Aragon et l’arma virumque cano virgilien : une dimension épique pour les Yeux d’Elsa

DOI : 10.54563/bdba.989

p. 345-354

Plan

Texte

En écrivant Persécuteur Persécuté et Hourra l’Oural à la gloire de l’Union soviétique1, Aragon affiche sa préoccupation d’ancrer sa poésie dans l’histoire de son temps, mais n’est ni compris des surréalistes qui rompent avec lui, ni du public qui reçoit d’une manière mitigée ces ouvrages. Le poète se tait alors pendant sept ans2, puis se remet à écrire en 1939, poussé par les malheurs qui frappent la France. Il publie d’abord au début de la guerre le Crève-cœur, puis lors de sa démobilisation les Yeux d’Elsa. Les circonstances historiques ainsi que sa vie personnelle lui permettent de rédiger une poésie de résistance auquel le thème amoureux fournit un cadre.

En donnant comme titre à la préface des Yeux d’Elsa : « arma uirumque cano », qu’il rédige en février 1942, après avoir achevé son ouvrage, Aragon se réfère à un passé encore plus éloigné que le Moyen Âge qu’il redécouvre à l’occasion de l’écriture de ce livre, et fait du vers considéré à tort comme le premier vers de l’Énéide3 une sorte de manifeste préliminaire à toute poésie : « Je chante les armes et l’homme… », ainsi commence l’Énéide, ainsi devrait commencer toute poésie ». Au cours de ce long texte programmatique, Aragon évoque d’abord sa technique poétique et son utilisation de la rime, puis exprime la préoccupation qui est la sienne de se situer dans le mouvement de la poésie française. À cet égard, il définit sa poésie comme un chant – carmen  et comme une lutte et un moyen de résister à l’ennemi.

Dans ce qui suit, nous voudrions nous attarder sur la dernière partie de la préface où le poète justifie l’inscription de son œuvre sous l’autorité de Virgile et explicite le titre de sa préface : « arma uirumque cano ». Nous aimerions aussi montrer comment le rappel de ce vers et l’évocation de Virgile déplacent la poésie d’Aragon sur le terrain de l’épopée et lui permettent d’acquérir le rang d’une haute forme d’art4.

Virgile et Aragon

Le rapprochement entre Virgile et Aragon peut certes paraître surprenant, mais la rédaction de l’Énéide et des Yeux d’Elsa se fait dans des circonstances fort ressemblantes. Dès 41 av. J.-C., Virgile caresse le projet de composer une épopée, laquelle racontera les exploits d’un homme illustre romain5, qui lui sera contemporain6. Mais en ces temps de guerre civile, notre poète, ne pouvant se résoudre à choisir entre Octave et Marc Antoine7, suspend son écriture. Par la suite, la bataille d’Actium, qui résonne comme la fin des temps troublés et le début d’une ère de paix, permet à Virgile de concrétiser enfin son projet d’une épopée de circonstance8 et d’inspiration nationale, dans la continuité de Naevius9 : Octave sera le héros de cette œuvre. Néanmoins, le poète abandonne rapidement son intention de narrer des événements contemporains, craignant d’écrire un récit historique plutôt qu’une épopée. C’est pourquoi il choisit de faire d’Énée le héros de son ouvrage. Il plonge alors dans les origines de son pays pour en faire ressortir la grandeur et donne une dimension épique à son œuvre et une dimension historique à son personnage qui aura parfois les traits d’Octave. L’œuvre sera épique, mais aussi historique, par la double dimension épique et historique du héros. Cependant, même si Virgile évoque peu les événements qui lui sont contemporains, sinon par allusions, il les contient dans les prédictions du destin de Rome. L’Énéide devient alors une célébration du destin national et la défense des vertus et des traditions qui ont fait la grandeur romaine, tout en ayant comme cadre un récit légendaire.

