« Je vous jure en mon âme que c’est un piteux fait »

Les risques du métier d’homme de guerre à la fin du Moyen Âge

DOI : 10.54563/bdba.653

p. 95-118

Plan

Texte

Introduction

Contrairement à ce que certains pensent, la guerre médiévale n’était pas simple « représentation ». Il est vrai qu’en ce qui concerne la guerre, ceux qui n’ont pas idée de ce qu’elle est, par manque d’expérience ou d’imagination, en parlent à leur aise. À la fin des années 1470, l’auteur anonyme de la célèbre chanson de guerre Réveillez-vous, Picards et Bourguignons, en faisait ironiquement le constat :

Tel parle de la guerre qui ne sait ce que c’est.
Je vous jure en mon âme que c’est un piteux fait,
Et que maint homme d’armes et gentil compagnon
Y ont perdu la vie et robe et chaperon1.

Dans les pages qui vont suivre, mon propos sera de montrer quels risques l’homme de guerre pouvait courir en exerçant le métier des armes. Pour ne parler que de ce que je connais, j’exploiterai surtout quelques sources produites dans l’espace bourguignon (essentiellement des sources comptables et narratives). S’agissant des sources comptables, j’ajouterai que, provenant des archives à nous transmises par l’administration des ducs de Bourgogne, elles engagent ceux qui les consultent à s’intéresser non seulement aux risques courus par les gens de guerre, mais aussi à la réponse que le pouvoir princier pouvait apporter face à cette prise de risque dont il était responsable. Quoi qu’il en soit, ces risques étaient de trois ordres : d’ordre financier, d’ordre matériel, d’ordre physique.

Un service coûteux

Pour les nobles qui se devaient, par statut, de « fréquenter les armes », l’activité militaire était une source de dépenses que la seule solde octroyée à l’occasion du service ne pouvait pas compenser : avec un demi-franc par jour, c’est-à-dire 10 sous tournois, l’écuyer pouvait faire face aux dépenses liées à sa consommation quotidienne et à celle d’un ou deux valets et de deux ou trois chevaux, mais pas plus2. Les seigneurs les plus prestigieux se devaient de conduire sous leur bannière, ou sous leur étendard, de fortes compagnies d’hommes de guerre, qu’ils devaient souvent entretenir sur leurs propres deniers. À l’égard de leurs compagnons, ils devaient faire preuve de largesse, l’une des vertus essentielles du chevalier et, partant, du combattant noble désireux de se conformer au modèle chevaleresque. Une bonne illustration de ce comportement se trouve dans le témoignage d’un ancien homme d’armes du nom de Jean Toutblanc, déposant dans le cadre d’une enquête menée en 1451 et concernant Jean III de Chalon, seigneur d’Arlay et prince d’Orange, mort en 14183. Ce personnage rapporte en effet « qu’il a été en plusieurs armées avec ledit feu messire Jean de Chalon, et en particulier en cinq armées qu’il fit en son temps au pays de France, par l’ordonnance et au service de feu monseigneur le duc Jean, à qui Dieu pardonne !, armées dans lesquelles il mena de grandes compagnies de gens d’armes et de trait, fortes à chaque fois d’environ 300 à 500 lances [entre neuf cents et mille cinq cents chevaux], pour lesquelles il dépensa très grandement, tant en dons faits aux dites gens d’armes que pour leur entretien ».

À l’époque où le prince d’Orange dépensait de grandes sommes de cette façon, Jean, seigneur de Croy, chevalier, conseiller et chambellan du même duc Jean, n’agissait pas différemment, entretenant, par exemple, une forte compagnie lors de l’expédition contre les Liégeois en 1408, prenant à sa charge les frais de ses gens sur la route, tant à l’aller qu’au retour de ce « voyage », et payant aussi de ses propres deniers le fourrage, le vin, les vivres, les armures et harnois et tout le reste des « habillements de guerre » nécessaires4.

Ces seigneurs et capitaines consentaient de lourdes et longues avances sur le paiement des gages des gens de leurs compagnies, acceptant par la suite un remboursement forfaitaire et souvent tardif de ce qu’ils avaient déboursé. Quelques exemples montrent l’importance des sommes en jeu : en mars 1360, Henri de Vienne, seigneur de Mirebel-en-Montagne, reçut 1 000 florins d’or pour les arrérages des gages des gens de sa compagnie desservis sur les frontières de Bourgogne, l’année précédente, sous le « gouvernement de Jacques de Vienne, capitaine général en Bourgogne »5. En décembre 1385, Guy de La Trémoille, seigneur de Sully, fut gratifié de 6 000 francs d’or « pour l’aider à être défrayé des grands frais et dépenses qu’il lui avait convenu supporter pour l’armée que le roi entendait faire en Angleterre, comme au dernier voyage de Flandre »6. En juin 1407, une somme de 1 000 francs fut versée au chevalier flamand Jean de Bailleul pour avoir tenu à ses frais des gens d’armes au service du duc de Bourgogne en plusieurs voyages ; ce paiement lui fut fait, toutefois, à condition qu’il tînt quitte le prince pour tout ce qui pourrait lui être dû au titre de ses services de guerre7.

Certains documents éclairent les négociations et les marchandages qui entouraient ces accords passés entre le prince et ses fidèles. Ainsi, le 30 septembre 1414, le duc Jean sans Peur, étant en sa ville de Bruges, passa deux accords de ce type avec des seigneurs bourguignons, Jean de Neufchâtel, seigneur de Montaigu, et Guillaume de Grandson, seigneur de Pesmes. Le premier acceptait de réduire à 7 000 francs une somme de 14 000 francs qu’en vertu de pièces qu’il avait fournies à l’administration ducale on avait reconnu lui être due pour ses « gages et souldées » et ceux de ses gens d’armes et compagnons qui avaient été avec lui en plusieurs « voyages et armées » faits au service du duc entre Pâques 1412 et la date de l’accord8. Le seigneur de Pesmes, quant à lui, affirmait avoir une créance de 15 à 16 000 livres tournois sur le trésor ducal, somme qui lui était due « pour ses services, gages et souldées de gens d’armes » ; or le duc, à court d’argent, ne pouvait lui payer une telle somme, aussi convinrent-ils que le seigneur de Pesmes se contenterait de 3 000 livres, mais le duc, n’ayant pas les liquidités nécessaires, lui donna, pour une valeur de 1 500 livres, la seigneurie bourguignonne de Fouchanges, près de Mirebeau, comprenant une « tour » et un village, « avec toutes les appartenances, justices, seigneuries, maisons, rentes, revenus, terres, prés, vignes, bois, rivières », d’un revenu annuel de 80 livres, le duc retenant seulement la souveraineté, se réservant un droit de rachat pour ladite somme de 1 500 livres et promettant en outre de faire verser au seigneur de Pesmes 800 livres par le receveur général de Flandre et 700 livres par le receveur général de Bourgogne9.

Le duc renonçait parfois lui-même à une créance pour compenser les frais que l’un de ses nobles avait fait à son service ; au mois de février 1414, par exemple, Jean de Flacey, écuyer de Bourgogne qui était aussi châtelain fermier de Saint-Laurent-lès-Chalon, fit représenter au duc Jean sans Peur qu’il était venu le servir devant Paris « monté et armé suffisamment et le mieux qu’il pouvait » et avec le plus grand nombre de compagnons qu’il avait pu trouver, mais ce service lui avait occasionné de grandes dépenses et il se trouvait donc dans l’impossibilité de verser une somme de 60 francs qu’il devait payer à la fête de Pâques suivante au titre de sa ferme ; le duc s’empressa de le dispenser de ce paiement10.

