La volonté didactique dans les romans d’Antiquité

DOI : 10.54563/bdba.820

p. 31-50

Plan

Texte

N’en sont que trois materes a nul homme vivant : 6
De France et de Bretaigne et de Ronme la grant ;
Ne de ces trois materes n’i a nule samblant.
Li conte de Bretaigne si sont vain et plaisant,
Et cil de Ronme sage et de sens aprendant,
Cil de France sont voir chascun jor aparant.
Et de ces trois materes tieng la plus voir disant. 121

Dans le prologue de sa Chanson des Saisnes (fin du xiie siècle), Jehan Bodel différencie et définit ainsi les trois « matières » poétiques de son temps : celle de France, c’est-à-dire le domaine épique, celle de Bretagne, dont les contes sont « inconsistants mais agréables »2, et celle de Ronme la grant, ce qui semble s’appliquer essentiellement aux romans d’Antiquité : Thèbes3, Énéas4, Troie5 et Alexandre, car cette matière antique traite aussi bien de la Grèce que de Rome. Si le poète arrageois exprime sa préférence pour les chansons de geste notamment semble-t-il, en raison de la vérité historique qu’elles contiennent, il estime que les romans d’Antiquité sont « nourris de sagesse, sont riches d’enseignement. » Annette Brasseur rappelle à ce sujet le commentaire de Charles Brucker : Sage doit être pris ici dans un sens à mi-chemin entre l’intellectuel et le moral : les romans antiques sont sages parce que, nourris de la pensée et de l’expérience des anciens, ils sont riches d’un « savoir ou savoir-faire » qui « comporte des implications morales »6.

À partir de ce prologue, et surtout de ceux du Roman de Thèbes et du Roman de Troie, on envisagera ici l’illustration de la volonté didactique dans les trois romans d’Antiquité – le troisième étant le Roman d’Énéas – constituant « la triade classique ». Cette volonté didactique peut apparaître « en creux » par certaines suppressions opérées par rapport à l’hypotexte latin7, mais elle s’exprime de manière plus positive par un contenu, à travers d’apparentes digressions ou plutôt des « insertions savantes »8, comme le char d’Amphiaraüs dans Thèbes, l’évocation de Carthage dans Énéas ou la description de l’Orient dans Troie. Ce contenu peut être mis en relief par des procédés stylistiques reflétant cette volonté, soit des formules d’adresse au public particulièrement significatives, soit une rhétorique de l’accumulation et de la parenthèse.

Une volonté didactique exprimée dès les prologues

Si le Roman d’Énéas ne présente pas de prologue, les incipit de Thèbes et de Troie sont particulièrement éloquents à cet égard. Les deux premiers vers du Roman de Thèbes :

Qui sages est nel doit celer,
ainz doit por ce son senz moutrer

illustrent l’un des éléments de la topique de l’exorde, « posséder le savoir oblige à le transmettre », idée exprimée ensuite dans un formulation négative :

Pour ce n’en veul mon senz tesir, 9
Ma sapïence retenir.

Comme nous l’avons établi naguère9, sages peut avoir ici le sens d’« instruit, savant », et il faut rattacher au champ lexical du savoir le mot sapïence. Ce topos a été rapproché de la parabole des talents10 ; selon Michel Zink, il aurait sa source dans le Livre de la Sagesse11.

Ajoutons qu’après le vers 16, les manuscrits de la version longue y, A et P, présentent un développement de 14 vers (16 dans P) qui, en point d’orgue, met en relief l’intérêt de la translatio :

Il le fist tout selonc la letre 27 [texte de A]12
Dont lai ne sevent entremetre ;
Et por chou fu li romans fais
Que nel saroit hon ki fu lais. 30

En tout cas, c’est le début du prologue de Thèbes, commun à tous ses manuscrits, qui semble avoir inspiré celui de la version longue du Roman d’Athis et Procelias :

Qui saiges est et de sapïence
Bien doit espandre s’escïence
Que tex la puisse recoillir
Don boins essanples puise issir13.

Mais auparavant, c’est le même topos que l’on retrouve au début du Roman de Troie ; il est attribué à Salomon et donc peut-être issu du Livre des Proverbes14 :

Salemon nos enseigne e dit, 1
E sil list om en son escrit,
Que nus ne deit son sen celer…

Benoît développe ensuite l’idée de la nécessaire transmission du savoir, en se référant à la diffusion des arts libéraux :

Se cil qui troverent les parz 7
E les granz livres des set arz,
Des philosophes les traitiez,
Dont toz li monz est enseigniez, 10
Se fussent teü, veirement
Vesquist li siegles folement :
Come bestes eüssons vie…
Quar scïence que est teüe 19
Est tost obliëe e perdue.
Qui set e n’enseigne o ne dit
Ne puet müer ne s’entroblit ;
E scïence qu’est bien oïe
Germe e florist e frutefïe. 24

La dernière partie de ce passage fait ressortir l’intérêt de l’expansion, de la fructification – on peut même dire de la fécondité – du savoir, d’autant plus que Benoît est conscient de faire œuvre de translateur :

E por ço me vueil travaillier 33
En une estoire comencier,
Que de latin, ou jo la truis,
Se j’ai le sens e se jo puis,
La voudrai si en romanz metre
Que cil qui n’entendent la letre
Se puissent deduire el romanz…. 39

Cette volonté de divulguer un savoir et de faire acquérir au public romanesque de précieuses connaissances s’inscrit dans le contexte de l’humanisme du xiie siècle. Se rapprochent en particulier de ces prologues d’abord le début du livre VI de l’Historia Ecclesiastica d’Orderic Vital :

« Humani acumen ingenii semper indiget utili sedimine competenter exerceri, et praeterita recolendo, ad futura feliciter virtutibus instrui… Studiosi ergo abdita investigant, et quidquid benignae menti profuturum autumant, pie amplexantes, magni existimant15. »

Et l’exorde du Policraticus de Jean de Salisbury :

« Jucundissimus cum in multis, tum in eo maxime est litterarum fructus, quod omnium interstitiorum loci et temporis exclusa molestia, amicorum sibi invicem praesentiam exhibent, et res scitu dignas situ aboleri non patiuntur… Exempla majorum, quae sunt incitamenta et fomenta virtutis, nullum omnino erigerent aut servarent, nisi pia sollicitudo scriptorum et triumphatrix inertiae diligentia eadem ad posteros transmisisset… Quis enim Alexandros sciret aut Cesares, quis Stoicos aut Peripateticos miraretur, nisi eos insignirent monimenta scriptorum ?16 »

Et le contenu des œuvres qui nous intéressent confirme les annonces de leurs prologues.