Dans Les Yeux d’Elsa, la poésie d’Aragon, comme celle de Virgile, comporte une double dimension, personnelle et nationale. L’ingéniosité du poète français est, dans le sillage de Virgile qui a loué le père de toute la nation romaine et non Auguste lui-même, d’avoir, non pas chanté la France et les résistants, mais la femme aimée. Aragon parle de la France avec la voix de l’amoureux, réunissant la grandeur du patriote et la force du chanteur, qu’il fait vibrer pour la seconde fois, après l’écriture du Crève-Cœur, dans un cadre national, à l’instar de Virgile qui chantait le passé héroïque de Rome par l’intermédiaire de la figure d’Énée.

En 1941, au moment de l’écriture des Yeux d’Elsa, contrairement à Virgile qui rédige pour la première fois une poésie épique10, Aragon s’est déjà essayé à une œuvre poétique historique et politique, mais extra nationale, en rédigeant Persécuteur Persécuté, puis Hourra l’Oural, louanges de la révolution d’octobre et de l’Union soviétique. Cependant, dans les Yeux d’Elsa, sans doute en raison de son échec à insérer dans sa poésie des événements contemporains, il ne prend pas seulement la résistance à la seconde guerre mondiale comme sujet de sa poésie, mais, influencé par V.V. Maïakovski11, dont l’œuvre alliait réflexions sur la poésie et invitation à la résistance, il dissimule alors une poésie de résistance dans la célébration d’Elsa, comme Virgile louait Rome, en narrant les aventures d’un personnage légendaire.

Une « poésie de circonstance » (Les poissons noirs ou de la réalité en poésie 12)

Aragon appelle alors sa poésie « poésie de circonstance13 », en tant qu’elle s’inscrit dans un contexte historique déterminé, celui des malheurs et des persécutions qui frappent la France en 1940. De plus, les conditions historiques sont telles, selon lui, qu’elles permettent à cette poésie d’être qualifiée aussi d’épique, même si, comme il le souligne, épopée et poésie de circonstance sont des termes quasi antithétiques dans l’esprit de nombre d’écrivains ou de lecteurs14. L’épopée est un genre noble, tandis que la poésie dite de circonstance est souvent considérée comme une poésie inférieure, comme si l’inscription dans la temporalité15 interdisait à une telle œuvre toute accession à la postérité et à la grandeur que le temps peut seul reconnaître. Cependant, parce que ce sont précisément les circonstances qui font que la poésie est épique, cela signifie bien pour Aragon que « l’épopée est toujours poésie de circonstance16 ».

De fait, le poète, qui « incarn[e] lui-même la poésie française dans l’immense chair martyrisée17 » et « donn[e] corps à cette voix errante18 » remplit à la fois la fonction de prophète – en tant qu’il parle à la place des Français – et de chantre épique. En cela, il rédige bien une poésie universelle, faite par tous19, pour reprendre l’expression d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont20, et accomplit, selon Kant, le devoir défini par l’impératif catégorique. Le poète, parce qu’il sait exprimer des sentiments et a en sa possession des moyens formels pour le faire, agit au même titre qu’un résistant. Et c’est bien en cela qu’il rédige une poésie épique, parce qu’il narre des « événements retenus pour historiques, par lesquels la communauté se sent concernée21 ». La matière de son œuvre est sa vie, et la vie22, au sens où l’entendait Montaigne quand il écrivait ses Essais. En effet, son œuvre faite de chair et de sang contient les mêmes souffrances que le pays ou l’homme qui l’habite, et les circonstances font accéder sa poésie à un autre statut qu’une poésie de passe-temps23 et amoureuse, comme le suggère pourtant le titre Les Yeux d’Elsa. En réalité, celui-ci, comme programmateur d’une poésie lyrique, est un cadre qui dissimule une poésie historique et contourne la censure. De plus, sans Elsa, Aragon ne pourrait exprimer les souffrances de la guerre, car les yeux de la femme aimée lui servent de repères dans ces circonstances tragiques24, l’aident à se diriger parmi les « nuits » et lui permettent d’unifier le recueil, lequel contient aussi bien des poèmes amoureux que des renvois aux mythes de la nation.