Les chevaux

Les achats de chevaux et d’armes constituaient, sans conteste, l’un des postes de dépense les plus importants pour les nobles combattants, d’autant que, les pertes de montures et la détérioration de l’armement étant extrêmement fréquentes en guerre, il s’agissait de dépenses récurrentes. Les frais étaient d’autant plus élevés que les hommes d’armes venaient au service avec plusieurs chevaux et que le nombre moyen de chevaux par homme d’armes augmenta entre le début du xive et le début du xve : en se référant à des documents comptables dont les dates s’échelonnent entre 1336 et 1390 et dans lesquels le nombre de chevaux par homme d’armes est précisé, on observe que ce nombre oscille en moyenne entre deux et trois chevaux par homme, ou par « lance »11. À partir des années 1400, ce nombre se stabilise à trois ; la « lance » bourguignonne du temps de Philippe le Hardi, de Jean sans Peur et de Philippe le Bon comptait ordinairement un homme d’armes et deux valets d’armes montés, donc trois chevaux. Il faut toutefois tenir compte du fait que les gens de guerre appartenant au niveau le plus élevé de la hiérarchie socio-militaire pouvaient être reçus au service avec un nombre de chevaux plus important. Ce fait se retrouve encore au début du principat de Charles le Téméraire : dans les instructions pour la conduite d’une armée que ce prince adressa à son maréchal de Bourgogne en juillet 1468, il est précisé que l’homme d’armes, compté pour une paye, devait avoir trois chevaux, le chevalier bachelier devait avoir quatre chevaux et le chevalier, « compté pour banneret », devait avoir huit chevaux, plus un, non compté, pour porter sa bannière12.

Les prix des chevaux d’armes sont connus grâce à des « montres » dans lesquelles figure une estimation de la valeur des montures en vue de leur remboursement en cas de perte. L’examen de ces documents révèle l’existence de chevaux de grand luxe, appartenant, ce qui n’est pas surprenant, aux seigneurs de haut rang. Les montres passées sur les frontières de Bourgogne en janvier 1359, par exemple, indiquent que Jacques de Vienne, seigneur de Longwy, qui assumait alors les fonctions de « capitaine général des pays de Bourgogne », montait un cheval de 240 livres tournois, tandis que « le cheval de sa bannière » était évalué à 200 livres ; au même moment, Girard de Thurey, maréchal de Bourgogne, avait lui aussi un cheval de 240 livres, alors que l’écuyer Hugues de Chambly, qui portait sa bannière, montait un cheval de 200 livres. L’écuyer banneret Jean de Bourgogne fut également passé à montre sur un cheval d’une valeur de 240 livres, tandis qu’à ses côtés l’écuyer Richard de Roche montait le « cheval qui portait la bannière », évalué à 120 livres ; Henri de Vienne, seigneur de Mirebel-en-Montagne, chevalier banneret lui aussi, avait un cheval de 240 livres alors que la monture d’Étienne de Montbéliard, également chevalier banneret, était estimée à 200 livres. Mais dépassant tous les autres, Jean de Rye, seigneur de Balançon, montait un cheval prisé 400 livres tournois. Par la suite, en avril 1359, on retrouve le seigneur de Longwy monté sur un cheval de 300 livres et en juin, Girard de Thurey sur un cheval de 400 livres13.

Ces valeurs doivent être considérées comme des sommets rarement atteints. Si l’on se réfère à des montres d’armes passées en Bourgogne entre août 1363 et juillet 1364, on trouve des échelles de prix plus proches des réalités courantes avec des chevaliers bacheliers montant des chevaux d’armes dont la valeur était comprise entre 20 et 100 florins d’or (entre 28 et 143 livres tournois environ), et des écuyers ayant des montures d’une valeur de 8 à 80 florins (entre 11 et 114 livres tournois environ)14. À la lecture de ces derniers chiffres, il convient de rappeler que, selon les ordonnances royales édictées sous Jean le Bon, en 1351, un cheval d’armes, pour être accepté lors de la montre d’armes, devait être d’une valeur minimum de 25 livres tournois15 et qu’un siècle plus tard, Charles le Téméraire exigeait que les hommes d’armes, dans ses armées, soient fournis de trois chevaux dont le moindre n’ait pas une valeur inférieure à 30 écus16. Mais il faut certainement relativiser la portée des textes normatifs et rappeler qu’une valeur minimum de 25 livres tournois représentait l’équivalent de cinquante jours de gages pour un écuyer.

La valeur du cheval s’estimait selon des critères morphologiques et physiques et en fonction de l’aptitude au combat. Un certificat, délivré en novembre 1347 par le châtelain de Montmorot à un écuyer comtois pour attester de la perte de son cheval d’armes afin qu’il en soit remboursé, le montre de manière imagée :

Je, Hugues de Faucogney, écuyer, châtelain de Montmorot, fais savoir à tous que les gentilshommes étant en garnison au château de Montmorot en sont sortis le samedi après la Saint-Denis [13 octobre] l’an 1347, ayant avec eux Josserand Grevet, de Montmorot, écuyer étant en ladite garnison ; et ils trouvèrent les ennemis de monseigneur entre Montmorot et Chilly, lieu où ils combattirent et déconfirent lesdits ennemis et capturèrent un gentilhomme que l’on appelle Jacques de Costat, écuyer ; et en cette course et en ce mouvement, ledit Josserand Grevet perdit l’un de ses coursiers, qui lui avait coûté cinquante florins de Florence, et ce coursier, au jour dessus dit, lorsqu’il le perdit en cette course et ce mouvement, valait bien lesdits cinquante florins, comme il m’a été prouvé et témoigné par chevaliers, par gentilshommes et par autres gens et sous serment. Et je témoigne de cela et le certifie par ces lettres scellées de mon sceau pendant, mis à ces lettres en l’octave de la fête de Toussaint [8 novembre] l’an 134717.

Pour se procurer des montures, les hommes d’armes devaient recourir à un marché sur lequel, naturellement, les prix variaient en fonction de la demande ; en temps de guerre, la valeur marchande des chevaux d’armes avait une tendance à s’élever : c’est ce qui ressort d’un certificat délivré par Jean de Coublanc, maître de l’écurie du duc de Bourgogne Eudes IV, en septembre 1340, à Guillaume de Cissey, écuyer de la compagnie de Guillaume de Vergy. Cet écuyer avait perdu son cheval lors de la bataille de Saint-Omer, le 26 juillet précédent, or ce cheval n’ayant pas été prisé au début de la campagne « par les maréchaux de monseigneur le duc », il lui fallait déclarer sous serment le prix de la monture perdue pour en être remboursé ; il jura donc sur les Évangiles que ce cheval lui avait coûté 35 florins de Florence, soit 50 livres tournois, ajoutant qu’il l’avait acheté « en temps de paix », pour indiquer que ce chiffre était une sous-évaluation18.

Les nobles servant le duc de Bourgogne avaient la possibilité d’acheter des chevaux sur les grandes places de commerce, notamment dans le cadre de grandes foires qui étaient aussi de grands marchés aux chevaux : foires de Chalon-sur-Saône, foires du Lendit, foire d’Anvers. Ils pouvaient aussi s’adresser à des marchands, spécialisés ou non, qui leur vendaient des montures, éventuellement à crédit. Les registres des notaires de Dijon offrent de bons exemples de ces transactions. Ainsi, c’est à Marion, femme de maître Salomon, juif de Dijon, qu’en avril 1361, Eudes de Saint-Seine, seigneur de Villefrancon, et Eudes, seigneur de Vantoux, achètent deux roncins19. En juillet 1362, Guy de Frolois, seigneur de Molinot, reconnaît devoir 59 francs à un bourgeois de Dijon nommé Gilet de Rouvres, pour l’achat d’un cheval bai brun20. En mai 1392, Eudes de Semur, seigneur de Montilles-en-Auxois, s’engage à verser 50 francs, au terme du dimanche de la mi-carême suivant, à Guillaume Le Pourteret, drapier dijonnais, à qui il a acheté un cheval « sur poil noir »21. Parfois, le vendeur pouvait être lui-même un noble : en juin 1418, par exemple, on voit l’écuyer Girard de Vantoux s’engager à payer 60 écus d’or avant la fête de Noël suivante à Alexandre Le Guespet, seigneur d’Arc-sur-Tille, pour la vente d’un cheval bai22.

Les seigneurs et gentilshommes d’une certaine importance, les capitaines de compagnies ayant un niveau de fortune suffisant, assuraient non seulement leur propre remonte mais aussi celle des gens de guerre servant sous leur commandement. En cas de perte, il faisait éventuellement bénéficier du restor des chevaux ceux de leurs compagnons qui avaient perdu leur monture en service. Il leur était, il est vrai, toujours possible de réclamer ensuite le remboursement de leurs débours au duc de Bourgogne : c’est ainsi qu’en 1340, après la bataille de Saint-Omer au cours de laquelle 1 200 chevaux périrent, Eudes, seigneur de Larrey, faisait état d’une créance de 332 livres tournois sur le duc Eudes IV, la somme représentant non seulement le restor de sa propre monture, prisée 200 livres, mais aussi celui de quatre autres chevaux que montaient quatre écuyers de sa compagnie. Au même moment, le duc devait à Guillaume de Vergy une somme de 175 livres tournois pour le remboursement de quatre chevaux perdus par des écuyers ayant servi sous lui23.

