I. — Introduction
Le domaine de l'Anti-Atlas, situé sur la bordure septentrionale du craton ouest-africain, appartient à la ceinture orogénique panafricaine (Hefferan et al., 1992 ; Thomas et al., 2002). Il constitue un segment de la chaîne panafricaine où les terrains précambriens affleurent dans des boutonnières disposées suivant une direction globale NE-SW (Fig. 1), résultat de l'érosion combinée à des effets d'évènements tectoniques compressifs et extensionnels.
La boutonnière précambrienne d'Aït Sawn, située à 40 km au sud-est de la ville d'Ouarzazate (Fig. 2A) et à 45 km au nord-ouest de Zagora, appartient au massif de Saghro (Fig. 1). Elle correspond à un bombement étendu suivant une direction NE-SW, et composé d'un socle précambrien recouvert en discordance par une couverture infracambrienne schisto-gréso- carbonatée (Fig. 2B). Le socle précambrien est constitué par des roches volcaniques et volcanoclastiques dont l'ensemble a été défini sous le nom de formation d'Ouarzazate ou Précambrien III selon Choubert (1957, 1963) et supergroupe de Ouarzazate selon la classification de Thomas et al. (2004). Les datations des coulées de roches volcaniques dans la région d'Ouarzazate ont permis de livrer des âges compris entre - 586 ± 20 et - 563 ± 10 Ma (Mifdal & Peucat, 1985) ; une autre datation des ignimbrites a donné un âge de - 567 ± 7 Ma (Walsh et al., 2002 ; U/Pb sur zircons). Ces âges attribuent un âge édiacarien supérieur aux formations du Supergroupe d'Ouarzazate (Yazidi et al., 2008).
Le but de cette recherche consiste essentiellement à :
- présenter et décrire la succession lithostratigraphique des séries volcaniques édiacariennes de la boutonnière d'Aït Sawn en se basant sur les relations mutuelles entre les différentes formations et la corrélation des différentes coupes géologiques sériées réalisées à travers le secteur ;
- décrire les différents faciès pétrographiques qui constituent ces formations ;
- reconstituer les paléo-appareils ayant servi de voies d'alimentation du magmatisme du secteur ;
- reconstituer l'histoire paléogéographique du secteur d'Aït Sawn et mettre en évidence le rôle de la tectonique dans la mise en place du volcanisme.
II. — Lithostratigraphie et pétrographie des formations du Précambrien III d'Aït Sawn
La cartographie détaillée et la corrélation des coupes sériées réalisées ont permis d'établir une succession lithostratigraphique synthétique des formations volcaniques et volcanoclastiques néproterozoïques de la boutonnière d'Aït Sawn (Fig. 3). La coupe synthétique montre les faciès pétrographiques suivants qui sont des plus anciens aux plus récents :
1) Les brèches pyroclastiques inférieures (30 m)
Elles correspondent au faciès de base du Néoprotérozoïque terminal à l'échelle du secteur et affleurent au pied nord de Jbel Bou Imzilene. Ce sont des roches grises en patine et rougeâtres à la cassure, caractérisées par la présence de xénolites à contours anguleux et sinueux de basaltes porphyriques sus-jacents. Il s'agit de projections violentes qui annoncent les premières venues magmatiques du secteur.
2) Les basaltes (60 m)
Il s'agit d'une succession de coulées décamétriques qui occupent une grande étendue. Dans la valée d'Assif-n- Oummiter, le faciès dominant est celui du basalte porphyrique à mégaporphyrique vacuolaire qui correspond à des roches sombres, parfois verdâtres ou rougeâtres, contenant des phénocristaux de plagioclase de taille millimétrique à centimétrique. Localement, ces roches renferment des vacuoles millimétriques à centimétriques. Au nord du Jbel Bou Imzilène, ces basaltes deviennent fluidaux. La fluidalité verticale orientée N60, est marquée par l'orientation privilégiée des cristaux de plagioclase.
3) L'ensemble volcanoclastique composite (45 m)
Il est représenté par des brèches pyroclastiques, formées de fragments centimétriques des basaltes porphyriques sur lesquelles reposent des conglomérats épiclastiques et des alternances de niveaux centimétriques gréseux et bréchiques. La partie sommitale de cet ensemble correspond à une période de sédimentation qui marque un arrêt momentané du volcanisme.
