Exotismes de la parure et du dépouillement de la Chanson d’Antioche à la Chanson de Jérusalem

DOI : 10.54563/bdba.901

p. 39-54

Text

La Chanson d’Antioche, les Chétifs et la Chanson de Jérusalem1, qui constituent le noyau du premier Cycle de la croisade, ont été écrits et remaniés au cours du xiie siècle, soit à une époque très proche des faits qu’elles rapportent. Ces chansons de geste offrent le récit d’une expédition en terre lointaine – l’Orient – et de la confrontation des croisés avec des étrangers, les Sarrasins. Dès lors, il est légitime de s’attendre à ce que ces œuvres présentent un exotisme2 moins limité et moins conventionnel que celui des chansons de geste antérieures. La proximité avec le réel devrait en effet permettre à l’exotisme épique, généralement assez stéréotypé, de se renouveler. La figure de l’Autre nous intéressera plus précisément : la représentation de celui qui est exhibé dans sa différence, qui est l’objet d’un regard fait d’intérêt, de curiosité, d’envie, voire de fascination, mais aussi parfois d’inquiétude. L’Autre est un être observé, qu’on l’admire ou qu’on le craigne. L’apparence est donc un support à partir duquel le caractère exotique de l’Autre peut se déployer. Et nous voudrions mieux cerner ce qui fait la spécificité de l’exotisme des chansons de geste de la première Croisade par le biais d’une étude du vêtement ; luxueuse parure, riche armure ou… simple haillon. Les vêtements, qu’ils apparaissent somptueux ou que l’on note leur absence, semblent constituer un révélateur des particularités de l’exotisme dans ces œuvres. Il y a ceux des Sarrasins, bien sûr, dont l’exotisme oscille entre convention et originalité mesurée, un exotisme somme toute assez « ordinaire » pour reprendre la terminologie d’E. Baumgartner3, exotisme d’ailleurs souvent limité par le surgissement du merveilleux. Mais l’exotisme n’est pas seulement oriental, l’Autre n’est pas toujours le Sarrasin richement paré que l’on croit. Un exotisme particulier se fait jour parmi les chrétiens, parmi les Tafurs précisément, ces ribauds qui bien qu’en marge de la croisade y participent pleinement, ces hommes rustres qui se distinguent par leur nudité ou par leurs travestissements occasionnels. Il s’agit en somme de déceler les manifestations de l’exotisme et de la curiosité pour l’Autre, quel qu’il soit, de discerner les fonctions de ces vestures exotiques et d’identifier le cas échéant des significations dont certaines s’avèrent bien surprenantes.

Traitons tout d’abord cet exotisme « ordinaire » : E. Baumgartner le définit comme « tissé de motifs dont certains ont reçu une première formulation dans la Chanson de Roland, mais qui, ici [dans la Chanson d’Antioche], s’irisent parfois de nuances nouvelles au contact du réel »4. Il se manifeste dans la description des vêtements des Sarrasins, sous forme de parures ou d’armures dont la représentation répond à un topos, mais se révèle toutefois originale dans certains détails5.

En premier lieu, il y a bien une façon propre aux Sarrasins de s’habiller, une « guise paiene », dont par exemple Datien, le traître qui livrera Antioche, « est vestus et parés » (v. 5761 de la Chanson d’Antioche), tout comme il existe une « guise françoise » (v. 5549) dont son fils, pris en otage par les Francs, est « adobé ». Ailleurs il est écrit que Garsion se vêt « a loi de Sarrasin » (v. 4481). En examinant de plus près ce dernier exemple, nous pouvons apprécier les particularités du costume sarrasin :

A loi de Sarrasin a fait son cors vestir
Il ot mantel de paile, bliaut de drap de Tir,
Cauces de siglaton, capel blanc comme lis (vv. 4481-83)

Après avoir mentionné la spécificité de la mise sarrasine, l’auteur de la Chanson d’Antioche esquisse un rapide portrait vestimentaire dont les caractéristiques participent de l’exotisme du personnage : d’une part, la multiplicité des composantes de la tenue (manteau, tunique, chausses, coiffe) ; d’autre part, l’origine lointaine et prestigieuse du tissu de la tunique, Tyr. Le choix de cette ville tient sans doute en partie à la nécessité de l’assonance et à l’habitude de se référer à une cité connue pour sa pourpre6, mais il est certain qu’un exotisme géographique est très fréquemment utilisé pour soutenir celui des vêtements. En outre, la beauté de la coiffe est remarquable, sa blancheur est soulignée par la comparaison assez traditionnelle avec le lys ; enfin, la richesse des étoffes est un autre trait caractéristique du vêtement exotique oriental : le « siglaton » comme le « paile » renvoient à des tissus précieux, souvent en soie.

Ces caractéristiques sont également repérables sur l’armure d’un autre combattant, le fils du sultan :

Es vos par la bataille apoignant Brohadas,
Od .XXX. mile Turs del linage Judas.
Clavain ot a fin or qui fu fais a Damas,
Ses elmes fu forgiés desor l’eve d’Eufras.
L’escu ot fort et dur a un roi Jonatas,
Caperon ot et mances de .II. rices dras,
Li uns fu uns samis, l’autres costantinas.
(vv. 8802-08 de la Chanson d’Antioche)

Ici encore, nous retrouvons les composantes nombreuses de l’armure (le clavain, le heaume, le bouclier, le capuchon), l’origine exotique de certains de ces éléments (Damas, l’Eufrate), la valeur du clavain fait d’or fin, l’évocation de l’étoffe de soie et du drap de Constantinople dans lesquels ont été confectionnés les manches et le capuchon.