Armes et armures

Outre les chevaux, il fallait aux hommes d’armes se procurer des armes et des armures. Dans les années 1340, l’armure de plates, constituée en partie d’éléments de mailles métalliques et en partie de plaques de métal était un ensemble élaboré : il se composait d’un bacinet, comme protection de tête, complété par un camail de mailles et d’un gorgerin pour le cou et le haut des épaules, de protections pour les membres désignés comme « harnois de bras » et « harnois de jambes », de gantelets, de solerets et d’un « haubergeon », chemise de mailles, éventuellement complétée par des « plates », plastron et dossière, pour le torse. Un compte concernant un achat d’armures effectué en 1342 auprès de divers armuriers d’Arras et de Saint-Omer sur ordre de Philippe de Bourgogne, comte de Boulogne, fils du duc Eudes IV, donne des indications concernant les prix de ces pièces24. Ce document nous apprend qu’une paire de plates, un harnois de bras, deux paires de gantelets, un harnois de jambes et un camail destinés à Hugues de Vienne coûtèrent 31 livres et 10 sous parisis, soit 39 livres 7 sous 6 deniers tournois – presque quatre-vingts jours de gages d’un écuyer. Le même document mentionne l’achat d’un bacinet, d’un harnois de bras, d’un harnois de jambes et d’un haubergeon pour Philippe de Chaunery, pour un prix de 40 livres parisis, soit 50 livres tournois équivalant à cent jours de gages d’un écuyer.

L’acquisition d’un armement de bonne qualité était un lourd investissement. On comprend pourquoi, dans les années 1340-1360, tous les combattants nobles ne disposaient pas d’une armure complète. Pour connaître l’état de l’équipement d’un représentant de la petite noblesse de Bourgogne au milieu du xive siècle, on peut se référer à l’inventaire après décès de l’écuyer Simonin de Bornay, établi le 23 avril 1353, qui indique que le défunt possédait un épieu, une paire de grèves, c’est-à-dire une protection de jambes, une paire de cuissots, un bacinet avec un camail, deux gorgerins, l’un grand et l’autre petit, et une paire de gantelets25. Il ne semble pas avoir possédé de haubergeon, son torse étant probablement protégé par une jaque de cuir au plastron et aux manches fortement rembourrés.

Certains chevaliers possédaient plusieurs éléments d’armure et pouvaient en conséquence équiper un certain nombre d’écuyers de leur suite, leur évitant ainsi des achats coûteux. Dans son testament passé devant notaire en février 1354, le chevalier de Bourgogne Henri d’Aligny légua des armes et des chevaux à trois écuyers qui l’avaient fidèlement servi : à Guillaume de Montmorot, en récompense de ses services, il légua une somme de 10 livres tournois, une cotte de fer ainsi qu’un pan de mailles, des grèves, une paire de cuissots, un bacinet et une « capeline de fer », c’est-à-dire un casque à large bord sans visière ; à Amédée de Bongilley, il légua un roncin bai, une cotte de fer, une capeline de fer et une paire de gantelets ; à Pierre d’Aligny, probablement l’un de ses parents, bénéficiaire du legs le plus généreux, il donna son coursier « fauvel » (alezan), son roncin « fauvel » et un « harnois d’armes », c’est-à-dire une armure complète.

Si ce mode d’acquisition était sans doute relativement courant, cependant le recours aux marchands, spécialisés ou non, était le cas le plus fréquent pour l’achat d’armures neuves. Les protocoles des notaires dijonnais fournissent quelques exemples de transactions portant sur des équipements de ce genre : ainsi, en juillet 1358, le chevalier Jean d’Arc-sur-Tille reconnaît devoir 25 florins de Florence – plus de 35 livres tournois et soixante-dix jours de gages d’un écuyer – à Hugues Ponget, clerc demeurant à Dijon, qui lui a vendu deux cottes de fer26. Plus de trente ans plus tard, en août 1392, l’écuyer Guillaume de Marrey, seigneur de Fontaines-lès-Dijon, reconnaît, quant à lui, devoir 15 francs pour l’achat de pièces d’armure, à Guillaume Le Pourteret, bourgeois de Dijon, qui vendait aussi des chevaux d’armes27. En avril 1412, messire Claude Le Bougras, seigneur d’Aigey-lès-Sombernon, doit 10 francs d’or à Étienne Marmet, marchand de Dijon, pour l’achat « d’une pièce, d’une hache et d’un pan d’acier » ; en mai suivant, l’écuyer Jean de Crux doit 10 écus d’or à maître Jean Pereleuchot, licencié en droit civil, conseiller du duc, demeurant à Dijon, pour l’achat d’une cotte de fer et d’une paire d’avant-bras28.

L’examen de la comptabilité du receveur général du duc de Bourgogne permet d’établir que, pour la période suivante, 1360-1390, une cotte de fer coûtait entre 10 et 15 francs d’or ; un bacinet entre 20 et 30 francs ; les éléments de protection de bras, de jambes, du torse et du cou environ 40 francs et une armure complète entre 70 et 90 francs29. Par la suite, apparut le « harnois blanc ». Dans ce type d’armure, le torse était protégé par un haubergeon recouvert d’un plastron et d’une dossière de plates ; de la taille au bassin, s’évasait une « braconnière » constituée de lames métalliques superposées ; les épaules étaient recouvertes de spallières ; les membres supérieurs étaient couverts par des « avant-bras » et « garde-bras », les articulations étant éventuellement protégées par des rondelles de métal ; le harnois de jambes complet était composé de cuissots, genouillères, grèves et solerets. L’armement de tête resta le bacinet à visière jusqu’au début des années 1420, date d’apparition de la « salade » à visière et couvre-nuque. À la fin des années 1430 un autre type de protection de tête, l’armet, couvrant toute la tête et muni d’une visière, commença également à être porté30.

Le « harnois blanc » était plus complexe que l’armure de plates et son prix était bien supérieur : en 1410, Jean Oudart, chambellan du duc de Bourgogne, qui avait fait faire pour lui un harnois complet par un armurier parisien, reçut un don de 100 francs, c’est-à-dire 100 livres tournois, de son maître pour l’aider à payer son achat31. L’année suivante, le chevalier Raymond d’Apchier reçut 100 écus d’or (soit 112 livres 10 sous tournois) pour acheter un harnois de guerre32. En 1419, Hugues de Lannoy, chevalier, conseiller et chambellan du duc, fut gratifié d’une somme de 100 francs pour lui permettre de payer « un harnois blanc entier » qu’il avait, lui aussi, fait réaliser pour lui à Paris33. L’année suivante, Jean de Fribourg, alors simple écuyer, mais fils de Conrad, comte de Fribourg, l’un des alliés de Jean sans Peur, reçut 200 livres tournois qui devaient lui permettre d’acheter « un harnois entier pour son corps »34. On le voit, de tels achats représentaient l’équivalent de deux cents à quatre cents jours de gages pour un écuyer.

Le poids des rançons

Si l’activité militaire occasionnait des dépenses ordinaires parfois lourdes, elles étaient sans commune mesure avec les pertes subies du fait des fortunes de guerre : une « détrousse », au cours de laquelle le combattant perdait ses chevaux, ses armes et ses bagages et était, en outre, capturé et mis à rançon, pouvait grever son patrimoine dans des conditions catastrophiques35. Le montant de la rançon était fixé en fonction de la stature sociale du captif et pouvait donc atteindre des sommes considérables : Jean de Rougemont, seigneur de Tilchâtel, capturé en 1364 par un écuyer du nom de Simon Buquet, dut s’engager à remettre à ce dernier, au titre de sa rançon, une somme de 4 000 francs d’or, trois coursiers d’une valeur de 600 florins de Florence, soit environ 858 livres tournois – nous avons vu que les chevaux d’une valeur de 200 florins étaient ceux que montaient surtout des chevaliers bannerets –, trois ceinturons ferrés d’argent pesant 18 marcs – soit 4,4 kg –, 36 marcs (8,8 kg) d’argent fin en vaisselle et trois draps de soie36. Le chevalier Guy II de Pontailler, seigneur de Talmay, capturé sur le pont de Montereau lors de l’assassinat de Jean sans Peur, le 10 septembre 1419, dut payer 8 000 écus d’or pour se racheter37. En 1431, Guillaume, seigneur de Châteauvillain, après sa capture, fut contraint de s’engager à payer 20 000 saluts d’or38.