L’illustration de la volonté didactique dans les romans d’Antiquité

La volonté didactique s’y illustre par des « digressions » descriptives et scientifiques, comme l’ont encore récemment souligné Dominique Boutet pour le Roman de Thèbes17, et Francine Mora-Lebrun pour l’ensemble des romans d’Antiquité18. Pour Thèbes, il s’agit essentiellement des deux descriptions de la tente d’Adraste (S, v. 3235-72 et 4300-85 ; C, v. 3175-212 et 4217-302) et de celle du char d’Amphiaraüs (S, v. 5042-175 ; C, v. 4951-5016).

Comme nous l’avons jadis remarqué, la première description de la tente d’Adraste constitue une sorte d’encyclopédie illustrée du monde médiéval ou tout au moins un tableau de la civilisation chevaleresque19. Une bonne moitié du second passage – absent dans le manuscrit A, l’un des deux représentants de la version longue y – est consacrée à la mappemonde (c’est la première occurrence de ce terme en langue vernaculaire) :

A compas i fu mappamonde 4223 C
bien entailliee, bien roonde ;
u pan devant desus l’entree,
a or batu, menu ouvree.
Par cinc zones la mappe dure,
si paintes com les fist Nature. 4228

À partir d’une implicite représentation circulaire en TO, apparaît le découpage traditionnel en cinq zones, qui en effet, s’il est de source ovidienne, se trouve également chez Macrobe et Isidore de Séville. Mais Bernard Ribémont précise qu’il correspond aussi à une connaissance plus contemporaine, figurant dans l’Imago mundi d’Honorius d’Autun et la Philosophia mundi de Guillaume de Conches20.

Lucien-Gary Donovan a été le premier à établir que l’auteur de Thèbes « s’inspire ici de la tradition des mappemondes du xiie siècle et non pas des Métamorphoses d’Ovide21 » et que « cet effort visant à réconcilier la tradition néo-platonicienne (la description macrobienne du monde) et la doctrine chrétienne en matière de géographie fait songer à l’enseignement de Guillaume de Conches à Chartres dans le deuxième quart du xiie siècle22 ». Tout en concluant après une analyse approfondie que le romancier médiéval s’est inspiré d’une mappemonde de son temps, Bernard Ribémont conteste cette conclusion du chercheur canadien adoptée par bien des critiques23. En revanche, ce dernier célèbre à juste titre « ce but didactique de bon aloi » et rapproche notre auteur de La Fontaine dans son Discours à Madame de la Sablière24. On trouve également une mapamondi dans le Roman d’Alexandre, mais sa description est bien plus succincte25.

Cette préoccupation didactique s’exprime explicitement ensuite à l’occasion de la description du char d’Amphiaraüs (S, v. 5042-5175 ; C, v. 4951-5016), char que l’on a pu considérer comme « instrument de transmission du savoir tout autant que comme une machine guerrière26 » :

Qui des set arz set rien entendre ; C 4967
iluec em puet assez apprendre.

Cependant, l’on peut se demander pourquoi cette annonce du motif des arts libéraux (C 4989-5002, S 5148-61) est d’abord suivie par l’évocation de la lutte des Géants révoltés contre les dieux (C 4969-86, S 5062-143). C’est qu’il faut remarquer ici que le manuscrit S, qui contient sans doute le texte le plus proche de l’original perdu, présente :

Qui de fisique sot entendre S 5060
Les peintures poet molt apprendre.

Ce que corrobore le passage correspondant dans les fragments d’Angers, témoins de la phase archaïque du roman, avec le mot fisica27. Telle est aussi la leçon, fisike, des mss A et P28.

Et je me demande si Francine Mora-Lebrun a raison de traduire fisique par « la physique » et si j’ai eu raison de traduire fusique par « la physique », connue de la Sibylle dans le Roman d’Énéas (A 2207, D 2292). J.-J. Salverda de Grave, dans son édition de 189129, lui donnait le sens de « médecine », ce qui correspond au premier sens donné par le dictionnaire de Tobler-Lommatzsch, Arzneikunde. En fait on se trouve ici plutôt en présence du second sens, Naturkunde, « sciences naturelles » ou plutôt « connaissance des choses de la nature » conformément à l’étymologie, du latin physica, « connaissance de la nature » chez Cicéron <φυσική, « observation des choses de la nature » chez Aristote, et ces deux vers, conclusifs dans S, figurent à la fin de la représentation initiale du cosmos présente dans les deux rédactions, avec neuf sphères « homocentriques en mouvement, chacune d’elles étant responsable du mouvement de la planète qu’elle soutient30 », avec la terre immobile au centre :

Par estuide et par grant conseil C 4955 S 5048
i mist la lune et le soleill
et tresgita le firmament
par art et par enchantement.
Nuef esperes par ordre i fist,
en la greingnor les signes mist C 4960
et es autres qui sont menors
mist les plannetes et les cors.
La neume mist en mi le monde,
ce est la terre et mer parfonde ; C 4964
En terre paint houmes et bestes,
en mer, poissons, venz et tempestes. C 4966 S 5059

Certes, on peut s’interroger sur le sens précis d’esperes et de cors dans ce passage31, mais Bernard Ribémont conclut en soulignant que [l’auteur du Roman de Thèbes] ne manque pas, en dépit d’une approximation qui n’a pas caractère de gravité dans ce contexte, de livrer ce qu’il retient des connaissances cosmologiques de son temps32.

Après l’évocation de la lutte des dieux et des Géants, particulièrement développée dans S, et dont Francine Mora-Lebrun suggère la signification profonde33, figurent les allégories des arts libéraux (C, v. 4987-5000, S, v. 5146-58), le trivium (Grammaire, Dialectique, Rhétorique) et le quadrivium (Arithmétique, Musique, Géométrie et Astronomie) ; remarquons que ce développement est absent des manuscrits de la version longue, A et P, tout comme la seconde description de la tente d’Adraste manque à A. La personnification des arts libéraux en figures de femmes est une tradition qui remonte à Martianus Capella dans le De nuptiis Mercurii et Philologiae, mais, comme l’a fait remarquer L.G. Donovan, dans Thèbes, Arithmétique tient l’abaque (v. 4993), comme sur la cathédrale de Laon, « indice du modernisme de l’adaptateur34 ». D’autre part, pour les v. 5155-56 de S :

une verge ot Geometrie,
un autre en ot Astronomie.

on lit dans C (et dans B, l’autre représentant de la version courte x ) :

Unne verge ot Geometrie 4997
Un astreleibe Astronomie.