4) Les andésites
Un second épisode magmatique est représenté par des coulées d'andésites (20 m) de couleur grisâtre à sombre, presque aphyriques à l'œil nu.
5) Les ignimbrites
Le troisième épisode volcanique correspond à des émissions acides marquées par la mise en place d'une puissante série (160 m) ignimbritique. Ces faciès occupent principalement le sommet de Jbel Bou Imzilène et montrent la succession suivante :
- Les ignimbrites fluidales (10 m) affleurent en position basale au niveau du versant sud de Jbel Bou Imzilene avec une fluidalité verticale orientée N60. Ce faciès montre un rubanement millimétrique visible à l'échelle de l'échantillon. Celui-ci est marqué par une alternance de lits millimétriques clairs et de lits sombres ;
- les ignimbrites nodulaires (≈ 60 m) affleurent principalement sur le flanc sud de Jbel Bou Imzilene. L'une des caractéristiques de ce faciès est la présence de nodules sphériques de taille millimétrique à décimétrique (jusqu'à 15 cm) remplis de quartz et/ou verre volcanique ;
- les ignimbrites fluidales et nodulaires (90 m) constituent la grande partie de l'ensemble acide. Elles se caractérisent par la présence d'une fluidalité et de nodules souvent sphériques ou parfois elliptiques, formés de quartz ou de verre volcanique. Certains nodules sont zonés et montrent un noyau de quartz dans un cortex de silice amorphe.
Le magmatisme filonien est représenté par un filon rhyolitique d'une puissance de 10 à 30 m et d'une extension de plusieurs centaines de mètres. Ce filon a une direction N60 et un pendage subvertical à vertical (70° à 80°) qui longe le versant nord du Jbel Imzilène. Il est encaissé tantôt dans les brèches pyroclastiques de base tantôt dans les basaltes. Vers l'est, ce filon débouche dans le cumulo-dôme d'Aït Sawn. Sur la série volcanique et volcanoclastique du Néoprotérozoique terminal de la boutonnière d'Aït Sawn, repose en discordance une puissante couverture infracambrienne schisto-gréso-conglomératique et carbonatée. Les principaux caractères pétrographiques des roches du Précambrien III d'Aït Sawn sont résumés dans le tableau ci-dessus (Tabl. I).
Tableau I
Nature de la roche | Faciès | Paragénèse primaire | Paragénèse secondaire | % des constituants | Texture | Autres critères | |
Cristaux | Mésostase | ||||||
Basaltes | Faciès à olivine et pyroxène | Pl, Px, O1 et Op | Ser, Chl, Ep et Oxy | 80 % | 20 % | Microlitique porphyrique | |
Faciès fluidale et vacuolaire | Pseudomorphes de Px et Op | Ep | 10 % | 90 % | Microlitique fluidale et vacuolaire |
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Faciès porphyrique et vaculaire | Pl et Op | Qz, Cal et Oxy | 60 % | 40 % | Microlitique porphyrique vacuolaire |
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Andésites | Microlitique porphyrique vacuolaire | Pl et Op | Cal, Ser et Oxy | 35 % | 65 % | Microlitique porphyrique vacuolaire |
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Ignimbrites | Faciès fluidale et rubané | Qz et Op | Qz et Oxy | 5 % | 95 % | Eutaxitique |
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Faciès nodulaire | Qz et Op | Qz et Oxy | 5% | 95 % | Vitroclastique nodulaire |
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Faciès fluidale | Qz et Op | Qz et Oxy | 5 % | 95 % | Eutaxitique |
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Rhyolites | Cryptocristallin | Qz et Fld Op | Qz et Oxy | 5 % | 95 % | Cryptocristalline | Dévitrification du fond vitreux préexistant et recristallisation en Qz et Fld. |
Brèches pyroclastiques | Faciès pyroclastique xénolitique basaltique | Fragments de roches (85%), (Pl et Op : 5%) et Ciment (10%) |
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Tableau récapitulatif de la pétrographie de la série volcanique du Néoprotérozoïque terminal de la boutonnière d'Aït Sawn. Abréviations : Pl : plagioclase, Px : pyroxène, Ol : olivine, Op : opaques, Qz : quartz, Fld : feldspaths, Ep : épidote, Cal : calcite, Ser : séricite, Chl : chlorite, Oxy : oxydes.