Un chant national ou épique

Le poète, en tant qu’il est une « voix », « sort de cet orchestre des fables », et « chante25 ». Nous ne sommes pas étonnés de retrouver dans ces propos d’Aragon, les notions platoniciennes du muthos et du logos, le logos se distinguant des différents muthoi pour donner libre cours au chant. Si nous nous référons à la fin du Phédon26, l’incantation, c’est-à-dire le chant répété, a une valeur performative en raison même de sa répétition. C’est parce que Socrate continue sans cesse à énoncer, par une incantation, le mythe de l’immortalité de l’âme qu’une telle croyance est absolument entérinée, et en lui-même, et dans les esprits de tous ceux qu’il côtoie. Aragon, quant à lui, considère qu’il faut, pour se faire entendre, utiliser un langage de tradition nationale, qui doit être compris de tous et dont la discussion portera sur l’objet chanté et non sur la manière de le faire27. De fait, le chant poétique, parce qu’il obéit à une tradition, notamment métrique, contient tous les éléments qui peuvent faire naître chez le lecteur le souvenir d’une grande poésie nationale, et donc aussi le désir de s’opposer à l’ennemi et de résister contre lui.

Le chant est, selon son étymologie, carmen, c’est-à-dire charme et chanson à la fois, mais aussi enchantement28 et cantique, comme Aragon appelle le dernier poème des Yeux d’Elsa, en donnant à ce terme son sens premier d’action de grâce. Le chant d’Aragon est aussi une chanson populaire29, non pas dans le sens où l’on entend généralement ce mot30, mais au même titre que la Chanson de Roland  présentée dans les écoles comme la première œuvre en langue française – en tant qu’un chant national ou épique31, « qui fait aussi bien image magique » au même titre que l’incantation platonicienne, « qu’image musicale32 ». En effet, pour Aragon, la lecture de cette dernière œuvre, comme celle de La Chanson d’Aliscamps, ou de Gui de Bourgogne permet à un peuple déchiré par les événements de la seconde guerre mondiale de retrouver la grandeur passée de la France et de lutter ainsi contre son destin33. De ce fait, le paratexte de telles œuvres, qui n’en finit pas d’être réécrit, à l’instar d’une œuvre originale, permet aux lecteurs de comprendre la situation actuelle et de désirer y faire face. Il faut imaginer le lecteur de la préface de la Chanson de Roland écrite par Léon Gautier avoir les poings serrés et « sentir d’étranges choses dans sa gorge, alors que les Allemands campaient sur notre sol34 ».

En affirmant que le chant, parce qu’il loue la nation, devient une épopée, Aragon dément l’opinion couramment reçue qu’il manque aux Français le sens épique, en tant qu’ils ne possèderaient pas, comme les Anglais, les Espagnols et les Portugais, une longue épopée caractéristique de leur pays35. En effet, seul compte pour le poète « l’intensité du sentiment épique » qu’un vers comme « À moi, l’Auvergne, voici les ennemis ! » résume assez bien36. Pour illustrer des tels propos, Aragon insère dans les Yeux d’Elsa une traduction très libre de quelques vers lyriques de Camões, dans un poème intitulé Imité de Camões, et non un extrait des Lusiades, qui représente la grande épopée portugaise digne de l’Énéide, pour montrer que ces petits vers ont autant leur place dans la célébration d’une nation qu’une longue épopée et contiennent un sens épique aussi développé. Mais Imité de Camões permet aussi à Aragon, qui revendique dans sa préface la possibilité d’imiter ses prédécesseurs, d’adapter un poète, lui-même imitateur de l’autorité sous laquelle il s’inscrit ici : Virgile. En effet, le début des Lusiades est la reprise de celui de l’Énéide : « les armes et les barons […] voilà ce que chantant je répandrai par le monde37 ».

La filiation revendiquée entre l’Antiquité et la Renaissance, puis entre la Renaissance et 1942, et enfin entre l’Antiquité et 1942 permet à Aragon de souligner que ces trois œuvres sont bien trois épopées nationales, et donc qu’il a bien, avec Les Yeux d’Elsa, écrit une épopée.