Il est possible qu’au moment de leur capture certains personnages de haut rang aient tenté de dissimuler leur qualité, mais le contraire advenait aussi : comme il le rapporta lui-même, Ghillebert de Lannoy, capturé par les Anglais à Azincourt, le 25 octobre 1415, fut remis à un grand seigneur, messire John Cornwall, chevalier de l’ordre de la Jarretière, « parce que l’on croyait que j’étais un grand personnage, pour ce que, Dieu merci !, j’étais assez honnêtement équipé et habillé pour ce temps, quand je fus pris la première fois ». Lorsque son véritable statut fut connu, il fut « mis à finance » pour une somme de 1 200 écus d’or et la remise d’un cheval d’une valeur de 100 francs. Mais étant entre les mains d’un personnage tenant à apparaître comme un bon chevalier, le prisonnier bénéficia de ses largesses : « Et lorsque je le quittai, mon maître devant dit, messire Cornwall, me donna 20 nobles pour racheter un harnois »39. Le noble d’Angleterre était une pièce d’or valant 50 sous tournois, le don reçu par Ghillebert de Lannoy représentait donc 50 livres tournois.

Le montant de la rançon une fois fixé, le « maître » du prisonnier exigeait des garanties. Des parents ou des amis du captif devaient se porter garants pour ce dernier en s’engageant à payer éventuellement la rançon de leurs propres deniers ou à garantir la dette sur leurs propres biens. Ainsi le chevalier Garnier de Blaisy s’établit « pleige » en la main de Simon Buquet pour le versement de la rançon de Jean de Rougemont. Il offrit non seulement une garantie pour Simon, le maître, mais également pour Jean, le prisonnier, et fit office de dépositaire des sommes et biens constituant la rançon au terme fixé pour le paiement : lorsque Jean de Rougemont, après un emprisonnement éprouvant, n’osant pas, « pour les grands périls et dangers qui sont sur les chemins », se rendre auprès de Simon Buquet, c’est auprès de Garnier de Blaisy qu’il fit le dépôt et ce dernier reconnut devant notaire avoir eu et reçu « réellement et de fait » tout ce que Jean devait payer à Simon, lui en donna quittance et promit de le tenir quitte envers son « maître »40.

Le principal problème qui se posait à l’homme de guerre rançonné était de trouver les liquidités nécessaires au paiement de sommes représentant toujours des mois de revenus. Pour un noble dont la fortune était essentiellement foncière, il fallait recourir à diverses opérations qui, toutes, occasionnaient des pertes patrimoniales importantes. Liébaud IV, seigneur de Bauffremont, capturé sur le champ de bataille de Poitiers en septembre 1356, ayant perdu au moins 6 000 florins d’or, tant en armures, chevaux et bagages qu’en argent monnayé, et, de plus, « mis à rançon très excessive » – c’est-à-dire excédant ses possibilités financières –, s’endetta massivement pour faire face à cette situation : « il lui a convenu faire de grands emprunts et engager sa terre », lit-on dans une lettre de rémission à lui octroyée en novembre 136441.

Une autre possibilité offerte à un seigneur foncier était de demander aux hommes de sa terre de contribuer au paiement de sa rançon en payant une aide coutumière, mais parfois, cette aide n’était accordée qu’à la suite de négociations et de transactions. C’est ainsi que le chevalier flamand Jean de La Clyte, seigneur de Comines, capturé à Azincourt en 1415, obtint en mai 1416 des foulons de sa ville de Comines une aide financière exceptionnelle – 2 sous parisis de Flandre sur chaque drap foulé –, conditionnée en échange de l’octroi de droits et privilèges nouveaux au profit du « métier de foulerie ». Cette concession fit l’objet d’un acte solennel42.

Il était aussi loisible à un noble de vendre des rentes sur tout ou partie de ses biens : en 1419, par exemple, Guy II de Pontailler fut contraint, après sa capture à Montereau, de vendre au chapitre de la Chapelle ducale de Dijon, pour le prix de 1 000 vieux écus d’or, une rente annuelle et perpétuelle de 100 vieux écus d’or assise sur la majeure partie de ses domaines43.

Le noble appauvri après une capture, perdait, avec une partie de ses revenus, ses possibilités de se « remettre sus », c’est-à-dire de se remettre en état de servir le prince, mais là n’était pas le seul inconvénient d’une telle situation ; certains pouvaient devenir peu sûrs, comme le montre l’exemple d’un écuyer originaire de Montbard, nommé Jean d’Avenay, capturé en Artois par les gens du seigneur de La Fayette au printemps 1414. D’abord menacé de décapitation par le seigneur de La Fayette en personne, il fut ensuite mis à rançon, puis remis en liberté avec la promesse qu’on le tiendrait quitte de cette rançon et qu’on lui paierait même « grande finance » s’il acceptait de trahir le camp bourguignon et d’aller provoquer un incendie dans la ville de Lens44. Certes, une fois libre, Jean d’Avenay se rendit auprès de Jean sans Peur à Lille pour l’informer du marché que lui avaient proposé les Armagnacs, mais pour un acte de loyauté de ce genre, combien de prisonniers de guerre, pour se sauver de la ruine, acceptèrent d’empocher le prix de la trahison ?

On comprend que, pour le duc de Bourgogne, il n’était pas indifférent d’aider les représentants de sa noblesse à payer une rançon en cas de capture. L’aide à la rançon était systématique pour les membres de l’hôtel du prince. Le fait est attesté depuis longtemps. Les usages de l’hôtel ducal prévoyaient en effet, parmi les dons casuels que le prince était tenu de faire à ses serviteurs, le don pour « rachat de prison »45. Cette aide à la rançon apparaît fréquemment dans les sources comptables bourguignonnes des xive et xve siècles et était souvent octroyée à des personnages qui n’étaient pas serviteurs de l’hôtel. Elle représentait un poste de dépense non négligeable.

En 1325, après la bataille de Varey au cours de laquelle son frère Robert de Bourgogne, qui avait apporté son aide au comte de Savoie, avait été défait par le dauphin de Viennois, le duc Eudes IV ne ménagea pas son aide à ceux des chevaliers et écuyers bourguignons qui étaient tombés aux mains de l’ennemi et mis à rançon46. Le prince considérait qu’il s’agissait de sa propre dette, alors que la guerre n’avait pas été faite en son nom. Mais l’état de ses finances ne lui permit pas longtemps de manifester de cette façon sa largesse ; en septembre 1334, Robert de Grancey, seigneur de Larrey, scella un acte par lequel il déclarait que le duc de Bourgogne lui devait une « grande somme d’argent » pour l’indemniser des pertes qu’il avait subies « pour cause de la prise d’Odet, mon fils, et de sa compagnie qui furent pris en la bataille de Varey » ; mais en considération des « courtoisies, dons et autres bienfaits » que le prince lui avait faits en plusieurs occasions, il renonça à cette indemnisation47.

Tout comme Varey, chaque grande défaite à laquelle les Bourguignons prirent part fut marquée par l’octroi de dons destinés à aider ceux qui avaient été faits prisonniers à payer leur rançon : après la bataille de Poitiers livrée le 19 septembre 1356, Jean de Boncourt, écuyer et échanson du duc Philippe de Rouvres, mis à rançon par les Anglais, reçut 100 « moutons d’or » des mains du receveur général de Bourgogne, pour l’aider à faire face à ces obligations financières48. Après la bataille de Brignais, livrée aux Grandes Compagnies près de Lyon, en avril 1362, le chevalier Guy du Trembloy, capturé alors qu’il servait dans la compagnie du comte de Tancarville, lieutenant du roi en Bourgogne, reçut 200 livres tournois pour couvrir une partie de ses pertes, tandis que l’écuyer Henri Petit-Jean fut gratifié d’un don de 200 florins (environ 280 livres tournois) en récompense des pertes qu’il avait, lui aussi, subies lors de la bataille où il avait été fait prisonnier et « mis à excessive rançon »49.

