la distension triasique généralisée à l'échelle de la Meseta et du domaine atlasique.

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Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Khadija Farki, Ghalem Zahour, Youssef Zerhouni et Hamid Wafa, « Contribution à la compréhension de l’évolution sédimentaire et tectono-volcanique de la série triasico-liasique de l’Oued N’Fifikh (Meseta côtière, Maroc) », Annales de la Société Géologique du Nord, 19 | 2012, 145-156.

Référence électronique

Khadija Farki, Ghalem Zahour, Youssef Zerhouni et Hamid Wafa, « Contribution à la compréhension de l’évolution sédimentaire et tectono-volcanique de la série triasico-liasique de l’Oued N’Fifikh (Meseta côtière, Maroc) », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 19 | 2012, mis en ligne le 05 juillet 2022, consulté le 29 avril 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/1479

Auteurs

Khadija Farki

Laboratoire de Géochimie, Géologie appliqué et Environnement, Faculté des Sciences Ben M’Sik, B.P. 7955, Sidi Othmane, Casablanca. E-mail: farkikhadija@yahoo.fr

Ghalem Zahour

Laboratoire de Géochimie, Géologie appliqué et Environnement, Faculté des Sciences Ben M’Sik, B.P. 7955, Sidi Othmane, Casablanca. E-mail: gh_zahour@yahoo.fr

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Youssef Zerhouni

Laboratoire de Géochimie, Géologie appliqué et Environnement, Faculté des Sciences Ben M’Sik, B.P. 7955, Sidi Othmane, Casablanca. E-mail: zerhouni.y@gmail.com

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Hamid Wafa

Laboratoire de Géochimie, Géologie appliqué et Environnement, Faculté des Sciences Ben M’Sik, B.P. 7955, Sidi Othmane, Casablanca. E-mail: h.wafa@yahoo.fr

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