L’Estoire del Saint Graal1 comporte, entre autres îlôts narratifs, deux longs récits enchâssés procédant d’un retour en arrière, et que l’auteur, en effet, inscrit dans son texte pour mémoire, au nom de la vérité2. Tous deux relèvent des lois de la géographie humaine, au moment où la découverte du site engage la description, puis surtout de la biographie, qui rend compte d’un habitat déserté, déchu, pour ainsi dire condamné. Le premier, concernant Rome, enseigne une prouesse de Pompée en Méditerranée occidentale ; l’autre résume et apprécie, pour la postérité, l’étonnante carrière d’Hippocrate.
Il y a dans l’Estoire d’autres récits insérés, biographiques et rétrospectifs à la fois, par exemple celui de l’éducation chrétienne de la reine Sarracinte3, ou celui de l’origine d’Evalach, inspiré par le Saint Esprit à Josephé qui évente le secret du roi sarrasin4 : à la différence de ces deux récits, les histoires de Pompée et d’Hippocrate sont exogènes et formellement refermées sur un passé en apparence indépendant de la dynamique du roman. Aussi est-ce en rapport avec un autre long et dense récit intercalé, celui de la construction par Salomon de la nef 5, que ces deux passages sur Rome et la Grèce devraient finalement être lus : ici, néanmoins, le passé biographique, aussi apocryphe que dans les autres récits méditerranéens, est biblique et n’a rien d’exogène : la nef de Salomon indique le sens de la navigation dans l’espace et dans le temps ; elle définit, par delà l’Estoire, un lien, au travers des vicissitudes de l’histoire, entre l’Ancien Testament et le Nouveau, de même qu’elle accomplit vraiment les aventures du Graal, puisque, dans la Queste, c’est à bord de cette nef, grandiose écrin du Graal, que Galaad fils de Lancelot finit par retourner à Sarras6. Le présent sujet invite à réduire l’étude de l’Antiquité aux civilisations grecque et romaine, à l’heure où s’implante le christianisme à Sarras.
Pompée, Hippocrate : l’auteur enregistre en effet, dans ces digressions, ce que l’histoire officielle, à ce qu’il prétend ou suppose, a voulu taire : autrement dit, ce qu’il nous apprend, sous le sceau de la vérité, vise à rectifier notre appréciation de ces deux modèles antiques. Il en use d’ailleurs lestement de l’historicité, mais la pratique de l’anachronisme est peut-être délibérée. Finalement importe, on l’avait deviné, la manière dont ces deux témoignages sur Rome et la Grèce se situent par rapport au nouvel orient du christianisme.
Les marques de l’enchâssement
Le récit de la prouesse de Pompée7, dans le manuscrit A8, tient environ neuf colonnes9, soit presque cinq pages (il s’agit d’un manuscrit à deux colonnes), et s’étend sur trois feuillets. Son insertion suspend la durée pendant laquelle Mordrain, fraîchement déposé en un pays sauvage après un transfert miraculeux, découvre d’un regard circulaire le site de Port Peril. La marque d’ouverture est assurée par la phrase suivante :
Et si i eut jadis une maison fremee par mout grant orguel10, et si l’i frema uns lerres de mer qui estoit apielés Foucaires11.
La marque de fermeture est on ne peut plus explicite :
Atant se taist ore li contes de Pompee et si retorne au roi qui est en la roche mout esbahis et mout trespensés de che qu’il ne savoit ou il estoit ne en quel maniere il i estoit venus12.
Ainsi le propos, sitôt qu’il en revient à Mordrain, résume les sentiments du roi lorsqu’il découvre le site. Autrement dit, la durée de son aventure a été suspendue par ce récit historique à statut pleinement digressif, entièrement pris en charge par le conte, et développé en tiroir par le narrateur.