C’est ici la première occurrence d’astrolabe en AF ; « l’astrolabe, qui est un instrument de démonstration (et non d’observation), s’est révélé un excellent outil pédagogique35 ». L’astreleibe remplace ici l’instrument coudé initial, le quadrant. Dans cette « vulgarisation du savoir », il y a donc actualisation des données fournies par l’Antiquité. Le trivium et la musique sont mentionnés dans les connaissances de la Sibylle du Roman d’Énéas (A, v. 2208-09, D, 2293-94), après ce qui correspond à l’astronomie ; auparavant, dans les manuscrits D, F et G, on trouve ces indications pour le palais de Didon :

bien y sont mises les set ars, 433
le ciel, la terre et la mer
et quanque hom set porpenser.

Ne serait-ce pas un souvenir du Roman de Thèbes ?

Dans le Roman d’Énéas, l’accent est mis sur les animaux ou les minéraux extraordinaires, comme à l’occasion de la description de Carthage (A, v. 407-548 ; D, v. 294-515) ; dans ce cas, l’encyclopédisme est souvent associé sinon au merveilleux, du moins à l’étrange. On trouve notamment des aperçus érudits sur les mangnetes (A, v. 433-40 ; passage absent de D) ; il s’agit alors d’Histoire naturelle. La magnete figure en bonne place dans le Liber Lapidum de Marbode, mais alors qu’elle y présente des propriétés magiques, le merveilleux est ici purement scientifique.

Un peu plus loin se trouve le développement consacré à la pourpre (A, v. 471-82 ; D, v. 374-83). On peut se demander, comme Edmond Faral, si ce passage s’inspire de la Lettre du prêtre Jean ou d’Isidore de Séville36. Certes, chez Isidore37, c’est le murex, et non un poisson, qui produit la pourpre, mais Isidore parle du murex dans le chapitre consacré aux poissons. Ensuite, pour le cocadrille (A, v. 483-91, mais D, v. 384-85), Jean-Jacques Salverda de Grave a souligné l’héritage de Pline et de Solin38 passé chez Hugues de Saint-Victor. Pour Catherine Croizy-Naquet, « la source exacte du poète est donc malaisément identifiable… La technique de travail du poète se manifeste dans ce traitement singulier des sources dont aucune n’est nommée : user de son savoir, mêler ses connaissances et créer sa propre version39. » Certes, ici et là, nous avons affaire à de petits exposés reposant sur des sources savantes, mais en même temps certaines précisions qui nous sont données confèrent un caractère presque fantastique à l’évocation. Ainsi le crocodile, dont le sang fournit la pourpre noire, apparaît-il comme une bête fabuleuse, un grant serpant evage (A, v. 484), « un énorme serpent aquatique ». Relèvent de la même préoccupation didactique les parenthèses sur la fullica (A, v. 4035-44 ; D, v. 4122) dont les plumes bordent le manteau de Camille : c’est, selon Ignacio Malaxacheverria, une espèce hybride élaborée par le romancier médiéval40 ; l’indication sur l’unique façon de dissoudre le bitume utilisé pour sceller le tombeau de Pallas (A, v. 6498-504 ; D, v. 6561-67) : les précautions oratoires prises par l’auteur d’Énéas ne s’expliquent que par référence à Solin, sans doute par Isidore de Séville interposé. Solin explique en effet que seul le sang menstruel peut dissoudre le bitume41. L’appui sur les mêmes sources explique le développement sur l’asbeste inextinguible, que l’on retrouve dans le Roman de Troie. C’est Isidore42 qui, ici encore, ne fait qu’emprunter à Solin43 : asbesto nomen est, ferri colore, qui accensus semel extingui nequitur. Ajoutons à cela l’insertion concernant le caladre, dont les plumes garnissent l’oreiller de la civière de Camille, et qui prédit au malade sa guérison ou sa mort (A, v. 7467-78 ; D, v. 7531-42) ; cet oiseau figure sous le nom de caladrius dans le Physiologus, dans le Bestiaire de Philippe de Thaon et dans celui de Guillaume le Clerc. Ici encore, on constate l’association du savoir érudit à l’insolite, voire au merveilleux.

Dans le Roman de Troie, la volonté didactique de Benoît apparaît nettement lors de la description du monde, de l’Orient et du royaume des Amazones, dont sont décrites les mœurs.

Pour la partie d’Orïent, on trouve successivement le dénombrement des huit mers (v. 23215-26), des neuf îles (v. 23231-42), des sept montagnes (v. 23246-50), des fleuves (v. 23259-73) et des treize provinces (v. 23286-94). Cette géographie a pour source la Cosmographia d’Æthicus. Benoît évoque d’abord le recensement ordonné par Julius Cesar, li senez (v. 23135 sqq.) et Léopold Constans précise que : « les travaux géodésiques ordonnés par César, commencés en 44 et poursuivis 25 années (et non 32 comme dit notre roman) sous la direction d’Agrippa, permirent de dresser une carte générale de l’Empire44. »

Avant ce passage, on trouve dans le même œuvre une description qui, dans la perspective qui nous intéresse, a retenu l’attention de la critique, c’est celle de la Chambre de Beautés (v. 14631-958), qui commence par la liste des douze pierres précieuses empruntée à l’Apocalypse. Elle est suivie de la description de quatre automates, deux féminins et deux masculins, d’une prodigieuse complexité. Tandis que l’une dispose d’une sorte de « miroir de vérité », la seconde est une sorte de jongleresse aux mille tours, dotée du pouvoir magique de susciter le simulacre de combats entre êtres humains, animaux divers et même créatures monstrueuses. Pour Valérie Gontero, « C’est à l’intérieur de Troie que s’épanouit la vocation didactique de Benoît de Sainte-Maure… le deuxième [automate] présente un miroir du monde ; la jeune fille fait défiler devant chaque visiteur une sorte de mappemonde animée, dont le foisonnement désordonné rappelle celui de l’extérieur de la tente d’Adraste. Tel un prestigiditateur, cet automate donne à voir des merveilles (v. 14722) sur une table d’or (v. 14720) : combats de fauves (v. 14724-25) ; vols d’oiseaux (v. 14726-27) ; loisirs courtois (v. 14728) ; guerres, assemblées, batailles et trahisons (v. 14729-30 ; navigation (v. 14731) ; reison de haïr ne d’amer (v. 14732) ; tournois (v. 14733) ; monstres (v. 14734-36). Deux isotopies se dégagent, plus précisément d’une part la faune et son avatar, la tératologie ; d’autre part la courtoisie et la chevalerie – le texte reflète la promotion de ces deux comportements humains dans la société du xiie siècle45. » Le troisième est un automate musical qui produit des sons délicieux à l’aide des douze instruments dont il joue simultanément. Son concert achevé, il répand sur le sol force fleurs fraîches et parfumées ; au-dessous de lui, un aiglon fait face à un petit satyre qui lui lance une balle et, du battement de ses ailes, l’oiseau fait disparaître les fleurs. Enfin, la quarte image :

… par signes lor demostrot 14866
Que c’ert que il deveient faire
E que plus lor ert necessaire.