Le montant des dons princiers ne couvrait jamais le montant total de la rançon auquel il était sans doute proportionnel ; dans l’un des rares cas où le calcul est possible, on constate que le duc de Bourgogne fit un don représentant un cinquième de la somme exigée : en janvier 1409, en effet, le duc Jean sans Peur ordonna que 200 écus d’or fussent versés à l’écuyer Gauvinet de La Viesville, son échanson, pour l’aider à payer la somme de 1 000 écus d’or « en quoi il [avait] été rançonné par les Anglais » qui l’avaient pris alors qu’il était sur les frontières de Picardie en compagnie de Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges, alors « lieutenant de monseigneur [le duc] au fait de la guerre sur lesdites frontières »50. Capturé par les Anglais dans les mêmes circonstances, Philippe de Cervole, chevalier et chambellan du duc, reçut, pour sa part, 2 000 écus d’or pour le paiement d’une rançon qui s’élevait peut-être à 10 000 écus51.

L’importance du don variait donc en fonction de l’état social du prisonnier et pouvait être aussi, comme toutes les libéralités princières de ce genre, un indice de la faveur dont jouissait le bénéficiaire auprès de son maître. Le chevalier Jean de Mornay, seigneur de La Motte-Tilly, qui était chambellan du duc Philippe le Hardi, en est un exemple. Les circonstances de la capture mouvementée de ce personnage sont connues grâce au chroniqueur Jean Froissart. Le contexte est celui de la chevauchée menée par le comte de Buckingham en France en 1380, au moment où les Anglais s’avancèrent vers Cambrai et Saint-Quentin.

L’ost [des Anglais] resta trois jours à Cléry-sur-Somme et aux environs. Au quatrième jour, ils partirent et s’en vinrent loger en l’abbaye de Vaucelles, à trois petites lieues de Cambrai ; et le lendemain, ils partirent et chevauchèrent vers Saint-Quentin, et ce jour fut fort beau […]. Ce même jour, les gens du duc de Bourgogne, au nombre d’environ trente lances, chevauchaient, venant d’Arras vers Saint-Quentin, car le duc de Bourgogne s’y trouvait. Messire Thomas Trivet, messire Yon FitzWarin, le sire de Vertaing, messire Guillaume Clinton, qui étaient à l’avant-garde et avec les fourrageurs, alors qu’ils se rendaient à Fervaques pour y prendre leurs logis, rencontrèrent les Bourguignons. Là, il y eut hutin et il y eut bataille, mais elle ne dura point longuement car ces Bourguignons furent rapidement dispersés, les uns çà et les autres là, et se sauva qui put se sauver. Toutefois, messire Jean de Mornay ne se sauva pas, mais il resta sur place en homme convenable, son pennon porté devant lui, et il combattit moult vaillamment aussi longtemps qu’il put tenir ; mais finalement, il fut pris et dix hommes d’armes en sa compagnie. Et ils soupèrent cette nuit-là au logis des compagnons anglais à Fonsomme, à deux lieues de Saint-Quentin, où l’avant-garde se logea ; et au moment du déjeuner, Jean de Mornay avait pensé qu’il souperait à Saint-Quentin. Ainsi va des aventures52.

Devant payer une forte rançon aux Anglais qui l’avaient fait prisonnier, Jean de Mornay reçut un don de 1 500 francs d’or que le duc de Bourgogne lui fit pour atténuer les conséquences de cette mésaventure53. Quelques années plus tard Geoffroy Le Meingre, dit Boucicaut le jeune, fils du maréchal de France Jean Ier Le Meingre, dit Boucicaut, bénéficia d’un don de 2000 francs destiné à l’aider à payer une rançon dont le montant était peut-être de 10 000 francs, due parce qu’il « fut pris au service monseigneur [le duc] au voyage qu’il fit dernièrement en Allemagne »54 ; ce « voyage d’Allemagne » était une expédition dirigée contre le duc de Gueldre en 1388 qui tourna à la déroute, ce qui conduisit le duc Philippe le Hardi à faire verser 100 francs à l’écuyer Jean Le Roux pour l’aider à payer sa rançon « parce qu’il a été pris au voyage que dernièrement monseigneur fit ès parties d’Allemagne », 2 000 francs à Pierre de Giac, chancelier de France, pour l’aider à payer la rançon de messire Louis de Giac, chevalier, son fils, fait prisonnier lors du même voyage, 1 000 francs à Jean, seigneur de Montcavrel, chevalier et chambellan du duc, pour l’aider à payer sa rançon et celle de ses compagnons capturés dans les mêmes circonstances, 500 francs à Pierre, seigneur de La Viesville, pour les mêmes raisons, etc.55 Certaines opérations militaires qui tournaient mal pouvaient occasionner des dépenses considérables aux gentilshommes et à leur prince.

Pertes matérielles et appauvrissement

Le duc de Bourgogne ne se bornait pas à aider ses gens de guerre à payer leurs rançons ; il s’attachait également à les indemniser des pertes matérielles qu’ils avaient pu subir à son service. Parfois, il est vrai, ce type d’indemnisation était assumé par un seigneur ou un capitaine suffisamment fortuné pour en faire bénéficier les combattants qui servaient sous ses ordres : le registre d’un notaire dijonnais fournit ainsi l’exemple d’un acte du mois d’avril 1365 par lequel Jean de Montagu, seigneur de Sombernon, reconnaissait devoir à l’écuyer Thomas de Saulx, dit le Loup de Vantoux, une somme de 300 florins de Florence – soit près de 430 livres tournois représentant huit cent soixante jours de gages – « pour cause de plusieurs dommages qu’il a eus et soutenus en la besogne devant Brignais, tant à cause de sa rançon qu’à cause de ses chevaux qu’il y a perdus ainsi que plusieurs biens, en la compagnie dudit monseigneur Jean »56.

Mais si le duc ou un grand seigneur n’intervenait pas, de telles pertes étaient à la charge de celui qui les avait subies. Par ailleurs, même pour ceux qui en bénéficiaient, l’indemnisation pouvait venir bien tard : ce ne fut qu’au mois de février 1349 que Guillaume de Vergy s’accorda « amiablement » avec le duc Eudes IV en recevant, « pour une fois seulement », une somme de 1 000 florins d’or représentant un remboursement forfaitaire pour les pertes qu’il avait subies au service de Robert de Bourgogne lors de la bataille de Varey, vingt-quatre années plus tôt57.

Les pertes, en guerre, pouvaient ne concerner que les biens meubles, et c’est ainsi que dans le courant de l’année 1415, Guy II de Pontailler, seigneur de Talmay, perdit ses chevaux, ses joyaux et ses « harnois » lors d’une « détrousse » que lui avaient infligée les ennemis du duc, ce dernier le gratifiant d’une somme de 200 francs pour le rembourser58 ; mais parfois, lorsqu’elles étaient situées dans un secteur exposé, c’était les terres et seigneuries du gentilhomme qui étaient attaquées : en janvier 1358, Étienne de Monnelet, écuyer, fils de feu Hugues de Monnelet, donna quittance pour une somme de 40 florins de Florence destinée à l’indemniser « de tous dommages et intérêts, tant de feux boutés, de bétail enlevé et de personnes capturées sur les terres, tant aux dépens de [son] père lorsqu’il vivait, qu’à [ses propres] dépens », durant les guerres menées au comté de Bourgogne par le duc Eudes IV entre 1336 et 1347, et généralement pour le rembourser de toutes les pertes subies par le père et le fils au service du duc59. Pendant les troubles du début du xve siècle, les terres des hommes du duc de Bourgogne pouvaient non seulement faire l’objet de destructions, mais aussi, éventuellement, de confiscations si elles étaient situées en dehors des principautés ducales : en janvier 1415, deux écuyers, Guyot de Baissey et Simon de La Chaume, reçurent chacun 100 francs en don de Jean sans Peur pour avoir exposé leurs « corps et chevance » au service de ce prince et spécialement l’année précédente au cours de laquelle l’un et l’autre avaient perdu toutes les terres qu’ils tenaient au bailliage de Chaumont60. L’année suivante, en mars 1416, le duc de Bourgogne fit verser 60 francs au chevalier Guillaume d’Ignay, qui était son chambellan et le capitaine de Montjustin61, pour le récompenser des bons services qu’il lui avait rendus en son office de capitaine et dans ses « guerres, affaires et armées » depuis quinze ans, et aussi parce qu’à l’occasion de ce service de guerre, toutes les terres que Guillaume tenait du roi de France, hors des seigneuries du duc, avaient été « fourragées », sa maison forte avait été prise, tous les biens qui s’y trouvaient avaient été pillés, tous ses hommes – c’est-à-dire ses tenanciers – avaient été « détruits et pillés » et la situation était telle qu’il avait été contraint lui-même « d’abandonner ses dites terres »62.