Petrography summary of the volcanic series of the late Neoproterozoic of the Aït Sawn inlier. Abbreviations: Pl : plagioclase, Px : pyroxene, Ol : olivine, Op : opaque, Qz : quartz, Fld : feldspars, Ep : epidote, Cal : calcite, Ser : sericite, Chl : chlorite, Oxy : oxides.
III. — Description des appareils volcaniques d'Aït Sawn
Le volcanisme édiacarien de la Boutonnière d'Aït Sawn est marqué par deux grands types de dynamisme éruptif qui dépendent essentiellement de la nature des laves émises. Un magma basique à intermédiaire, qui semble être plus fluide, est responsable d'une activité magmatique effusive matérialisée par des empilements de coulées de basaltes porphyriques à mégaporphyriques auxquels succèdent des coulées andésitiques. Après une période de repos, une autre activité volcanique, cette fois-ci explosive, reprend et produit un magmatisme présumé visqueux et pâteux au moment de l'éruption en raison de son importante acidité. Ce magma s'accumule à proximité des points d'émission sans pouvoir s'étaler sur une très grande étendue donnant naissance à des roches acides en l'occurrence les ignimbrites. Dans la région étudiée, les produits volcaniques ne sont pas distribués d'une manière aléatoire, mais ils s'accumulent plutôt au niveau du cratère du volcan en édifiant des appareils volcaniques à la surface appelés communément des extrusions. Dans ce qui suit on s'intéressera à la reconnaissance de la morphologie, la structure et le type des paléo-appareils qui ont servi de voies d'alimentation aux produits volcaniques.
1) Les appareils centraux
Les édifices volcaniques ponctuels mis en évidence rappellent par leur morphologie des dômes classiques analogues à ceux décrits dans les volcans néogènes d'Iran (Emami & Michel, 1982), dans le Haut-Atlas (Zahour et al., 2000 ; Zahour, 2001) et dans l'Anti-Atlas (Zahour, 1990 ; El Maidani, 2005). Nous décrirons dans ce qui suit deux exemples d'extrusions.
a) Dôme-coulée d'Imzilene
C'est une extrusion formée principalement d'ignimbrites. Cette structure encaissée dans les basaltes (Fig. 4), rappelle par sa géométrie les dômes-coulées du Précambrien III décrits dans d'autres secteurs de l'Anti-Atlas (Zahour, 1990) et dans le Haut- Atlas (Zahour, 2001). Le cœur de l'appareil, qui se situe au SE du Jbel Bou Imzilene, est marqué par un faciès d'ignimbrites fluidales et rubanées qui passe à un faciès ignimbritique nodulaire. Ces roches présentent une fluidalité N60 verticale et jalonnent une grande faille verticale orientée N60 (faille d'Aït Sawn). La disposition verticale de la fluidalité laisse penser que ces ignimbrites constituent le centre d'émission.
En s'éloignant du centre de l'appareil vers le NW de Jbel Bou Imzilene, affleure un puissant faciès d'ignimbrite fluidale et nodulaire dont la fluidalité, orientée N60, est oblique (70°NW). La disposition de la fluidalité laisse penser que ce faciès aurait été étalé vers le NW sur une topographie en demi-graben à la suite d'un effondrement vers le NW, qui est vraisemblablement syn-éruptif, que l'on peut attribuer aux jeux de la faille d'Aït Sawn au SE et de la faille de Tiflit au NW. Les mesures de la fluidalité au niveau des ignimbrites montrent des valeurs différentes de pendage : on passe d'une fluidalité verticale (Photo 1) au SE au contact de la faille d'Aït Sawn, à une fluidalité oblique (direction N60 et pendage 70° vers NW) vers le NW. Ces changements de pendage de la fluidalité révèlent la présence d'un appareil volcanique de type dôme-coulée (ou encore dôme-étalé) atteignant 40 m de hauteur, dont les produits ignimbritiques auraient rempli une dépression d'environ 1 km de longueur sur 300 m de largeur.
