La dynamique de la faide dans la Geste des Lorrains à l’épreuve du droit de la guerre médiévale

DOI : 10.54563/bdba.649

p. 51-78

Plan

Texte

Le xiie et le xiiie siècles sont souvent présentés comme des siècles où la violence était reine en raison de la persistance d’une autorité royale affaiblie1. Aussi, le règlement des conflits dans le milieu aristocratique prenait souvent la forme de guerre privée opposant des lignages antagonistes. Cette impression, relayée par les sources narratives médiévales, a longtemps été interprétée comme le témoignage direct d’une réalité sociale spécifique. Même si cette vision est de nos jours partiellement révisée, un certain nombre de chercheurs y voyant des discours à portée politique2, il n’en demeure pas moins que tous ces récits reflètent une certaine réalité. Or parmi ces sources narratives, il existe un genre littéraire tout désigné pour étudier la faide au xiie et xiiie siècle, à savoir la littérature épique3.

Les chansons de geste apparaissent comme une spécificité des xiie et xiiisiècles avec lesquels elles font corps4. L’épopée « traduit avec une grande fidélité les institutions politiques, les structures sociales et l’activité économique de cette époque, mais plus encore ses mœurs, ses coutumes et ses idéologies. En un mot sa mentalité »5. Toutefois, cette analyse ne peut se faire qu’en tenant compte des nécessités liées à la contextualisation des récits : le contexte littéraire proprement dit et le contexte historique. S’il respecte ces précautions méthodologiques, l’historien a le droit d’interroger la littérature avec ses propres méthodes et ses propres questions, en la considérant comme une source : « Document de l’imaginaire », le texte littéraire se fait « document d’histoire totale […] pour peu qu’on sache y démêler les relations compliquées de la société, de la littérature et des pouvoirs »6. Ainsi, dans toute société productrice d’un ordre politique et économique, engendrant nécessairement à la fois des institutions, des concepts, des images, il est important de chercher, non pas seulement la réalité, mais également la manière dont elles s’étaient imaginées et représentées7.

Les récits de la Matière de France nous présentent deux faides que Marc Bloch semble ériger en modèle archétypal8. La première est la vendetta que mène la parenté de Raoul de Cambrai contre celle d’Herbert de Vermandois dans l’histoire de Raoul de Cambrai9. La seconde est la longue guerre privée que se livrent les Lorrains et les Bordelais dans la Geste des Lorrains10. Dans la société stéréotypée présentée dans ces fictions, le règlement des conflits se fait majoritairement par la voie des armes conformément au droit que reconnaissaient les règles juridiques contemporaines aux membres de la noblesse. Il est présenté comme le premier moyen mis à la disposition des aristocrates pour résoudre une querelle. Or, toute analyse d’une dynamique faideuse repose nécessairement sur des données factuelles. Il est donc nécessaire, au préalable, d’en dresser un panorama global reprenant les événements clefs des conflits. Cependant, pour éviter d’alourdir notre exposé, nous faisons le choix de présenter sous la forme d’un schéma chronologique synthétique les principaux événements structurant la guerre privée entre les Lorrains et les Bordelais dans Garin le Lorrain et Gerbert de Metz11.

Figure 1 : Arbre généalogique

Figure 1 : Arbre généalogique

Figure 2 : Arbre généalogique (suite)

Figure 2 : Arbre généalogique (suite)

Figure 3 : Arbre généalogique (suite)

Figure 3 : Arbre généalogique (suite)

Figure 4 : Arbre généalogique (suite)

Figure 4 : Arbre généalogique (suite)

Figure 5 : Arbre généalogique (suite)

Figure 5 : Arbre généalogique (suite)

Quand bien même la reconstruction de cette chronologie soit partiale puisqu’elle repose sur un choix arbitraire quant au choix des événements, les faits mentionnés sont néanmoins révélateurs des mécanismes solidaires de la guerre privée aux xiie-xiiisiècles où nous voyons la parenté se structurer autour d’un « chevetaigne » de guerre et ce, conformément aux règles juridiques contemporaines.

Cependant si les faides dans les chansons de geste sont présentées comme les moyens privilégiés de résoudre les conflits, ce mode de résolution atteint rarement son objectif ; bien au contraire, elles apparaissent comme génératrices d’un vortex de violences dont l’objectif est la destruction totale des lignages antagonistes.

La structuration faideuse du lignage dans les guerres privées aristocratiques fictionnelles

À la lecture de la Geste des Lorrains12, la guerre privée est d’abord une affaire d’ordre familiale, autrement dit de lignage. Généralement, dans les récits de la Matière de France13, le lignage désigne un groupement taisible réunissant des parents en vie, et ce n’est qu’en présence de certaines situations que ce groupe virtuel prend corps en réalisant des actions concrètes. Comme l’écrit Dominique Barthélémy, le règlement des conflits dans les fictions apparaît comme le premier domaine de prédilection de l’intervention lignagère car il est le plus visible14. Ce faisant, cette observation littéraire est parfaitement conforme aux règles décrites par Philippe de Beaumanoir15 dans Les Coutumes de Beauvaisis16 qui est le seul auteur qui présente un tableau complet du droit de la guerre à cette époque.

La détermination du « chevetaigne de guerre » : un choix dicté par des contingences pratiques

À l’origine de toute faide, nous trouvons un conflit opposant deux personnes, et c’est derrière celles-ci que leur lignage respectif prend les armes pour le soutenir17. Philippe de Beaumanoir semble considérer que le titre de « chevetaigne de guerre » est dévolu à celui par qui le conflit naît. Or, l’identification de ce chef de guerre ne va pas toujours de soi comme en témoignent les récits de Garin le Loheren et Gerbert de Mez : en effet, il serait tentant de voir dans les « chevetaignes » des Lorrains les deux héros éponymes, mais les choses sont beaucoup plus compliquées.

L’origine du conflit entre les Lorrains et les Bordelais se trouverait dans des événements antérieurs à l’histoire de Garin le Loheren18. L’aïeul de Fromont de Lens du parti Bordelais aurait tué les cousins de Garin pour s’emparer de leurs terres. Au départ le point de la discorde entre les deux lignages serait donc un meurtre doublé d’un accaparement d’un territoire sans droit. Cependant aussi prégnants que soient les faits rapportés, ils ne semblent pas constituer la cause réelle de la faide. En effet, leur connaissance n’empêche pas le Lorrain d’être le compagnon de Fromont durant toute sa jeunesse. En réalité, la guerre entre les deux lignages s’ouvre officiellement à l’initiative de Fromont lorsque le roi Pépin le Bref consent à l’union entre Garin et Blanchefleur de Maurienne19. Ce mariage possède une dimension territoriale puisque la jeune fille, qui a hérité de Blaives à la mort de son père, apporte son fief à Garin. Or, lorsque le roi de France confie la Gascogne à Begon, il promet aux Bordelais, afin de les apaiser, de donner le premier fief qui se libérera à Fromont si le seigneur en place n’avait aucun héritier légitime20. C’est ce fait qui est le fait générateur de la guerre privée entre les deux parentés. Au fond, ce que Fromont refuse d’admettre, ce sont les nombreux avantages que le roi de France octroie aux Lorrains. En effet, il faut garder à l’esprit qu’au début du récit de Garin le Loheren, les deux lignages sont introduits comme étant de forces équivalentes, pouvant imposer leur volonté face à une royauté faible. Aussi, tout avantage concédé à un de ses deux lignages affaiblit automatiquement l’autre. Or, dans la première partie du récit, force est de constater que les Bordelais sont souvent peu récompensés de leur fidélité21. Cette impression d’infériorité trouve son point culminant avec l’agrément du roi à l’union de Blanchefleur et de Garin, si bien que Fromont lui déclare la guerre :

Fromons l’oï, de maltalent esprant ;
En haut parole molt orguillousement :
“De Bordelois sui estraiz voirement ;
En ceste terre sunt mi mellor parant,
Voz porchaciez mon deseritemant,
Mais, par l’apostre que quierent peneant,
Ja n’i verrez .I. demi an passant,
Que devant Mez, le vostre chasemant,
Voz mosterai chevalerie tant,
Qui voz donroit tout l’or de Bonivant,
N’en istrïez tant com .I. arz destant.”
Garins l’oï, a poi d’ire ne fant.
Envers Fromont sailli par maltalant ;
En haut parole si que l’oïrent .C. :
“Fix a putain, fel estrais de noient,
De traïtors et de malvaise jent,
Car envers moi ne valez voz noient !”
À lui se lance, sel ferist voirement,
Cant l’enpereres par le mante le prent22.