Le prince, lorsqu’il en était sollicité, prenait des mesures de protection en faveur du patrimoine des représentants de la noblesse de façon à leur permettre de conserver un niveau social et une situation économique suffisants pour faire face aux nécessités d’un service d’armes de plus en plus coûteux. Il voulait, dans la mesure du possible, leur assurer la libre disposition de ce patrimoine en renonçant éventuellement à un droit ; le cas du chevalier Jean de Cussigny, chambellan du duc, et d’Oudot de Cussigny, écuyer et échanson de l’hôtel ducal, en est une illustration. Ces deux frères, présents en armes dans la compagnie de Guillaume, seigneur de Châteauvillain, à Lagny-sur-Marne, durant l’hiver 1415-1416, au moment où Jean sans Peur résidait dans cette ville dans le vain espoir de se faire ouvrir les portes de Paris, profitèrent de l’occasion pour présenter une supplique au duc de Bourgogne afin de solliciter son intervention dans une affaire embarrassante. Ils commençaient par y rappeler que depuis 1411, ils n’avaient pas cessé de le servir dans ses armées, notamment lors de l’assaut du pont de Saint-Cloud, lors du « voyage de Bourges » de 1412, au cours duquel le siège avait été mis devant la capitale du duché de Berry, à Paris et en Artois en 1413 et 1414. Ils exposaient que ce service de guerre continuel leur avait occasionné de si grands frais qu’ils avaient été contraints de vendre, moyennant 600 livres tournois, des terres qu’ils tenaient à Semur-en-Auxois ; cette vente était une vente à réméré et les deux frères avaient donc conservé une faculté de rachat au bout de six années. Mais les terres qui avaient fait l’objet d’une cession étaient tenues en fief du duc de Bourgogne – ce que les deux nobles affirmèrent plus tard avoir ignoré au moment de l’opération ; la vente ayant été effectuée sans l’autorisation du seigneur féodal et sans le paiement de droits de mutation, le procureur ducal au bailliage d’Auxois les avait fait saisir, cette saisie ayant pour effet d’annuler la vente. Jean et Oudot de Cussigny, invoquant leur bonne foi, supplièrent le duc de prononcer la mainlevée, de manière à ce que la cession produisît son plein effet. Leur supplique fut reçue et, par lettres patentes données à Lagny le 6 janvier 1416, Jean sans Peur ordonna à son bailli d’Auxois de restituer les terres litigieuses aux deux frères qu’il entendait « garder de toutes oppressions »63. L’intervention ducale fut certainement efficace et on retrouve les membres de la famille de Cussigny en armes au service du duc : ainsi en août 1417 Oudot de Cussigny et l’un de ses parents, un écuyer du nom de Girard de Cussigny, servent ensemble dans l’armée ducale, toujours sous la bannière de Guillaume, seigneur de Châteauvillain, auquel les attachaient de toute évidence des liens de fidélité64.

Ces actes isolés ne doivent cependant pas masquer le fait que, bien souvent, les nobles ayant servi en guerre restaient créanciers du duc qui leur devait, longtemps encore, des arrérages de gages. Un long service se traduisait, dans la plupart des cas, par un appauvrissement dont pâtissaient les héritiers d’un homme de guerre défunt : en 1405, Huguenin et Jean de Morey, fils et héritiers de feu Jean de Morey, en son vivant châtelain d’Apremont au comté de Bourgogne, supplièrent le duc d’ordonner à son trésorier de Dole de leur verser les arrérages de gages dus à leur père au titre de son office, en faisant valoir qu’ils avaient un urgent besoin de ces fonds car « leur père leur avait laissé très peu de biens, les ayant presque entièrement consommés au service de feu le duc [Philippe], son père, en ses guerres de Flandre », c’est-à-dire entre 1380 et 138565.

Les risques physiques

Le service d’armes n’étaient pas seulement un critère de définition de la noblesse ; il était au cœur du genre de vie des nobles et impliquait l’exposition à des risques physiques comme la maladie, la blessure, la mutilation ou la mort. La noblesse n’était donc pas une simple « construction sociale » justifiant une supériorité politique. L’individu était physiquement vulnérable – tout comme il l’était aussi économiquement – en raison des exigences de son statut. La vulnérabilité de l’individu tenu de servir en guerre impliquait aussi une certaine fragilité biologique des lignages nobles.

Les blessures de guerre, lorsqu’elles n’étaient pas mortelles et étaient la plupart du temps de celles qui touchaient les membres, nécessitaient des soins qui occasionnaient, eux-mêmes des débours importants66. Il arrivait que le prince intervînt pour aider financièrement le blessé à se faire soigner. Les mentions éparses de ce type d’intervention contenues dans les comptes permettent de saisir la nature de certaines de ces atteintes. Il s’agit parfois de fractures : l’écuyer Jean, dit le bâtard de Croy, par exemple, précise dans une quittance qu’il délivre pour une somme de 20 francs que le duc Philippe le Hardi lui a fait verser en janvier 1365, que cette somme est destinée à lui permettre de se faire soigner une jambe « aujourd’hui rompue devant le château de Nogent-sur-Seine67 ». En mai 1378, un autre écuyer, le Borgne de Sovillier, reçoit 50 francs pour l’aider à se faire soigner un bras « qu’il a eu brisé » lors d’une chevauchée menée par le duc contre les Navarrais en Normandie68.

Outre les fractures, sans doute nombreuses, les sources mentionnent souvent des blessures occasionnées par des projectiles d’arcs ou d’arbalètes : Damas de Buxeuil, écuyer d’écurie du duc, fut blessé d’un vireton au bras en septembre 1377 et son maître lui donna 39 francs 15 sous tournois pour l’aider à payer un chirurgien qui avait été chargé de le « visiter » et de le soigner69. Ce même Damas de Buxeuil, lors de la chevauchée de Flandre de 1383, contracta une affection de la jambe, produite par une blessure non précisée, dont il eut bien du mal à guérir puisque le duc Philippe, qui lui avait fait un don de 100 francs pour l’aider à se faire soigner en octobre 1383, lui fit verser encore 200 francs pour les mêmes raisons et pour la même maladie deux ans plus tard, en octobre 138570.

Certaines blessures, en effet, traînaient en longueur : en janvier 1389, l’écuyer Guillaume de Mornay, échanson du duc, reçut 200 francs de son maître qui entendait ainsi récompenser ses services, « et aussi pour la grande pitié et compassion que mon dit seigneur [avait] de lui et pour l’aider à supporter les frais et dépenses qu’il [avait] eus en la maladie dont il souffrait depuis l’armée que le roi fit en Flandre, quand il fut devant Dam, armée en laquelle ledit Guillaume fut touché d’un vireton en la jambe ». Or le siège de Dam datait de 138571. En novembre 1390, le duc ordonna qu’une nouvelle somme de 200 francs fût encore versée au même écuyer pour faire face aux dépenses qu’il devait toujours consentir pour faire soigner la même blessure reçue cinq ans plus tôt72. Bien des combattants qui survivaient à des blessures de ce genre en gardaient la trace toute leur vie, tel le chevalier Mauroy de Saint-Léger qui, lors du siège de Corbeil, en 1417, « fut frappé d’un vireton à la jambe si angoisseusement qu’il en demeura estropié et clocha grandement tout le temps de sa vie »73. De même, l’écuyer Lionel de Wandonne conserva le souvenir d’un terrible coup de lance, suivi d’une chute, subi lors du siège de Guise en 1424 :

L’Estendart de Mailly, de pleine venue, frappa de sa lance Lionel de Wandonne, le désarçonna et le blessa très durement vers l’épaule, tant que ledit Lionel, de son vivant, en resta infirme de bras et de jambe74.