Comme elle est source de fascination, cette richesse des tissus et des armes turcs – souvent ornés d’or, d’argent, de pierres précieuses – est également mentionnée à l’occasion des dons ou des pillages. Ainsi des « bliaut », des « paile », des « vert siglaton », des « samit roé » (vv. 1054-55 : à savoir des tuniques, des draps tissés d’or ou en soie, des manteaux de soie, et des étoffes de soie ornées de rosaces), offerts par l’empereur de Constantinople aux croisés. Le manteau peut encore être un objet de haute valeur, pécuniaire et symbolique, et par conséquent entrer dans quelque négociation, notamment dans les Chétifs (l. 19), quand il est accordé à Richard de Chaumont par Corbaran, ce dernier souhaitant le remercier d’être devenu son champion dans le conflit qui l’oppose au sultan. Richard le donne à l’un de ses compagnons ; cette scène se répète plusieurs fois, montrant à chaque occasion la générosité du futur chrétien Corbaran et la solidarité des Chétifs entre eux. Toujours dans la même œuvre, sur la montagne de Sathanas le dragon, les Chétifs découvrent un trésor fait de

Rouge or et blanc argent et pailes de Rosie,
Et soie d’Aumarie et dras d’Esclavonie. (vv. 2956-57)

Dans la Chanson d’Antioche cette fois-ci, la richesse fascinante des armes turques séduit les croisés qui les pillent sur les cadavres ennemis déterrés :

Tele arme i ot trovee et de terre sacie
Ki valoie .M. bezans de l’or d’Esclavonie ;
Molt i ot trové or et pailes d’Almarie
Argent et siglatons et pailes de Rousie. (vv. 3314-17)

En l’occurrence, des tissus d’origine exotique (« Rousie » ou Ruiath en Syrie, « Almarie » ou Espagne, « Esclavonie » ou pays des Slaves), objets de convoitise, sont fréquemment associés à d’autres richesses (or, argent, besants…). Toutefois, comme pour désamorcer la dimension barbare et sacrilège de l’exhumation en en suggérant l’objectif charitable, il est précisé que « as povres le departent de la Deu compaingnie » (v. 3318).

L’opulence est caractéristique des vêtements sarrasins et constitutive de leur exotisme. Elle n’est qu’exceptionnelle sur les armures des Francs, et le qualificatif « rice », assez fréquent, en particulier lorsqu’il s’agit de l’armure de Godefroy de Bouillon (l. CLXI de la Chanson d’Antioche), possède plutôt le sens de « résistant ». Elle ne surprend guère le lecteur ou l’auditeur familier des chansons de geste qui se souvient, entre autres, du portrait de Baligant dans la Chanson de Roland, de l’or de son heaume ou de la courroie ornée de rosaces de son bouclier par exemple (l. CCXXIX). Cette opulence associée à d’autres qualités de l’armement ou des vêtements sarrasins est davantage suggérée dans nos chansons du premier Cycle de la croisade. La description du manteau de Corbaran l’illustre également :

Vestus fu d’un cier paile qui fu fais en Cartage,
A bestes et a flors, nes li oisel volage
Par furent entissu et li poisson marage.

(vv. 8397-99 de la Chanson d’Antioche)

Dans ces derniers vers, cette étoffe précieuse apparaît exotique par son origine lointaine et ses motifs figurant la Nature dans toute sa diversité, témoignage d’une connaissance complète du règne animal et végétal ; elle est le signe qu’un roi – mais pas n’importe lequel, il se convertira au christianisme – peut ou doit posséder la sagesse et le savoir. Un phénomène d’intertextualité s’observe puisqu’une représentation similaire se trouve sur le sceptre d’Érec dans Érec et Énide7 et sur la tunique de Camille, reine des Amazones, dans l’Énéas8. Mais ces deux œuvres sont à peu près contemporaines de celles du premier Cycle de la croisade (les remaniements de Graindor de Douai datent de 1177-1181, Érec et Énide de 1170 et l’Énéas de 1160). On peut alors constater l’émergence d’un topos transgénérique.

En somme, les descriptions de parures ou d’armures sarrasines fascinantes, connotant l’abondance, le dépaysement, la beauté et le luxe, attestent la présence dans nos textes d’un exotisme attendu, ordinaire, reposant sur des lieux communs. Toutefois, certains détails des armures exotiques semblent plus originaux tel le bouclier peint de Cornumaran dans les Chétifs :

A son col pent le targe qui’st painte a escequier,
Un molt rice escarboncle en le bocle a ormier :
Mahomés estoit pains sus el destre quartier. (vv. 4081-83)

Cette description extrêmement précise – le quadrillage, l’escarboucle, la représentation de Mahomet sur le quartier droit du bouclier – est plus qu’un simple ornement, elle souligne l’appartenance du fils de Corbadas à une civilisation raffinée, à une classe fortunée et au monde musulman.