Cette déclaration de guerre de Fromont se fait en public conformément aux règles exposées par Philippe de Beaumanoir pour lequel la guerre est un droit minutieusement réglementé. Ainsi, il prévoit ses conditions d’exercice et écrit que : « Guerre puet mouvoir en pluseurs manieres, si comme par fet ou par paroles. Ele muet par paroles quant l’uns menace l’autre a fere vilenie ou annui de son cors, ou quant il le desfie de lui ou des siens »23. Par ailleurs, l’exposé des motifs ne suffit pas : un certain formalisme doit exister24. Les paroles prononcées en public doivent être claires afin qu’il n’existe aucune équivoque. Dans Garin le Loheren, la réponse du héros ne se fait pas attendre puisqu’il joint le geste à la parole, en s’attaquant à l’intégrité physique de Fromont. Ainsi, à la déclaration de guerre de Fromont « par paroles » répond celle de Garin « par fet » tel que défini par Philippe de Beaumanoir : « Et si muet par fet quant chaude mellee sourt entre gentius hommes d’une part et d’autre »25. En somme, nous pouvons déduire de la déclaration de guerre que c’est Fromont de Lens qui endosse le rôle de « chevetaigne de guerre » du côté du lignage des Bordelais. Il conserve cette place jusqu’à ce qu’il soit obligé de mettre son épée aux services des Sarrasins pour sauver sa vie. Même lorsqu’il sera las de cette guerre, il sera toujours poussé au premier plan par les membres de son lignage, ces derniers n’hésitant pas à intriguer contre lui pour obtenir gain de cause. Après son départ, c’est son fils Fromondin qui le remplace dans ce rôle. Si au début, celui-ci tente de trouver une conciliation avec les Lorrains, le décès accidentel de Doon le Veneur relance la guerre. Finalement il parvient à faire la paix avec Gerbert grâce à l’intercession de la reine qui consent à rendre ses terres à Fromondin26. Cependant, le conflit va reprendre lorsque celui-ci se rend compte que Gerbert a profané le corps de son père en faisant faire une coupe à partir de son crâne. La guerre prend fin avec la mort de Fromondin à la fin de Gerbert de Mez27.

Du côté du lignage lorrain, la dévolution du rôle de « chevetaigne de guerre » semble être relativement mouvante tout au long des récits de Garin le Loheren et Gerbert de Mez. Si le premier chef de guerre est incontestablement Garin, le fils d’Hervis de Metz, en raison du formalisme lié à la déclaration de guerre de Fromont, la situation se complexifie par la suite en raison du mariage entre Blanchefleur et Pépin, et de la double union de Begon et Garin avec les deux cousines du roi de France. Par le biais de ces trois unions, tous ces héros deviennent des parents par affinité. Dès lors, le rôle de « chevetaigne » varie en fonction des événements28. Comme l’écrit Micheline de Combarieu du Grès : « Même si le détail des récits est parfois difficile à suivre, la structure générale en est assez simple. Elle peut se résumer ainsi : x du lignage A tue y du lignage B ; en retour y’ du lignage B tue x ou x’ du lignage A »29. En somme, nous assistons à un mouvement perpétuel de la faide où à chaque meurtre, c’est le plus proche parent de la victime qui va demander vengeance et ainsi s’instituer « chevetaigne de guerre ».

À la lecture des récits, nous observons que la solidarité faideuse n’est pas ancrée dans une épaisseur verticale : les participants ont dans l’ensemble la même classe d’âge et le conflit ne dépasse pas une génération. En conséquence, les « chevetaignes de guerre » historiques ont toujours une vocation naturelle d’être les plus proches parents30, que les victimes soient pères, frères ou fils31. En réalité, dans le lignage des Lorrains, ce rôle semble dévolu au héros que l’on estime le mieux placé pour conduire la guerre, et non pas à celui qui est juridiquement désigné. C’est pour cette raison que le rôle de « chevetaigne de guerre » glisse doucement de la branche aînée des Lorrains à l’impératrice Blanchefleur à partir du moment où Begon et Garin deviennent des affins de la reine de France. En effet, la reine a parfaitement compris que l’échec de son union avec Garin était dû aux agissements de Fromont de Lens et des siens. En acceptant d’épouser Pépin, nous pouvons nous demander si elle n’a pas comme réel dessein de vouloir se venger d’eux, la place d’impératrice lui permettant une plus grande latitude d’action. D’ailleurs, elle passe très vite du statut passif de conseillère de son mari à celui d’actrice, n’hésitant pas à s’opposer physiquement aux Bordelais comme lorsqu’elle frappe Bernard de Naisil qui l’insulte32. Puis subitement, elle prend de l’épaisseur au milieu d’une rixe opposant Garin et son lignage à Fromondin de Lens en imposant une trêve de sept ans entre les parties33. En l’espèce, il faut s’interroger sur les raisons pour lesquelles la reine octroie une trêve de sept ans au nom de Garin, alors que celui-ci est physiquement présent. Selon Philippe de Beaumanoir, il est du pouvoir exclusif du « chevetaigne de guerre » d’accorder une trêve34. Dès lors, en l’imposant, l’impératrice endosse de facto ce rôle35. Cet extrait ne fait que confirmer une réalité diégétique : que ce soit dans Garin le Loheren ou Gerbert de Mez, Blanchefleur agit totalement comme un membre du lignage des Lorrains, en leur fournissant de l’argent, des équipements et des gens d’armes, et en prenant systématiquement fait et cause pour eux. Contrairement à son épouse, Pépin le Bref est beaucoup plus enclin à soutenir les Bordelais : c’est que Hardré de Lens, le père de Fromont, fut son éminence grise, et pour cette raison, le roi de France possède un certain respect, sinon une réelle affection pour ce lignage. Par ailleurs, l’empereur favorise la posture de suzerain face à ces deux lignages, oubliant qu’il est apparenté à l’un d’entre eux alors que l’impératrice privilégie incontestablement les liens familiaux36. En raison de cette dichotomie, une rupture définitive va naître au sein du couple royal, la reine occupe une place de plus en plus importante au sein du lignage lorrain, cette dernière n’hésitant pas à informer les Lorrains des événement préjudiciables à leur encontre qui se trament à la cour, et même à ordonner la mort de Guillaume de Monclin37. Nous remarquons que les Lorrains lui obéissent en assassinant celui-ci pourtant placé sous sauvegarde royale. Cette soumission est la preuve de la place réelle occupée par Blanchefleur dans le lignage des Lorrains. En réalité, en raison de sa position sociale, l’impératrice devient, au fur et à mesure de l’histoire, le chef de lignage officieux au côté de son ancien fiancé Garin, qui continue néanmoins à exercer ses prérogatives38. Nous observons que la reine participe activement à l’effort de guerre des Lorrains, n’hésitant pas à s’opposer directement à Pépin le Bref. Ce faisant, elle le place parfois dans une situation politique délicate comme lorsque dans Garin, soutenu par son nouveau seigneur, le roi Anseïs de Cologne, dévaste le royaume de France. Or, l’empereur, horrifié, ne tente pas d’obtenir lui-même la paix avec les Lorrains, mais confie cette mission à sa femme, reconnaissant implicitement la position de son épouse au sein de ce lignage. La rencontre entre Garin et Blanchefleur est décrite par le trouvère de la manière suivante :

« Ou alez, dame ? » ce dist li dus gentils.
Et dist la dame : « Voz aloie veïr
Con mon franc cuer et mon loial ami.
Mais or me dites, ne me devez mentir,
À de voz garde l’enperere Pepins ? »
« Nanil, ma dame, foi que doi saint Denis,
Je nel feroie por tot l’or de Paris.
N’a home ou mont qui tant soit mes amis.
S’il forfaisoit contre le roi Pepin,
Que por sa mor n’en fust mes escus pris.
Non pas por lui, ne l’a pas deservi, –
Mais por voz, dame, que je molt aing et pris. »
Et dist la dame : « Granz mercis, mes amis ! »39

Nous pouvons tout d’abord analyser cette attitude comme un vestige de leur relation avortée40. Mais en réalité, ce passage doit être interprété comme la reconnaissance explicite de Blanchefleur par Garin dans son rôle de chef du lignage des Lorrains, en lui affirmant sa fidélité et, par conséquent, son obéissance. Nous assistons en quelque sorte à un passage de témoin entre les deux héros qui prépare la suite du récit, particulièrement à la disparition de Garin.

En effet, tout au long de l’histoire de Gerbert de Mez, bien que Gerbert, le fils unique de Garin, a juridiquement vocation à venger la mort de son père, celui-ci ne semble pas très enclin à reprendre la faide. En fait, s’il reprend les armes contre les Bordelais, c’est sous la pression continuelle de Blanchefleur qui le rappelle à son devoir de vengeance. Au fond, et c’est l’impression dominante qui se dégage de l’intégralité du récit, Gerbert n’apparaît être que le bras armé41 de la reine qui est présentée comme la « chevetaigne de guerre » ordonnant la faide. Deux anecdotes confirment spécifiquement ce rôle dévolu à Blanchefleur.

La première est le discours qu’elle prononce face à l’empereur après que celui-ci a assuré son soutien aux Bordelais :

Mes parenz ert Garins, li conbatanz ;
Si est Gerbers, je le sai vraiemant,
De cui Fromons me blasma ensement
En vostre cort, si que l’oïrent.
Mais par Celui, qui fist le firmament,
Ainz i metrai mon or et mon arjent,
Tote ma terre et tot mon chasement
Que ja Fromons, li traïtes s’en vant
Qu’il deserite les mienz apartenanz42.

Selon les propres mots de l’impératrice, celle-ci se présente comme étant membre à part entière du lignage des Lorrains, et elle est prête à entrer elle-même en guerre pour défendre les intérêts patrimoniaux de sa parenté affine. D’ailleurs, elle n’hésite pas à ouvrir ses appartements privés, à armer des hommes qu’elle maintient en embuscade quand elle s’aperçoit du danger que représentent les Bordelais qui forcent les portes du palais impérial43. Cependant, c’est peut-être Pépin lui-même qui lui apporte la consécration de « chevetaigne de guerre » des Lorrains, quand, lassé par tant d’années de conflit, il autorise son épouse à mener la guerre elle-même comme elle le désire, c’est-à-dire pour préserver les intérêts des Lorrains44.