Les récits de combats donnent une bonne idée des risques encourus par les nobles engagés dans des opérations militaires. Ceux qui voulaient montrer leur vaillance pouvaient se retrouver dans des situations périlleuses. Lors de l’attaque de la forteresse de Schendelbeke, en juin 1453, pendant la guerre de Gand, des hommes d’armes bourguignons tentèrent de prendre une porte à l’aide d’une échelle d’assaut ; les conséquences de cette tentative, sans être mortelles n’en furent pas moins spectaculaires :

Ainsi, une échelle fut apportée et dressée devant la porte, en intention de la prendre et de la rompre ; et le premier qui y monta fut Jacques de Fallerans, un très vaillant écuyer, et il monta jusqu’à la porte, mais par une fente, un Gantois lui donna un si grand coup d’une pique qu’il le fit chuter de l’échelle et l’abattit tout plat dans le fossé ; mais il fut aussitôt relevé par ses compagnons et n’eut pas d’autre mal ni blessure. Alors monta sans tarder à l’échelle Étienne de Saint-Moris, cousin germain dudit Jacques de Fallerans. Il avait l’épée au poing et monta jusqu’au plus haut de l’échelle et tenta de couper la pique dont le Gantois défendait très fièrement la porte. Le Gantois donna plusieurs coups bien ajustés à l’improviste, pour tenter d’atteindre l’écuyer qui se comportait vaillamment et tentait d’entrer dans la tour pour conquérir la porte. Mais le vilain, qui combattait à son avantage, porta un coup de toute sa force, atteignit ledit écuyer au visage, lui perça la joue et la tête sur le côté, et le rejeta dans le fossé dans un tel état qu’on le crut mort75.

Les blessures au visage, comme celle que reçut Étienne de Saint-Moris, étaient fréquentes et défigurantes comme le montre l’exemple de Jean de Luxembourg, qui reçut successivement deux blessures de ce genre : la première lui fut infligée lors du siège de la tour d’Allibaudières, en avril 1420 :

Durant cet assaut, messire Jean de Luxembourg, qui était au plus près du boulevard [ouvrage de défense avancé en terre et en bois], avait levé la visière de son bacinet et regardait la contenance des défenseurs entre deux poteaux de chêne, mais l’un de ceux de dedans qui l’avait aperçu, le frappa assez près de l’œil d’une lance ferrée ou non ferrée, on ne le sut pas bien, et par ce coup, il fut durement blessé et finalement perdit la vue de cet œil76.

L’année suivante, en août 1421, ce même Jean de Luxembourg « fut blessé très vilainement au visage en travers du nez »77. Il ne fut naturellement pas le seul à être défiguré de cette façon : quelques années plus tard, en juin 1430, lors de la bataille d’Anthon, le seigneur bressan François de La Palu, seigneur de Varambon, « eut le nez abattu d’une taillade »78. En 1470, devant Amiens, lors d’une escarmouche, Philippe de Croy, seigneur de Quiévrain « fut touché d’une flèche au visage, tant qu’elle lui rompit trois dents dans la bouche79 ».

Si ce ne fut pas le cas pour Philippe de Croy, les tirs d’arcs et d’arbalètes étaient souvent mortels, comme le montre un cas survenu lors d’une action durant la guerre de Gand, en avril 1452 :

Et à cet assaut, messire Jean, seigneur de Miraumont, fut atteint d’un trait d’arbalète à la gorge dont il mourut ; et ce fut dommage, car il était un notable et vaillant chevalier80.

Un incident observé lors du siège de Saint-Trond en 1467 est également significatif :

Et assez tôt après ce que l’avant-garde eut quitté le siège de Saint-Trond pour aller se loger à Looz, alors que les engins étaient affûtés et tiraient contre la ville, il y eut un gentilhomme bourguignon qui avait été fait nouvellement chevalier lors de la journée de Brustem [le 28 octobre 1467], nommé Blatie, qui se tenait près des engins, sans armure, et les regardant tirer, et il fut touché par un gros vireton dans la poitrine et fut tué sur le coup81.

Il est vrai que le défaut d’armure ou l’absence d’une partie de l’équipement pouvait être fatal, comme le montre le cas de cet écuyer tué devant Paris en 1465, durant la guerre du Bien Public :

Item, lors d’une escarmouche qui fut devant Paris il y eut un gentilhomme de Bourgogne, nommé Guillaume de Lasau, qui fut très fortement blessé à la cuisse parce qu’il n’avait point de cuissot, et il mourut de cette blessure. Et il fut enterré à l’abbaye de Saint-Maur-des-Fossés82.

Toutefois, même tout armé, l’homme d’armes courait de grands risques. C’est ainsi que les piques de gens de pied en position de défense étaient redoutables pour les cavaliers. Corneille, bâtard de Bourgogne, fut tué en juin 1452, lors de la bataille de Rupelmonde, alors que, visière relevée, il chargeait l’ennemi gantois à la lance :

Ainsi Fortune guida la pique ou la lance aiguë d’un maudit et déloyal vilain ; et le noble chevalier fut atteint en la bouche d’un coup montant, tant qu’il eut le dessus de la tête percée et que le sang et la cervelle lui coulèrent dans la bouche et qu’il en mourut prestement83.

La mort de Jacques de Lalaing, sous les murs de Poeke, au mois de juillet 1453, donne une idée de l’efficacité de coups de canons tirés à faible portée.

Et le bon chevalier messire Jacques de Lalaing arriva, et il advint qu’il sortit à découvert et voulut observer la situation de la forteresse et de la batterie et il se plaça derrière deux tonneaux pleins de terre sur lesquels étaient fixés deux pavois. Le chevalier était grand et il regarda entre les deux pavois et à ce moment, ceux du château boutèrent le feu en un veuglaire qu’ils avaient nouvellement mis sur son affût sur la plate-forme au-dessus de la porte. Et la fortune fut telle que le projectile rompit les deux pavois et frappa le noble chevalier à la tête, lui emportant tout le crâne au-dessus du nez ; et le chevalier tomba mort à terre84.

Le sort de Jacques de Lalaing n’était évidemment pas exceptionnel durant les sièges et les assauts de villes ; ainsi en octobre 1465, lors d’une attaque contre Liège, l’artillerie des défenseurs occasionna des pertes signalées aux Bourguignons :

Et, en faisant ces approches, un nommé Arnoulet de Renty y fut fait chevalier et porta le guidon de monseigneur de Renty jusqu’à la barrière de l’une des portes ; et là, il fut atteint du tir d’un veuglaire et tué raide mort, et les Liégeois emportèrent le guidon, mais sans la lance85.

Conclusion

Concluons brièvement : en « suivant les guerres », le combattant bourguignon courait de grands risques, non seulement physiques, mais aussi matériels. Pour en amortir les conséquences, les rapports qu’il entretenait avec son prince étaient essentiels. Les pertes matérielles, le paiement des rançons, l’endettement, appauvrissaient l’homme de guerre dans des proportions considérables. Or, le duc de Bourgogne ne pouvait pas rester indifférent à ce phénomène : outre une obligation morale de venir en aide à un personnage qui avait exposé « son corps et sa chevance » à son service, le duc y avait également un intérêt pratique dans la mesure où un homme de guerre appauvri, endetté, contraint de vendre ou d’engager ses biens, perdait avec sa fortune une bonne partie de ses capacités militaires. Il était donc nécessaire de l’aider à se « remettre sus », c’est-à-dire à retrouver son statut et sa situation économique antérieurs.

Toutefois, cette aide était loin de bénéficier à tout le monde : son octroi était conditionné par la faveur du prince et sa proximité. Les déçus et les laissés-pour-compte devaient être nombreux.