Pour un chant national

À l’intérieur du recueil des Yeux d’Elsa, dans « Pour un chant national »,  que l’on peut considérer comme un poème « poétologique38 » ou l’application des préceptes de la préface, Aragon répond directement aux questions posées par la « chanson » et adresse à l’égard d’Alain Borne des conseils pour écrire un « chant national ». La comparaison entre le troubadour amoureux Bertrand de Born et l’auteur de Neige et vingt poèmes sert de leçon au jeune poète qui ne doit pas oublier la grêle (vers 21), c’est-à-dire la guerre. La célébration de la neige en plein mois d’août symbolise bien l’écart existant entre les vers d’Alain Borne et le contexte historique de la France : sa poésie pure qui loue les boucles de jeunes filles ne parle pas de l’homme actuel, mais décrit une image mythique de la femme. Les mêmes griefs pourraient être formulés contre la poésie de Valéry qui néglige les circonstances historiques concomitantes à sa création : « Lisait-on la Jeune Parque à Monluc39 ? », se demande avec ironie Aragon. Cependant, ce dernier, en utilisant des figures proches d’Alain Borne et le procédé du clus trover des poètes médiévaux, montre aussi au jeune auteur que l’inscription de la poésie dans l’histoire n’est pas incompatible avec les prouesses verbales des trouvères. Bien plus, de tels procédés permettent de défier la censure et d’appeler les Français à un réveil national. Le poème définit donc, comme un art poétique, l’éthique et la stratégie de la poésie de résistance, dans une forme représentative et issue de la tradition médiévale.

Le poème qui suit immédiatement « Pour un chant national » dans l’édition Seghers, « Contre la poésie pure », souligne la différence existant entre la poésie pure telle qu’ont pu la pratiquer aussi les poètes du xviie siècle et le chant dit national. Celui-là inclut en son sein les réalités du monde, à la différence du théâtre de Corneille ou de Racine qui représente des héros artificiels. C’est pourquoi, parce que le sang – qui n’a pas droit de cité sur la scène classique – souille l’eau de la poésie pure et rappelle ainsi les événements qui se déroulent, Aragon le préfère à l’encens40.

« Je chante l’homme et ses armes »

Quand il s’agit pour le poète de répondre à la question « Pourquoi écrivez-vous ? », Aragon écrit : « Ma réponse, elle est dans Virgile », montrant par là qu’il n’existe pas de littérature sans intertextualité, ni imitation. Cependant, Aragon dépasse la conception virgilienne de l’épopée en écrivant que le chant « ne se peut refuser d’être », « parce qu’il est une arme lui aussi pour l’homme désarmé, parce qu’il est l’homme même, dont la raison d’être est la vie41 ». La relation de l’homme aux armes et au chant est alors à considérer sur de nouveaux frais : si chez Virgile, l’homme et les armes sont tous deux objets du chant et donc subordonnés à lui, chez Aragon, comme l’écrit O. Barbarant42, « il faut entendre cano, arma et uirum à égalité ». De plus, Aragon considère l’homme comme essentiellement combattant, puisqu’il renverse l’ordre donné par le poète latin : en effet, quand celui-là dit les armes et l’homme, celui-ci dit l’homme et ses armes, montrant ainsi que l’homme ne peut se définir sans les armes. Le chant devient alors une arme et supplée celles qui viendraient à manquer, mais il est aussi l’homme, ou si l’on peut dire dans ce recueil, la femme. L’exaltation de celle-ci, en effet, permet au poète d’entamer encore une fois le combat contre l’ennemi, d’une manière idéologique43, pourrions-nous dire, car la femme est l’envers de la force virile célébrée par les nazis. De plus, à la différence d’un combattant, le poète considère qu’il est un secours éternel. Il espère, en effet, que son œuvre connaîtra la postérité d’« arma uirumque cano » et qu’à l’image de ce vers qui a commencé à travers les époques d’autres épopées, ses vers sauront galvaniser l’energeia de ceux qui après lui traverseront d’autres « nuits » obscures.

