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Mots-clés

biographie, géologie, paléogéographie, chaînes alpines, Académie des sciences

Keywords

biography, geology, palaeogeography, Alpine chains, Academy of sciences

Texte

Jean-Michel Dercourt est né à Boulogne-Billancourt le 11 mars 1935. Poussé par sa mère pour reprendre la pharmacie familiale, il a commencé des études supérieures de pharmacie, et en parallèle – ce qui lui plaisait davantage – des études de sciences naturelles. Il mène avec succès cette double formation. Il rencontre Anne-Marie sur les bancs de la faculté, ils ne se quitteront plus.

Il est stagiaire de recherche au CNRS en 1957 et obtient l'agrégation de sciences naturelles en 1958, dont il sort major. Ses premiers travaux scientifiques ont été menés sur la Faille de Seine. Une part de son raisonnement repose sur l’utilisation de Dasycladales (des “algues” vertes fossiles et actuelles), ce dont il tirera en 1967 une leçon « pour illustrer comment on fait de la recherche » qui va laisser cois les étudiants de CB-BG que nous sommes [le CB-BG correspondait, dans les années 1960, au 1er cycle des études de sciences et technologies des universités]. Sous l'égide de Jean Aubouin, il a travaillé en Grèce pour établir une traverse complète du Péloponnèse septentrional de Patras à l'Argolide et une carte au 1/200 000, le tout en quatre missions de quatre mois. Il était alors Chef de travaux à la Sorbonne (de 1959 à 1965). Tout en marchant, il en profite pour apprendre le grec avec son muletier, ce qui donnera plus tard quelques anecdotes croustillantes lorsqu’il parlera avec les diverses autorités du pays. Cette période est entrecoupée par son service militaire en 1962-1963 à l'École des enfants de troupe des Andelys. Il a soutenu sa thèse de doctorat d'État en 1964. Nommé professeur de géologie à la Faculté des Sciences de Lille à 29 ans, il y sera de 1964 à 1979. Cette période est ponctuée par un séjour d'un an au Canada (1969) en tant que chercheur invité à l'Université d'Edmonton (Alberta). Dès son retour, il enseignait la nouvelle théorie révolutionnaire de la tectonique des plaques, étant alors un des premiers en France à le faire. En 1979 il retourne à Paris, pour enseigner à l’Université Pierre et Marie Curie où il restera jusqu’à la fin de sa carrière.

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Jean Dercourt au Japon, dans la péninsule de Noto, en 1996.
 
Jean Dercourt in Japan, in the Noto peninsula, 1996.

Photo de Jean-Paul Cadet

Jean Dercourt fut aussi un être engagé dans la société. Ses nombreuses responsabilités le prouvent clairement. La société a reconnu la qualité de ses engagements comme en attestent les distinctions qu'il a reçues : prix scientifiques, appartenances à six académies nationales, attributions de quatre titres de doctorats honoris causa, distinctions nationales (ordre national du mérite, légion d'honneur)... Très dynamique et charismatique, il a attiré de nombreux étudiants. Ses qualités de pédagogue enthousiaste ont marqué des générations d'étudiants qui se destinaient à l'enseignement (CAPES, Agrégation) ou à la recherche. Il était fondamentalement structuraliste mais, bon connaisseur du terrain, il avait compris l'intérêt des autres disciplines pour comprendre la nature, en particulier la stratigraphie, mais aussi la micropaléontologie, la géochimie et la sédimentologie, disciplines qu’il a utilisées pour de magistrales reconstitutions paléogéographiques au sein de programmes internationaux dont il fut le leader.