Un autre détail original est peint sur l’écu de Corbaran, au vers 8761 de la Chanson d’Antioche : « en l’escu de son col ot paint un papelart ». La référence au perroquet suffit à donner une tonalité exotique à l’armure de ce Sarrasin. Ainsi la figure de Mahomet ou celle d’un perroquet sur des boucliers participent-elles assurément d’un exotisme plus original de l’armement des Sarrasins. De telles représentations sont investies de fonctions multiples.

La fonction première de ces exotismes – évidente dans des chansons de geste – est ornementale. En effet, les notations de couleurs, de lumières, de mouvements, contribuent à constituer les armures et les parures sarrasines en objets de spectacle. L’or du « clavain », la beauté du heaume « qui molt fu bien ovrés, / Li cercles en fu d’or, menus fu noielés » (vv. 4666-67), la longueur (une toise) de l’épée de Sansadoine frappaient certainement l’imagination des auditeurs (l. CXCV de la Chanson d’Antioche). Dans la Chanson de Jérusalem, le sultan apparaît à la laisse 181 dans une tunique vermeille ornée de pierres précieuses « qui tant reluisent cler la terre en resplendie » (v. 6284). Dans la Chanson d’Antioche, le pittoresque du spectacle des Sarrasins conduits par Corbaran allant assiéger Antioche, « armé d’auberc et d’elme et d’escu flanboiant » (v. 6670), et faisant tournoyer leurs lances, doit permettre de fixer l’idée d’une démonstration de force et d’habileté dans l’imaginaire des auditeurs :

La veïssiés maint Turc se lance palmoier,
Envers le ciel jeter et au fer rempuigner. (vv. 6680-81)

Bien souvent ces descriptions de parures ou d’armures païennes concourent à ériger de véritables spectacles vivants.

Le narrateur laisse même parfois entendre sa fascination, par l’emploi de l’adjectif « mervellos » qualifiant les épées de « vert acier » (v. 5249) que porte la terrible armée escortant la mère de Corbaran, ces hommes qui n’ont de blanc sur eux que l’œil et la dent. Il y a bien une volonté de représentation de l’Autre, une mise en scène travaillée par les couleurs, les lumières, les mouvements ; une esthétique du spectaculaire est attachée à l’exotisme.

Cependant, l’exotisme ne se restreint pas à une peinture purement ornementale de l’étranger. Certaines armes, par leur différence avec celles des croisés, permettent d’identifier immédiatement leurs propriétaires : les « arcs turcois » sont l’apanage des Sarrasins. Ils font référence, comme l’a remarqué C. Gaier, à ces « arcs orientaux plus petits, de portée plus importante que la lourde arbalète des Francs »9. L’armement, exotique ici, donne bien une information concernant la nationalité de ceux qui le portent.

L’armement des Sarrasins possède aussi une fonction symbolique. Autrement dit, à l’instar de nombreux vêtements, il est un révélateur de certaines significations. Ainsi, montrer avec force détails le luxe vestimentaire des Sarrasins revient à souligner leur puissance et, partant, à suggérer la valeur de ceux qui en triomphent. Dans les Chétifs, les hommes du sultan s’opposant à Corbaran :

Entrosqu’a .V. cens Turs, ne sanblent pas frarin,
Et sont vestu de paile et de gris et d’ermin. (vv. 675-676)

En face les Chétifs menés par Corbaran :

Ahi ! con sont vestu, ne sanblent pas mendis !
Mantels ont a lor cols de palie et de samis. (vv. 724-725)

Dans ces deux exemples, la relation d’implication entre la richesse des tissus et le courage, la puissance militaire des assaillants est remarquable, puisque ceux qui sont richement harnachés ne paraissent ni indigents (« mendis »), ni vils, ni lâches, ni faibles (« frarin »).

Conjointement, des termes à valeur axiologique attribuent une résonance morale à certaines armes : le « dart envenimé » (v. 8653 de la Chanson d’Antioche) traduit toute la perfidie du combattant sarrasin, en l’occurrence un turc « orgellous et felon » (v. 8652) qui attaque le preux Odon de Beauvais lors de la dernière bataille pour Antioche. Cette scélératesse est d’ailleurs évidente, Philippe Sénac a constaté que « gentem perfidam Sarracenorum : la nation perfide des Sarrasins […] est l’expression la plus couramment utilisée par les documents de la première moitié du viiie siècle »10. Finalement l’apparence exotique de certains personnages associés à l’altérité est évoquée dans une volonté de mise en scène spectaculaire et elle peut être appréhendée comme un marqueur de nationalité, comme le signe d’une puissance sociale et militaire, et comme un indice de la valeur morale des individus.

L’auteur ou le remanieur des chansons a peut-être cherché à orienter les représentations vestimentaires afin de mettre en valeur certaines significations, quitte à s’éloigner de tout réalisme. L’exotisme se trouve ainsi limité par le surgissement de la merveille. Selon J.-M. Moura, l’exotisme et le merveilleux sont deux catégories proches puisqu’elles se fondent toutes deux sur un intérêt porté à un monde autre, mais distinctes parce que ce monde est créé à partir d’une réalité – fût-elle réinterprétée et nourrie de préjugés – dans le cas de l’exotisme, et à partir d’un essor de l’imaginaire dans le cas du merveilleux11.