L’histoire d’Hippocrate est de deux à trois fois plus longue que la précédente13 ; au manuscrit R 14, elle tient vingt-trois colonnes, soit (à raison de trois colonnes par page) quatre feuillets15 , huit pages. Ici aussi, l’insertion provoque une rupture, ou tout au moins suscite une transition qui, annonçant les points du récit rétrospectif, introduit une autre temporalité :
Mais or laisse li contes ci endroit a parler d’els por conter la verité de cele meson que Ypocras fist fere por son manoir : et comment ele fu estoree et atornee si richement et par qel maniere, et qui cil fu qui l’estora, et coment cele meson, qui jadis ot esté si riche et si bele, fu einsint dechaoite16.
La verité de cele meson : l’aménagement humain du paysage amène la leçon d’histoire. La reconnaissance du site est progressive : les naufragés ne visitent les vestiges que vingt-quatre heures après avoir été jetés sur l’île, au lendemain d’une nuit qu’ils ont passée à l’abri d’un vieux mur17. Ils font l’expérience du faste ruiné. Mais c’est une inscription qui les met sur la piste d’Hippocrate : une trace écrite du passé, laissée pour mémoire, et adressée à la postérité. Hippocrate n’est pas un inconnu pour les quatre malheureux, qui entendent la langue grecque ; ils constatent la déchéance du site18. Le conte va expliquer, par l’homme et par sa carrière, le destin de cette maison, son délabrement et l’abandon de l’île à la nature sauvage.
L’irruption de l’histoire est ici mieux apprivoisée que dans l’épisode de Foucaire ; elle est préparée par le regard des naufragés, qui figure notre propre curiosité devant de prestigieux décombres. Ainsi, du premier au second des récits exogènes, il y a gradation. Le perfectionnement des moyens techniques s’ajuste au raffinement architectural. La visée de l’auteur obéit en quelque manière à la discipline archéologique : à partir des choses mortes, concrètes, un pan du passé se remet à vivre, épanoui dans l’écrit. La narration biographique est explication : il faut conter une vie pour se rendre compte. Cependant, le récit se clôt sur une formule aussi nette que celle de son ouverture :
Par tel maniere come je vos ai devisee fu la meson establie premierement si riche et si bele come je vos ai conté et aprés fu desertee si malement. Si s’en test ore atant li contes, quar assez longuement en a parlé et retorne en une autre voie19.
Après la digression, le roman reprend sa progression : le lecteur retrouve les trois personnages où le conte les avait laissés, devant l’inscription qu’ils commentent ensemble, en condamnant d’abord la ruse féminine, puis en appréciant le préjudice subi par un lieu si splendide autrefois20.
Pompée en Méditerranée occidentale, Hippocrate en son île
Port Peril, ce promontoire rocheux que le bandit Foucaire a choisi pour citadelle, désigne d’abord un site. En lui-même, le terme de port suggère plus que l’ancrage en terre ferme, ou du moins s’entend comme la fin du danger maritime : port signifie toujours plus ou moins, pour le voyageur, port de salut . L’oxymore Port Peril21 est déterminé par la morphologie du lieu. C’est ce qu’explique l’auteur, en rapportant le toponyme usité parmi les indigènes :
Et pour chou ke la roche siet en si sauvage lieu et en si perilleus, pour che est apielee des païsans la roche del Port Peril22.
Le nom, par conséquent, signifie d’abord une sorte de trahison de la terre ferme, hostile, et s’explique naturellement par une bizarrerie de la Création (un peu, toutes proportions gardées, comme cette île Tournoyante où est déposé Nascien) : ce n’est que plus tard que la dame tentatrice, diabolique et en tant que telle encline à charger la nature humaine, en rend compte à Mordrain par les méfaits du banditisme23.