*

La référence à Virgile montre que derrière le lyrisme apparent de l’œuvre, il y a bien un « autre côté des choses44 » et que cet autre côté en est la dimension épique. « Je chante la femme que j’aime »45 dissimule en fait le vers virgilien « je chante l’homme et ses armes » et doit être compris comme un appel à la résistance. De plus, la glorification de la femme symbolise aussi le combat contre les nazis dont le code de la virilité exclut toute émotion que l’on pourrait qualifier de féminine. Le déguisement de l’amour de la patrie en amour de la femme devient alors l’un des moyens de lutter contre l’ennemi et ce travestissement a su « surprendre les pouvoirs publics46 », ce que n’aurait pas pu faire le roman47. Plus qu’une simple référence à l’Énéide, le vers de Virgile qui sert de titre à la préface des Yeux d’Elsa permet donc à Aragon de préciser ses relations entre le chant, les armes et l’homme, mais aussi les relations existant entre le chant, la femme et l’amour. Le chant d’Elsa lui permet de reconstituer une personne vivante, mais aussi une France morcelée : il est donc l’incantation magique qui permet à un corps qu’il soit individuel ou collectif de retrouver une unité perdue. En cela, le geste d’Aragon est bien semblable à celui de Virgile qui par l’exaltation d’un héros permit aux habitants d’une nation de chanter tous ensemble leur fondateur.

Notes

1 Ces deux œuvres ont été publiées respectivement en 1931 et en 1934. Retour au texte

2 Aragon s’explique fort peu sur ce silence qu’il constate, mais qu’il n’éclaircit pas. Cf. M. Apel-Muller, « Elsa dans le texte », Europe 745, p. 47, qui cite des extraits de discours d’Aragon revenant sur l’interruption de son écriture. Retour au texte

3 Il en est en réalité le cinquième et souligne bien le parcours de Virgile, qui après avoir écrit des Bucoliques et des Géorgiques, rédige une œuvre épique : Énéide, I, v. 1-4, et v. 1-3, éd. trad. J. Perret, « CUF » 1981, p. 5 :

« Ille ego qui quondam gracili modulatus auena
carmen et egressus siluis uicina coegi
ut quamuis auido parerent arua colono,
gratum opus agricolis, at nunc horrentia Martis
arma uirumque cano, Troiae qui primus ab oris
Italiam fato profugus Lauiniaque uenit litora »

(« Moi qui jadis sur un frêle pipeau modulai mon chant, qui sortant de mes bois contraignis les campagnes voisines de se plier à tous les désirs de leur maître, œuvre bénie des gens de la terre, – voilà que maintenant je chante l’horreur des armes de Mars et l’homme qui, premier, des bords de Troie vint en Italie, prédestiné, fugitif, et aux rives de Lavinium »). Retour au texte

4 En effet, pour Aristote, l’épopée est l’imitation d’hommes d’une haute valeur morale (Poétique, 1449 b). Retour au texte

5 Dans la Vie de Virgile, Suétone écrit que cette épopée devait concerner les affaires romaines, res romanas (les affaires de la guerre civile), mais que Pollion l’avait détourné d’un tel projet. Cf. P. Grimal Virgile ou la seconde naissance de Rome, Paris, p. 169. Retour au texte

6 Cf. Géorgiques, III, 16-39 ; III, 46-48. Retour au texte

7 « In medio mihi Caesar erit templumque tenebit » (« Au milieu sera César, il occupera le temple »). (Géorgiques, III, 16, éd. trad. H. Goelzer, Paris, 1926). César représente ici le successeur de Jules César lui-même. Retour au texte

8 Pour reprendre une expression chère à Aragon. Retour au texte

9 Dans son épopée, Naevius racontait les luttes de Rome contre Carthage. Ce qui était original, c’était de donner à des événements réels, et presque contemporains, une dimension épique. Cependant, chez Naevius, ce n’était pas un héros qui était célébré, mais Rome tout entière, comme entité vivante, dans sa continuité historique, cf. P. Grimal, Virgile ou la seconde naissance de Rome, éd. cit., p. 173. Retour au texte

