I. — Introduction
L'industrie minière rejette plusieurs milliers de tonnes de déchets miniers. Les résidus de concentrateurs miniers et les stériles peuvent être une source de pollution aux métaux lourds due au phénomène de drainage minier acide (DMA) (Aubertin et al., 2002). Ce phénomène se déclenche quand des minéraux sulfureux sont exposés à l'eau et à l'air. L'oxydation libère alors l'acidité dans le milieu, favorisant ainsi la mise en solution de métaux lourds. Les carbonates se dissolvent pour neutraliser l'acidité produite. Une fois le potentiel de neutralisation épuisé, le milieu s'acidifie et le DMA s'amplifie.
La production du DMA par les résidus miniers est un des problèmes environnementaux les plus importants pour l'industrie minière en général. Le DMA n'est pas un problème nouveau, et on en connaît l'existence depuis longtemps. Ce n'est qu'au cours des années 1980 et 1990 que l'on s'est véritablement intéressé à cette problématique, tant du point de vue des incidences environnementales que des contrôles législatifs.
Dans les parcs à résidus, l'oxydation des minéraux sulfureux tels que la pyrite (FeS2) et la pyrrhotite (FeS) a lieu spécifiquement dans la zone non saturée et peu profonde, où il y a généralement un apport d'oxygène abondant et une population de bactéries développée (Benzaazoua, 2009). Des réactions tampons : dissolutions des carbonates, des silicates alumineux et des hydroxydes d'aluminium, ont parfois lieu et ont comme effet de diminuer l'acidité du DMA et de rendre le pH presque neutre (Chtaini et al., 1997). L'extraction de minéraux suivie par un contact avec des éléments tels que : oxygène, eau ou tout agent oxydant, peut entraîner une oxydation des sulfures présents et particulièrement celle de la pyrite. Cette particularité résulte de la présence de paire S22-, espèce plus réactive que les soufres S2- . L'état de valence admis actuellement repose sur un mélange de deux degrés de valence -2 et 0, soit S2- et S0 (Divet, 1996). A côté de cette pyrite, il peut exister un autre type plus réactif avec une forme framboïdale (Wilkin & Barns, 1997).
Le minéral sulfureux le plus abondant dans les rejets miniers est la pyrite (FeS2). L'oxydation de cette dernière peut être directe ou indirecte.
L'oxydation directe se produit lors d'une réaction chimique [1] entre la pyrite à l'état solide avec l'oxygène et l'eau (Stumm et Morgan, 1981).
[1] FeS2 + 7/2 O2 + H2O → Fe2+ + 2SO42- + 2H+
[2] Fe2+ + 1/4 O2 + H+ → Fe3+ + 1/4 O2
[3] FeS2 + 14 Fe3+ + 8 H2O → 15 Fe2+ + 2SO42- + 16H+
La réaction [1] se produit à des valeurs de pH proches de la neutralité (5< pH< 7) (Sracek et al., 2004).
Concernant l'oxydation indirecte de la pyrite, elle se produit par une réaction qui met en jeu un oxydant tel le fer ferrique (Fe3+). Lorsqu'il y a dissociation de la pyrite [2], le fer ferreux (Fe2+) produit peut s'oxyder. Si le pH est suffisamment élevé, le fer ferrique précipitera sous forme d'hydroxyde [3], cela peut contribuer à l'acidification du milieu. Quand le pH est bas (<3), Fe3+ reste en solution et devient un agent oxydant pouvant oxyder la pyrite [4]. L'oxyde de fer, la jarosite et le gypse sont les principaux types de minéraux secondaires qui se trouvent dans les lixiviats produits lors de DMA (Robertson, 1989).
Les préoccupations environnementales associées aux activités minières sont reliées aux quantités de rejets produits. Au Maroc, l'intérêt de l'industrie minière pour la protection de l'environnement et la préservation du patrimoine écologique, est relativement récent. Le Maroc a tout récemment mis en place des lois et des règles sur la gestion du secteur minier national. La loi 11-03, en date de 2003, a permis la mise en application effective du principe <<pollueur- payeur>> par intégration de normes et de standards environnementaux.
Si aujourd'hui, les grandes compagnies minières qui travaillent sur le sol marocain possèdent la technologie nécessaire à la conception, à la construction et à la fermeture des parcs à résidus miniers, selon la législation en vigueur, en revanche de nombreuses mines abandonnées, non soumises à ces obligations réglementaires par le passé, sont laissées à l'abandon. Les mines de Kettara et de Roc Blanc, situées dans les Jebilet centrales au Maroc, en constituent un exemple significatif.