L’histoire du misérable Foucaire accomplit ou annonce, au fond, l’archétype du bandit non de grand chemin ni de haute mer, mais de détroit périlleux24. Nanti d’une flotte de plusieurs galies toujours prêtes, il se terre dans une caverne creusée de main d’homme à flanc de rocher25. On peut discerner en lui des traces mythiques : c’est au feu, focus, que renvoie son nom, ce feu qu’il emploie si bien comme un leurre ; il est une créature de la nuit, dont le gîte est souterrain ; sa stature évoque le géant26 : dans l’imaginaire inconscient, l’ogre interdisant le passage et tuant n’est pas si loin. Dès lors on comprend, face à ce génie du mal, la parole emportée de Pompée, qui se propose proprement d’en débarrasser le territoire27. On mesure aussi l’importance de l’imagination élémentaire dans le dessein du même Pompée, qui amène le bandit à se battre de jour et, enfumant sa caverne comme on ferait du terrier d’un nuisible, l’assiège avec sa bande en quelque sorte par le feu28.
Dans ce roman qui s’adonne à la fresque de bataille épique29, à l’évocation du combat naval30, ce type de récit, assaut de navire et de camp retranché, puis lutte au corps à corps, pouvait prêter à nouveauté. Cependant l’effet produit par le remploi des motifs descriptifs oscille entre pastiche et parodie ; le détail, intervenant inattendu, surprend par effet de placage31. Si le compte est irréprochablement tenu des victimes de part et d’autre32, l’expression chil dedens et chil dehors désignant assiégés et assiégeants s’applique à l’abordage sur mer aussi bien qu’à l’assaut du rocher ou de la caverne et concerne alternativement les deux camps33. Il ne faut pas s’y perdre : telle est la rançon du cliché.
Surtout, l’appréciation de la prouesse laisse perplexe, alors que l’exploit de Pompée est l’enjeu du récit. Certes le chef donne l’exemple et paie de sa personne en risquant sa vie. Mais que désigne dans son cas l’estoutie : avoir pénétré seul dans la caverne où restent plusieurs bandits, ou transpercer un mort devant ses compagnons morts et jeter des cadavres au pied du rocher? La phrase présente à cet égard un savoureux exercice de style, avec entre autres la progression de hardemens à estoutie et la nature et la place du commentaire personnel :
Et lors fist il un grant hardement, car il se mist dedens la cave et feri le premier des larrons de l’espié parmi le cors. Et quant il l’ot feru, si vit ke li autre ne disoient mot ne ne se mouvoient. Si se merveilla trop ke che pooit estre. Lors se traist avant, ke il vit bien et aperchut que il estoient tout mort. Et il les prenoit, si les jetoit tous hors un a un, voians ses chevaliers, qui a mout grant folie le tenoient. Et il n’avoient mie tort, car che fu li plus grans hardemens et la graindre estoutie ke il onques eüst faite, si en avoit fait assés de grans34.
Il reste par conséquent un doute non sur la valeur militaire de Pompée, mais sur la forme et l’application de sa bravoure : est en cause, finalement, la représentation littéraire de la prouesse.
L’histoire d’Hippocrate est un fabliau qui finit mal, ou plus exactement qui rebondit en tragédie narrative. La dynamique assurant l’unité de l’ensemble repose apparemment sur le postulat convenu de la ruse féminine. En sa première partie, qui s’apparente à certaine mésaventure légendaire de Virgile, une dame de Gaule, en somme déportée à Rome où l’empereur lui ménage un train de vie princier, démasque l’imposture du médecin.
Au passage on observe que Rome, fût-elle impérialement représentée par Auguste35, se laisse prendre aux apparences puisqu’elle promeut pratiquement au rang d’un dieu cet Hippocrate estimé thaumaturge36, avec la complicité muette et le silence ambitieux de l’intéressé. D’autre part, et sans doute à son insu, la dame de Gaule, dans une boutade rapportée au style indirect et raillant le médecin, pressent bel et bien l’avènement du Christ. C’est le lieu de se souvenir qu’un autre personnage accéderait quelques années plus tard à la chevalerie romaine alors que sa seule beauté suffisait à le créditer d’une haute naissance : il s’agit d’un Gaulois, fils d’un savetier de Meaux qui, aventurier de haut vol au Moyen-Orient, deviendrait Evalach37. Or, vieux roi de Sarras, c’est lui qui cautionnerait l’implantation du christianisme récent. Si l’on en croit l’Estoire, il y a donc dans la nation gauloise une certaine appétence à la droiture spirituelle.