b) Cumulo-dôme d'Aït Sawn (Fig. 5)
La géométrie de cet édifice volcanique correspond à un dôme en forme de coupole (Reffay, 1980) qui rappelle les dômes classiques d'âge néoprotérozoïque terminal décrits dans d'autres endroits autour d'Ouarzazate (El Maidani, 2005). L'extrusion a un diamètre d'environ 150 m et sa hauteur atteint plus de 20 m. Cet édifice est constitué par des ignimbrites fluidales et nodulaires, dont la fluidalité verticale est marquée par des rubans de quartz millimétriques orientés N140 ; l'appareil volcanique semble représenter une accumulation de faciès ignimbritiques acides plus visqueux à proximité du point de sortie du magma. La masse ignimbritique est encaissée dans les brèches et les basaltes de Jbel Bou Imzilene. Il y a lieu de remarquer que cette extrusion est limitée au SW par la faille d'Aïn Afellayane et au NE par la faille N60 de Tiflit. Ce dernier accident semble avoir été actif pendant l'éruption et aurait, par conséquent, facilité la montée du magma ignimbritique.
2) Les appareils fissuraux
a) Volcan fissural effusif
Cet immense édifice volcanique (Fig. 4) est représenté par des empilements de laves basiques qui couvrent une très vaste étendue. Le long de l'Oued Tiflit, les faciès basiques sont marqués par une fluidalité N60 verticale, cette disposition laisse penser que le centre des émissions de laves basaltiques se situe à proximité de la faille de Tiflit et que la mise en place du magma semble être contemporaine de la réactivation de cet accident volcano-tectonique. En s'éloignant de la zone centrale notamment au niveau de la vallée d'Oummiter (Fig. 4) vers le SE, le pendage des coulées devient faible (10°). Cette disposition du pendage au sein des coulées peut être expliquée par des expulsions successives du magma basique à partir du centre d'émission, suivies du fluage latéral des laves sur une pente douce donnant ainsi un édifice volcanique sous forme d'un volcan fissural effusif.
b) Filon rhyolitique
D'une extension décamétrique et d'une puissance de 10 à 30 m, il est orienté sensiblement E-W, avec un fort pendage vers le SE (70 à 80°), et jalonne la grande faille de Tiflit. Ce filon semble être intrusif à la fois sur les brèches pyroclastiques de base et les basaltes de Jbel Bou Imzilene et par conséquent sa mise en place est postérieure aux faciès volcaniques basiques, et semble contemporaine des faciès acides ignimbritiques constituant le dôme-coulée d'Imzilene. La relation spatiale entre le dôme- coulée d'Imzilene et le filon rhyolitique nous a permis de penser que ce dernier correspondrait à une voie d'alimentation qui déboucherait dans la racine du dôme-coulée (Photo 2).
IV. — Paleovolcanisme du secteur d'Aït Sawn
Les premières manifestations volcaniques reconnues à Aït Sawn sont des coulées basiques auxquelles sont associées à la base et au sommet des pyroclastites. Les variations de la surface d'affleurement de ces empilements de laves, comme il apparaît à la lecture de la carte géologique, sont régies par la tectonique et la topographie. Le centre d'émission de ces laves basiques est localisé en bordure de la faille volcano-tectonique de Tiflit située au NW qui a joué le rôle de cheminées d'alimentation de ces coulées. Ces produits volcaniques se sont accumulés sur une topographie inclinée vers le SE, liée probablement à un paysage en forme de demi-graben vers le SE, et forment un appareil volcanique sous forme d'un volcan fissural et effusif vers le SE. L'activité volcanique est interrompue par un épisode sédimentaire responsable du démantèlement des reliefs basaltiques et l'installation d'un épisode d'érosion de type torrentiel permettant le dépôt de conglomérats épiclastiques comblant les paléochenaux comme ceux qui sont observés dans la boutonnière d'Imiter (Baroudi, 2002). Ces conglomérats passent à des alternances de niveaux gréseux et de niveaux bréchiques et traduisent des périodes de sédimentation relativement calmes alternant avec les périodes torrentielles. Le volcanisme reprend et se manifeste par des coulées andésitiques. Cet épisode volcanique est précédé par de violentes projections pyroclastiques. Les points d'émission ont ensuite migré vers le SE en bordure de la faille d'Aït Sawn et vers l'est en bordure de la faille d'Ain Afellayane, avec toutefois émission de laves acides visqueuses ignimbritiques. Cet épisode volcanique se termine par l'édification des appareils volcaniques soit sous forme de dôme-coulée (dôme-coulée d'Imzilene), soit sous forme de cumulo-dôme (cumulo-dôme d'Aït Sawn). Des filons acides contemporains ont été mis en place et représentent des cheminées d'alimentation du volcanisme.