Cette note essayera de fournir des éléments d'information à connaître et des facteurs à examiner, relatifs aux déchets miniers solides des deux sites abandonnés de Kettara et de Roc Blanc. Elle a pour objectifs de les caractériser, d'étudier leur incidence sur l'environnement et d'évaluer les nuisances causées par l'abandon, sans réhabilitation, des ces sites.
Chaque site minier possède ses caractéristiques propres et le taux de production de DMA dépend étroitement des caractéristiques particulières des résidus miniers provenant de chaque parc. Les deux exemples choisis contribuent à mieux comprendre les phénomènes mais ne peuvent être généralisés à l'ensemble des sites miniers abandonnés.
II. — Géologie et gitologie de Kettara et de Roc Blanc
1) Les Jebilet centrales
Le massif des Jebilet est situé au nord de la ville de Marrakech. Il encaisse plusieurs types de minéralisations d'intérêt économique certain. Il forme un chaînon atlasique de 170 km de longueur, orienté E-W, perpendiculairement aux structures hercyniennes. Le réseau hydrographique, de densité moyenne, confère au massif un modelé de plaines rocheuses peu accidentées.
Selon Huvelin (1977), ce massif est constitué de trois grandes unités (Fig.1) :
- l'unité occidentale, dite mole stable, à matériel cambro- ordovicien à carbonifère
- l'unité centrale, dont les formations sont rapportées au Viséen supérieur
- l'unité orientale, composée de terrains cambro- ordoviciens dans sa partie occidentale et du Viséen supérieur dans sa partie orientale.
L'unité des Jebilet centrales est constituée d'une formation volcano-sédimentaire, formée de schistes de « Sarhlef », de passées lenticulaires de calcaires bioclastiques et de grès (Bordonaro, 1984). Leur dépôt a été accompagné d'une activité magmatique préorogénique intense qui se manifeste par des laves et des sills de roches éruptives, de cinérites, de jaspes et de tufs acides. Les minéralisations des Jebilet sont pour la plus part liées à une activité magmatique précoce de la chaîne hercynienne et caractérisent une époque métallogénique carbonifère.
Du point de vue structural, les Jebilet centrales sont affectés par quatre phases de déformation souple et cassante (Birlea, 1990).
2) Le site de Kettara
a) Situation géographique et historique de la mine
La mine de Kettara est située à 32 km au nord de la ville de Marrakech, au bord de la route N° 9 menant à la ville côtière de Safi (Fig.2).
Il a été exploité depuis 1938 jusqu'à 1981. L'exploitation a concerné d'abord le chapeau de fer (oxydes de fer), puis la zone de cémentation (minerais de cuivre) et enfin le protore (minerai de pyrrhotite). Le corps minéralisé de Kettara est à prédominance de pyrrhotite, mais pauvre en métaux de base. Le tonnage global, toute minéralisation confondue, a été estimé à 21 Mt à 55% Fe, 20% S et 0,5% Cu en moyenne (Fournier et al., 1987).
L'encaissant de la minéralisation est constitué d'une série gréso-pélitique non carbonatée. Toute cette série encaissante est traversée par des dykes de gabbro, de dolérite et rarement de rhyolite (Esteyries, 1984).
Le climat de la zone est semi-aride. La pluviométrie est de l'ordre de 250 mm/an et l'évapotranspiration peut atteindre 2500 mm/an. Il s'agit là de l'évapotranspiration potentielle (ETP) et non réelle (ETR) (Sinan, 2000). L'humidité relative, quant à elle, est estimée à 73%.
b) Cadre structural de la mine de Kettara
L'amas sulfuré de Kettara se trouve sur le flanc Est d'une mégastructure synclinale. Les corps minéralisés sont parallèles à la schistosité et la stratification des formations encaissantes. Cette structure plissée est affectée par un important accident cisaillant qui se suit sur une longueur de plusieurs kilomètres, parallèlement à l'axe de la mégastructure synschisteuse. En bordure de ce cisaillement, la schistosité est intensément déformée et présente des plis en chevrons qui indiquent un décrochement dextre (Hibti, 2001).
c) Gîtologie de la mine de Kettara
Selon Huvelin (1977), l'amas sulfuré de Kettara correspond à des lentilles concordantes à la minéralisation sulfurée complexe, en raison des pièges sédimentaires et structuraux et en fonction des paramètres physico-chimiques et des solutions hydrothermales. La structure minéralisée s'étend sur environ 1500 m, suivant une direction N30, nettement sécante sur la stratification. Elle est de puissance variable de 0,5 à 70m et s'enracine sur plus de 500m. Les corps minéralisés, sub-verticaux et indépendants de l'encaissant, montrent trois zones qui se distinguent par leur épaisseur, leurs genèses minérales et l'altération qui les affectent. Ce sont les zones classiques d'oxydation (50m), de cémentation (5 à 10m) et de stagnation ou protore (plus de 500m).