Notes

1 Sur la mise en contexte de cette célèbre chanson de guerre, voir : A. Marchandisse et B. Schnerb, « Chansons, ballades et complaintes de guerre au xve siècle : entre exaltation de l’esprit belliqueux et mémoire des événements », dans Les Paysages sonores du Moyen Âge à la Renaissance, L. Hablot et L. Vissière (dir.), Rennes, 2015, p. 113-124. Retour au texte

2 M. Sommé, « Que représentent des gages de 3 sous par jour ? », « Que représente un gage journalier de 3 sous pour l’officier d’un hôtel ducal à la cour de Bourgogne au xve siècle », dans Les Niveaux de vie au Moyen Âge, J.-P. Sosson et al. (éd.), Louvain-la-Neuve, 1999, p. 297-315. Retour au texte

3 F. Barbey, Louis de Chalon, prince d’Orange, Lausanne, 1926, p. 62, n. Retour au texte

4 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1556, f° 69 r°. Retour au texte

5 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1408, f° 47 r°-v°. Retour au texte

6 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1462, f° 97 r°. Retour au texte

7 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1560, f° 69 r°. Retour au texte

8 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1601, f° 131 v°. Retour au texte

9 Bibl. nat. de France, Bourgogne 57, f° 89. Mirebeau, Côte-d’Or, arr. Dijon, ch. l. cant. Retour au texte

10 Ibid., f° 167. Retour au texte

11 Voir B. Schnerb, « Le cheval d’armes en Bourgogne (milieu xive-fin xve s.) », dans Le Cheval dans la culture médiévale, dir. B. Andematten, A. Paravicini-Bagliani, E. Pibiri, Florence, 2015 (Micrologus Library, 69), p. 67-87. Retour au texte

12 Arch. dép. Côte-d’Or, B 16, f° 88 r°. Retour au texte

13 B. Schnerb, « Le cheval et les chevaux dans les armées des ducs de Bourgogne au xive siècle », dans Commerce, finances et société (xie-xvie siècles). Recueil de travaux d’Histoire médiévale offert à M. le Professeur Henri Dubois, P. Contamine, T. Dutour et B. Schnerb (dir.), Paris, 1993, p. 71-87. (cf. p. 76). Retour au texte

14 Ibid., p. 77. Retour au texte

15 Ordonnances des rois de France de la troisième race, de Laurière, Secousse, Vilevault, de Bréquigny, de Pastoret, Pardessus (éd.), 21 vol., Paris, 1723-1849, IV, p. 67-70. Retour au texte

16 F. Delpu, Aux Sources d’une armée permanente. Édition critique et commentaire des ordonnances militaires de Charles le Téméraire (1471-1476), Thèse de l’École nationale des chartes, 2013, p. 53-54. Retour au texte

17 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 875. Montmorot, Jura, arr. et cant. Lons-le-Saunier. Retour au texte

18 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 733. Retour au texte

19 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 260, f° 11 r°. Retour au texte

20 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 257, f° 24 r°. Retour au texte

21 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 345, f° 22 r°. Retour au texte

22 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 331, f° 81 v°. Retour au texte

23 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 733. Retour au texte

24 Arch. dép. Pas-de-Calais, A 620/171. Retour au texte

25 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 252, f° 25 v°. Retour au texte

26 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 256, f° 116 v°. Retour au texte

27 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 345, f° 50 r°. Retour au texte

28 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 328, f° 27 r° et 41 r°. Retour au texte

29 D’après diverses mentions dans : Arch. dép. Côte-d’Or, B 1430, B 1438, B 1454, B 1460 et B 1495. Retour au texte

30 C. Vandenberghe, Armes, armures et armuriers sous le principat de Philippe le Bon, 1419-1467, Mémoire de maîtrise inédit, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2002, passim, notamment, p. 48. Retour au texte

31 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1560, f° 75 v°. Retour au texte

32 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1570, f° 170 v°. Retour au texte

33 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1601, f° 48 v°. Retour au texte

34 B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, La France gouvernée par Jean sans Peur. Les dépenses du receveur général du royaume, Paris, 1959, n°1217, p. 296. Retour au texte

35 Sur cette question, voir : Ph. Contamine, « Butins et rançons dans la Normandie anglaise (1424-1444) », Actes du 101e congrès des sociétés savantes, Lille, 1976, Paris, 1978, p. 241-270 ; F. Bériac-Lainé et Chr. Given-Wilson, Les Prisonniers de la bataille de Poitiers, Paris, 2002 ; M. Keen, The Laws of War in the Late Middle Ages, Londres, 1965 ; R. Ambühl, Prisoners of War in the Hundred Years War. Ransom Culture in the Late Middle Ages, Cambridge, 2013. Retour au texte

36 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 257, f° 60 v°-61 r°. Retour au texte

37 G. Dumay, Guyard de Pontailler, chevalier de la Toison d’or, et Guillaume, son fils, seigneurs de Talmay (1392-1471), Dijon, 1912, p. 33. Retour au texte

38 A. Bossuat, « Les prisonniers de guerre au xve siècle : la rançon de Guillaume, seigneur de Châteauvillain », Annales de Bourgogne, 23 (1951), p. 7-35, p. 11. Retour au texte

39 G. de Lannoy, Œuvres, C. Potvin (éd.), Louvain, 1878, p. 50. Retour au texte

40 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 257, f° 60 v°-61 r°. Retour au texte

41 Arch. nat., JJ 98, n° 269. Retour au texte

42 J.-M. Duvosquel, Un document d’histoire rurale : le dénombrement de la seigneurie de Comines (1470), Louvain et Gand, 1971, p. 51. Retour au texte

43 G. Dumay, Guyard de Pontailler, op. cit., p. 31-2 et 131-134. Retour au texte

44 Bibl. nat. de France, Bourgogne 57, f° 167. Retour au texte

45 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1598, f° 97 r°. Retour au texte

46 E. Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, 9 vol., Dijon, 1885-1905, VII, p. 101-106. Retour au texte

47 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 884. Retour au texte

48 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1402, f° 44 v°. Retour au texte

49 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 884 et B 380. Retour au texte

50 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1556, f° 69 r°. Retour au texte

51 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1558, f° 84 r°. Retour au texte

52 Jean Froissart, Chroniques, Société de l’Histoire de France, 15 vol. parus, Paris, 1869-1975, IX, p. 251. Retour au texte

53 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 886. Retour au texte

54 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1479, f° 54 r°. Retour au texte

55 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1479, f° 57 v° et 60 v° ; B 1500, f° 66 v° ; B 1503, f° 81 v°-82 r°. Retour au texte

56 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 260, f° 71 r°. Retour au texte

57 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 733. Retour au texte

58 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1588, f° 176 r°-v°. Retour au texte

59 Arch. dép. Côte-d’Or, B 372. Retour au texte

60 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1588, f° 173 r° et 174 r°. Retour au texte

61 Montjustin-et-Velotte, Haute-Saône, arr. Vesoul, cant. Noroy-le-Bourg. Retour au texte

62 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1588, f° 180 r°-v°. Retour au texte

63 Bibl. nat. de France, Bourgogne 57, f° 41. Retour au texte

64 Arch. dép. Côte-d’Or, B 11 788. Retour au texte

65 Bibl. nat. de France, Bourgogne 57, f° 32 r°. Retour au texte

66 Pour ce qui suit, voir, R. Ali Bacha, Blessés et blessures de guerre à la fin du Moyen Âge, Thèse inédite, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2010, passim. Retour au texte

67 Arch. dép. Côte-d’Or, B 373. Retour au texte

68 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1452, f° 66 r°. Retour au texte

69 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1452, f° 20 r°. Retour au texte

70 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1461, f° 116 v° et B 1462, f° 91 v°. Retour au texte

71 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1475, f° 65 r°-v°. Retour au texte

72 Arch. dép. Côte-d’Or, B 1479/2, f° 148 v°. Retour au texte

73 Enguerrand de Monstrelet, Chronique, L. Douët-d’Arcq (éd.), 6 vol., Paris 1857-1862, III, p. 227. Retour au texte

74 Ibid., IV, p. 182. Retour au texte

75 Olivier de La Marche, Mémoires, H. Beaune et J. d’Arbaumont (éd.), 4 vol., Paris, 1883-1888, II, p. 306. Retour au texte

76 Enguerrand de Monstrelet, Chronique, III, p. 383. Allibaudières, Aube, arr. Troyes, cant. Arcis-sur-Aube. Retour au texte

77 Ibid., IV, p. 64. Retour au texte

78 Ibid., IV, p. 407. Retour au texte

79 Jean de Haynin, Mémoires, C. Bébéar et H. Dubois (éd.) (à paraître). Retour au texte

80 Olivier de La Marche, II, p. 246. Retour au texte

81 Jean de Haynin, Mémoires (à paraître) Retour au texte

82 Ibid. Retour au texte

83 Olivier de La Marche, Mémoires, II, p. 270. Retour au texte

84 Ibid., II, p. 309. Retour au texte

85 Jean de Haynin, Mémoires (à paraître). Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Bertrand Schnerb, « « Je vous jure en mon âme que c’est un piteux fait » », Bien Dire et Bien Aprandre, 33 | 2018, 95-118.

Référence électronique

Bertrand Schnerb, « « Je vous jure en mon âme que c’est un piteux fait » », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 33 | 2018, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/653

Auteur

Bertrand Schnerb

Université de Lille – IRHIS

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