Un glissement de l’exotisme à la merveille est tout particulièrement sensible dans la Chanson de Jérusalem qui se plaît davantage aux longs développements que les deux autres chansons. Les croisés y sont couverts d’or et de tissus précieux ; et cette tendance à la surenchère entraîne un tel exotisme des parures sarrasines qu’on touche au merveilleux. Si la tunique du sultan, tissée d’une riche étoffe vermeille, apparaît exotique, sa fourrure relève quant à elle du merveilleux :

Ja nus hom qui le port n’ara mal en s’oïe
Ne n’ert envenimés por nule encanterie
Ne li cars desor lui navree ne plaïe :
.M. ans giroit en terre ains qu’ele fust porie. (vv. 6279-82)

De surcroît, ce sultan porte au col une pierre précieuse telle que « hom qui le jor le voie n’ara vue perie » (v. 6286). Il s’agit bien de souligner l’extraordinaire magnificence et l’étonnante puissance du Sarrasin. Le recours au merveilleux, mieux que l’exotisme, permet de rendre compte de ces significations. Il apparaît comme un prolongement de l’exotisme.

Dans d’autres cas, ce sont les comportements, voire les coutumes, attachés à certains vêtements qui sont exotiques et laissent percevoir un glissement vers la fiction. Si l’on en croit les chroniques de Guibert de Nogent et Albert d’Aix, lors de la cérémonie qui permet à Baudouin de Bouillon de prendre possession d’Édesse, le vieux seigneur de la ville « fit passer Baudouin tout nu entre sa chair et sa chemise, le serra contre lui et scella par un baiser l’engagement que tous les deux contractaient » ; sa femme fit de même12. Or, dans la Chanson d’Antioche, Baudouin de Bouillon se glisse dans la chemise de la femme qu’il va épouser, la fille du vieux seigneur d’Édesse. Ce dernier « la cemise se fille a au vallet vestie, / Por ce qu’ele mius a sen cuer en sa baillie » (vv. 2472-73). Baudouin revêt alors la chemise de sa future épouse et non celle de ses futurs parents ; devenant ainsi seigneur d’Édesse par un mariage et non en se faisant adopter. Le narrateur de la Chanson d’Antioche, en modifiant les faits, trouve peut-être un sens qui s’accorde avec son mode de pensée d’Occidental, assimilant la conquête d’une ville à celle d’une femme et appliquant le terme féodal de « baillie » à une coutume étrangère, comme pour mieux l’intégrer à son système de pensée et la rendre plus familière. Cet événement historique, source d’exotisme, est restitué, mais il est remanié ; et l’on peut alors saisir une « domestication de l’exotisme » dans une « vision orientaliste » selon les expressions d’E. W. Saïd13. L’exotisme de cet épisode ne vise donc pas à enseigner un savoir réel sur des coutumes étrangères mais engage la narration d’un épisode haut en couleurs, une digression propice à l’essor de l’imaginaire dans la mesure où il peut être compris, assimilé par le narrateur et l’auditeur occidentaux. Ce qui compte, ce n’est pas la vérité historique, ce n’est pas l’exactitude des faits, mais la dimension esthétique et la puissance de significations que peut posséder telle ou telle notation vestimentaire. Il s’agit moins de faire connaître que de donner à rêver et à penser. Dès lors, s’instaure une distance entre ce qui a été et ce qui est raconté, et en s’éloignant du réel, l’exotisme bascule parfois vers le merveilleux.

Ce cas se produit avec le tissu sur lequel Calabre – la mère de Corbaran – inscrit d’un côté les noms des dieux sarrasins, de l’autre ceux de Jésus-Christ et de saints, dans le quatrième appendice de la chanson des Chétifs (l. 2). Elle le lâche du haut d’une tour ; le « paile » se déchire en deux : le côté de Mahomet vole jusqu’à un tas de fumier ; l’autre virevolte sans toucher terre. Ce fait annonce la prochaine victoire de Richard de Chaumont, représentant des chrétiens, sur les deux musulmans délégués par le sultan. Le « paile » est l’objet d’un « miracle que Dex i demostra » (v. 26). L’exotisme de cet épisode semble bien s’effacer derrière un merveilleux chrétien qui permet de valoriser davantage l’interprétation morale de l’événement.

Il en est de même pour le « paile » jeté par Godefroy, ce tissu qui rend la vue au gardien du temple de Jérusalem, à la laisse 143 de la Chanson de Jérusalem. Et la haire du clerc, ce découvreur de la Sainte Lance, dans une péripétie relatée aux couplets 9 et 10 des douze couplets ajoutés à la fin de la Chanson d’Antioche, participe également du merveilleux. Afin de prouver que cette lance a effectivement servi à stigmatiser le Christ, le clerc revêt une « haire » et il traverse les pieds nus le feu dressé pour l’ordalie sans dommage : « se cars ne fu arse ne se haire blemie » (v. 168) ; c’est alors que les « François […] forment s’en esbaudirent » (v. 169) et déchirent dans une ferveur violente la chemise de crin devenue relique. Un tel degré de joie (avec l’emploi du verbe « s’esbaudir »14), un tel empressement à sacraliser la haire, manifesté avec connivence par le narrateur (ses exclamations en témoignent), attestent l’enthousiasme extrême des croisés pour cette chemise miraculeuse. L’objet connotant la misère, l’humilité, la pénitence, s’est chargé d’une symbolique plus originale, signe en définitive d’un au-delà protecteur15. Aussi cette scène extraordinaire pourrait-elle bien relever d’un nouvel exotisme qui, empreint de merveilleux chrétien, en subit une certaine restriction.