La première zone est riche en oxydes de fer, malachite, azurite et chalcanthite, la seconde est riche en chalcopyrite, chalcosine, covelline et pyrite secondaire. Le protore renferme de la pyrrhotite, pyrite, marcassite, galène, blende, mispickel et magnétite.
L'altération hydrothermale caractérisant la minéralisation de kettara, est matérialisée sur le terrain par le développement de la séricite et de produits blanchâtres pulvérulents qui jalonnent le corps minéralisé sur toute son extension. En profondeur, c'est une altération à chlorite et séricite avec existence d'un réticulum siliceux centimétrique plissé aux épontes de l'amas (Fournier et al., 1987).
d) Conclusion
L'amas sulfuré de Kettara est caractérisé par une minéralisation dominée par la présence de la pyrrhotite et il est appauvri en métaux de base.
Le minerai principal de Kettara est constitué de pyrrhotite. D'autres paragenèses sulfurés coexistent avec la pyrrhotite, en l'occurrence la pyrite, la marcassite, la chalcopyrite, la galène, le mispickel et la magnétite qui passe vers le toit de l'amas à des oxydes de fer.
3) Le site de Roc Blanc
a) Situation géographique et historique de la mine
La mine de Roc Blanc est située à 20 km au Nord de la ville de Marrakech, et à 2km à l'Ouest de la route principale qui mène vers Casablanca (Fig. 2).
Les filons argentifères de Roc Blanc ont fait l'objet de nombreuses études effectuées depuis 1925 et jusqu'au 1984, totalisant 2280 m de galeries, 3300 m de sondages et 280 m de puits. Le tonnage du tout venant est de l'ordre de 192 000 tonnes à 635 g d'argent à la tonne, à 0,5% de plomb et 0,74 g de zinc (Chouhaidi, 1986).
Les terrils sont répartis autour de l'ancienne usine de traitement de minerais d'une part et à une centaine de mètres à l'ouest d'autre part. Ils couvrent une superficie de moins d'un hectare et une épaisseur d'environ 6m.
Le climat de la zone est semi aride. La pluviométrie est en moyenne de 200 mm/an, le couvert végétal est par ailleurs rare ou absent.
b) Cadre structural de la mine de Roc Blanc
La série de Roc Blanc est affectée par des plis serrés à axes peu pentés. Mais elle révèle aussi des structures synclinales très ouvertes dessinées par un banc de quartzite sombre (Gsabi & Rulinda, 1985).
Les filons argentifères de Roc Blanc constituent un faisceau relativement dense encaissé dans des schistes, d'age viseen, faiblement tachetés. Sept filons mal visibles en surface, ont été dénombrés. Ils présentent une direction subméridienne, à pendage compris entre 40 et 60° E. l'extension des filons est de l'ordre de 300 à 600m. la puissance varie de quelques centimètres à 1 m. Les filons sont sub-parallèles et sont parfois recoupés de failles de faible rejet. Il est cependant possible de les voir par endroits se ramifier latéralement en deux ou plusieurs branches et sont légèrement sécants sur la schistosité de l'encaissant (Chouhaidi, 1986).
c) Gîtologie de la mine de Roc Blanc
Belhadi et al. (1983) ont distingué des paragenèses complexes des filons constituées de pyrite, mispickel, blende, chalcopyrite, marcassite , galène, meneghinite, owyheelite , polybasite, tennantite, tétraèdrite, binnite, pyrargyrite, argentite et freibergite. Le remplissage, essentiellement formé d'éléments de schistes d'épontes cimentés par du quartz minéralisé en sulfures, montre une structure feuilletée ou brêchique.
d) Conclusion
Les filons argentifères sont subconcordants avec la schistosité de l'encaissant. La minéralisation est caractérisée par quatre groupes, celui des minerais ferrifères, plombifères et stannoantimonures de plomb et d'argent, minerais argentifères et enfin ceux de la gangue. La minéralisation s'y répartit en colonnes et présente une structure rubanée ou brêchique.
III. — Matériels et méthodes
1) Stations d'échantillonnage
Tous les échantillons ont été prélevés dans des endroits représentatifs dans toutes les zones de stockage afin de s'assurer de la prise en compte de la variabilité. En effet, les résidus miniers peuvent être hautement hétérogènes puis que les différents matériaux sont déposés à différentes étapes de la vie de la mine.