Sa carrière fut remarquable, ses responsabilités nombreuses et importantes. Dans le cadre universitaire, à Lille, il fut Vice-Président de la Faculté des Sciences, en charge de la scolarité. A ce titre, il présidait aussi la Commission des bourses dont il révolutionna le fonctionnement et contribua à mettre en confiance l’un de nous, alors unique représentant étudiant de cette commission. Son action en mai 1968 et au sein du premier conseil d’administration universitaire ouvert à tous collèges qui se soit tenu en France, a été remarquée. A Lille aussi, avec ses collègues biologistes et géologues, il a contribué à restructurer et dynamiser les préparations aux concours (CAPES, Agrégation). Il a aussi été très engagé à l'Université Pierre et Marie Curie. Dans le cadre académique, il a assumé de grandes responsabilités au niveau du Ministère des Universités, de l'Académie des sciences dont il fut membre dès 1991, puis surtout comme Secrétaire perpétuel de 1996 à 2010. Il a laissé cette charge en 2010 car c'est lui qui, pour cette institution, en avait limité la responsabilité à cet âge presque deux fois canonique. Dans le cadre du monde économique et industriel national, on ne compte plus ses appartenances aux conseils d'administrations, aux présidences de conseils scientifiques, dans des domaines très variés : pour l'exploitation des océans, la carte géologique de la France, les déchets radioactifs, l'environnement de la maîtrise de l'énergie et même les Pêches maritimes. N'oublions pas son engagement dans les sociétés savantes, telles que la Société Géologique du Nord (SGN) dont il fut président en 1973, et la Société Géologique de France (SGF) dont il fut président en 1984-1985. A la SGN, c'est Jean Dercourt qui a initié la série des “Publications” pour diffuser les thèses de doctorat d'état soutenues à l'université de Lille dans les années 1970 à 1990, en particulier sur les chaînes alpines. Au niveau international, ses implications et responsabilités étaient aussi nombreuses et importantes. On ne citera ici que sa présidence de la Carte Géologique du Monde.

Jean Dercourt était un rassembleur, un animateur, un meneur d'hommes. Ce n'est pas un hasard s'il a su fédérer des équipes d'horizons très divers tant en thématiques qu'en appartenance institutionnelle (académique ou industrielle), autour de grands projets tels que Téthys ou Péri-Téthys. Ceux qui ont travaillé avec lui ont d'abord remarqué ses qualités de scientifique, et ses très grandes qualités humaines. Jean Dercourt était attentif et bienveillant pour tous, même les plus modestes. Il n'avait de mépris pour aucune condition. Chaque individu était digne de respect à ses yeux. Il était toujours très occupé, mais il ne se disait jamais débordé. En dépit de son agenda bien rempli, il avait toujours le temps de passer un coup de fil, ou d'envoyer un mot, à ses collaborateurs certes, mais aussi à leur famille ou à leurs enfants voire aux autres – et toujours dans la bonne humeur. Les camps de terrain en Ardenne ont laissé à leurs participants autant de souvenirs joyeux que d’apprentissage de la rigueur scientifique. La logistique au quotidien n’était pas son fort, mais il savait s’entourer et assumer les accrocs dont il se sentait responsable. Et Anne-Marie, son épouse, sa compagne depuis les bancs de la propédeutique, a pris plus que sa part dans son soutien. C'est donc un collègue que nous saluons, mais c'est de l'Homme dont nous allons rester marqués et garder les leçons et la mémoire. Beaucoup sont conscients d’avoir eu la chance de croiser son chemin. Jean Dercourt nous a quittés le 22 mars 2019, à l'âge de 84 ans.

Plusieurs sites Web ont publié des notices sur Jean Dercourt, aux adresses suivantes : https://www.academie-sciences.fr/fr/Liste-des-membres-de-l-Academie-des-sciences-/-D/jean-dercourt.html, https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Dercourt, http://www.annales.org/site/archives/cofrhigeo/dercourt.html, https://lecoledegeologie.wordpress.com/2019/03/26/deces-de-jean-dercourt-universitaire-geologue-et-membre-de-lacademie-des-sciences/. On y trouvera en particulier la liste des prix et distinctions qu'il a reçus.

Illustrations

  • Figure 1

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    Jean Dercourt au Japon, dans la péninsule de Noto, en 1996.
     
    Jean Dercourt in Japan, in the Noto peninsula, 1996.

    Photo de Jean-Paul Cadet

Citer cet article

Référence papier

Patrick De Wever, Francis Meilliez et Alain Blieck, « Jean Dercourt (1935 - 2019) », Annales de la Société Géologique du Nord, 26 | 2019, 85-86.

Référence électronique

Patrick De Wever, Francis Meilliez et Alain Blieck, « Jean Dercourt (1935 - 2019) », Annales de la Société Géologique du Nord [En ligne], 26 | 2019, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 15 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/annales-sgn/508

Auteurs

Patrick De Wever

Muséum national d’Histoire naturelle, Département Origine et Evolution, Centre de recherche en paléontologie (CR2P), UMR 7207, 43 rue Buffon, bâtiment Géologie, 75005 Paris ; patrick.de-wever@mnhn.fr

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Francis Meilliez

Université de Lille, Faculté des sciences et technologies, Laboratoire Océanologie et Géosciences (LOG), UMR 8187 du CNRS, bâtiment SN5, 59655 Villeneuve d’Ascq cedex ; francis.meilliez@univ-lille.fr

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Alain Blieck

38 rue Paul Doumer, 59320 Haubourdin ; alain.blieck@yahoo.fr

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