De quoi la dame de Gaule punit-elle, au juste, Hippocrate? Avant tout de la qualité de sage et de divin médecin que Rome unanime lui prête, ainsi qu’en fait foi l’emphatique inscription commentant la somptueuse effigie voulue par l’empereur38 : la science la plus aiguë, puisqu’elle serait capable de ressusciter les morts, la plus haute sagesse ne sauraient modérer les emportements du cœur. Il faut voir comment le meilleur médecin du monde manque mourir, irrémédiablement, de la maladie d’amour, tant il est prompt, et tendre, au coup de foudre39. On soupçonne sous l’euphémisme plus ou moins courtois le personnage concupiscent, et c’est en partie pour cela, sans doute, que, dans la seconde partie, sa jeune épouse d’une douzaine d’années le hait jusqu’à mûrir un meurtre. Entre le désir du corps féminin et le dévouement à la science, existerait une incompatibilité qui peut être fatale. Hippocrate, au surplus, ne s’éprend qu’en haut lieu. L’ambition amoureuse est fortifiée chez lui par l’orgueil intellectuel. Cet orgueil est sensible dans sa résolution de se mesurer au Christ : l’auteur prend soin de distinguer alors, jusqu’à l’hyperbole, entre science et clergie40. Cet orgueil lui permet aussi de parvenir en changeant d’état, puisqu’il finit par vivre en roi dans l’indépendance insulaire41 : aussi, lui mort, c’est un roi justement, dont la haine envers le défunt n’est même pas justifiée, qui, exterminant sa famille et dévastant son territoire, abolit une souveraineté42.
Pour résumer, à titre de moralité provisoire : voilà jusqu’où peut conduire une science intéressée, sans conscience chrétienne. Hippocrate était au moins coupable de recel d’imposture.
Les raisons du conte
L’auteur précise que l’épisode qu’il enregistre n’a pas été consigné dans la Vie écrite à la gloire du personnage43 – scripta manent –, ou suggère avec une feinte naïveté qu’il le rapporte en marge de l’histoire officielle, afin de la compléter, voire de l’éclairer44. Sous la ruse d’auteur, vantant la primeur d’une révélation pour capter la bienveillance d’un éventuel auditoire, est d’emblée posé le problème de la mémoire sélective, utile précaution prise en vue de la postérité.
Sur la prouesse de Pompée, l’histoire autorisée s’est tue, comme sur un exploit de Vespasien rapporté plus haut dans le roman (mais postérieur selon la chronologie réelle)45 : les estoires des empereours ou la chronique sous contrôle ont expurgé une biographie, pour un motif qu’enseigne l’auteur de l’Estoire. Entre la conversion de Vespasien guéri par miracle et la destruction de Jérusalem à laquelle il se prête, insupportable, inavouable est la contradiction. Dans la légende de Pompée, l’explication subit un dédoublement, croissant en gravité. Ne trouvant pas glorieux d’avoir lutté corps à corps avec un bandit, l’empereur, au retour à Rome, ordonne à ses proches de taire l’aventure, honorable pourtant, et combien bénéfique à l’humanité. Mais, de la Méditerranée occidentale, Pompée est revenu à Rome en passant par Jérusalem. Il y a logé ses chevaux dans le Temple. Et c’est là probablement qu’interpellé publiquement par le père de Siméon, vieillard courageux, indigné du méfait, il a (tout en négligeant l’altercation pour sauver la face ou par orgueil) réalisé qu’il venait d’agir en chef de bande, en bandit que Dieu châtierait, ou cesserait de soutenir46. Jérusalem a joué comme un révélateur. Pour lui comme pour Vespasien, le tort subi par la ville accuse la foncière impiété, l’inconséquence morale ou l’immaturité spirituelle du Romain.