Afin de caractériser ces résidus miniers, une dizaine d'échantillons ont été prélevés au niveau du parc à résidus et dans la halde à stérile de la mine de Kettara. (Fig. 3). Huit échantillons sont des résidus solides (Kt1 à Kt8) et les deux autres (Kp1 et Kp2) sont des échantillons d'eaux prélevés dans de deux puits situés à environ 800 m en aval de l'usine.
Les échantillons prélevés au niveau du parc à résidus miniers de Roc Blanc (Fig. 4), sont au nombre de sept : cinq sont des résidus miniers solides (Rc1 à Rc5), les deux autres sont des échantillons d'eau de puits (Rbe1 et Rbe2), récoltés à une distance de 500 m l'un de l'autre à l'aval des résidus de Roc Blanc. L'échantillon (Rbe1) récolté du puit situé au pied de la halde à environ 800 m de l'usine. Le second échantillon (Rbe2), localisé à proximité de l'usine se distingue de Rbe1 par son aspect trouble dégageant une odeur de plomb.
2) Analyses physico-chimiques
Le pH et le potentiel redox (Eh) ont été mesurés à l'aide d'un pH-mètre type (HANNA pH209) et la conductivité électrique a été mesurée à l'aide d'un conductimètre type (HANNA) à 25°C dans les eaux de puits et les lixiviats préparés.
Le protocole de préparation du lixiviat a consisté en un mélange de 150 g de résidus miniers à 300 ml (Rapport 1/2) de l'eau distillée, avec agitation permanente. Au bout d'une semaine, on a procédé à la filtration puis aux mesures de pH et du Eh.
Afin de caractériser la phase minérale de ses résidus, nous avons utilisé un diffractomètre type XPert Pro - PANalytical. Le pourcentage des carbonates dans les échantillons a été dosé par calcimétrie.
Le spectromètre d'émission plasma (inductively coupled plasma ICP) de type Jabin Yvan ULTIMA2 et le Spectromètre de fluorescence X (FX) de type AXIO- PANalytical ont été utilisés à fin de déterminer la composition chimique globale des échantillons.
Une étude granulométrique a été réalisée afin de déterminer la fraction dominante dans les résidus miniers et leur perméabilité.
IV. — Résultats et discussion
La diffraction des rayons X indique que les principaux minéraux sulfurés dans le site de Kettara sont la pyrrhotite (Fe1-X) S2) et la pyrite (FeS2), accompagnées par de petites quantités de chalcopyrite, sphalérite, galène, vermiculite, goethite, quartz, clinochlore, pyrophyllite, ferroan, zeolite, talc et muscovite. Ces résultats sont tout à fait concordants avec les travaux antérieurs (Nfissi, 2008 et Hakkou et al., 2009).
Le principal carbonate a été identifié comme étant la calcite. La minéralogie dominante (silicates, aluminosilicates et goethite) est en parfait accord avec les concentrations en Si, Al, K, Mg, Na et Fe. La jarosite et le gypse, qui sont des minéraux secondaires, ont été détectés dans les résidus oxydés récoltés à la surface (résidus miniers) mais ils n'ont pas été détectés dans les haldes principales et les stériles (Hakkou et al, 2008).
Dans la mine de Roc Blanc, on note la présence de quartz, cuprite, zinwaldite, malladrite, zircon, magnétite, muscovite, illite, birnessite et spinelle.
Pour ce qui est du dosage des carbonates, nous avons constaté que la quantité de calcaire à Kettara varie de 2 à 4 % et à Roc Blanc elle est de 1 à 4 %. Elle est donc insignifiante dans les deux sites, et n'agira que très peu sur la neutralisation du milieu.
Les résultats de l'analyse granulométrique par tamisage ont montré que les échantillons de Kettara ont une texture plus grossière que les échantillons de Roc Blanc. Les matériaux moyens à grossiers de Kettara sont équivalents à des sables moyens à grossiers (Tabl. I) qui sont perméables par rapport à ceux de Roc Blanc, à l'exception de l'échantillon (Rc4) qui est un peu fin. Les matériaux constituants ces résidus sont des grains grossiers (Tabl. II) permettant un bon drainage et une oxydation plus poussée dans les sites miniers, notamment à Kettara.
Les résultats de la spectrométrie de fluorescence X ont montré qu'à Kettara la teneur en oxydes de fer (Fe2O3) varie entre 10 et 36 %, celle de SO3 varie entre 8 et 26 % et celle de SiO2 est comprise entre 4 et 53 % (Tabl. III) ; pourtant, à Roc Blanc les résultats des résidus miniers présentent des teneurs élevés en SiO2 (33 à 52 %) et en Fe2O3 (5 à 9 %) (Tabl. IV).