10 En effet, même si les Géorgiques sont une œuvre inscrite dans l’histoire, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas une œuvre historique. Retour au texte

11 Cf. V.V. Maïakovski, Comment faire des vers, traduit en 1955 en français aux Éditions Moscou. Retour au texte

12 O.C., Livre Club Diderot, Paris, 1979, p. 149 sqq. Ce texte est la préface du Musée Grévin. Retour au texte

13 Ibid., p. 155. Retour au texte

14 Ibid., p. 155. Retour au texte

15 Aragon souligne notamment qu’à la différence de sa poésie, qui peut être toujours datée, « ce Cimetière marin ou ce Serpent sont des petits éclats d’éternité ». La poésie dite pure de P. Valéry aurait, pour les détracteurs d’Aragon, au contraire de la poésie de circonstance, une valeur universelle et atemporelle, comme la réflexion philosophique par exemple, in Les poissons noirs ou de la réalité en poésie, ibid., p. 151. Retour au texte

16 Ibid., p. 155. Retour au texte

17 « Arma uirumque cano », éd. cit., p. 26. Retour au texte

18 Ibid., p. 26. Retour au texte

19 Et non pour tous, comme le précise Aragon dans un entretien avec D. Arban, in Aragon parle avec Dominique Arban, Paris, 1968, p. 135. Avant de résoudre le problème de savoir à qui la poésie est destinée, Aragon se demande par qui elle doit être écrite. Retour au texte

20 « Arma uirumque cano », éd. cit., p. 26. Retour au texte

21 S. Himmelsbach, L’épopée ou la case vide, La réflexion poétologique sur l’épopée nationale en France, Tübingen, 1988, p. 68. Retour au texte

22 Cf. L. Ray, Aragon, Paris, 2002, p. 69. Retour au texte

23 Pour reprendre une expression de Du Bellay dans les Regrets, sonnet XIII, où il est question des « passe-temps » de Magny contre lesquels Du Bellay s’inscrit en faux. Cependant, il est paradoxal qu’Aragon, dans Le Roman inachevé, Poésie/Gallimard, p. 157 et 158, intitule l’un de ses poèmes : « Je chante pour passer le temps », mais je pense qu’il faut comprendre par ce titre qu’Aragon revendique la possibilité de remplir ou d’occuper le temps par des chants, et donc de ne faire que cela. À la fin du poème, éd. cit., p. 158, Aragon précise bien l’équivalence entre le chant et le passe-temps :

« Je passe le temps en chantant
Je chante pour passer le temps ». Retour au texte

24 Citons comme exemple le premier quatrain du poème liminaire des Yeux d’Elsa, lequel, en reprenant les idées de la préface et le titre du recueil, exprime bien l’idée que les yeux de la femme aimée sont les médiateurs du poète dans sa vision de la réalité :

« Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire
J’ai vu tous les soleils y venir s’y mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire », Les Yeux d’Elsa, éd. cit., p. 31. Retour au texte

25 « Arma uirumque cano », éd. cit., p. 26. Retour au texte

26 Platon, Phédon, 114 d. Retour au texte

27 Cf. Aragon parle avec Dominique Arban, op. cit., p. 136-137. Retour au texte

28 Rappelons ces vers de Du Bellay qui exprime également la relation entre la poésie et le malheur dans les vers 5 à 8 du sonnet XII des Regrets :

« Je ne chante (Magny) je pleure mes ennuys,
Ou, pour le dire mieulx, en pleurant je les chante,
Si bien qu’en les chantant, souvent je les enchante :
Voilà pourquoi (Magny) je chante jours & nuicts ». Retour au texte