La seconde anecdote qui confirme Blanchefleur dans son rôle de « chevetaigne de guerre », est lorsqu’elle accepte la paix que lui propose Fromondin45. En effet, même si Gerbert est mis en avant dans le discours de la reine, c’est bien Blanchefleur que Fromondin et les clercs tentent de convaincre d’accepter les conditions de paix proposées par ce dernier, et ce en présence du roi. Or, comme l’écrit Philippe de Beaumanoir : « Se pes se fet entre les parties qui sont en guerre, il ne convient pas que tuit li lignage de l’une partie et de l’autre soient a la pes fere ne creanter ; ainçois soufis tassés s’ele est fete ou creantee par ceus qui estoient chief de la guerre »46. En acceptant (« creanter ») les conditions de paix proposées par Fromondin, la reine occupe donc bien la place de « chevetaigne de guerre » ainsi que le définit Philippe de Beaumanoir.

Ainsi dans la Geste des Lorrains, le rôle du « chevetaigne de guerre » n’est pas forcément dévolu au parent le plus proche, contrairement à ce qu’on peut lire dans Les Coutumes de Beauvaisis47, mais bien à celui qui possède la meilleure position sociale pour tenir cette place. Compris ainsi, ce rôle n’est pas forcément dévolu à un parent par le sang, mais peut l’être par un affin comme l’illustre l’exemple de Blanchefleur.

Une solidarité lignagère faideuse concentrique

Comme l’expose Philippe de Beaumanoir, dans le domaine de la guerre privée, les lignagers de l’une et de l’autre partie étaient obligés de prendre part à la guerre. Toutefois, cette obligation ne s’étendait pas indéfiniment ; elle incombait seulement aux parents jusqu’au quatrième degré inclus, c’est-à-dire le quatrième degré canonique qui correspond au huitième degré civil48 :

Il souloit estre que l’en se venjoit par droit de guerre dusques ou setisme degré de lignage et ce n’estoit pas merveille ou tans de lors, car devant le setisme degré ne se pouoit fere mariages. Mes aussi comme il est raprochié que mariages se puet fere puis que li quars degrés de lignage soit passés, aussi ne se doit on pas prendre pour guerre a persone qui soit plus loingtiene du lignage que ou quart degré, car en tous cas lignages faut puis qu’il s’est si alongiés que mariages se puet fere, fors en rescousse d’eritage, cas encore le puet on rescourre dusques au setisme degré par reson de lignage49.

Dans les Coutumes de Beauvaisis, la guerre privée apparaît essentiellement comme un conflit entre deux lignages. Derrière chaque « chevetaigne de guerre », leurs lignagers respectifs (c’est-à-dire des parents unis par des liens du sang issu d’un ancêtre commun) prennent les armes pour le soutenir. Pour Philippe de Beaumanoir, le lignage selon est conçu comme une filiation unilinéaire construite selon un axe vertical50. Dès 1215, la solidarité lignagère devait jouer automatiquement dans un cercle se limitant au maximum au trisaïeul dans sa partie montante, à l’arrière-arrière-petit-fils dans sa partie descendante, à l’arrière-arrière-petit-cousin dans sa partie de ligne « de costé en montant », et enfin à l’arrière-petit-neveu dans la partie « de costé en avalant ». Or, nous observons que dans la Geste des Lorrains, les membres solidaires du « chevetaigne de guerre » sont des lignagers appartenant à ce cercle de parenté. Il est vrai que dans les chansons de geste, la structure lignagère est conçue dans les limites générationnelles du troisième degré de parenté51. En effet, à considérer les thèmes centraux des chansons de geste basées sur les exploits guerriers personnels ou les guerres, il paraît normal que la mémoire lignagère ne dépasse pas le 4e degré de parenté vu que la solidarité lignagère en matière de guerre privée s’impose uniquement dans les limites de ce cercle. La mémoire générationnelle lignagère se calquerait en quelque sorte sur la solidarité familiale dont elle épouserait le périmètre.

La solidarité de ces parents au sein de ce cercle de parenté semble être automatique comme l’indique Gerbert à l’impératrice Blanchefleur : « Et dist Gerbers : “Dame, .V. C mercis. / Car envoiez a bele Heluïs. / Elle est ma tante ; ne me doit pas faillir. »52 La solidarité de la tante paternelle du héros pour l’assister dans son devoir de vengeance est présentée comme une obligation familiale conformément à l’exposé de Philippe de Beaumanoir53. D’ailleurs, à cette occasion nous voyons tous les Lorrains répondre favorablement à la demande d’assistance de Gerbert, sans émettre la moindre réserve54. Ainsi, tout le lignage, dans les limites du quatrième degré, semble être automatiquement entraîné dans la guerre à compter de la commission des actes de violence l’ayant entraîné : tous les héros assistent leur « chevetaigne de guerre » respectif sans jamais se dérober à leur devoir de vengeance. La participation à la faide est présentée comme un devoir absolu des parents proches, qui apparaissent nécessairement comme des personnes de confiance. À en croire Philippe de Beaumanoir, ce sont seulement les parents par le sang qui doivent assister le « chevetaigne » de guerre. Cependant, quand nous parcourons la Geste des Lorrains, nous constatons que les affins sont également entraînés automatiquement dans la faide comme l’illustrent les exemples de Baudoin des Flandres et d’Huon de Lavardin dans Garin le Loheren.

Après l’union de Pépin et de Blanchefleur, Droon d’Amiens conseille à Fromont d’épouser Hélissent de Ponthieu, la sœur de Baudoin des Flandres, issue d’un puissant lignage55. Droon se rend donc auprès de Baudoin pour arranger le mariage entre cette dernière et Fromont sans lui dire que les Bordelais sont rentrés en guerre contre les Lorrains. Les noces ont lieu et la nuit suivante, Baudoin apprend alors, horrifié, les intentions de Fromont et déclare à Droon :

« Dreves d’Amiens », dist il, « tu m’as traï ;
Tel chose ai faite dont je serai honni.
Se autretant m’eüsses avant dit
A Saint-Omer cant tu parlas a mi,
Cis marïages ne petist avenir,
Qui me donast la conté de Berri,
Que trop par sunt li Loheren hardi.
Tuit en morrons, je le sai bien de fi ;
Mais je sai bien que cuers ne puet mentir,
Qui son nez cope desonore son vis.
Dorenavant puisque il est ensi,
Convint qu’il prengne ne qu’en doie avenir,
M’en covendra les granz painnes soufrir,
Ensanble o voz la guerre resbaudir »56.

De la même manière, peu de temps avant sa mort, Garin décide de marier la fille de son neveu, Huon de Cambrésis, à Milon de Lavardin57. Les noces ont lieu : et nous voyons ce dernier soutenir les Lorrains dans leur lutte, à la tête de ses propres troupes58. Ces deux exemples sont révélateurs de l’étendue de la solidarité familiale qui s’imposait même aux parents par mariage, c’est-à-dire à la parenté horizontale. Les mêmes règles juridiques en matière de guerre privée semblent donc s’imposer indistinctement à la parenté affine, au moins à celle qui se trouve dans le périmètre du quatrième degré de parenté. Au fond, du point de vue de la solidarité faideuse lignagère, nous sommes relativement proches de la conception clanique où la parenté par affinité était aussi importante – voire peut-être plus – que la parenté par le sang59. Les récits de la Geste des Lorrains attestent qu’une telle solidarité demeure encore au début du xiiie siècle : dans Garin le Loheren, il s’agit, d’un côté, du beau-frère du « chevetaigne de guerre » des Bordelais (le frère d’Hélissent de Ponthieu, l’épouse de Fromont de Lens) ; de l’autre, du mari de la fille d’un des neveux de Garin le Lorrain. Certes, dans le second exemple, le lien de parenté est un peu plus lointain, mais nous restons encore dans un schéma axial de parenté verticale et proche.

Ainsi, d’un point de vue structurel, les faides épiques dressent un panorama familial qui ne semble guère avoir changé depuis l’époque franque, bien que les contours d’intervention de la parenté, autour d’un « chevetaigne de guerre », se soient rétrécis dans une sphère qui dépasse rarement le troisième degré de parenté, confirmant ainsi les règles juridiques en matière de guerre privée décrite en son temps par Philippe de Beaumanoir. En est-il de même quant à la dynamique de la faide elle-même ?

La faide aristocratique : une dynamique vindicative destructrice de l’intégralité des lignages en présence

Dans la Geste des Lorrains, les guerres privées opposent essentiellement les membres de deux lignages. Cependant comme elles s’étendent généralement sur deux générations, les parents entraînent inévitablement dans leur sillage leurs enfants qui reprennent le flambeau de la guerre privée. En raison de cet héritage, les faides apparaissent comme des processus interminables qui trouvent leur aboutissement avec la destruction des lignages antagonistes en présence. Ce faisant, ce constat doit permettre de nous questionner sur le but réel des faides, et plus globalement nous pencher sur l’objectif de ces guerres privées, c’est-à-dire étudier à partir de quels moments la famille de la victime estime son devoir de vengeance satisfait.