Les résultats de l'analyse chimique par ICP des résidus miniers solides et les lixiviats à Kettara révèlent des teneurs faibles en Cd et une absence de Hg, Ba, B, Ti, et P sont aussi absents (Hakkou et al., 2008) (Tabl. V et VI). Les résidus solides de la mine de Kettara sont caractérisés par des concentrations élevées en métaux lourds (As, Cr, Ni, Cu, Mn) (Fig. 4a). Le fer est présent en quantités relativement plus élevées (2 ,476% - 13,342 %) à Kettara qu'à Roc Blanc (1,587 - 2,216%).
Les concentrations élevées de certains contaminants sont susceptibles de causer des dommages à l'environnement. Ces éléments chimiques peuvent être considéré comme étant des variables résultantes mesurables et qui serviront d'indicateurs relatifs de la qualité de l'environnement.
Le pH joue un rôle très important dans la mobilité des métaux. Un pH acide entraîne la mise en solution de sels métalliques, la mise en solution de phases de rétention, la désorption des cations et l'adsorption des anions (Lions, 2004). Les pH bas auront un effet sur la solubilité d'une certain nombre de métaux lourds (As, Zn, Cu, Co, Pb…) qui proviendraient des minéraux primaires contenus dans les rejets miniers.
La caractérisation physico-chimique du DMA associé à l'ancienne mine de pyrrhotine de Kettara et de filons argentifères de Roc Blanc a montré que les lixiviats de la première mine sont très acides (1.5<pH<2.9). Ce pH bas favorise une grande solubilité et donc une concentration assez forte des métaux lourds. Ce phénomène reste présent mais, n'est pas de cette même ampleur pour la deuxième mine (6<pH<6.6) (Tabl. VI).
A propos des eaux de puits, le pH est plus ou moins neutre et le potentiel redox (Eh) et la conductivité sont assez faibles, traduisant une concentration minime en sels minéraux dissous.
Les lixiviats de la mine de Kettara se distinguent par leurs fortes teneurs en fer par rapport à ceux de Roc Blanc (Fig. 5b et 6b). As, Fe, Cr et Pb sont plus importants au sommet de l'amas des résidus dans le site de Kettara, ceci s'explique par un pH acide à la surface de l'amas qui est en contact direct avec l'oxygène (Tabl. VI). Les eaux de puits dans la zone de Kettara (Kp1 et Kp2) ne contiennent ni Cd ni Hg.
Hg est absent dans tous les lixiviats du site minier de Roc Blanc. Cette mine est marquée par des teneurs élevées en As, Pb, Zn. Les haldes les plus lointaines de la mine sont pauvres en Cu et Ni contrairement à celles qui sont à proximité de l'usine (Fig. 6a). La comparaison des concentrations en métaux lourds des eaux de puits des deux sites avec les seuils imposés pour l'eau potable (ONEP 1993) (Tabl. VII) montre que tous les échantillons entrent dans les normes, exception faite pour l'échantillon Rbe2. Cette eau est considérée par la population comme non potable d'où son utilisation uniquement pour l'irrigation des plantations de légumineuses avoisinantes. Cette pratique est néanmoins problématique car les risques de concentration des polluants dans les espèces végétales sont très vraisemblables.
Tableau III
Composition chimique | Kt1 | Kt2 | Kt3 | Kt4 | Kt5 | Kt6 | Kt7 | Kt8 |
SiO2 | 5.914 | 11.7 | 52.52 | 13.37 | 13.09 | 5.76 | 6.313 | 4.856 |
Al2O3 | 2.716 | 3.438 | 1.834 | 5.088 | 4.57 | 1.031 | 1.644 | 0.6095 |
MgO | 1.511 | 2.197 | 0.6059 | 2.773 | 2.729 | 0.6902 | 1.112 | 0.6543 |
CaO | 0.1435 | 0.2822 | 0.5833 | 0.6847 | 0.7912 | 0.2236 | 0.2697 | 0.09163 |
Na2O | 0.1172 | 0.138 | 0.1675 | 0.124 | 0.1422 | 0.07325 | 0.08626 | 0.07451 |
K2O | 0.1021 | 0.1655 | 0.1293 | 0.2681 | 0.1761 | 0.1025 | 0.1367 | 0.06253 |
TiO2 | 0.09362 | 0.1796 | 0.1854 | 0.2062 | 0.1965 | 0.0974 | 0.1265 | 0.04446 |
MnO2 | 0.01823 | 0.01954 | - | 0.06824 | - | - | - | - |
Fe2O3 | 33.3 | 24.39 | 10.19 | 23.56 | 27.24 | 35.92 | 30.66 | 17.65 |
P2O5 | 7.914 | 0.07691 | 0.04807 | 4.832 | 0.05005 | 0.02671 | 5.967 | 0.00964 |
CuO | 0.2387 | 0.1206 | - | 0.1545 | 0.2728 | 0.1062 | 0.2441 | 0.08561 |
SO3 | 16.28 | 21.83 | 22.25 | 8.981 | 9.317 | 13.02 | 15.82 | 25.57 |
As2O3 | 0.0249 | - | 0.02201 | 0.02403 | 0.06759 | 0.0439 | - | - |
PbO | - | 0.03197 | - | - | - | - | 0.06492 | 0.04591 |
SeO2 | - | 0.008069 | 0.2299 | - | - | - | 0.005673 | - |
ZrO2 | - | 0.006467 | 0.01399 | 0.006825 | 0.008158 | 0.003193 | 0.02094 | - |
Cl | 0.0315 | 0.03502 | - | 0.02916 | 0.02717 | - | 0.02335 |
Composition chimique des résidus miniers de Kettara en%.