Tous ces épisodes montrent que l’accent est mis sur la valeur symbolique et morale des vêtements ou des événements qui s’y rapportent. Le glissement de l’exotisme vers le merveilleux, catégorie proche, se fait aisément : l’altérité des personnages est accusée au travers de caractéristiques fictives et ces vêtements repensés, plus malléables que les données réelles, constituent un terrain propice à l’élaboration de valeurs nouvelles. L’exotisme se trouve limité par le recours au merveilleux, plus apte – du fait de la liberté supérieure qui le caractérise en l’absence de contraintes référentielles – à s’associer à la révélation de certaines significations. Toutefois, les significations de certains autres vêtements, ceux des Tafurs, s’avèrent moins aisées à déchiffrer.

Les Tafurs constituent une compagnie à part au sein de la communauté franque : ces personnages relèvent d’un exotisme qu’E. Baumgartner considère « à rebours »16. C’est un exotisme éloigné de tout merveilleux, aux significations indécises, qui surgit là où on ne l’attend pas : sur une terre lointaine certes, mais chez des Occidentaux, des chrétiens, des croisés. La singularité de ces individus se manifeste dès leur apparence : ils vont quasi nus et, de temps en temps, se travestissent.

Les Tafurs ne sont pas les seuls à connaître le dénuement : il est vrai que les Chétifs, après s’être battus à Civetot « as coutels et a haces » (v. 501 de la Chanson d’Antioche), sont « des armes desnué » par leurs adversaires (v. 724). Dans les Chétifs, ils apparaîtront sans « braie ne cemise », ni « sollers ne cauces » (vv. 387 et 389). Mais la nudité des Tafurs paraît davantage exhibée et exploitée : pas de lance ni d’épée, pas de heaume ni de haubert ; mais des pierres et des massues, des couteaux et des haches pour se battre (l. CCCLIII de la Chanson d’Antioche). Un Sarrasin constate avec horreur qu’ils sont « tous nus » (v. 2994), sans arme comme les autres croisés ; et cette quasi-nudité est relevée de nouveau à la laisse CCCXXVI, et confirmée dans le cinquième couplet :

Si ont les costés nus et les pances pelees,
Et les mustels rostis et les plantes crevees ; (vv. 98-99)

Les participes passés insistent sur l’ampleur des souffrances endurées. Ici, ce n’est pas dans l’abondance et le luxe oriental que le vêtement acquiert une dimension exotique, mais dans l’excès inverse : dans une quasi-nudité, traduisant avant tout une grande misère. Dans la Chanson de Jérusalem, cette idée est reprise et développée : la juxtaposition de détails piquants et variés dresse un véritable tableau vivant des Tafurs déguenillés. L’absence de vêtements chez les ribauds est signifiée par l’accumulation de négations :

Onques n’en i ot .I. de si rice façon
Qui ot cote vestie, mantel ne peliçon,
Ne n’ont sollier en pié, cauce ne caperon,
Ne cemise en lor dos ne cauce ne cauçon ; (vv. 1814-17)

Puis, en conclusion, par une dislocation clairement emphatique, le narrateur souligne que ces personnages se contentent de haillons, de morceaux de tissus :

Mais cinces et drapels, ço sont lor auqueton ! (v. 1818)

Quant à leur roi, il s’est paré d’un « sac descousu » (v. 1831) et d’« un capel […] de foilles u il ot maint boton » (v. 1836) ! Ce manteau délabré et cette couronne végétale semblent la parodie d’un costume royal ; ce sont les attributs d’un souverain décalé, en marge de la norme.

Et ces créatures du manque fascinent : sur le plan de la narration, la récurrence et la longueur de certaines descriptions en témoignent ; sur le plan de la fiction, ce sont les réactions des Turcs qui traduisent l’inquiétude suscitée par les ribauds. Effectivement, ce ne sont plus les Sarrasins qui représentent l’étrangeté absolue, comme dans la Chanson de Roland et d’autres chansons de geste, mais les Tafurs. Il y a bien un renversement : c’est le regard des païens et leurs réflexions effrayées qui signalent l’exotisme « à rebours » des Tafurs. Ainsi Corbaran commente-t-il :

Molt les voi ore lais, nus et atapinés,
Bien resanblent diables fors d’infer escapés
(vv. 8281-82 de la Chanson d’Antioche)

Leur nudité, associée à leur laideur et à leur réputation de cannibales, provoque l’effroi du roi d’Oliferne (« esfreés » vers 8288). Les Tafurs incarnent la terreur de l’Autre et sont fréquemment assimilés à des êtres diaboliques. Partant, Marbrin confie à Cornumaran dans la Chanson de Jérusalem :

Jo quit ço sont deable u luiton u serpent. (v. 6422)

Appréhendés comme des êtres échappant à l’humanité, ils sont perçus comme des animaux, ou plus généralement comme des créatures infernales17 ; assimilations – d’ailleurs habituellement réservées aux Sarrasins – qui accentuent leur altérité et confortent leur caractère exotique. La nudité les éloigne d’une intégration à la civilisation, elle les rapproche de la nature sauvage ; c’est une nudité animale et l’on sait que la bestialité est liée au péché dans la pensée médiévale18.

