L'année 1967 est marquée, entre autres, par deux événements d'ordre géologique. Le 18 mars, le Torrey Canyon, un pétrolier géant, s'échoue sur des récifs proches des Cornouailles britanniques et laisse échapper une partie de ses 119 000 tonnes de pétrole brut. Cet accident est considéré comme le premier grand accident pétrolier (https://fr.wikipedia.org/wiki/1967). Ce fait divers a aussi servi de thème pour le problème de physique auquel les étudiants de CB-BG1 (DUES = Diplôme universitaire d'études scientifiques, diplôme nouveau cette année-là, réforme Fouchet oblige) ont été soumis (force d'inertie). Le 13 août, le village d'Arette (Basses-Pyrénées) est détruit par un séisme (https://fr.wikipedia.org/wiki/Arette). Les Annales SGN n'en ont pas fait mention bien qu'il fût d'intensité VIII sur l'échelle MSK. En revanche, il donna lieu à un article de Hoang-Trong P. et Rouland D. (1971) dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences pour en décrire le mécanisme.
Le Conseil d'administration de la SGN, élu à l'Assemblée générale du 11 janvier, était composé de :
Président d'honneur : M. Pierre PRUVOST
Présidente : Mme Simone DEFRETIN
Premier Vice-Président : M. André DALINVAL
Vice-Présidents : MM. Charles DELATTRE & Jean DERCOURT
Secrétaire : M. Jean PROUVOST
Secrétaire-adjoint : M. Jacques PAQUET
Trésorier : M. l'Abbé Gilbert TIEGHEM
Déléguée aux Publications : Mme Paule M. CORSIN
Archiviste-bibliothécaire : M. Emile MERIAUX
Conseillers : MM. Alphonse BEUGNIES, René MARLIERE, Alexis BOUROZ, Paul CORSIN, Paul CELET et Pierre DOLLE.
La SGN comptait alors 343 membres, l'un des deux maxima enregistrés au cours de son histoire (Blieck et al., 2014, tabl. 5). Parmi ceux-ci, on remarque une bibliothèque municipale (Lille) et sept bibliothèques universitaires (celles de Caen, Lille, Marseille, Poitiers, Rennes, Toulouse et Québec), trois « groupes » des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (Auchel, Lens et Valenciennes) et douze laboratoires de géologie (Amiens, Brest, Dijon, Mons [en Belgique], Orsay, Paris-Collège de France, Paris-MNHN, Paris-Sorbonne, Reims, St Quentin, Bordeaux et Paris-Quai St Bernard – actuellement Jussieu) — autres temps … Dès la première séance de l'Assemblée générale du 11 janvier, on apprend que « M. P. DOLLE [Président sortant] fait part à l'Assemblée des démarches effectuées auprès de la Bibliothèque Universitaire de Lille par la Société Géologique du Nord. La prise en charge éventuelle des collections de la Bibliothèque de notre Société par la Bibliothèque Universitaire est envisagée et un projet de contrat est distribué aux membres présents. » Autrement dit, le sujet de préoccupation qu'est la gestion et l'entretien de la bibliothèque de la SGN était déjà à l'ordre du jour. Quand on sait qu'il a été résolu ‘définitivement' en 2014 par la signature d'un accord entre SGN et SCD (Service Central de Documentation, devenu Lilliad – Learning Center Innovation en 2016), suivi d'un accord-cadre de partenariat entre SGN et Université Lille 1 en 2015, on peut se dire qu'il y a fallu de la patience et de la persévérance. Comme le disait P. Dollé dans son allocution de Président sortant de la Société (Annales, LXXXVII, p. 12) : « Les années que nous traversons sont importantes pour la Société Géologique du Nord qui, si je peux me permettre une comparaison empruntée à l'entomologie, subit actuellement une mue. Elle abandonne son ancienne dépouille [rappelons que la Faculté des Sciences avait déménagé en 1966 à Villeneuve d'Ascq : Blieck, 2016)], le berceau de la rue Gosselet, et elle cherche un nouvel abri. La comparaison avec le Bernard l'Ermite serait plus exacte : elle essaie plusieurs logis avant de se fixer : Grand Amphithéâtre de Géologie à Annappes, salle prêtée par les Sciences de la Terre où nous nous trouvons aujourd'hui (et je remercie l'autorité qui nous héberge), plus tard, local de la Bibliothèque Scientifique Universitaire. » Comme on le sait c'est dans le bâtiment des