L’objectif de la dynamique faideuse fictionnelle : l’annihilation des lignages antagonistes

Dans Garin le Loheren et Gerbert de Mez, les faides ne s’étendent guère au-delà du troisième degré de parenté, que ce soit horizontalement ou verticalement, aux parents par le sang, mais aussi aux affins60. Sont donc concernés des parents relativement proches. Or, les premiers membres juridiquement fondés à se venger étaient les fils. En effet, la vendetta reposait sur l’idée critique que le sang de la victime criait vengeance et devait être payé par le meurtrier. Elle était une loi absolue, intimant à tout membre de la famille de la victime de tuer le coupable. Celui-ci, ayant versé le sang, se trouvait dès lors exposé à son tour à la vengeance et devait être abattu61. Si ce devoir général engageait tous les membres de la Sippée indistinctement durant les époques mérovingiennes et carolingiennes, avec la rupture des Sippen et la structuration progressive de la famille selon un modèle lignager, les devoirs des parents dans le domaine de la vengeance eurent tendance à se restreindre comme l’expose Philippe de Beaumanoir. Cette modification est à mettre en relation avec l’essence même du lignage dont la conception repose, particulièrement dans les chansons de geste, sur la conservation de la pureté du sang et des esprits familiaux62. Or, la structure lignagère étant substantiellement verticale, fondée sur la transmission du sang des parents aux enfants, plus particulièrement de père en fils, les héritiers mâles les plus proches de la génération suivante, c’est-à-dire les parents au premier degré, apparaissent comme le premier cercle concerné par la vengeance comme en témoigne le déroulement de la faide opposant les Lorrains aux Bordelais. Cette primauté des parents du premier ordre en matière de vengeance apparaît clairement, par exemple, dans la loi connue sous le nom de Prawda portée par Iaroslaw (1018-1054), dispositions recueillies par Nestor le Chroniqueur : « Si un homme tue un autre homme, le frère aura le droit de venger le meurtre de son frère, le fils, celui de son père ; le père, celui de son fils, de même que le neveu, soit qu’il soit fils du frère ou de la sœur »63. Nous voyons donc que cette disposition légale antérieure aux récits est conforme à la vision offerte par les fictions médiévales, en réservant en priorité aux lignagers masculins du premier degré le devoir de vengeance.

La vengeance apparaît dès lors comme étant la première fonction des fils de famille. Dans un contexte de faides opposant deux lignages, les enfants se doivent de poursuivre l’œuvre conflictuelle commencée par la génération précédente. Or, ces héros appartenant à la deuxième génération d’acteurs de la faide ne connaissent pas toujours très bien l’origine du conflit. Bien qu’ils se disent formellement prêts à poursuivre la lutte armée, il s’avère que tous ne le souhaitent pas forcément, surtout quand aucun parent proche n’a été tué par le lignage antagoniste. En fait, ils apparaissent plus comme étant des victimes des automatismes inhérents à la solidarité lignagère que comme les bras vengeurs de leur lignage respectif. Mais il est vrai que ce cas de figure est rare dans les fictions, les trouvères s’arrangeant toujours par faire périr un proche pour que le héros, mû par l’affection qu’il avait pour celui-ci, se lance à corps perdu dans la guerre privée.

Les femmes, de leur côté, étant dans l’incapacité de porter les armes sur les champs de bataille, étaient exclues formellement des faides ; mais cela ne veut pas dire qu’elles n’exprimaient pas pour autant de volonté vengeresse. Ainsi dans Yon ou la Vengeance Fromondin64 et Anseÿs de Mes65, lorsque Loeÿs vient se plaindre à sa mère de ce que Yonnet l’a frappé avec un oiseau, l’enfant est encouragé par Ludie à tirer vengeance de l’affront qu’il a subi. Se souvenant subitement de tous les griefs qu’elle avait accumulés contre la famille de son mari Hernaut de Gironville, particulièrement la mort de son frère Fromondin, elle suggère à son fils de tuer Gerbert.

En réalité, la satisfaction du lignage lésé ne sera effective qu’à la disparition totale des membres du lignage adverse. Cela apparaît comme une évidence si l’on se réfère à l’équation proposée par M. de Combarieu pour expliquer la dynamique faideuse dans la Geste des Lorrains66 : les faides apparaissent comme un mouvement perpétuel, car à chaque meurtre d’un membre de l’un ou l’autre lignage, un parent va systématiquement s’instituer « chevetaigne de guerre » pour venger le mort de son dernier parent qui a trouvé la mort sous les coups d’épée d’un membre du lignage ennemi. Conçues de cette manière, les faides sont présentées comme des cycles de vengeance s’étendant sur plusieurs générations, voire comme des phénomènes interminables décimant un à un tous les lignagers, comme le suggère le discours suivant entre Fromont de Lens et Guillaume de Monclin qui viennent d’apprendre la mort d’Ainmon de Bordeaux :

Ce dist Fromons, li gentils et li ber :
Noz fumes .XV. a la guerre mener,
Trestot meschin et jone bacheler.
Or n’i puet on que moi et voz trover.
Mort sunt li autre ; nes doit on oublier,
Et frere et oncle et nostre ami charnel. »
Et dist Guilliaumes : « Tot ce laissiez ester.
L’un aprés l’autre, noz covient afiner »67.

Par ailleurs, même si nous avons fait le choix de nous intéresser aux rouages de la faide uniquement dans les récits de Garin le Loheren et Gerbert de Mez pour des questions de cohérence, trois trouvères différents racontent la suite alternative de cette guerre privée dont le point de départ trouve son origine dans la volonté des Bordelais, selon le souhait de Ludie, de venger la mort de Fromondin. La guerre reprend et Gerbert trouve traditionnellement la mort lors de cette vindicta, et dès lors, ses fils, qui se prénomment soit Yon ou Anseÿs, prennent la décision, à leur tour, de se venger. Aussi, cette faide apparaît être éternelle comme le souligne si justement le trouvère d’Anseÿs de Mes à la fin du récit, déclarant au sujet de cette guerre : « Car la haïne dure ancor, per verté, / Et duera toz jors en ireté, / Car nostre Sires l’a ainsi destiné »68.

En réalité, la faide épique est présentée et décrite comme le faisait déjà Grégoire de Tours dans son Historia Francorum69. La vengeance familiale apparaît inexorable sans que rien puisse l’empêcher, car en fait l’objectif de la faide n’est pas tant la capture de l’autre pour faire pression sur la parenté adversaire ou demander des rançons, que bien d’exterminer le lignage ennemi jusqu’au dernier de ses membres. La seule échappatoire envisagée par les auteurs est de lier les deux lignages afin que le sang et les esprits de chacun des deux se confondent pour que les héritiers, fruits des lignées antagonistes, instaurent la paix. Or, même ce moyen n’est pas probant. En effet, quand nous parcourons Anseÿs de Mez, l’une des suites de Gerbert de Mez, nous nous apercevons que le mariage de Ludie et d’Hernaut n’a rien arrangé. Pourtant cette union était riche en espérance, mais la loyauté d’Hernaut trouve à s’exprimer dans sa résolution de pendre son fils Loëys et de brûler sa femme, l’un coupable et l’autre responsable du meurtre de Gerbert70. Comme l’écrit très justement M. de Combarieu du Grès : « cet enfant qui devait réunir les deux lignages, par l’hérédité et la terre, est celui qui, à nouveau, les fait s’affronter. On comprend qu’après cela et la tuerie finale le trouvère ne puisse rien nous faire entrevoir d’autre qu’une haine éternelle »71.

La dynamique faideuse fictionnelle : un mécanisme non-linéaire

Malgré ce caractère de conflit intemporel, la faide fictionnelle n’apparaît pas comme un processus linéaire : elle est ponctuée par un ensemble d’accords visant au rétablissement de la paix, au moins pour un temps déterminé. Au fond, les parties à la guerre vont s’offrir différents moyens de sortie pour que cessent momentanément les actes de violence que légitimait la guerre privée, afin de tenter de préserver les intérêts et les vies des lignagers. Cette vision offerte par la fiction est conforme aux réalités historiques. Dans la société médiévale des xiie-xiiie siècles, le mode privilégié des conflits reste le règlement privé72. Cette recherche d’un compromis a été expérimentée très tôt par la puissance publique afin de limiter l’enchaînement de violences73. Cependant, dans la pratique, ces différentes législations n’ont eu guère d’impact, pour des raisons idéologiques : en effet, vider un conflit par les armes était souvent perçu comme étant plus honorable que la composition. C’est pour cette raison que malgré la montée en puissance de l’autorité royale, qui tenta de réguler ou supprimer les guerres privées, ces dernières étaient encore très présentes aux xiie-xiiie siècles. Dans la Geste des Lorrains, il n’est pas question de compensations pécuniaires, jugées comme trop peu honorables pour des héros appartenant majoritairement à la haute aristocratie. Par contre, les récits sont jonchés d’accords qui instaurent un répit entre les lignages.

Si on se réfère aux paroles mêmes de Pépin le Bref, il existe trois moyens d’obtenir une pause dans les guerres, que celle-ci soit temporaire ou définitive : « Et dist li rois Ja le porrez oïr : / Si faites pais al Loheren Garin, / Ou prenez trives ou termes74 soit requis »75. Les deux premières techniques sont par ailleurs décrites par Philippe de Beaumanoir qui les présente comme des procédés utilisés pour mettre fin aux guerres privées76.