En outre, cette sauvagerie est présentée comme menaçante. Contrairement aux Chétifs, nus, velus et apparentés à des herbivores inoffensifs (« Et pelu come bestes qui par bos vont paissant », v. 437 des Chétifs), les Tafurs revendiquent19 une nudité qui est le signe d’un péril certain pour leurs ennemis, comme le laisse entendre un Sarrasin témoin d’une scène dans laquelle les ribauds vocifèrent qu’ils vont dévorer les païens :

« Apolin ! cil caitif dont vienent ? U iront ?
Ja les voi jou tous nus, ne armes nules n’ont,
Molt ont grant hardement quant pres viegnent del pont,
Jou quic ce sont dïable qui le cité prendront. »
(vv. 2993-96 de la Chanson d’Antioche)

Cannibalisme annoncé, hurlements désordonnés, audace de s’approcher de leurs ennemis, tous ces éléments poussent le personnage à s’interroger sur l’origine et les objectifs de cette troupe hors du commun, et à conclure par un futur prophétique sur la certitude de la prochaine victoire de ces êtres diaboliques. Une ultime réplique, celle d’un Sarrasin voyant les Tafurs secouer leurs massues et montrer les dents permet à cette pensée de s’accréditer : « Qui cist atainderont livrés ert a torment ! » (v. 6421 de la Chanson de Jérusalem). L’apparence exotique exprime alors la puissance, voire la domination qu’exercent certains individus sur d’autres. Exposer la sauvagerie des Tafurs, c’est bien insister sur leur dangerosité.

De la sorte, étant associée à une sauvagerie bestiale, diabolique et dangereuse, la nudité originelle des Tafurs marque certes une scission avec le groupe des croisés, une rupture avec leur société ordonnée, mais pas une régression à un état primitif20. Elle fonctionne véritablement comme un révélateur (elle exprime l’appartenance à une compagnie marginale et menaçante) et de surcroît comme la manifestation d’une certaine liberté : liberté de ne pas suivre les codes des chevaliers, liberté de transgresser certains tabous. Un premier palier de transgression est constitué par la nudité, et tout autant par le travestissement – d’ailleurs souvent assimilés, souvenons-nous de Corbaran qui constate que les Tafurs sont « nus et atapinés » au vers 8281 de la Chanson d’Antioche.

Les Tafurs sont amenés à se travestir dans la Chanson de Jérusalem. Sous les yeux des messagers sarrasins qu’il s’agit d’impressionner, ils défilent jusqu’à dix fois, pour leur faire croire qu’ils forment une armée innombrable, « et a cascune fois müent lor vestement » (v. 6392). Ce procédé efficace est de nouveau employé à la laisse 204 :

[…] li ribalt qui molt ont fier sanblant,
Par devant le message vont trestot trespassant,
[…] Par .I. huis issent fors, la revienent avant,
Autres dras ont vestus qui sont desconiscant.
Bien ont .X. fois passé trestot en .I. tenant.
Après se vont ribalt des bliaus despoillant,
Vestent sacels et cinces qui tot vont descirant,
Portent grandes maçües, bien resanblent tirant.
(vv. 7292-7300)

Ils provoquent une « grant paor » (v. 7312) de leurs ennemis qui en tremblent comme s’ils avaient de la fièvre (v. 7314). Cette réaction rend compte de l’aspect menaçant des Tafurs mais traduit aussi l’étrangeté, l’exotisme de la scène. Celle-ci dépasse le motif du déguisement, habituel dans la chanson de geste. Précisément, Jean-Pierre Martin considère comme un motif narratif modalisateur le « déguisement en pèlerin, par changement d’apparence ou de nom qui permet au héros – ou au traître – de s’introduire dans un milieu qui lui est hostile pour accomplir sa mission ou réaliser ses projets »21. Ce motif se présente dans la Chanson d’Antioche quand un Sarrasin se déguise en pèlerin (l. LI) ou, de manière un peu décalée, quand Pierre l’Ermite vêtu à la manière sarrasine parvient à échapper au massacre de Civetot (l. XXIX). Cependant dans la Chanson de Jérusalem, la multiplication des déguisements devant un public contribue à élaborer une scène fascinante, un véritable spectacle qui ne se restreint pas à une simple ruse guerrière.

Le travestissement est considéré communément au Moyen Âge comme la marque d’un désordre, d’un dérèglement des valeurs tout à fait condamnable22. C’est en effet l’œuvre du diable qui joue des apparences pour mieux séduire et abuser les hommes. Toutefois, les transformations vestimentaires des Tafurs sont très faiblement réprouvées par le narrateur qui se contente d’employer le seul terme de « voisdie », certes qualifié de « grans » – une grande tromperie, une grande félonie en somme (v. 6393 de la Chanson de Jérusalem ). Mais ce terme de « voisdie » est également employé au v. 3441 de la même chanson afin de désigner l’action banale de lier ensemble deux échelles pour monter à l’assaut du mur de Jérusalem, sans aucune connotation péjorative. Et ces travestissements sont décidés par une figure d’autorité – Godefroy de Bouillon –, d’ailleurs appelé dans cette circonstance « hom de grant escïent » (v. 6387), comme s’il s’agissait de valider l’entreprise par l’entremise d’un héros irréprochable. Enfin, la scène est complaisamment déployée dans le temps du récit comme dans le temps de l’histoire. Les nombreux vers consacrés à ces travestissements et à leurs conséquences (59 puis 33 vers dans la Chanson de Jérusalem) trahissent le plaisir évident du narrateur à réaliser le récit de ces conduites blâmables. Et nous avons déjà observé que le travestissement est multiplié par dix et que la scène est répétée.