Sciences de la Terre que la SGN a pris l'habitude de se réunir à partir de cette année-là. Quant à la « mue » que la Société était en train de vivre, P. Dollé ne croyait pas si bien dire quand on sait aussi ce qui s'est passé dès l'année suivante sur le campus et ailleurs en France et en Europe (https://fr.wikipedia.org/wiki/1968_en_France, https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvements_sociaux_de_1968_dans_le_monde) ! Autre sujet d'inquiétude du moment, le budget. Lisons P. Dollé : « Enfin, il y a un grand souci pour notre Société. Notre trésorier va vous en parler dans un instant : Comment continuer à financer normalement la publication de nos travaux? La Recherche Scientifique [le CNRS] nous aide pour une grande part. Les Membres y ajoutent leur participation. Des organismes publics ou privés nous octroient des subventions. Cela n'est pas encore suffisant et il faut trouver d'autres mécènes pour compléter les sommes nécessaires à la parution régulière de nos Annales. » Décidément, on a l'impression que rien n'a changé sous les cieux lillois. La SGN souffre du même mal aujourd'hui et essaie (1) de réduire les coûts de conception et de fabrication de ses Annales, donc d'adopter un nouveau « modèle économique », et (2) de migrer vers une nouvelle façon de les publier, éventuellement en ligne (cf. l'enquête qui a été menée auprès de ses membres en 2016). La différence avec l'année 1967, c'est que la SGN ne bénéficie actuellement plus d'aides financières extérieures à l'exception d'une aide récurrente de la société Solétanche Bachy et d'aides ponctuelles sur projets (en particulier au moment des séances thématiques de l'Assemblée générale). L'une des raisons de la recherche d'une évolution du mode de publication des Annales, déjà brièvement évoquée dans les lignes de la revue, est la transition que nous vivons au niveau mondial en ce qui concerne la publication des résultats de la recherche scientifique dans des revues périodiques (du mode « lecteur-payeur » vers le mode « auteur-payeur » pour faire bref ; voir par ex. le rapport de l'Académie des Sciences : Bach & Jérome, 2014).
En 1967 la SGN s'est réunie neuf fois : en Assemblée générale (11 janvier), en séances ordinaires (1er février, 1er mars, 12 avril, 3 mai, 7 juin, 15 novembre et 13 décembre) et en réunion extraordinaire dans le Boulonnais (excursion dirigée par M. Antoine BONTE le 11 juin). L'excursion du Boulonnais était dédiée à la mémoire de Pierre PRUVOST, ancien président prestigieux de la Société, ancien doyen de la Faculté des Sciences de Lille, professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Institut, décédé à Paris le 5 juin 1967 (cf. Delattre & Waterlot, 1969 ; Gaudant, 2010). Elle a visité les carrières de la Société « Magnésie et Dolomie », de Basse Normandie, Napoléon (désormais incluse dans l'immense carrière de la Société Carrières du Boulonnais) pour se terminer sur la plage d'Audresselles (Annales, LXXXVII, p. 110). Les travaux des membres de la SGN ont donné lieu à la publication de 23 articles dans le tome LXXXVII des Annales [extrait de la Table des matières du tome, p. 215-217] :
C. BABIN & C.D. CLAUSEN : Une nouvelle forme du groupe de Lobobactrites ellipticus (FRECH, 1897) dans le Famennien de Porsguen (Finistère), p. 17.
C. DELATTRE & M. WATERLOT-PAYRE : Etude préliminaire du bassin carbonifère de Feixa-Castellás (Pyrénées espagnolcs), p. 21. Y. LEMOIGNE : Reconnaissance paléobotanique dans le Sahara occidental (Région de Tindouf et Gara-Djebilet), p. 31.
P.M. CORSIN & E. NAKOMAN : Contribution à l'étude palynologique des Formations tertiaires du Bassin de Thrace. II. - Etude quantitative, p. 39.
P. DOLLE : Les grès à minéraux lourds du Houiller du Nord de la France, p. 55.
A.F. DE LAPPARENT & J. PILLET : Sur quelques Trilobites permo-carbonifères d'Afghanistan, p. 67.
G. DUBAR, J. MAGNE & J. PAQUET : Données nouvelles sur le Jurassique du Subbétique interne, au N de la Sierra de Espuña (Province de Murcie), p. 71.