Chemical composition of tailings of Kettara in %.
Tableau IV
Composition chimique | Rc1 | Rc2 | Rc3 | Rc4 | Rc5 |
SiO2 | 50.13 | 51.6 | 39.53 | 38.58 | 33.66 |
Al2O3 | 5.99 | 14.51 | 12.54 | 15.54 | 14.65 |
MgO | 1.919 | 1.892 | 1.917 | 1.388 | 1.431 |
CaO | 1.364 | 0.9218 | 1.173 | 0.7297 | 1.041 |
Na2O | 0.7248 | 0.433 | 0.4047 | 0.4316 | 0.5217 |
K2O | 2.473 | 2.396 | 2.015 | 2.346 | 2.151 |
TiO2 | 0.6368 | 0.513 | 0.5671 | 0.6756 | 0.5935 |
MnO2 | 0.5215 | - | 0.524 | 0.2373 | 0.2293 |
Fe2O3 | 7.672 | 8.837 | 6.697 | 5.938 | 5.994 |
P2O5 | 0.1407 | 0.1137 | 0.0971 | 0.1011 | 0.09105 |
CuO | - | - | - | 0.03249 | 0.01894 |
SO3 | 1.884 | 2.045 | 2.487 | 0.996 | 0.7393 |
As2O3 | 0.6154 | 0.6546 | 0.7082 | 0.3082 | 0.1419 |
PbO | 0.2004 | 0.145 | 0.1701 | 0.3917 | 0 |
ZrO2 | 0.02985 | 0.01624 | 0.02685 | 0.03428 | 0.03116 |
Cl | 0.0925 | 0.06237 | 0.09266 | 0.08271 | 0.08791 |
BaO | 0.08106 | 0.04277 | - | 0.07119 | 0.06099 |
Rb | 0.03394 | 0.01861 | 0.02985 | 0.03654 | 0.03378 |
Composition chimique des résidus miniers de Roc Blanc en %.
Chemical composition of tailings of Roc Blanc in %.
Le secteur de Kettara, de par sa nature géologique est le siège d'une nappe phréatique. L'écoulement s'effectue du NE vers le SW.
Les eaux de la nappe dans la partie amont ont des conductivités de l'ordre de 1,5 ms ; elles augmentent en aval de la mine pour atteindre 3 ms. Elles présentent des concentrations élevées en éléments chimiques spécialement les sulfates et le magnésium, témoignant ainsi de la pollution des eaux souterraines causée par la mine (Fahdi et al., 2010).
Les mesures du potentiel net de génération d'acide de Kettara (Hakkou et al., 2008) ont donné un potentiel d'acidification (PA) compris entre 51 et 453 kg CaCO3/t et le Potentiel net de neutralisation (PNN) entre -453 à -22,5 kg CaCO3/t ce qui montre que tous les résidus miniers de Kettara sont potentiellement générateurs d'acide.