Assurément, le déguisement est temporaire, il ne remet pas durablement en cause l’ordre social en place. Toutefois, il offre une échappée libératrice et une triple jubilation dont témoignent les éléments que nous venons d’énumérer. Jubilation d’abord par la valorisation momentanée des Tafurs déguisés en chevaliers :

Quant ribalt sont vestu molt ont beles façons.
Fierement se contienent, regars ont de lions. (vv. 6381-82)

Le travestissement permet de refuser ses limites, de transgresser l’ordre social et de se croire pour un temps d’une autre condition. Ensuite, il y a le plaisir de voir réussir une ruse guerrière. Enfin, on ne peut nier la jubilation suscitée par la peur de l’ennemi, celle-ci est particulièrement exhibée dans le discours de Marbrin et Cornumaran. Le déguisement acquiert alors une dimension comique évidente.

La fascination et l’inquiétude, sinon l’effroi provoqués par cette scène de travestissement, disent assez son exotisme. Et cet exotisme « à rebours » assume une véritable fonction de divertissement, détournant l’attention de l’auditeur des combats sanglants ou des graves pourparlers pour favoriser des rebondissements assez rocambolesques. On ne peut s’empêcher de penser qu’à cette fonction de divertissement s’adjoint une autre visée. L’exotisme peut aussi être le point de départ d’une remise en question grâce à une interrogation sur la nature de cet Autre, le Tafur : un être effrayant, menaçant, aux limites de la sauvagerie, aux comportements répréhensibles, certainement ; et pourtant un chrétien parmi les autres croisés, et même un être aux mœurs fascinantes, manifestant au grand jour des penchants terribles, transgressant les interdits et les tabous pour en jouir… C’est peut-être une façon pour le chrétien occidental d’exorciser ses mauvaises inclinations. C’est aussi une invitation à voir l’Autre parmi les siens, à reconsidérer la part d’ombre irréductible qui tente chaque homme, fût-il chrétien, quel que soit le voyage de pénitence, quelle que soit la croisade qu’il entreprenne.

Les vêtements exotiques échappent au quotidien et à l’ordinaire par définition. Ceux que nous avons mentionnés sont presque toujours marqués par l’excès : l’abondance et la splendeur d’une part, l’absence d’autre part. Et c’est autour de ces deux pôles – le luxe et la nudité – que se développent diverses réactions, allant de la fascination à l’inquiétude. Deux types d’exotisme donc, celui ordinairement réservé aux descriptions en partie stéréotypées de vêtements sarrasins luxueux ; et cet exotisme « à rebours », que l’on rencontre précisément chez les Tafurs dévêtus ou travestis. Ces évocations de vêtements exotiques ne s’appuient sur des réalités historiques sans doute que de manière lointaine et aléatoire : le registre de la merveille clôt souvent l’élan exotique pour mieux éclairer les significations des vêtements. Ceux-ci possèdent à l’évidence une dimension spectaculaire, pour frapper l’esprit des auditeurs et les divertir mais peut-être aussi pour mieux les amener à comprendre leurs significations. Souvent marqueurs de nationalité, de puissance sociale et militaire, et de valeur morale, les vêtements peuvent parfois se révéler plus ambigus : dépouillement et déguisements multiples apparaissent comme des transgressions séduisantes. Ils signalent dans nos chansons l’altérité d’hommes pourtant occidentaux et chrétiens, ces Tafurs qui incarnent non seulement la crainte engendrée par la sauvagerie et le désordre, mais encore le désir d’échapper aux interdits, voire de se libérer des contraintes et des tabous.

Notes

1 La Chanson d’Antioche, éd. S. Duparc-Quioc, Paul Geuthner, Paris, 1977 ; les Chétifs, éd. G. M. Myers, The University of Alabama Press, Alabama, 1981, et la Chanson de Jérusalem, éd. N. R. Thorp, The University of Alabama Press, Alabama, 1992. Return to text

2 Sur le mot « exotisme », voir V. Maigne, « Exotisme : évolution en diachronie du mot et de son champ sémantique », Exotisme et création, Lyon, 1985, pp. 9-16. Return to text

3 E. Baumgartner, « L’exotisme à rebours de la Chanson d’Antioche », L’Exotisme dans la poésie épique française, In memoriam Klara Csürös, L’Harmattan, Paris 2003, pp. 13-28, voir p. 18. Return to text

4 E. Baumgartner, art. cit., p. 18. Return to text

5 À propos de la représentation des Sarrasins dans les chansons de geste, voir P. Bancourt, Les Musulmans dans les chansons de geste du Cycle du roi, Publications de l’Université de Provence, Aix-en-Provence, 1982, 2 vol., et J. Tolan, Les Sarrasins, Paris, Champs Flammarion, 2003, pp. 176-180. Return to text