De tous les moyens préconisés par Pépin, le moins utilisé par les protagonistes est certainement la paix : elle est officiellement conclue dans Garin le Loheren avant la mort de Begon, le trouvère se contentant de préciser : « Je qu’en diroie ? La pai ont establi, / Il s’entrebaisent et furent bon ami »77. L’auteur fait bien évidemment référence au baiser de paix sans que l’on sache réellement l’identité des personnages qui s’embrassent, mais l’auteur s’empresse de préciser que : « la pais dura .vii. ans et .i. demi »78. Or, le principe d’une convention de paix était d’être formellement signé par les « chevetaignes de guerre » et de clore définitivement le conflit. En réalité, cet accord possède plus les caractéristiques d’une trêve que celles d’une paix. En effet, la trêve apparaît comme une convention privée passée entre les deux principaux intéressés, c’est-à-dire les « chevetaignes de guerre » qui suspend les hostilités pour un temps déterminé par un arrangement à l’amiable. Dans les récits, rien ne différencie vraiment la trêve de la paix : les trêves sont parfois longues et les paix parfois bien courtes et les procédures décrites sont parfaitement identiques. La seule différence tient peut-être à l’objectif recherché lors leur établissement : la trêve est en substance momentanée tandis que la paix a vocation à être définitive. Mais la reprise systématique des guerres suggère que, au fond, la paix n’est jamais possible tant qu’il reste des belligérants dans chacun des deux lignages. Paix et trêve sont donc deux moyens de règlements des conflits qui se confondent. Cet amalgame apparaît nettement dans le récit de Garin le Loheren.

Après l’assassinat accidentel de Begon perpétré par les hommes de Fromont de Lens et par un de ses neveux, ce dernier envoie à Garin la dépouille de son frère escorté par l’abbé Henri, un parent des Lorrains. En parallèle, il charge le clerc d’un message : faire savoir à Garin qu’il a emprisonné les responsables de la mort de Begon et qu’il se propose de les lui livrer aux conditions qu’il voudra bien lui fixer. Parallèlement, en apprenant la mort du fils d’Hervis de Metz, Rigaut est bien décidé à venger l’assassinat de ce dernier et ravage le Bordelais. Or, Garin demande à son neveu d’accorder une trêve le temps des rencontres79. Contraint par son père Hervis le Vilain, Rigaut accepte et profite de l’occasion pour renforcer certaines de ses défenses. Malgré les ravages occasionnés par celui-ci, la rencontre entre Garin et Fromont a lieu et les Lorrains accordent un nouveau délai aux Bordelais. Les deux « chevetaignes de guerre » prévoient de se retrouver à Paris, à la cour de l’empereur, afin de terminer la guerre si chacun des deux lignages y consent80. Garin expose en public les offres de Fromont pour réparer la mort de Begon. En présence du roi, Fromont renouvelle ses propositions en revenant sur un point : il ne veut plus remettre les assassins de Begon, arguant : « Mais al brief faire n’ot nul de mes amis, / Si ne le voelent otroier ne soufrir / Que je cex rendre qui le conte ont ocis »81. Pépin le Bref entend faire trancher la question par trois juges, mais aucun d’entre eux ne souhaite rendre une décision de peur de voir s’attirer les foudres du lignage condamné. Furieux, l’empereur décide de régler lui-même le conflit en décidant que l’accord initial doit être respecté, mais Guillaume de Blancafort s’y refuse et menace de faire évader ses parents emprisonnés dans les geôles de Fromont. Une rixe va alors opposer les Lorrains et les Bordelais en présence du roi de France, et c’est à cette occasion que le roi laisse le choix à Fromont entre la trêve, la paix ou octroyer un délai supplémentaire. La reine décide d’octroyer une trêve de sept ans au nom de Garin82, et le trouvère précise :

D’anbes .II. pars ont les trives asis,
Fors que danz Hues et Garniers l’orfenins ;
Icil nes vodrent ne doner ne tenir ;
Ainz jurent Dieu qui en la croiz fu mis,
S’il ne lor rendent Begon et sain et vif,
Si com al jor que ou bois fu ocis,
Qu’a nes .I. jor ne serunt lor ami.
Et dist li rois : “Mervelles ai oï.
C’est .I. chose qui ne puet avenir.”
Et dist Garniers : “Si noz covient soufrir,
Tres bien si gart Fromons li posteïs !
Si le puis faire, il l’en covient morir. ”
Fromons l’entent, si est en piez sailliz :
“Droiz enperere, entendez envers mi !

Cant je n’ai garde dou Borguignon Aubri,
Ne de Garin, de l’Alemant Orri,
Le remanant pris je certes petit.
Ge et Gautiers somes molt pres voisin,
La soie guerre puis je molt bien soufrir.”
Desfïé sunt devant le roi Pepin83.

La trêve est acceptée par les deux parties, sauf par Huon de Cambrésis et Gauthier l’Orphelin, qui se désolidarisent du reste du lignage. Fromont prend acte et l’accepte. Rigaut, de son côté, ne respecte pas la trêve décidée et continue à mettre à sac le Bordelais. Par ailleurs, afin qu’Aubéri puisse respecter formellement la trêve, il est décidé que c’est lui qui ira lever les troupes en Bourgogne.

Quand nous analysons ces différentes péripéties, nous constatons que l’intention des protagonistes est bien de conclure une trêve et non pas la paix. Ces suspensions des hostilités sont d’ailleurs décidées par les « chevetaignes de guerre ». En matière de trêve, Philippe de Beaumanoir n’indique pas quel membre du lignage doit effectivement convenir de l’accord. Il se contente de préciser :

Se aucune mellée nest entre gentius hommes en laquele il n’a pas mort d’homme, mes navreure ou bateure, et l’en veut demander trive ou asseurement, l’en le doit demander a ceus a qui li mesfès fu fes, ne l’en ne le puet demander a autrui du lignage devant que cil a qui li mesfès a esté fes sera banis si comme il a esté dit dessus84.

Or, à en croire les fictions, ce sont bien les « chevetaignes de guerre » qui ont une vocation naturelle à accorder les trêves. En réalité nous sommes très proches des règles établies en matière de paix 85. Cependant, quand nous nous référons à la réaction de Rigaut qui refuse d’entendre parler de suspension des armes après l’assassinat de Begon, nous pouvons nous demander si la participation des lignagers n’est pas nécessaire. En effet, il faut toute la persuasion de Garin et surtout celle de son père Hervis le Vilain pour que le héros accepte de suspendre les hostilités. À l’inverse, Gerbert demande bien à ses cousins de ne pas prendre les armes car Garin a justement conclu une trêve. La règle semble donc bien que l’accord de trêve soit du ressort du « chevetaigne de guerre » et que les lignagers n’aient pas à y participer. Il faut mettre l’attitude de Rigaut sur le compte de son tempérament batailleur.

Par ailleurs, Huon de Cambrésis et Gauthier l’Orphelin du lignage des Lorrains expriment le souhait de ne pas respecter la trêve décidée. On ne trouve aucun élément dans les Coutumes de Beauvaisis sur ce point. Toutefois, il était admis que la paix engageait non seulement ceux qui l’avaient conclue, mais aussi leurs lignages. Néanmoins, il était possible aux lignagers de l’une ou l’autre partie de s’abstenir de la paix : « Et s’il sont aucun du lignage qui ne se vuelent assentir a la pes fete et acordee par le chevetaigne de la guerre, il doivent fere savoir que l’en se garde d’aus, car il ne vuelent pas estre en la pes »86. Ainsi, pour qu’ils puissent légitimement poursuivre les hostilités, il était nécessaire qu’ils manifestent clairement et publiquement leur volonté. Or, c’est précisément ce que font Huon et Gauthier en défiant Fromont en présence du roi de France, le Bordelais acceptant de bonne grâce la poursuite des hostilités uniquement avec ces deux personnages, qu’il croit être faiblement armés. Une nouvelle fois le récit donne aux trêves le régime juridique de la paix. En outre, nous constatons que Rigaut retourne dans le Bordelais et continue à saccager le territoire, malgré la trêve et l’absence de manifestation publique de refus de cette dernière. Or, en dévastant cette région malgré la conclusion de la trêve, Rigaut est susceptible de tomber sous l’inculpation de bris de trêve qui est qualifié de trahison, puni de mort87. Pour Hervis le Vilain, qui essaie de raisonner son fils en essayant de lui faire respecter la trêve, celui-ci est en train d’accomplir un acte de forfaiture88. En effet, Hervis souhaiterait pouvoir respecter la trêve et l’attitude de son fils peut lui porter préjudice. En tant que père du « renégat », il existe une présomption de solidarité en raison des liens familiaux. Or, il était admis que lorsqu’on avait adhéré à une convention instituant une période de cessation du conflit, les gens du lignage devaient refuser toute aide quelconque à ceux qui poursuivaient la guerre sous peine d’être accusés eux-mêmes de trahison pour rupture de trêve. C’est d’ailleurs pour éviter ce risque qu’Audegon propose à Hervis que Rigaut aille rejoindre Huon de Cambrésis et Gauthier l’Orphelin89, eux qui ont refusé formellement la trêve et qui sont donc dans leur bon droit, et ce contrairement à Rigaut90.

Ainsi, dans la Geste des Lorrains, le premier, voire le seul, moyen de règlement des conflits est la guerre privée. Autour du « chevetaigne de guerre », tous les lignagers jusqu’au quatrième degré sont automatiquement entraînés dans le conflit, apportant volontiers leur aide à celui par qui la guerre était arrivée. En cela, les descriptions fictionnelles rejoignent les réalités juridico-historiques telles que les formule Philippe de Beaumanoir dans les Coutumes de Beauvaisis, les rouages des guerres privées apparaissant comme particulièrement codifiés.