Tableau V
As (ppm) |
Cd (ppm) |
Co (ppm) |
Cr (ppm) |
Cu (ppm) |
Mn (ppm) |
Ni (ppm) |
Pb (ppm) |
Zn (ppm) |
Fe (%) | |
Rc1 | 3402.105 | 9.654 | 13.645 | 59.072 | 36.008 | 2192.299 | 77.762 | 722.109 | 1173.529 | 1.901 |
Rc2 | 3886 | 1.526 | 11.052 | 57.008 | 36.652 | 1965.492 | 123.961 | 489.664 | 270.213 | 1.587 |
Rc3 | 4960.127 | 20.233 | 14.504 | 87.331 | 35.17 | 2681.305 | 101.04 | 749.595 | 2377.276 | 2.018 |
Rc4 | 6549.902 | 37.698 | 19.14 | 85.073 | 253.864 | 2188.728 | 28.154 | 6181.51 | 4519.019 | 2.216 |
Rc5 | 1414.027 | 11.296 | 22.312 | 120.093 | 474.437 | 1338.007 | 44.972 | 1578.51 | 1415.311 | 1.86 |
Kt1 | 165.03 | ≤0.2124 | 39.633 | 44.885 | 2721.709 | 375.845 | 95.444 | 53.109 | 139.762 | 13.221 |
Kt2 | 88.14 | ≤0.182 | 26.573 | 33.583 | 1257.002 | 406.629 | 28.146 | 38.268 | 130.661 | 8.724 |
Kt3 | 31.06 | ≤0.218 | 4.373 | 27.188 | 175.683 | 74.42 | 22.919 | 50.258 | 40.836 | 2.476 |
Kt4 | 268.055 | ≤0.212 | 35.981 | 42.948 | 3473.563 | 670.25 | 6.953 | 90.731 | 258.12 | 10.251 |
Kt5 | 275.479 | ≤0.202 | 62.648 | 53.571 | 3258.878 | 467.584 | 7.798 | 101.575 | 216.806 | 11.98 |
Kt6 | 327.913 | ≤0.213 | 18.642 | 14.303 | 774.272 | 106.371 | 53.99 | 131.468 | 69.301 | 13.342 |
Kt7 | 263.139 | ≤0.223 | 64.157 | 20.704 | 1457.689 | 163.927 | 45.087 | 158.517 | 151.144 | 11.3 |
Kt8 | 210.03 | ≤0.213 | 44.348 | 20.521 | 1145.315 | 78.741 | 14.574 | 145.19 | 90.665 | 7.763 |
Composition chimique des résidus minier solides de Kettara et Roc Blanc en ppm. Rc : Résidus miniers de Roc Blanc, Kt : Résidus miniers de Kettara.
Chemical composition of tailings solids of Kettara and Roc Blanc in ppm.
Tableau VI
pH | As (ppm) |
Cd (ppm) |
Co (ppm) |
Cr (ppm) |
Cu (ppm) |
Fe (ppm) |
Hg (ppm) |
Ni (ppm) |
Pb (ppm) |
Zn (ppm) | |
LRc1 | 6.59 | 0.851 | 0.002 | 0 | 0.001 | 0.012 | 0.14 | ≤0.005 | 0.002 | 0.022 | 0.164 |
LRc2 | 6.08 | 0.693 | 0.001 | 0.001 | 0.001 | 0.007 | 0.326 | ≤0.005 | 0.002 | 0.024 | 0.074 |
LRc3 | 6.03 | 0.286 | 0.014 | 0.003 | 0.001 | 0.004 | 0.626 | ≤0.005 | 0.005 | 0.072 | 0.879 |
LRc4 | 6.04 | 0.04 | 0.057 | 0.001 | 0.001 | 0.008 | 0.139 | ≤0.005 | 0.011 | 0.317 | 2.809 |
LRc5 | 6.22 | 0.307 | 0.007 | 0.004 | 0 | 0.023 | 0.227 | ≤0.005 | 0.015 | 0.3136 | 0.5 |
LKt1 | 2.84 | 0.011 | 0.009 | 1.703 | 0.072 | 48.304 | 36.254 | ≤0.005 | 0.172 | 0.001 | 4.678 |
LKt2 | 2.27 | 0.046 | ≤0.001 | 2.324 | 0.412 | 133.205 | 1372.281 | ≤0.005 | 0.383 | 0.19 | 10.05 |
LKt3 | 1.65 | 2.184 | ≤0.001 | 0.356 | 1.222 | 5.621 | 2023.59 | ≤0.005 | 0.066 | 1.035 | 0.973 |
LKt4 | 2.65 | 0.037 | 0.011 | 1.004 | 0.042 | 31.453 | 43.845 | ≤0.005 | 0.101 | 0.019 | 3.513 |
LKt5 | 2.68 | 0.023 | 0.035 | 3.934 | 0.069 | 67.112 | 106.567 | ≤0.005 | 0.372 | 0.021 | 9.733 |
LKt6 | 1.88 | 0.254 | ≤0.001 | 3.923 | 0.48 | 97.93 | 1546.974 | ≤0.005 | 0.237 | 0.291 | 4.611 |
LKt7 | 2.18 | 0.846 | 0.014 | 14.331 | 0.507 | 328.061 | 950.492 | ≤0.005 | 0.772 | 0.128 | 26.778 |
LKt8 | 2 | 2.604 | ≤0.001 | 4.69 | 0.193 | 93.812 | 2059.528 | ≤0.005 | 0.232 | 0.77 | 8.44 |
Rbe1 | 7.11 | 0.005 | ≤0.001 | 0.001 | ≤0.001 | 0.02 | 0.293 | ≤0.005 | 0.001 | ≤0.001 | 0.031 |
Rbe2 | 7.3 | 2.1 | 0.001 | 0.001 | 0.007 | 0.024 | 1.052 | ≤0.005 | 0.001 | 0.009 | 0.12 |
Kp1 | 7.97 | 0.02 | ≤0.001 | 0.001 | 0.001 | 0.037 | 0.273 | ≤0.005 | 0.002 | 0.002 | 0.048 |
Kp2 | 7.61 | 0.009 | ≤0.001 | 0 | ≤0.001 | 0.01 | 0.231 | ≤0.005 | ≤0.001 | 0.008 | 0.051 |
Composition chimique des lixiviats et des eaux de puits de Kettara et Roc Blanc en ppm. LRc : Lixiviats de Roc Blanc, LKt : Lixiviats de Kettara, Rbe : Eaux de puits de Roc Blanc, Kp : Eaux de puits de Kettara.