Et ce dernier automate tient un encensoir où brûle, sans flamme, une pierre inextinguible (v. 14903-06). S’il est vrai que l’on trouve ici parfois des parenthèses érudites sur l’ofiane, c’est-à-dire l’obsidienne (v. 14764-70) ou la labastre (ou alabastre suivant les manuscrits (v. 14923-32), C. Croizy-Naquet estime que, « dans l’encyclopédie animée qu’est la Chambre de Beautés, les automates ont l’extraordinaire pouvoir de figurer et de mimer les connaissances qu’ils incarnent. Le clerc insuffle vie au savoir, créant dans l’espace clos qu’est la Chambre un théâtre en abrégé de l’univers. Le macrocosme est ainsi reproduit dans un microcosme qui brise l’étroitesse et la clôture du lieu et qui s’impose comme une exploration fidèle et exhaustive du monde46. » Elle s’appuie ici sur l’analyse pénétrante d’Emmanuèle Baumgartner qui estime que : « Par le savoir-faire qu’ils supposent, la beauté parfaite qui en émane, ils [les automates] sont les prestigieux témoins d’une civilisation, d’une cité sans doute mortelles, mais qui ont légué à l’Occident, comme le rappelle Benoît, sa splendeur, son raffinement, ses multiples capacités d’invention… Ils [les heureux élus] peuvent s’initier, grâce à cette véritable encyclopédie animée qu’est la seconde jeune fille, à tous les savoirs, à tous les secrets du vaste monde47. »

Tous ces passages empruntés à nos trois romans d’Antiquité prouvent leur caractère didactique, qui peut s’illustrer par des procédés d’expression spécifiques.

Le style didactique dans les romans d’Antiquité

La volonté didactique peut d’abord s’exprimer par des formules propres à instruire le public en attirant son attention. L’adhésion du lecteur/auditeur des romans d’Antiquité est ainsi sollicitée, dans Thèbes et dans Troie, non seulement, dans les récits de combats, par des formules d’hypotypose, de visualisation épique, comme La veissiez Qui veïst48, mais par le recours au verbe savoir, en particulier à l’impératif sachiez (13 occurrences dans Thèbes, 31 dans Troie (sacheiz) auxquelles il faut ajouter 44 variantes du type E sacheiz bien), sans oublier pouez savoir (7 dans Thèbes, 8 dans Troie)49. Pratiquement absentes des chansons de geste qui auraient pu exercer leur influence sur nos romans, ces injonctions sont le plus souvent rares chez Chrétien de Troyes, sauf dans ses deux dernières œuvres, Le Chevalier de la Charrette et Le Conte du Graal, sans doute plus didactiques. Et il faut associer à ces expressions les impératifs oez / oiez (3 dans Thèbes, 32 dans Troie) et les futurs orrez / orreiz (1 ou 2 dans Thèbes, 55 dans Troie en tenant compte des variantes)50. Ces interventions persuasives, véritables « embrayeurs du discours » ne concernent pas forcément les passages que nous avons commentés, bien que, par exemple, la description du monde et de l’Orient dans Troie comporte Sacheiz (v. 23173), Oëz come (v. 23286) ou encore Oëz que nos trovons lisant au début de la description du royaume des Amazones. Mais, d’une manière générale, il est vrai d’une part qu’elles ne sont pas à séparer d’autres formulations par lesquelles le narrateur s’adresse à son public, et d’autre part qu’elles participent d’un style didactique diffus dans les romans d’Antiquité, et qui correspond aussi à leur caractère historique. Elles nous paraissent, en outre, inséparables des références à la source écrite figurant dans nos romans, qui, sporadiques dans Thèbes (avec toutefois une présence plus appuyée dans la version courte, plus « savante » (7 occ.) que dans S (3 occ.), se multiplient dans Troie (210 au total : Darès et Dictys y sont nommément désignés 54 fois on trouve 25 fois l’estoire, 21 fois l’escrit, 20 fois li livres…)51.

Dans les passages cités plus haut, le procédé global, pour la première description de la tente d’Adraste dans Thèbes, consiste en une énumération, une accumulation d’éléments qui peut ne pas paraître très ordonnée – c’est pourquoi j’avais qualifié la première d’« amoncellement pointilliste de détails en ordre diffus52 ». Il y a alors soit juxtaposition, soit coordination par la conjonction et, employée par exemple 22 fois en 17 vers (v. 3179-95) :

Bien i sont peintes les estoires, C 3179
les vielles gestes, les memoires
et les justises et les plés,
les jugemenz et les forfés,
et les montaingnes et li val,
et les quaroles et li bal… C 3184

Il s’agit évidemment ici d’enumeratio53, mais on peut affiner l’analyse stylistique. Notre premier romancier montre ici aussi sa prédilection pour les figures de mots relevant de l’ornatus facilis54. C’est bien la distributio55 qui est utilisée, mais avec pratique de l’adjunctio56 et de la conjunctio57. Adjunctio puisque le syntagme verbal Bien i sont peintes est suivi de 36 sujets inversés, conjunctio puisque ceux-ci sont associés par le recours à la polysyndète58.

Et le texte s’achève par des hyperboles anaphoriques (tant, adverbe ou adjectif, est exprimé 5 fois en 5 vers (vv. 3206-10). C. Croizy-Naquet voit ici « une série d’unités thématiques qui se complètent les unes les autres. Plutôt que d’être rationnel, le romancier s’efforce de créer un effet de vertige59 ».

C’est le même procédé qu’utilise Benoît pour décrire les scènes créées par la seconde jeune fille dans la Chambre de Beautés, en recourant cette fois à la conjonction ne :

Bataille d’ors ne de sengler, 14724
De grip, de tigre, de lion,
Ne vol d’ostor ne de faucon,
Ne d’espervier ne d’autre oisel,
Gieu de dame o de dameisel,
Ne parlemenz ne repostauz… 14729

Dans ce passage, on trouve 18 compléments successifs, avec polysyndète, l’ensemble relevant de l’adjunctio, puisqu’ils sont régis par le v. 14722 Fait merveilles de tel semblant.