29 La poésie d’Aragon n’est pas de l’ordre de la chanson, il y a des moments où la chanson ne convient pas :

« Rien ne finit jamais par des chansons », comme l’écrit Aragon, dans le dernier vers de « Plainte pour le quatrième centenaire d’un amour », Les Yeux d’Elsa, éd. cit., p. 59. Retour au texte

30 La chanson d’Aragon ne doit pas être rapprochée de Auprès de ma blonde, qui, tout en appartenant au patrimoine culturel français, reste empreinte de folklore. Cependant, on peut reconnaître dans « Plus belle que les larmes » des références à des chants populaires (cf. les strophes 7, 30 et 32) auxquelles Aragon redonne un nouveau sens national. Retour au texte

31 Le sens épique est bien, comme l’écrit Aragon, dans Les Poissons noirs ou de la réalité en poésie, in Le Musée Grévin, rien d’autre que « le nom en poésie du sens national », éd. cit., p. 155. Retour au texte

32 « Arma uirumque cano », éd. cit., p. 27. Retour au texte

33 Le poème des Yeux d’Elsa qu’Aragon intitule Chanson de récréance symbolise ainsi par antiphrase le geste du poète, dans la mesure où la célébration de sa dame ne l’éloigne pas des armes, au contraire des mauvais chevaliers qui se laissent aller à la récréance, en oubliant le devoir des armes pour les plaisirs amoureux. Retour au texte

34 Les Poissons noirs ou de la réalité en poésie, éd. cit., p. 159. Retour au texte

35 Ibid., p. 153. Retour au texte

36 Ibid., p. 154. Retour au texte

37 « As armas os Barões […] Cantando espalharei per toda parte », Les Lusiades, trad. R. Bismut, Collection Bouquins, v. 1 et 15, p. 2 et 3. Retour au texte

38 Pour reprendre l’expression de W. Babilas, « Contre la poésie pure », Lecture d’un poème poétologique d’Aragon, in Aragon, Elsa Triolet, Recherches croisées n°2, Paris, 1989, p. 233. Retour au texte

39 Les Poissons noirs ou de la réalité en poésie, in Le Musée Grévin, éd. cit., p. 158. Retour au texte

40 Cf. la dernière strophe de ce poème, éd. cit., p. 75. Retour au texte

41 « Arma uirumque cano », éd. cit., p. 28. Retour au texte

42 Aragon. La mémoire et l’excès, Paris, 1996, p. 39. Retour au texte

43 Aragon présente ainsi la relation entre l’exaltation d’Elsa et son combat contre le fascisme : « Cette morale de l’homme au-dessus de la femme, c’est précisément contre elle que je combattais et il est vrai que, ici, le combat de caractère moral contre le fascisme en France allait de pair avec l’exaltation de la femme. Et de la femme que j’aimais. Cela est vrai. », Aragon, Entretiens avec Francis Crémieux, Paris, 1964, p. 61. Retour au texte

44 Expression reprise de Les Voyageurs de l’impériale, éd. Gallimard, Paris, 1947, p. 640. Retour au texte

45 Notons cette phrase issue de la préface des Cloches de Bâle : « La femme des temps modernes est née, et c’est elle que je chante. Et c’est elle que je chanterai ». (Phrase citée dans l’article de M. Apel-Muller, « Elsa dans le texte », art. cit., p. 46). Retour au texte

46 Aragon, Entretiens avec Francis Crémieux, op. cit., p. 135. Retour au texte

47 Pour Aragon, en effet, le roman n’aurait pas pu être une arme efficace, car on ne pouvait refaire la même chose qu’Henri Barbusse avec le Feu. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Delphine Viellard, « Aragon et l’arma virumque cano virgilien : une dimension épique pour les Yeux d’Elsa », Bien Dire et Bien Aprandre, 24 | 2006, 345-354.

Référence électronique

Delphine Viellard, « Aragon et l’arma virumque cano virgilien : une dimension épique pour les Yeux d’Elsa », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 24 | 2006, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/989

Auteur

Delphine Viellard

Clermont II, IEA (Institut d’études augustiniennes) Paris IV

Droits d'auteur

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