J. SOMME : Observations sur les sables et galets diestiens du Mont des Cats, p. 77.
J. CHALARD : Réflexions sur la définition et la genèse des tonstein. (Application possible au calcul des temps dc dépôt relatifs du charbon et des stériles), p. 87.
BRICE : Deux nouvelles espèces de Rhynchonelloidea dans le Dévonien supérieur d'Afghanistan central, p. 95.
J. RUEDA-GAXIOLA : Proposition de principes de base pour une classification des pollenospores fossiles, p. 111.
J. DESTOMBES : Quelques trilobites rares (Lichas, Amphytrion, Dionide) de 1'Ashgill (Ordovicien supérieur) de l'Anti-Atlas, Maroc, p. 123.
P. BROQUET, J. MAGNE & J. SIGAL : La série stratigraphique du Mont Cammarata (Sicani-Sicile), p. 127.
S. LOBOZIAK & C. SOYEZ : Nouvelles notions sur le genre Expansisporites Loboziak, p. 141.
R. FEYS, J. GEFFROY & P. VETTER : Un cas nouveau de graphitisation du charbon par une intrusion éruptive à Cali (Colombie), p. 145.
C. BABIN : Présence de Murchisonia intermedia Archiac & Verneuil 1842 dans le Frasnien du Finistère. Quelques remarques sur les Murchisoniidés du Dévonien supérieur, p. 153.
C. SOYEZ : Etude quantitative des « Tuberculatisporites » au Puits du Midi (Groupe de Douai des H.B.N.P.C.), p. 163.
M. GOULLIART : Le complexe faillé côtier d'Audresselles Sud, p. 179.
P. DELEAU : De 1'importance de 1'échelle du phénomène érosion-transport et de la surface d'épandage dans le classement vertical et la disposition horizontale des sédiments pour les sédimentations rythmique et cyclique, p. 171.
MERIAUX : Analyse pétrographique des anthracites de Djerada (Maroc), p. 187.
G. MENNESSIER : Sur la structure du Trias moyen entre Grasse et Cannes et le rôle du socle dans sa genèse (Alpes-Maritimes), p. 193. C. DELATTRE, J. POLVECHE & G. WATERLOT : Aperçu de la structure des terrains carbonifères de l'Avesnois, p. 203.
J.P. LAVEINE : Supplément à l'étude des Neuroptéridées du Nord de la France. Figuration complémentaire du Linopteris regniezi Laveine, p. 211.
Ceci correspond à une majorité d'articles sur des terrains paléozoïques (« Primaire » : 15/23), presqu'entièrement sédimentaires (deux exceptions avec un article sur la genèse des ‘tonsteins' et un autre sur une intrusion éruptive en Colombie), avec une part importante dédiée à la paléontologie (spores, trilobites, brachiopodes, paléobotanique), et quelques articles de pétrographie-minéralogie (en particulier des anthracites). Ce tome des Annales correspond à un point bas de la courbe du nombre d'articles publiés par la SGN (Blieck et al., 2014, fig. 9) bien que le nombre de ses membres fût l'un des plus élevés jamais enregistrés (ibid., fig. 10). Comment expliquer cette « baisse de rendement » ? Peut-être par le fait que la Société ne s'est pas réunie en septembre-octobre — la première rentrée universitaire dans les nouveaux locaux du SN5 sur le campus d'Annappes (aujourd'hui Université de Lille – Sciences et technologies à Villeneuve d'Ascq, ex Université Lille 1) ayant provoqué quelques perturbations — ce qui a entraîné un déficit d'articles présentés au cours des séances de communications orales, et donc d'articles publiés. Les comptes rendus des séances de l'année ne laissaient pas transparaître d'inquiétude particulière, autre que financière. Ce qui est sûr cependant, c'est que cette année 1967, précédant l'année troublée de 1968, marque le début de la courte période d'acmé de la Société qui va de 1967 à 1974 avant l'amorce d'un déclin certain (Blieck et al., 2014, fig. 10 : baisse de l'effectif des membres, arrêt de la subvention du CNRS). Mais « ceci est une autre histoire » qui sera contée dans les tomes suivants des Annales.
Remerciements. — Merci à Patrick Auguste (Chargé de recherche, CNRS) pour sa discussion sur le sujet.