V. — Impact de la tectonique sur la mise en place du volcanisme
L'examen de la carte géologique du secteur montre une relation spatiale entre les accidents majeurs et le volcanisme, ce qui suggère un éventuel impact direct de ces accidents sur le dynamisme du volcanisme de la région et sur sa répartition. Dans le but de mettre en évidence le lien étroit entre la tectonique et la mise en place du volcanisme du Néoprotérozoique terminal de la boutonnière d'Aït Sawn et en particulier sur l'édification des appareils volcaniques, il convient de se référer aux données structurales observées sur le terrain. Les déformations enregistrées par les terrains du Néoprotérozoique terminal d'Aït Sawn sont la conséquence d'une tectonique cassante représentée par des accidents pour la plupart de grande ampleur. Ces structures peuvent être groupées en deux grandes générations de failles :
1) La première population des failles subverticales à verticales qui ont joué un rôle majeur dans l'évolution paléogéographique du secteur, est d'une direction généralement N60. Le premier exemple de cette génération est la faille d'Aït Sawn qui a mis les basaltes porphyriques au contact du dôme- coulée d'Imzilene ; le deuxième exemple de la même famille est la faille de Tiflit qui longe l'Assif-n-Tiflit et qui a mis en contact anormal la série schisto-gréso-carbonatée infracambrienne avec la série du Néoprotérozoique terminal par l'intermédiaire du filon rhyolitique. Ces accidents représenteraient un héritage structural protérozoïque (Azizi, 1990 ; Zahour, 2001 ; Sy, 2013) ayant rejoué pendant le Néoprotérozoique terminal et seraient responsables de la mise en place des magmas liés à l'extension continentale post-panafricaine (Soulaimani et al., 2003). Cette extension est responsable de la réactivation des accidents hérités du Protérozoïque, en l'occurrence la faille de Tiflit qui aurait rejoué en faille normale, favorisant ainsi la compartimentation du secteur en demi-graben à fond incliné vers le SE. Elle aurait déterminé par son jeu un demi-graben qui serait comblé par les premières manifestations volcaniques reconnues à Aït Sawn, à savoir les coulées basiques formant le volcan basique effusif d'Aït Sawn. L'épanchement des coulés vers le SE, donc une paléogéographie fini-précambrienne avec une pente vers le SE, serait dû au basculement des blocs vers le SE (Fig. 6).
La distension se poursuivait et conduisait à la formation d'une zone déprimée bordée au NW par la faille de Tiflit et au SE par la faille d'Aït Sawn. Cette zone correspond actuellement à l'emplacement de Jbel Bou Imzilene, qui aurait subi un effondrement vraisemblablement syn-éruptif vers le NW et pour nous lié au jeu de la faille volcano-tectonique d'Aït Sawn : l'étalement d'un seul côté, vers le NW, des laves ignimbritiques acides qui ont donné le dôme-coulée d'Imzilene est une indication en faveur de cet effondrement. Le linéament volcano-tectonique de Tiflit aurait guidé la mise en place du filon rhyolitique que nous considérons comme vraisemblablement contemporain de la mise en place du magma ignimbritique. La famille de faille N60 aurait rejoué plus tardivement, probablement pendant l'Hercynien et/ou l'Atlasique comme en témoigne leur rejeu postérieur à l'Infracambrien, qu'elles tranchent.
2) La seconde population de failles est orientée N140 ; ce sont des failles subverticales, visibles sur le terrain grâce au décalage apparent des formations volcaniques. Le meilleur exemple est la faille d'Aïn Afellayane, qui a induit par son mouvement le soulèvement des basaltes au contact du cumulo-dôme d'Aït Sawn. En effet la faille d'Aïn Afellayane, représente un accident d'âge précambrien qui détermine par son jeu au Néoprotérozoïque terminal un paléoseuil situé sur l'emplacement du cumulo-dôme d'Aït Sawn. Il semble aussi que le linéament tectonique ait été actif pendant l'éruption et aurait, par conséquent, facilité la montée du magma ignimbritique. Ce dernier va nourrir l'appareil édifié en surface sous la forme de cumulo-dôme d'Aït Sawn. Cet accident aurait rejoué plus tardivement probablement lors du cycle hercynien et/ou atlasique.