Ici aussi est privilégié l’usage de l’anaphore dont Benoît exploite les ressources de manière complexe, « créant ainsi une véritable litanie propre à valoriser l’énumération60. » Benoît manifeste sans doute plus de rigueur dans ses énumérations que l’auteur de Thèbes ; il procède par séries…

Pour la succession de dénombrements qui figure dans la description de l’Orient – on trouve auparavant, à propos des quarante pui que compte le monde, le mot descripcion au sens de « dénombrement » :

Ne n’en fu la descripcion61 23169
Ne mais de quarante par non…..

on trouve, en dehors des adresses au public que nous venons de signaler, une référence à la source : Ensi come en l’Estoire truis (v. 23160). Chaque dénombrement représente une énumération, où l’on retrouve juxtaposition ou coordination par e ou qui est, au moins partiellement, structurée par le recours occasionnel aux adjectifs ordinaux, comme par exemple pour les treize provinces :

Oëz come els sont devisees. 23286
Perse, Inde, Isaure e Azonis ;
La quinte Sine, ço m’est vis ;
La siste a non Apamena,
L’autre Mesopotamia ;
Phenice, Assire, Commacine ;
L’onzime apelent Palestine… 23292

Les verbes présentatifs sont le plus souvent « il y a » sous la forme a (v. 23217, 23261, 23285 ou ra (v. 23231, 23247), formulations d’une extrême sobriété auxquelles s’ajoutent souvent des « outils dénominatifs » comme apelent (v. 23234, 23292) ou a non (v. 23237, 23240, 23272, 23289). L’emploi du présent de l’indicatif est constant ; il traduit alors la permanence des connaissances exposées et transmises. Et il ne faut pas oublier que tout le passage est précédé d’un préambule d’envergure encyclopédique :

Mais s’aveir puis e lieu e aise, 23204
Tel uevre voudrai embracier
E envaïr e comencier
Qu’en tot le mont n’avra partie,
Ou qu’ele seit, que jo ne die
Quel est, com grant est e com bien tient,
Ne qu’il i a ne qu’i avient, 23210
Quel nature ont li element,
Quel les contrees, quel la gent.

À cette description de l’Orient, comme à la tente d’Adraste et au char d’Amphiaraüs dans Thèbes, semble bien s’appliquer ce que Bernard Ribémont qualifie de « lieux encyclopédiques62 ». Comme l’a montré V. Gontero, la seconde description de la tente d’Adraste est assez nettement structurée, en quadripartition suivant les quatre pans de la tente63. Il nous paraît en être de même pour le char d’Amphiaraüs, où se présentent successivement cosmologie, insertion mythologique, arts libéraux puis automates, la fin étant consacrée aux matières dont est fait le char, dont la description est annoncée par une capitale ornée : D’Amphïaras dire vos doi C, v. 4949, S, v. 5042), les différents éléments, ouvrage de Vulcain, sont souvent énoncés par les verbes fist ou mist, ou ot / y ot, l’anaphore de painte(s) y est (furent) étant employée pour les Arts libéraux.

On retrouve la recherche de la nature des êtres et des choses dans les « insertions savantes » qui apparaissent dans le Roman d’Énéas comme dans les deux autres romans d’Antiquité, soit sous la forme de listes, soit sous la forme de ce que j’appellerais plutôt « parenthèses érudites ». Les listes figurent notamment dans A lors de la description de Carthage pour l’ornementation des murs (A, v. 427-32), les denrées vendues au marché (A, v. 449-55, D, v. 364-71), les éléments de l’architecture intérieure du palais de Didon (v. 510-14). La présentation formelle, dans les parenthèses érudites consacrées aux minéraux et aux animaux cités supra, se révèle très caractéristique, par exemple pour l’asbesto, l’amiante :

d’abesto en estoit la mece, 6514 D 6577
d’une pierre que l’an alume ;
tel nature a et tel costume :
ja puis estointe ne sera,
ne nule foiz ne deffera. 6518 D 6582

Dans tous les cas évoqués plus haut, on retrouve tel nature a (pour le bitume, le caladre) ou le mot nature dans une formulation de même sens : de molt diverse nature pour les crocodiles, de si chaude nature sont pour les oiseaux hybrides inspirés de la foulque, sans oublier est de tel nature pour la mangnete. Le texte du Premier Lapidaire (vers 1130), adaptation du De Lapidibus de Marbode, présente souvent ce mot, qui caractérise la quête de la propriété des gemmes, comme au v. 25 : [un livre] ke fu de natures de pierres64. On retrouve la même expression dans le Bestiaire de Philippe de Thaon, par exemple au v. 103 : E tel est sa nature (il s’agit du lion)65. Au milieu de développements au passé (description de Carthage, du manteau ou de la biere de Camille, du tombeau de Pallas), le narrateur s’exprime, ici aussi, au présent ou au futur de l’indicatif, délivrant une vérité éternelle et intangible. Dans Troie, lors de la description de la Chambre de Beautés, Benoît use de la même pratique pour l’ofiane, l’obsidienne (v. 14764-70) et la labastre, l’albâtre (v. 14923-32). Et l’on ne peut pas s’empêcher de penser ici aux « fiches techniques » de Jules Verne, par exemple à propos des poissons osseux de l’Atlantique dans Vingt mille lieues sous les mers :

« […] enfin des xyphias-espadons, longs de huit mètres, marchant par troupes, portant des nageoires jaunâtres taillées en faux et de longs glaives de six pieds, intrépides animaux, plutôt herbivores que piscivores, qui obéissaient au moindre signe de leurs femelles comme des maris bien stylés66. »

Mais dans Troie, comme occasionnellement les auteurs de Thèbes et d’Énéas, Benoît procède aussi par listes énumératives, comme celle des douze instruments de musique (v. 14780-85) ou, auparavant, celle des pierres précieuses :

E les doze pieres gemeles 14633
Que Deus en eslist as plus beles,
Quant precioses les noma,
– Ço fu safirs e sardina,
Topace, prasme, crisolite,
Maraude, beriz, ametiste,
Jaspe, rubis, chiere sardoine,
Charbocles clers e calcedoine –,
D’icestes ot de lonc, delé,
En la chambre mout grant plenté. 1464267

Cette énumération de gemmes, procédé biblique, figure dans l’Exode lors de la description du pectoral d’Aaron et dans celle de la Jérusalem céleste dans l’Apocalypse, qui, selon Françoise Fery-Hue, est à la source de ce passage : « Benoît de Sainte-Maure, évoquant les douze pierres bibliques (celles de l’Apocalypse) en cite treize (l’hyacinthe est omise ; l’escarboucle est rajoutée, sauf si l’on considère qu’elle fait double emploi avec le rubis, qui, ajouté lui aussi, appartient à la tradition des pierres de l’Exode)68. » Et Valérie Gontero souligne que « la présence d’un lapidaire au sein de romans qui partagent la même volonté encyclopédique est une des originalités des romans antiques. Ces œuvres constitueraient-elles une tentative d’adaptation du De Lapidibus ?69 » Quoi qu’il en soit, nous voudrions ici attirer l’attention sur le procédé de la nomenclature dont use régulièrement Jules Verne, par exemple dans ses listes de poissons et de coquillages « qui font penser à ces chapitres dans lesquels Victor Hugo recense les herbes de Guernesey ou les vents du large70. » On le voit, nous nous trouvons face à une pratique qui représente une constante du style didactique.