Toutefois, ces faides ne sont pas présentées sous la forme d’un simple mode de résolution des conflits, mais plutôt comme une spirale de violence opposant deux familles antagonistes où l’objectif est l’éradication totale du lignage adverse. Ainsi, la multiplication des offres de réconciliation pour mettre fin aux hostilités, le faible pourcentage de compromis et le retour systématique de la violence prouvent que le processus faideux est un cycle de vengeance interminable qui persiste tant qu’il existe des lignagers, vivants de chaque côté, les générations suivantes prenant le flambeau des précédentes. Dès lors, loin d’apparaître comme une force, la solidarité familiale est la première cause de l’anéantissement des lignagers laissant in fine des parentèles dévastées. Bien que la fiction ait tendance à grossir les traits de ces situations propices aux péripéties épiques, nous observons que le groupe ne compte finalement qu’un petit nombre d’individus ayant des orientations contraires à l’intérêt lignager, qui refusent ses contraintes de manière fort marginale. Cette quasi-unanimité est elle-même une exagération, servant à souligner l’union sans faille des parents et de la solidarité familiale.

En effet, il serait erroné de croire qu’une entente cordiale règne entre tous les membres du lignage. Même si les querelles sont relativement peu fréquentes, contrairement aux réalités séculières témoignant que l’aristocratie féodale était un milieu éminemment conflictuel, à cause de sa vocation militaire et des enjeuxw liés à la recherche du prestige, elles existent néanmoins, et sont parfois virulentes. Or, ces dissensions sont autant de circonstances pouvant complexifier l’automatisme des règles de solidarité lignagère en matière de guerre privée. Néanmoins, et paradoxalement, celles-ci peuvent constituer autant de ressorts narratifs exploitables par les trouvères. Les chansons de geste placent les faits d’armes au centre des récits : l’univers dépeint est un monde de combattants, et en cela ne diffère guère des réalités contemporaines belliqueuses. Ainsi, les guerres privées apparaissent comme un terreau fertile sur lequel peuvent se construire les récits. On assiste donc à un perpétuel aller-retour témoignant d’une hybridation féconde entre la réalité et la fiction, rendant difficile la distinction de ce qui relève des réalités juridiques de l’époque et des contingences littéraires.

Notes

1 Voir par exemple Claude Gauvard, Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, 2005. Retour au texte

2 Voir Laure Verdon, « Violence, norme et régulation sociale au Moyen Âge. Essai d’un bilan historiographique », dans Rives méditerranéennes n°40 (2011), p. 11-25. Retour au texte

3 Howard R. Bloch, Medieval French Literature and Law, Berkeley, University of California Press, 1977, cité d’après Ronald G. Koss, « Raoul de Cambrai et les querelles d’héritage », dans L’Orgueil a desmesure. Études sur « Raoul de Cambrai » (éd.) D. Hüe, Orléans, 1999, p. 124 : « Alors que la connaissance du monde féodal nous aide à pénétrer les chansons de geste, à en expliquer les obscurités, à en comprendre la psychologie, celles-ci nous renseignent à leur tour sur la société, non tant comme elle était, mais comme elle se voyait, et surtout comme elle souhaitait être. N’est-ce pas d’ailleurs en cela justement que ces poèmes nous sont précieux ? Ils nous livrent l’âme d’une société, alors que les chartes et les chroniques en décrivent l’anatomie ». Retour au texte

4 C’est durant cette période que naquirent les plus nombreuses et les plus célèbres chansons de geste, au moment où le genre littéraire était au sommet de sa faveur. Voir D. Poirion, « Chanson de geste ou épopée ? Remarques sur la définition d’un genre », dans Travaux de linguistique et de littérature, 10, 1972, p. 20. Retour au texte

5 Jean Flori, « La chanson de geste en France. L’histoire et l’épopée française », dans L’Épopée, Turnhout, Brepols, 1988, p. 92. Retour au texte

6 Jacques Le Goff, « Préface », dans Littérature, politique et société dans la fin du Moyen Âge, (éd.) D. Boutet et A. Strubel, Paris, PUF, 1979. Retour au texte

7 Georges Duby, « Les sociétés médiévales : une approche d’ensemble », dans Annales E.S.C, XXVI, 1974, p. 1-13. Retour au texte

8 Marc Bloch, La Société féodale, Paris, Albin Michel, 1994, p. 188. Retour au texte

9 Raoul de Cambrai, chanson de geste du xiie siècle, (éd. et trad.) Sarah Kay et William Kibler, Paris, L.G.F., 1996. Retour au texte

10 La Geste des Lorrains est composée de 6 chansons de geste. Cependant, cet article n’est établi que sur la base des récits de Garin le Loheren et Gerbert des Mez. En effet, ces deux histoires apparaissent comme le noyau central de la Geste des Lorrains, les autres histoires n’étant que des appendices de ce noyau dur, comme Hervis de Mes. Quant aux deux autres textes, à savoir Yon ou la Vengeance Fromondin et Anseÿs de Mes, ils n’apparaissent, au côté du récit de Yonnet de Metz, que comme trois conclusions alternatives de la Geste des Lorrains, s’excluant l’une l’autre plus ou moins nettement. Aussi, il nous est apparu préférable, par souci de cohérence, de ne prendre en compte que les textes formant le noyau stable de la Geste des Lorrains, à savoir Garin le Loheren et Gerbert de Mes, en mettant de côté les trois fins alternatives, ainsi qu’Hervis de Mes dans lequel il n’y a aucune trace de la guerre privée opposant les Lorrains et les Bordelais. Retour au texte

11 Pour chacun des récits, nous avons fait le choix de nous baser sur les éditions de référence suivantes : Garin le Loheren according tu Manuscript A (Bibliothèque de l’Arsenal 2983), (éd.) Josephine E. Vallerie, Ann Arbor, Edwards, 1947 ; et Gerbert de Mez, (éd.) Pauline Taylor, Namur, Éditions Nauwelaerts, 1952. Retour au texte

12 Voir Ion Despina, La Parenté dans “Garin le Loheren” et “Gerbert de Mez” : étude littéraire, linguistique et anthropologique, Thèse dactylographiée, Nancy, Université de Nancy II, 2000. Retour au texte

13 Voir Jérôme Devard, Parenté et Pouvoir(s) dans la Matière de France et le Roman de Renart. Approche socio-juridique de la représentation familiale aux xiie- xiiie siècles, Poitiers, Thèse Dactylographiée, 2014. Retour au texte

14 Dominique Barthélémy, « L’État contre le “lignage” : un thème à développer dans l’histoire des pouvoirs en France aux xie, xiie et xiiie siècles », dans Médiévales n°5 (1986), p. 41. Retour au texte

15 Sur Philippe de Beaumanoir, voir Gérard Giordanengo, « Philippe de Beaumanoir », dans Dictionnaire historique des juristes français xiie-xxe siècles, (éd.) P. Arabeyre, J.-L. Halpérin et J. Krynen, Paris, PUF, p. 55-56. Retour au texte

16 Voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, (éd.) Amédée Salmon, Paris, Picard, 1970. Retour au texte

17 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. cit., §. 1678. Retour au texte

18 Garin le Loheren, éd. cit., v. 2323-2332 : « Sire Fromons,” ce dist Garins li fier, / “De traïson ne voz poez gaitier, / Que vostre aïol en fu bien costumier, / Qui son parin murdri en .I. mostier, / Et son lige segnor copa le chief, / Et son cousin fist en .I. sac noier, / Dont voz tenez les terres et les fiez. / Mi cousin erent ; je les voel chalengier. / Qu’a tort honist son segnor droiturier, / Ne li devroit Dieus honor envoier. » Retour au texte

19 Ce constat est formulé par le trouvère lui-même, voir ibidem, v. 2310-2315 : « Jus ou palais de .II. molt haus barons, / La conmença la noise et la tençons / Par tel maniere con noz deviserons, / Dont il charra mains bors et mains donjons. / Fromons avoit la sua mains conpagnons, / Plus que Garins que de fi le savons. » Retour au texte

20 Ibid., v. 1065-1070 : « Li rois l’apelle .I. don li a promis : / Tout le premier qui iert en son païs / Qui escherra, s’il li vient a plaisir ; / Se il n’i a droit oir por le tenir, / Il sera siens, cul qu’il doie enbellir. / Fromons l’encline et si l’en rent mercis. » Retour au texte

21 D’abord, Hervis de Metz parvient à imposer Pépin sur le trône alors que les Bordelais s’y opposaient. Ensuite, malgré sa place de premier conseiller auprès de Pépin le Bref, Hardré et Fromont ne parviennent pas à empêcher le roi de donner la Gascogne à Begon, et d’empêcher l’armée royale d’intervenir en Maurienne – d’autant plus qu’une partie des Bordelais souhaitent s’y rendre. De plus, lors de cette campagne, un différend naît entre Garin et Fromont à propos de la tactique militaire à utiliser, qui aboutit au départ de ce dernier du champ de bataille ; et, lors du partage du butin sarrasin par Garin, les Bordelais présents se sentent lésés. Retour au texte

22 Garin le Loheren, éd. cit., v. 2287-2305. Retour au texte

23 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., §. 1670. Retour au texte