Chemical composition of leachate and water wells of Kettara and Roc Blanc in ppm.
Tableau VII
Paramètres (mg/l) |
Normes marocaines | Kp1 | Kp2 | Rbe1 | Rbe2 |
Cd | 0.005 | ≤0.001 | ≤0.001 | ≤0.001 | 0.001 |
Cr | 0.05 | 0.001 | ≤0.001 | ≤0.001 | 0.007 |
Cu | 1 | 0.037 | 0.01 | 0.02 | 0.024 |
Fe | 0.3 | 0.273 | 0.231 | 0.293 | 1.052 |
Pb | 0.05 | 0.002 | 0.002 | ≤0.001 | 0.009 |
Zn | 5 | 0.048 | 0.048 | 0.031 | 0.12 |
Comparaison des concentrations en métaux lourds des eaux de puits des deux sites avec ceux d'eau potable (ONEP, 1993) en mg/l. Rbe : Eaux de puits de Roc Blanc, Kp : Eaux de puits de Kettara.
Comparison of heavy metal concentrations in well water at both sites with those of drinking water (ONEP 1993) in mg/l.
V. — Conclusion
Les deux sites miniers de Kettara et de Roc Blanc, dans les Jebilet centrales au Maroc, sont abandonnés depuis plusieurs décennies sans aucune réhabilitation. Ils possèdent, à des degrés variables, un haut potentiel de pollution. Cet abandon accentue la nuisance et a un effet négatif aussi bien sur l'esthétique de l'environnement de la région que sur les eaux et les terrains au voisinage des deux sites. L'environnement récepteur des deux sites est exposé à des risques aussi bien pour les composantes biotiques qu'abiotiques. Des problèmes de toxicité aigüe et chronique sur la santé des populations, sur les espèces animales et végétales sont envisageables et devront faire l'objet d'une étude plus poussée en vue de rassembler les éléments d'information pertinents et qui constitueraient un facteur potentiellement important dans l'établissement d'objectifs en matière d'environnement et de remise en état.
Les deux mines restent des mines agressives au vu de l'importance du DMA généré dans leurs parcs à résidus. L'atténuation de ce phénomène reste d'une extrême urgence.
Dans le but de réduire l'extension du DMA et la gravité de ses impacts sur la région, l'application de méthodes de restauration efficaces et économiques est devenue une nécessité. Des études sur la stabilisation des rejets miniers par les stériles riches en calcaires issus de l'extraction des phosphates, sont en cours. D'autres études sont aussi en cours à la Faculté des Sciences de Ben Msik de Casablanca, et dont l'objectif principal est de contrôler le DMA en utilisant un amendement à base de poussières de fours de cimenteries et de cendres volantes des centrales thermiques. Ces amendements alcalins, provenant respectivement de la cimenterie de Bouskoura (Casablanca) et de la centrale thermique de Jorf Lasfr (El Jadida), permettraient une neutralisation de l'acidité existante et la réduction de la lixiviation des métaux nocifs suite à l'accroissement du pH. Il s'agira là de valoriser des rejets industriels pour en réhabiliter d'autres.
Remerciements. — MM. Hervé Coulon (MEDDTL, CETE NP/RDT) et Pierre Pinte (Groupe Eiffage, Travaux Publics Est) ont accepté de lire et de critiquer ce manuscrit en y apportant leurs remarques ciblées. Qu'ils en soient chaleureusement remerciés. Nos remerciements vont aussi aux membres du conseil scientifique et éditorial de la SGN, en particulier MM. Alain Blieck, président de la SGN, Jean-Pierre De Baere, directeur de la publication et Philippe Recourt pour la mise en forme de l'article.