La volonté didactique des romans d’Antiquité, qui apparaît dès les prologues de Thèbes et de Troie, s’y exprime notamment grâce au procédé de l’insertion savante, longtemps qualifiée de digression, soit sous la forme de listes, soit avec des ekphraseis qui constituent des « lieux encyclopédiques ». Dans un style didactique spécifique avec la pratique de nomenclatures et d’énumérations relevant de la distributio, se manifeste notamment dans Thèbes le goût de la vulgarisation scientifique avec la mappemonde figurant sur la tente d’Adraste ou la représentation des arts libéraux sur le char d’Amphiaraüs ; on peut y associer la Chambre de Beautés et la description de l’Orient dans Troie, celle de Carthage dans Énéas dont il ne faut pas négliger les parenthèses érudites. À ce propos, Francine Mora-Lebrun souligne que ces ekphraseis « participent pleinement à l’esprit de la « renaissance » du xiie siècle, et notamment au « naturalisme » chartrain, par l’intérêt qu’elles manifestent pour les choses de la nature71 ». Toutefois, le terme « insertion », avec ce qu’il peut connoter d’« intrusion », d’« ajout artificiel », est-il toujours justifié ? Ainsi Catherine Croizy-Naquet, après avoir qualifié ce genre de description de « digression suspendant délibérément le cours du récit », montre que les connaissances figurant sur la tente d’Adraste et sur le char d’Amphiaraüs sont aussi un attribut royal, et que se crée ainsi « une affiliation entre savoir et pouvoir72 ». De même, l’évocation de Carthage célèbre l’association de la femme et de la ville, aspect particulièrement mis en valeur dans les manuscrits DFG, qui ponctuent la description de la ville d’un portrait de Didon qui en représente l’aboutissement73. Ajoutons que l’encyclopédisme peut varier d’une rédaction à l’autre de la même œuvre. Pour la version longue (mss A et P) de Thèbes, A ne comporte pas de deuxième description de la tente d’Adraste, donc pas de mappemonde, et pour le char de l’archevêque, ces deux manuscrits ne comportent pas de représentation des arts libéraux. Dans Troie, les v. 23127-356 (le monde, l’Orient et les Amazones) est absent des mss B,D, L2 et M174. Or le ms. B, Bnf fr. 375, copié par Jehan Madot, est celui qui contient le ms. A du Roman de Thèbes. De même, en ce qui concerne l’Énéas, les précisions sur l’amiante sont absentes du ms. D ; la dissolution du bitume ne figure ni dans D, ni dans E, ni dans F ; la mention des conciliuns, qui fournissent la pourpre vermeille, est également absente de D. Or, pour l’Eneasroman d’Heinrich von Veldeke, Marie-Sophie Masse démontre que l’adaptateur allemand élimine  les détails descriptifs savants que l’auteur du Roman d’Énéas emprunte aux Bestiaires et aux traités naturalistes75. On voit donc qu’il y a des rédactions où la volonté didactique est plus ou moins affirmée ou bien de caractère plus ou moins encyclopédique, le didactisme concernant alors la diffusion de la civilisation courtoise.

Car il est vrai que la volonté didactique, dans les romans d’Antiquité, ne se limite pas à l’encyclopédisme littéraire. D’abord parce que cette volonté est aussi celle de romanciers-historiens. Ensuite parce qu’elle peut concerner d’autres domaines que le savoir scientifique de l’époque. Ainsi l’auteur du Roman d’Énéas, plus discret que ceux de Thèbes et de Troie, use d’une technique plus subtile pour dévoiler à son public les arcanes de la passion amoureuse, exposant, à partir de la rhétorique ovidienne, le savoir d’amors76. De plus, un didactisme plus secret est représenté par la mise à la disposition du public du sens de la fabula antique derrière l’integumentum77.

Cependant, il convient de se garder de réduire les romans d’Antiquité à diverses formes de volonté didactique. D’abord parce que, par exemple, le savoir qu’ils diffusent, associant Antiquité et Moyen Âge, aboutit au syncrétisme, au sens de coexistence de l’anachronique et du synchronique, la fusion ou l’intime juxtaposition du médiéval et de l’antique. Ensuite et surtout parce qu’il s’agit d’œuvres plurielles, où la fiction se mêle à l’histoire, la technique du jongleur jouxte la rhétorique, la science chartraine l’imaginaire romanesque…

Notes

1 La Chanson des Saisnes, Annette Brasseur (éd.), t. I, Texte, Genève, Droz, 1989, p. 2. Retour au texte

2 Nous citons ici la traduction d’A. Brasseur, La Chanson des Saxons, Traductions des CFMA, Paris, Champion, 1992. Retour au texte

3 Pour Thèbes, nous utilisons notre édition du ms. C, Le Roman de Thèbes, Édition bilingue, Paris, Champion, « Champion Classiques », 2008. Le cas échéant, nous citons la correspondance avec le ms. S édité par Francine Mora-Lebrun, Paris, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 1995. Pour les autres mss. et les variantes, nous ferons appel à l’édition Léopold Constans, Paris, Firmin Didot, 1890 (Johnson Reprint Corporation, New York, 1968), et, pour le ms. A, à la récente édition italienne du ms A : Roman de Thèbes. Edizione critica della redazione tràdita dal manoscritto BnF, fr. 375 (A), Tesi di dottorato di Luca Di Sabatino, Università di Siena, 2010. Retour au texte

4 Pour Eneas, le ms. A, le plus ancien, a été édité par J.-J. Salverda de Grave, Paris, Champion, « CFMA » 44 et 62, 1925 et 1931. Le ms. D a été édité par Aimé Petit, Paris, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 1997. Retour au texte