6 Dans les Métamorphoses Ovide fait plusieurs références à la pourpre de Tyr. Return to text

7 Vv. 6868-73, éd. J. M. Fritz, Paris, Le Livre de Poche, 1992. Return to text

8 Vv. 4106-07 du Roman d’Énéas, éd. A. Petit, Paris, Le Livre de Poche, 1997. Ces références ont été mentionnées par A. Planche (« Les robes du rêve. Robe de roi, robe de fée, robe de fleurs, robe du ciel », Le Vêtement. Histoire, archéologie, symbolique vestimentaire au Moyen Âge, Paris, Cahiers du Léopard d’or I, 1989, pp. 73-91). Return to text

9 C. Gaier, Armes et combats dans l’univers médiéval, De Boeck-Wesmael, Bruxelles, 1995, p. 31. Return to text

10 Ph. Sénac, L’Image de l’autre, l’Occident médiéval face à l’Islam, Flammarion, Paris, 1983, p. 24. Return to text

11 Voir J.-M. Moura, Lire l’exotisme, Dunod, Paris, 1992, p. 42 : « Il suffit de définir le merveilleux, à la suite de D. Poirion, comme “la manifestation d’un écart culturel entre les valeurs de référence, servant à établir la communication entre l’auteur et son public, et les qualités d’un monde autre” pour comprendre que merveilleux et exotisme sont souvent liés. On les distinguera à partir de la catégorie d’altérité, qui recouvre diverses significations ».  Return to text

12 Voir L. A. Sumberg, La Chanson d’Antioche, Picard, Paris, 1968, p. 223. Return to text

13 E. W. Saïd, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980, p. 77. Return to text

14 À propos de « s’esbaudir », voir N. Andrieux-Reix, « ‘La veïssiez fier estor esbaudir’. Essai d’interprétation du lexème ‘baud dans Aliscans », L’Information grammaticale, 60, 1994, pp. 3-8. Return to text

15 Sur les significations de la chemise dans la littérature médiévale, voir R. Wolf-Bonvin, « Un vêtement sans l’être : la chemise », Le Nu et le vêtu au Moyen Âge, Senefiance 47, Aix-en-Provence, 2001, pp. 383-394. Return to text

16 E. Baumgartner, art. cit., p. 25. Return to text

17 Le terme de « diable » revient également qualifier les Tafurs au v. 2996 de la Chanson d’Antioche, et aux vv. 6420 et 6928 de la Chanson de Jérusalem. Return to text

18 Voir M.-C. Pouchelle, « Représentations du corps dans la Légende dorée », Ethnologie française, VI, 1976, pp. 293-308 ; « Des peaux de bêtes et des fourrures. Histoire médiévale d’une fascination », Le Temps de la Réflexion II, 1981, pp. 403-438. Return to text

19 Un Tafur acquérant des vêtements, une armure de chevalier, ne pouvait plus prétendre à demeurer avec les ribauds selon Guibert de Nogent, Historia quae dicitur Gesta dei per Francos, livre VII, chapitre XXIII, Recueil des historiens des croisades, histoire occidentale. Return to text

20 Voir D. Régnier-Bohler, « Le corps mis à nu. Perception et valeur symbolique de la nudité dans les récits du Moyen Âge », Europe, 1983, pp. 51-62 :  « Le nu masculin se posera toujours en terme d’exil par rapport au monde des lois, de l’autorité et de l’ordre : il signifie destruction d’un ordre antérieur, parfois même rapport d’opposition à un état antérieur fait d’ordre, à proprement parler une an-archie ; les marques en seront l’abandon du vêtement, la destruction de l’apparence, parfois réduite, souvent augmentée de poils, et surtout l’abolition des lois du comportement, désordre gestuel et destruction de la cohérence du psychisme. Par conséquent l’ordre qui fondait la cohésion sociale et le code des convenances annihilés, la nudité masculine marquera brutalement la régression à un état primitif, elle est le signifiant d’une rupture » (p. 53). Voir aussi, à propos de la nudité comme un topos accompagnant l’image du fou, E. Burle, « Nudité, dépouillement, création : une figure de fous (Yvain, Majnûn Laylâ, Le Fou d’Elsa) », Le nu et le vêtu au Moyen Âge, op. cit., pp. 59-73, et sur le vêtement en général, F. Piponnier et P. Mane, Se Vêtir au Moyen Âge, Adam Biro, Paris, 1995. Return to text

21 J.-P. Martin, Les Motifs dans la chanson de geste. Définition et utilisation (Discours de l’épopée médiévale, I), Villeneuve d’Ascq, Université de Lille III, 1992, p. 349. Return to text

22 Voir E. Bozoky, « Le masque de l’ennemi et les faux chemins du Graal », Masques et déguisements dans la littérature médiévale, Paris, Vrin, 1988. Return to text

References

Bibliographical reference

Magali Janet, « Exotismes de la parure et du dépouillement de la Chanson d’Antioche à la Chanson de Jérusalem », Bien Dire et Bien Aprandre, 26 | 2008, 39-54.

Electronic reference

Magali Janet, « Exotismes de la parure et du dépouillement de la Chanson d’Antioche à la Chanson de Jérusalem », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 26 | 2008, Online since 01 mars 2022, connection on 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/901

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Magali Janet

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