VI. — Discussion
Les marqueurs structuraux et magmatiques observés dans la région d'Aït Sawn nous permettent de penser que le volcanisme de ce secteur est lié à un contexte géodynamique extensif. Cet événement se produit à la fin du Précambrien (vers - 550 Ma) dans l'Anti-Atlas (Pelleter, 2007 ; Thomas et al., 2002, 2004). Durant plusieurs dizaines de millions d'années, une extension continentale s'est exercées sur la limite nord du craton ouest- africain (Soulaimani et al., 2004). Les anciennes structures, vraisemblablement héritées du socle précambrien, ont rejoué pendant le Néoprotérozoïque terminal en failles verticales et normales à la suite d'un événement tectonique extensif tardi- à post-orogénique à l'échelle de l'Anti-Atlas (Oudra et al., 2005; Soulaimani et al., 2014), et seraient symptomatiques d'une distension aboutissant à un amincissement crustal et à un basculement des blocs en induisant une architecture en grabens (Piqué et al., 1999). L'emplacement des extrusions volcaniques étudiées entre vraisemblablement dans ce cadre. La fusion partielle du manteau qui accompagne l'extension crustale se traduit par un magmatisme majeur dont l'activité s'étend sur près de 40 Ma (Gasquet et al., 2005 ; Blein et al., 2014), responsable de la mise en place lors d'un premier cycle des magmas basaltiques et andésitiques édifiant des coulées de laves issues d'un volcanisme fissural.
La région a connu un autre cycle volcanique acide à dominance ignimbritique qui traduit soit une fusion crustale (Leblanc, 1986 ; Zahour, 1990 ; Álvaro et al., 2014) soit une cristallisation fractionnée des magmas basiques et intermédiaires (Zahour, 2001 ; Toummite et al., 2013), édifiant en surface des extrusions soit sous forme de cumulo-dôme (cumulo-dôme d'Aït Sawn), soit sous forme de dôme-coulée (dôme-coulée d'Imzilene). Les études géochimiques en cours permettront de confirmer ou d'infirmer ces hypothèses. Nous estimons que ces failles ont rejoué de nouveau plus tardivement en sens inverse pendant l'Hercynien et/ou l'Atlasique en provoquant la structuration actuelle du secteur. Cette géométrie est enregistrée par les grandes structures citées précédemment.
VII. — Conclusion
Dans la boutonnière d'Aït Sawn, la série du Néoprotérozoique terminal est caractérisée par trois cycles volcaniques séparés dans le temps par des épisodes volcanoclastiques. Le premier cycle est caractérisé par la mise en place des coulées basaltiques qui sont précédées par un épisode explosif matérialisé par des brèches pyroclastiques. Le second cycle est matérialisé par des coulées andésitiques qui font suite à une période de sédimentation détritique (conglomérats et brèches) marquant un arrêt momentané du volcanisme. Quant au troisième, il correspond à des émissions acides marquées par la mise en place des laves rhyolitiques, des projections violentes (ignimbrites) ainsi que des filons rhyolitiques. Les produits volcaniques ont engendré en surface des extrusions qui demeurent encore visibles malgré leur âge très ancien. Ces appareils fissuraux et centraux sont communément appelés extrusions. Ils sont représentés par le volcan fissural effusif d'Aït Sawn, le dôme- coulée d'Imzilene et le cumulo-dôme d'Aït Sawn. Les voies d'accès du volcanisme s'ordonnent suivant des alignements tectoniques orientés N60 et N140, par conséquent le volcanisme semble avoir été contemporain du fonctionnement de ces accidents volcano-tectoniques. Ces derniers représentent un héritage du socle précambrien et ils ont rejoué pendant le Néoprotérozoïque terminal à la suite d'un épisode tectonique d'extension continentale post-panafricaine à l'échelle de l'Anti-Atlas.
Remerciements. — Les auteurs tiennent à remercier les deux relecteurs pour leurs conseils et suggestions, la qualité de leurs remarques qui ont conduit à préciser de nombreux points de ce travail. Ils remercient aussi tous les membres du laboratoire de Géologie Appliquée, Géomatique et Environnement de la faculté des Sciences de Ben M’Sik de Casablanca ainsi que les membres du conseil scientifique et éditorial de la SGN, en particulier Mr. Alain Blieck et ceux qui ont contribué à la mise en forme de l’article.