5 Édition L. Constans, 6 vol., Paris, Firmin Didot, 1904-12. L’édition d’Emmanuèle Baumgartner et de Françoise Vielliard, Paris, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 1998, partielle, ne contient pas tous les passages que nous commentons. Retour au texte

6 Op. cit., t. II, p. 711. Retour au texte

7 Comme l’indique Francine Mora-Lebrun : [les suppressions] visent souvent à simplifier et clarifier le texte-source. Elle répondent donc à l’exigence didactique énoncée dans les prologues. (« Metre en romanz ». Les romans d’Antiquité du xiie siècle et leur postérité (xiiie-xive siècles), Moyen Âge – Outils de Synthèse, Paris, Champion, 2008, pp. 195-96). Elle nous fait l’honneur de s’appuyer sur nos conclusions, Naissances du roman. Les techniques littéraires dans les romans antiques du xiie siècle, Paris et Genève, Champion-Slatkine, p. 249. Retour au texte

8 C’est l’expression qu’emploie Bernard Ribémont dans son Introduction à Qui des sept arz set rien entendre. Études sur le Roman de Thèbes, Orléans, Paradigme, 2002, p. 37 sqq. Retour au texte

9 Voir A. Petit, « Prologues du Roman de Thèbes », dans Prologues et épilogues dans la littérature du Moyen Âge, Bien dire et bien aprandre, 19, Lille, 2001, p. 203-04. Le prologue de Thèbes nous semble avoir été « exécuté » de manière péremptoire par Marc-René Jung qui, en outre, se réfère à la contestable hypothèse d’Evelyn Birge Vitz (« La translatio chez Benoît de Sainte-Maure : de l’estoire au livre », Translatio médiévale, Textes rassemblés par Claudio Galderisi et Gilbert Salmon, Perspectives méiévales, Supplément au numéro 26, Paris, SLLMOO, 2001, p. 158-59. Retour au texte

10 Matthieu, 25, 14-32. Retour au texte

11 « Une mutation de la conscience littéraire : le langage romanesque à travers des exemples français du xiie siècle », Cahiers de civilisation médiévale, XXIV, 1981, p. 16. Retour au texte

12 Éd. Constans, t. II, App. III, p. 106 ; éd. Di Sabatino, p. 3. Retour au texte

13 Marie-Madeleine Castellani, Li Romans d’Athis et Procelias. Édition du manuscrit 940 de la Bibliothèque Municipale de Tours, Paris, Champion, « CFMA », 150, 2006, p. 141. Retour au texte

14 Comme l’estime E. Baumgartner, éd. cit., p. 635. Retour au texte

15 Éd. A. Le Prévost, t. III, Paris, J. Renouard, 1845. Retour au texte

16 Ioannis Saresberiensis Policraticus, K.S.B. Keats-Rohan (éd.), Turnhout, Brepols, 1993, p. 21. Retour au texte

17 « Réflexions sur la cohérence du Roman de Thèbes », « Furent les merveilles pruvees et les aventures truvees », Hommage à Francis Dubost ; Études recueillies par F. Gingras, F. Laurent, F. Le Nan et J.-R. Valette, Paris, Champion, 2005, p. 71. Retour au texte

18 Metre en romanz, op. cit., p. 47. Retour au texte

19 « Les premières descriptions de tentes : la tente d’Adrastus dans le Roman de Thèbes », La Description au Moyen Âge, Bien dire et bien aprandre, 11, 1993, p. 305. Retour au texte

20 Art. cit., p. 51. Retour au texte

21 Recherches sur le Roman de Thèbes, Paris, SEDES, p. 226. Retour au texte

22 Ibidem, p. 227. Retour au texte

23 Art. cit., p. 51, note 112. Retour au texte

24 Op. cit., p. 227 et 228. Retour au texte

25 Telle est la forme du mot dans le ms. présentant la rédaction la plus ancienne, le ms. de Venise (sigle B), L. 196, v. 3441-48 ; Alexandre de Paris, Br. I, L. 96, v. 2020-27, The Medieval French Roman d’Alexandre, vol. I, Text of the Arsenal and Venice Versions, Edward C. Armstrong (ed.), Elliott Monographs 36, 1937, et dans le vol. II, Version of Alexandre de Paris, 1937. Voir A. Petit, « Le pavillon d’Alexandre dans le Roman d’Alexandre (ms. B Venise, Museo Civico, VI, 655) », Bien dire et bien aprandre, 6, 1988, p. 88, et Valérie Gontero, Parures d’or et de gemmes, Publications de l’Université de Provence, 2002, p. 107-08. Retour au texte

26 Telle est l’opinion de Jean R. Scheidegger, dans « Les automates dans le roman antique », Le Roman antique au Moyen Âge, Actes du Colloque du Centre d’Études Médiévales de l’Université de Picardie, 14-15 janvier 1989, publiés par Danielle Buschinger, Kümmerle Verlag, Göppingen, 1992, p. 180. Retour au texte

27 L. Constans, éd. cit., t. II, App. VI, p. 310, et G. Raynaud de Lage, « Les fragments d’Angers du Roman de Thèbes », Les Premiers Romans français et autres Études Littéraires et Linguistiques, Genève, Droz, 1976, p. 202 ; article d’abord publié dans Romania, XC, 1969, p. 402-09. Retour au texte

28 Éd. L. di Sabatino, v. 6739. Retour au texte

29 Énéas, texte critique, Bibliotheca Normannica IV, Halle, Niemeyer, 1891. Retour au texte

30 B. Ribémont, art. cit., p. 47. Retour au texte

31 Ibidem. Retour au texte

32 Ibidem, p. 47-48. Retour au texte

33 « […] l’ecphrasis sert ici en fait de prétexte à l’enchâssement d’un récit, récit hautement signifiant si on le rapproche du sort d’Amphiaraüs, détenteur d’un savoir universel (représenté sur les parois du char) mais englouti par décision divine. » (éd. cit., p. 343). Elle développe son analyse dans « Mythe troyen et histoire thébaine : le manuscrit S du Roman de Thèbes », Entre fiction et histoire. Troie et Rome au Moyen Âge, E. Baumgartner et L. Harf-Lancner (eds), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997, p. 36-38. Retour au texte

34 Op. cit., p. 229. Retour au texte

35 Dictionnaire du Moyen Âge, Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink (dir.), Paris, PUF, 2002, p. 103. Retour au texte

36 Recherches sur les sources latines des contes et romans courtois du Moyen Âge, Paris, Champion, 1913, réimpr. 1983, p. 162-63. Retour au texte