24 Ibidem, §. 1675 : « Qui autrui veut metre en guerre par paroles, il ne les doit pas dire doubles ne couvertes, mes si cleres et si apertes que cil a qui les paroles sont dites ou envoïes sache qu’il convient qu’il se gart ; et qui autrement le feroit, ce seroit traïsons. Et encore se desfiances sont mandees a aucun, l’en les mander par teus gens qui le puissent tesmoignier, se mestiers en est, en tans et en lieu ; et li mestiers en est quant aucuns veut metre sus a autre qu’il li a fet vilenie en gait apensé sans desfiance, car en cel cas est li mestiers de prouver la desfiance pour soi oster de la traïson. » Retour au texte

25 Ibid. Retour au texte

26 Gerbert de Mez, éd. cit., v. 10809-10811 : « Tant, que la dame a ce plet creante. / Par lor proiere ont le conte acordé, / Si les ont fes baisier et acoler. » Retour au texte

27 Dans les suites alternatives, le conflit reprend et tourne à l’avantage soit des Lorrains ou des Bordelais en fonction des différentes chansons de geste. Retour au texte

28 À l’exception du roi Pépin le Bref qui restera cantonner à son rôle de suzerain, ce qui lui est d’ailleurs constamment reproché par sa femme, l’impératrice Blanchefleur. Retour au texte

29 Micheline De Combarieu du Grès, L’Idéal humain et l’expérience morale chez les héros des chansons de geste des origines à 1250, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1979, p. 121. Retour au texte

30 En matière de crimes, c’était un devoir pour les enfants, neveux ou proches parents de venger leur lignager comme il est par exemple indiqué dans le Livre de Jostice et de Plet : « L’en demande qu’en dit droiz ? Et l’en respont : Comme tex homme com li morz ait enfant, ou nevoz ou paranz pruchiens, et aient poer de vengier leur ami. » Voir Li Livres de Jostice et de Plet, (éd.) Polycarpe Chabaille, Paris, Rapetti, 1850, Lib. XIX, XLV, §. 1. Retour au texte

31 Échappe à cette règle, Mauvoisin qui s’attaque à Fromondin qu’il tient pour responsable de la mort de son père Doon le Veneur. En raison de ce décès, il devient momentanément « chevetaigne de guerre », mais c’est Gerbert qui reprend la lutte. Cf. Gerbert de Mez, éd. cit., §. XLCCII-CLXXXIV. Retour au texte

32 Voir Garin le Loheren, éd. cit., §. LXXXIV Retour au texte

33 Ibidem, v. 12582-12584 : « Dist la roïne : “Il n’ira mie ensi.
 /Je doins les trives en liu do duc Garin / Jusqu’à .VII. anz passez et aconplis. » Retour au texte

34 Voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. cit., §. 1699-1700. Retour au texte

35 La reine réussit à imposer la trêve là où son mari le roi de France vient d’échouer. Ce succès ne fait que confirmer la faiblesse de Pépin le Bref, qui n’est pas seulement d’ordre politique, mais aussi moral. Cependant, les intentions de Blanchefleur sont loin d’être pacificatrices : la trêve est uniquement octroyée pour permettre aux Lorrains de fortifier leur place dans la région de Bordeaux ; voir Garin le Loheren, éd. cit., v. 12586-12592 : « Mais ne set pas por coi elle le fist. / Endementiers que li jors en fu pris, / Fist on fremer le chastel de Belin / Et la Vaudonne et Mont Esclavorin, / Et Geronvile enforcier et garnir ; / Dont fu dolanz Fromons li posteïs, / Que cis chastiax li fu toz jorz nuisis. » Retour au texte

36 Cette opposition de conception transparaît dans cet extrait de Garin le Loheren où Pépin accepte les richesses de Guillaume de Monclin contre l’avis de Blanchefleur aux vers 13922-13933 : « Et voz, Guilliaumes, fel traïtres failliz, / Fiz a putain, tant par fustes hardiz ! / Voz savez bien que il sunt mi cousin, / Et d’autre part il tiennent a Pepin. / Ja Dieu ne place que en puisses joïr, / Que n’en soiez detranchiés et ocist.” / Li rois l’entent, a poi n’enraje vis ; / Hauce son gant sor le nez l’a feri, / Que .IIII. goutes de sanc en fist issir. / “A voz qu’en tient ?” ce dist li rois Pépins, / “Se mi baron viennent parler a mi. » Cependant, précisons que Blanchefleur n’est apparentée aux Lorrains que par le biais d’une double alliance : Pépin est d’une parenté plus proche, mais l’impératrice met en avant le lien qui les unit, quand bien même il est plus lointain. Retour au texte

37 Ibid., v. 13938-13958 « Isnelement en ses chanbres en vint ; / Son chapelain en apella Henri : / “Fai unes letres et si met en escrit ; / Les unes voisent a Joifroi l’Angevin, / A Huon autres qu’est mes germains cousins, / Les tierces voisent a Garnier le meschin, / En Orlenois envole a Hernaïs, / Et les cinquiemes al Borguignon Aubri, / Les sistes voisent tot droit en Canbresin, / Et les setiemes al Loheren Garin, / Et a Gerbert, a Hernaut, a Gerin, / Et si lor dites, ne lor devez mentir, / Qu’a la cort est Guilliaumes li marchis, / Tant a le roi et donné et promis / Qu’il n’aidera al Loheren Garin, / Lui ne Gerbert ne Hernaut ne Gerin, / Ainz les laira de guerre covenir, / Et as espees le chaple maintenir. / S’or ne se painnent de garder le chemin, / Se il s’en va, que li ne soit ocis, / Se m’eït Dieus, ges priserai petit ! » Retour au texte

38 Dans Garin le Loheren, on le voit par exemple confier la région de Blaives à ses parents au §. CXLIV, et, au §. CLIV, et marier la fille de son neveu, Huon de Cambrésis. Retour au texte

39 Garin le Loheren, éd. cit., v. 16348-16360. Retour au texte

40 On pourrait voir dans cet extrait une scène directement sortie des romans courtois, où le héros jure amour et fidélité à l’élue de son cœur. D’ailleurs Garin ne prend-il pas la reine par le cou ? Voir Ibid., v. 16344-16347 : « Desor Grant Pont que l’en dist a Paris / A encontre la roïne Garin. / Cant li dus voit la roïne venir, / Celle part torne, les bras au col li mis ». Retour au texte

41 Il est vrai que Philippe de Beaumanoir précise que les femmes sont au nombre des personnes qui sont exclues des guerres privées, ces dernières n’ayant traditionnellement pas leur place sur les champs de bataille, voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., §. 1688 : « Aucunes personnes sont exceptees des guerres tout soit ce qu’il soient du lignage natutelment a ceus qui guerroient, si comme clerc et cil qui sont entré en religion, et fames, et enfant sousaagié, et bastars. » Retour au texte

42 Gerbert de Mez, éd. cit., v. 3502-3510. Retour au texte

43 Ibidem, §. XXI. Retour au texte

44 Ibid., v. 8465-8488 : « La roïne est devant le roi Pepin, / L’aiguë li cort tot contreval le vis : / “Droiz enperere, sire, por Diu, merci ! / Molt oi grant joie, certes, cant me preïs. / Corone d’or me fu el chief asis. / Ne poi plus haut monter, ce m’est avis. / Miex en deüst estre toz mes amis. / Contre .I. traitre lor tailliez ore ci, / Qui Diu n’en ainme, ainz a sa foi menti. / Du tot en tot l’a laissié et guerpi.” / – Laissié me ester, dame,” ce dist Pepins, / Iceste guerre conmant as maufez vis ; / Cant conmenca joncs ere et meschin; / Tant a duré que viex sui et flori. / Guerroiez, dame, tot a vostre plaisir ! / Toz vos voloirs ne puis pas aconplir. / D’or en avant le gant voz en otri.” / – Sire,” dist elle, “la vostre grant merci !” / La gentilz dame s’escria a haut criz : / “Et ou sunt or li chevalier de pris, / Cil qui demandent et le vair et le griz, / Les belles armes et les chevax de pris ? / Voisent avoec Gerbert, le fil Garin ! / Toz mes avoirs lor est a bandon mis ». Notons que la reine accompagne elle-même les troupes une partie du chemin pour les laisser à Senlis sous le commandement de Gerbert en ordonnant au jeune homme de massacrer Fromont et les Bordelais et surtout de ne leur octroyer aucun répit ; voir ibid., §. CLI et CXXXVII. Retour au texte

45 Ibid., v. 10780-10811 : « Et la roïne vint del mostier ourer ; / Quant vit Fromont, a lui prist a parler : / “Sire traïtres, li jors est ajornés / Que vos serés ocis et desmenbrés ! / Fox est Gerbers, se n’estes affolés / Ou ars en fu ou vilment traïnés. / Jugié vos a trestos cis grans barnés.” / Fromondins voit n’en porra eschaper. / “Dame,” dist il, “merci, por amor Dé ! / J’ai folement vers vos tos jors erré, / Mes je le fis por ma vie sauver.” / As pies le roi s’est Fromons acliné. / “Merci,” fet il, “frans emperere, ber ! / Proiés Gerbert et manaie et pité, / Que il me laist ma terre et m’ireté / Et cele honor, dont sui de vos chasé. / Moi et Gerbert en ont paien jeté. / S’or li venoit a talent et a gré, / En cest afere fuissons moi et lui per ; / Se de la terre avions Turs jetés, / Tos jors seroie a lui enprisonés, / Que ses hom sui, si ne m’en voel oster. / Je li jurai, voiant tout le barné, / Ne li faudrai tant con puisse durer. / Tos mes amis métrai en oublier / Que il m’a mors et a duel fet finer.” / Dient François : “Cis hom se juge assés.” / Doi archevêque et plus de .XX. abés / A la roïne en ont merci crié / Tant, que la dame a ce plet creanté. / Par lor proiere ont le conte acordé, / Si les ont fes baisier et acoler. » Retour au texte