Épreuve de vérité pour Pompée (comme pour Vespasien), Jérusalem est pour Hippocrate une rencontre manquée, le Christ, un profil à jamais perdu. On se souvient qu’après des années de séjour à Rome, le plus éminent des médecins entend parler, par un chevalier romain revenu de Galilée, des miracles du Christ. L’anachronisme est ici flagrant, il paraît même énorme pour être involontaire, puisque nous sommes alors dans les années 30 à 33 de notre ère. Hippocrate, quoi qu’il en soit, est curieux de connaître le Christ. Les circonstances font mieux que différer la rencontre : elles détournent Hippocrate de Jérusalem. En effet, au moment de prendre la mer en quelque port de la péninsule italienne, le scénario du jeune prince malade, en état de catalepsie, répète alors celui qui avait valu au médecin les faveurs de l’empereur de Rome47.
L’imposture a l’occasion de se confirmer ; l’avidité, la sensualité aussi, vont précipiter Hippocrate à sa perte. Après tout, la thaumaturgie est une médecine du corps par l’âme, un triomphe de la vie qu’obtient un homme par son recours à Dieu. La prétendue thaumaturgie d’Hippocrate est un mensonge par omission ou plutôt par compromission, puisque, soignant uniquement par sa science humaine, excellente au demeurant, mais stimulant la vie à défaut de la redonner, le médecin laisse croire, à son avantage, au miracle. Il simule. Entre esprit grec et christianisme, avec cet anthropocentrisme incarné par le prince des médecins, l’incompatibilité, mesurée à l’aune de l’Estoire et symboliquement, figure une rupture historique. Croire en des dieux, comme à Rome ou en Grèce, a pour effet de livrer l’homme à lui-même.
Au regard de ce roman, l’importance et même la pertinence de la notion d’estoire sont incontestables : l’estoire est un élément indispensable de connaissance, la mémoire à défaut de laquelle une civilisation, plus que mortelle encore, est sans avenir. Toutefois le concept d’estoire, qui, dès le titre de l’oeuvre, évacue celui de roman, revendique ici la vérité d’une fiction retraçant, en dépit des obstacles et même des détours de la Providence, l’essor inéluctable du christianisme, d’orient en occident, par le progrès de l’évangélisation.
Lorsque l’auteur insère, à la faveur de l’errance en Méditerranée de ses héros, des pages éclairant les vies d’hommes illustres de l’Antiquité, l’un Romain, célèbre par le pouvoir, ou du moins la prouesse, et l’autre, Grec, éminent par le savoir, il met en cause, déjà, les valeurs majeures de civilisations anciennes, ou du moins l’image qu’on en garde communément : ici la connaissance au service de l’homme et de la vie, là l’intrépidité confirmant la loi d’un empire.
Meublant de révélations les silences de l’écriture autorisée, ce même auteur altère des biographies glorieuses. Pompée, à des fins profitables et d’ailleurs avec un rare courage, en vient aux mains avec un bandit : telle n’est pas la façon de chevaliers tels Evalach ou Séraphé, avant même qu’ils ne deviennent Mordrain ou Nascien. La précellence d’un médecin dans sa science ne préserve pas sa vie des méfaits d’une femme.
Bref, l’échec de ces modèles antiques est imputable à des valeurs apparemment trop humaines pour s’ouvrir aux promesses du christianisme : ivre de son autorité, Pompée souille le Temple, et Hippocrate, enivré par sa renommée de thaumaturge, ne rejoint pas le Christ. L’anachronisme, assumé par l’auteur, prend ici la forme d’un raccourci condamnant la clergie sans humilité, la toute-puissance usurpée du savoir, comme s’il s’agissait d’une forme hellénique du péché d’Adam.
Aussi le roman, qui s’intitule Estoire, est-il une fiction qui dit vrai. Les récits insérés sont à cet égard non pas accessoires, mais subsidiaires. Il s’agit de montrer, en suivant des voies parallèles à la constitution historique de l’Église, l’élan du christianisme au premier siècle, contre vents et marées, vents contraires de la tentation, voire de la séduction diaboliques, et marées antiques de civilisations dépassées pour avoir ignoré le Messie.