37 Etymologiae, XII, VI, 50. Retour au texte

38 Op. cit., t. II, p. 131. Retour au texte

39 Thèbes, Troie et Carthage. Poétique de la ville dans le roman antique au xiie siècle, Paris, Champion, « Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge » 30, 1994, p. 307. Retour au texte

40 « La fulica d’Énéas est une espèce hybride qui réunit au moins deux traits différents : d’une part la vie totalement aqu atique (fruit d’une naissance en mer), ce qui la met en rapport avec des légendes comme celle de l’oie bernacle ; d’autre part, l’aptitude à provoquer l’éclosion de ses œufs à distance… faculté qu’elle partage avec l’aigle de Pierre de Beauvais. » (« La prétendue fulica d’Énéas », Zeitschrift für Romanische Philologie, 98,½, Tübingen, 1982, p. 154. Retour au texte

41 Collectanea rerum memorabilium, éd. Mommsen, 13, 10-16. Retour au texte

42 Op. cit., XVI, 4, 4. Retour au texte

43 Op. cit., 57, 11. Retour au texte

44 Éd. cit., t. V, p. 17 et t. VI, p. 252. Retour au texte

45 Op. cit., p. 113. Retour au texte

46 Op. cit., p. 320. Retour au texte

47 « Le temps des automates », De l’histoire de Troie au livre du Graal, Orléans, Paradigme, 1994, p. 174 (article paru d’abord dans Le Nombre et le Temps, Mélanges offerts à Paul Zumthor, Paris, Champion, 1988, p. 15-21. Retour au texte

48 Voir A. Petit, Naissances du roman. cit., p. 305-309 et 778-81. Retour au texte

49 Ibidem, p. 786-89 et Appendice VI, p. 1303 sqq. Retour au texte

50 Ibidem, p. 774-78. Retour au texte

51 Ibidem, p. 794 sqq. Retour au texte

52 A. Petit, « Les premières descriptions de tentes… », art. cit., p. 305. Retour au texte

53 V. Gontero, op. cit., p. 106. Retour au texte

54 Voir A. Petit, Naissances du roman. op. cit., p. 676 sqq. Retour au texte

55 A. Petit, « Les premières descriptions de tentes… », art. cit., p. 306. Retour au texte

56 Voir E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle, Paris, Champion, 1924, réimpr. 1971, en particulier p. 233 et 324 (Geoffroi de Vinsauf) ; Pierre Fontanier, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1968, p. 336-39 ; Heinrich Lausberg, Handbuch der Literarischen Rhetorik, Max Hueber Verlag, München, 1973, §746 ; Bernard Dupriez, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, UGE, 1984, p. 26-28. Retour au texte

57 E. Faral, ibidem ; P. Fontanier, p. 339-40 ; Lausberg, Häufung, § 665 sqq. Retour au texte

58 Polissinteton chez Matthieu de Vendôme (Faral, p. 171) ; Lausberg ; § 686 ; Fontanier, p. 339 ; Dupriez, p. 355. Voir aussi, par exemple, Quintilien, Institution oratoire, Jean Cousin (éd. et trad.), t. V, Livres VIII et IX, Paris, Les Belles Lettres, 1978, IX, 3, § 51-54. Retour au texte

59 Op. cit., p. 391. Retour au texte

60 Ibidem, p. 395. Retour au texte

61 Sur le sens de descrire et de descripcion en AF, voir A. Petit, « Les premières descriptions de tentes… », art. cit., p. 306 et 314-15. On retrouve un peu plus loin dans le même passage le pluriel les descripcions (v. 23251), dans le sens actuel, semble-t-il, pour les sept montagnes de l’Orient. Retour au texte

62 Art. cit., p. 38. Retour au texte

63 Op. cit., p. 103-106. Retour au texte

64 Léopold Pannier, Les Premiers Lapidaires français des xiie, xiiie et xive siècles, BEHE, Paris Vieweg, 1882 ; Slatkine Reprints, Genève, 1973, v. 70, 113, 189, 236, 496, 512, 514…. Retour au texte

65 Emmanuel Walberg, Philippe de Thaün, Le Bestiaire, réimpr. de l’édition de Lund et Paris, Slatkine Reprints, Genève, 1970, v. 91, 158, 369, 466, 721… Retour au texte

66 Le Livre de Poche, 1990, p. 427. Retour au texte

67 On trouve une énumération analogue, de dix gemmes ornant la mappemonde de Thèbes (C, v. 4263-66, S 4346-49), et J.-J. Salverda de Grave en a exclu une autre, de huit pierres précieuses, de son édition, alors qu’elle figurait dans le ms. A, qu’il éditait (éd. citée, t. II, Vers additionnels, p. 131) et dans B. Retour au texte

68 « La description de la “pierre précieuse” au Moyen Âge : encyclopédies, lapidaires et textes littéraires », La Description au Moyen Âge, op. cit., p. 157. Retour au texte

69 Op. cit., p. 162. Retour au texte

70 Vingt mille lieues sous les mers, éd. cit., préface de Christian Chelebourg, pp. XI-XII. Voir Les Travailleurs de la Mer, Jacques Seebacher et Yves Gohin (éds), NRF, Gallimard, 1975, p. 567-68. Retour au texte

71 Metre en romanz…, op. cit., p. 48. Retour au texte

72 Op. cit., p. 320. Retour au texte

73 Voir A. Petit, « Carthage, ville exotique dans le Roman d’Eneas », Un exotisme littéraire médiéval ?, Catherine Gaullier-Bougassas (dir.), Bien dire et bien aprandre, 26, 2008, p. 208-09. Retour au texte

74 Voir Marc-René Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, Romanica Helvetica 114, Francke Verlag, Basel und Tübingen, 1996, p. 64. Retour au texte

75 La Description dans les récits d’Antiquité allemands, fin du xiie-début du xiiie siècle. Aux origines de l’Antiquité et du roman, Paris, Champion, 2004, p. 387-88. Retour au texte

76 Voir F. Mora-Lebrun, Metre en romanz…, op. cit., p. 346 sqq. Retour au texte

77 Voir à ce propos F. Mora-Lebrun, Mythe troyen…, op. cit., p. 23-51 et Metre en romanz…, p. 42 sqq. et 306-22, et Daniel Poirion, « Le mythe antique comme préhistoire », Résurgences, PUF « Écriture », 1986, p. 55-77. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Aimé Petit, « La volonté didactique dans les romans d’Antiquité », Bien Dire et Bien Aprandre, 29 | 2014, 31-50.

Référence électronique

Aimé Petit, « La volonté didactique dans les romans d’Antiquité », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 29 | 2014, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/820

Auteur

Aimé Petit

Université de Lille 3, ALITHILA

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