46 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., §. 1678. Retour au texte

47 Voir supra. Retour au texte

48 La règle, précise Beaumanoir, est nouvelle. Anciennement, l’obligation de prendre part à la guerre s’était entendue jusqu’au septième degré canonique. Mais le concile de Latran de 1215 ayant ramené, en matière de mariage, l’empêchement de parenté du septième au quatrième degré, on a jugé bon de restreindre dans les mêmes limites la solidarité familiale dans les guerres. Voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. cit., §. 603. Cependant, comme cette restriction ne plaisait guère aux aristocrates, on a permis à des parents d’un rang plus éloigné que le quatrième degré canonique de prendre part à la guerre : ils n’avaient aucune obligation, mais pouvaient le faire volontairement. Voir ibidem, §. 1687. Retour au texte

49 Ibidem, §. 1686. Retour au texte

50 La définition du lignage et de la solidarité familiale constitue le sujet de l’intégralité du court livre XIX des Coutumes de Beauvaisis. Retour au texte

51 Voir J. Devard, Parenté et pouvoir(s) dans la Matière de France et le Roman de Renart. Approche socio-juridique de la représentation familiale aux xiie-xiiie siècles, op. cit. Retour au texte

52 Gerbert de Mez, éd. cit., v. 636-638. Retour au texte

53 Voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. cit., §. 1686. Retour au texte

54 Voir supra. Retour au texte

55 Garin le Loheren, éd. cit., v. 2677-2686. Retour au texte

56 Ibidem, v. 2868-2881. Retour au texte

57 Ibid., v. 15482-115499. Retour au texte

58 Ibid., §. CLVI. Retour au texte

59 Sur la solidarité familiale clanique voir Tacite, La Germanie, Paris, Les Belles Lettres, 1962, §. XXI : suscipere tam inimicitias, seu patris, seu propinqui, quam amicitias necesse est, et l’étude de Régine Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde France (viie-xe siècles). Essai d’anthropologie sociale, Paris, PUPS, 2003. Retour au texte

60 Voir supra. Retour au texte

61 Voir Jean-Paul Roux, Le Sang. Mythes, symboles et réalité, Paris, Fayard, 1988. Retour au texte

62 Voir Jérôme Devard, Parenté et Pouvoir(s) dans la Matière de France et le Roman de Renart. Approche socio-juridique de la représentation familiale aux xiie-xiiie siècles, op. cit. Retour au texte

63 Il s’agit de l’article 1 d’une des lois promulguées en 1016 par le roi Iaroslaw de Russie. Voir La Chronique de Nestor, t. 1, (trad.) Louis Paris, Paris, 1834, p. 197. Retour au texte

64 La Vengeance Fromondin, éd. cit., §. CCXLI. Retour au texte

65 Anseÿs de Mes, éd. cit., v. 261-282. Retour au texte

66 Voir supra. Retour au texte

67 Gerbert de Mez, éd. cit., v. 568-575 : Retour au texte

68 Anseÿs de Mez, éd. cit., v. 14532-14534 : Retour au texte

69 Grégoire de Tours, Histoire des Francs, (éd.) Gaston Collon, Paris, Picard, 1893. Retour au texte

70 Anseÿs de Mes, éd. cit. §. X-XI. Retour au texte

71 M. de Combarieu du Grès, L’Idéal humain et l’expérience morale chez les héros des chansons de geste des origines à 1250, op. cit., p. 131. Retour au texte

72 D. Barthélémy indique que c’est à la fois la peur des faides sans fin, celle du juge, la lenteur de la procédure judiciaire et le coût de la justice qui poussent les individus à rechercher des compromis qui permettent de conserver la face et une partie de leur argent. Voir Dominique Barthélémy, « La vengeance, le jugement et le compromis », dans Le Règlement des conflits au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 11-20. Retour au texte

73 Ainsi la Loi salique a rendu la composition obligatoire comme les autres coutumes datant de la même époque. La composition pécuniaire représentait le prix de la renonciation à la vengeance, qui avec le temps, fut fixée par les différentes coutumes. Elle était à la fois le rachat de la vengeance, mais également elle était ressentie comme la contrepartie du dommage subi. Le tarif principal, autour duquel s’articulaient tous les autres, était la composition pour le meurtre, le wergeld, autrement dit, le prix de l’homme. Les compositions variaient à la fois selon la nature du délit et de la qualité de la victime. Par ailleurs, le paiement des compositions impliquait le coupable lui-même, mais également toute sa famille qui devait payer à sa place, selon un ordre bien précis, en cas d’insolvabilité. La solidarité jouait aussi bien en matière de faide que dans le domaine des compositions. Voir Christophe Camby, Wergeld ou Uueregildus. Le rachat pécuniaire de l’offense entre continuités romaines et innovations germaniques, Genève, Droz, 2013. Retour au texte

74 L’octroi d’un délai est un moyen très utilisé dans les récits pour suspendre les conflits. Ce n’est pas en soi une technique juridique spécifique à la guerre. La notion de « terme » et de « condition » qui font intervenir le temps, étaient connues depuis le droit romain essentiellement à travers le droit des obligations où les parties contractantes avaient toutes latitudes pour fixer un terme à leur convention. Le fait que Pépin suggère l’octroi d’un délai ne fait que confirmer la nature fondamentalement contractuelle du droit dans les chansons de geste, particulièrement entre l’autorité et les féodaux. Le roi, dans sa mission pacificatrice, devait éviter autant que faire se peut les actes de violence en recherchant au maximum le compromis et l’accord entre les parties. Or cette recherche de conciliation demandant du temps et l’octroi de délai permettant de laisser plus de chances à l’émergence d’un accord. Par ailleurs, le temps, et c’est d’ailleurs le but de l’ordonnance de Philippe-Auguste instaurant la quarantaine-le-Roi, permettant aux esprits de se calmer en ouvrant plus facilement la voie au règlement du conflit par un accord que par les armes. Retour au texte

75 Garin le Loheren, éd. cit., v. 12576-12578. Retour au texte

76 Cf. Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., chap. LIX et LX. Retour au texte

77 Garin le Loheren, éd. cit., v. 10128-101130. Retour au texte

78 Ibidem, v. 10148. Retour au texte

79 Garin le Loheren, éd. cit., v. 11653-11656 : « Et donez trives,” fait il, “je voz en pri, / De ceste guerre voz poez bien soufrir, / Tant que li plais soit entre noz feniz, / Autres novelles porrez voz dont oïr. » Retour au texte

80 Ibidem, §. CXXI. Retour au texte

81 Ibid., v. 12442-12444. Retour au texte

82 Voir supra. Retour au texte

83 Garin le Loheren, éd. cit., v. 12599-12618. Retour au texte

84 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., §. 1700. Retour au texte

85 Ibidem, §. 1678 : « Se pes se fet entre les parties qui sont en guerre, il ne convient pas que tuit li lignage de l’une partie et de l’autre soient a la pes fere ou creanter ; ainçois soufis tassés s’ele est fete ou creantee par ceus qui estoient chief de la guerre. » Retour au texte

86 Voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., §. 1678. Retour au texte

87 Ibidem, §. 1704. Retour au texte

88 Garin le Loheren, éd. cit., v. 12650-12651 : « Si vos desfent », dist li peres, « biax filz, / Que ne forfaites nos mortez anemis. » Retour au texte

89 Voir Garin le Loheren, éd. cit., §. CXIII. Retour au texte

90 D’ailleurs, nous pouvons nous demander si réellement ce n’est pas cette question d’aide en période de trêve qui est au centre de la plainte transmise par Ajorrant au roi Pépin le Bref au nom de Fromont. En fait, la plainte ne porte pas vraiment sur une trahison du serment féodal. Les termes exacts sont : « Je n’os l’os dire, mais leur fois ont menti » (Garin le Loheren, éd. cit., v.13347). Aussi, la foi dont il est question peut à la fois être interprétée comme une violation du droit féodal, ainsi que nous l’avons déjà évoqué, mais aussi une violation de l’engagement de respecter la trêve. En effet, Rigaut et Aubéri ont décidé, afin que le second respecte formellement la trêve, que le premier convoque l’ost sur les terres du Bourguignon. Or, en mettant ses hommes au service de son cousin, c’est-à-dire en lui apportant une aide matérielle sans y participer lui-même, il y a bien, en quelque sorte, une violation de la trêve. Fromont apparaît donc être dans son bon droit et au fond la réponse d’Aubéri invoquant la solidarité familiale passe pour un pis-aller. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Jérôme Devard, « La dynamique de la faide dans la Geste des Lorrains à l’épreuve du droit de la guerre médiévale », Bien Dire et Bien Aprandre, 33 | 2018, 51-78.

Référence électronique

Jérôme Devard, « La dynamique de la faide dans la Geste des Lorrains à l’épreuve du droit de la guerre médiévale », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 33 | 2018, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/649

Auteur

Jérôme Devard

POLEN – Université d’Orléans

Droits d'auteur

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