Préambule
Pourquoi s’être autant intéressé à la craie de la carrière de Cherisy ? C’est que, là – au moins jusque vers les années 2010 - on pouvait voir, toucher sur plusieurs fronts, détailler et fouiller la limite entre deux des étages du « Sénonien » de d’Orbigny (1842) : le Santonien et le Campanien, définis ultérieurement par Coquand (1857). Un Santonien qui, au-dessus des zones à Micrasters, se termine par la zone à Marsupites, un crinoïde très particulier dont l’extinction marque la fin de l’étage, et un Campanien inauguré par les zones à Bélemnites avec l’émergence de Gonioteuthis granulataquadrata. Ponctuellement, le bon marqueur qu’est le crinoïde Marsupites est connu ailleurs, dans la vallée de l’Eure, en Normandie, dans les falaises de la vallée de la Seine et dans celles du Pays de Caux, mais les affleurements y sont toujours ou réduits ou difficiles d’accès. Ce qui n’est d’ailleurs pas le cas sur l’autre rive de la Manche, où les falaises anglaises livrent des coupes bien exposées et continues. Et c’est cet état de fait qui avait attiré le jeune Barrois, doctorant de Jules Gosselet à l’Université de Lille au début du XXe siècle sur le sujet de « La craie d’Angleterre », sans compter ensuite les nombreux géologues britanniques qui en ont exécuté une biostratigraphie extrêmement précise qui nous servira ici de base.
Des concours de circonstance heureux ont fait en sorte qu’il a été possible dans les années 1995-2000 d’effectuer des récoltes de macrofaunes, puis des levés lithologiques et des prélèvements pour analyses micropaléontologiques, l’ensemble formant le socle de la présente contribution. À partir de là, on exposera les caractères de la limite Santonien-Campanien, si rarement accessible dans l’ouest du bassin de Paris.
Aussi, avons-nous pensé qu’il serait utile, à destination de nos collègues géologues français, tant « amateurs » que « professionnels », de voir comment des récoltes effectuées par un « amateur » qui y a consacré son temps sans compter (Daniel Delugeard, 2016+) peuvent apporter des précisions sur le cadre stratigraphique du Crétacé supérieur de l’Ouest européen
°À propos de la graphie de « Cherisy » : « selon le Code Officiel Géographique de l’INSEE, la commune s’écrit Cherisy » (wikipedia, 2022). Toutefois la municipalité semble généraliser aujourd’hui l’écriture Chérisy, avec un accent aigu. Notre étude ayant commencé dans les années 1994 quand la graphie ne comportait pas d’accent nous avons poursuivi dans ce sens.
Introduction
L’origine de ce travail vient d’une rencontre en 1994 entre les deux premiers auteurs (F.R. et D.D.). Elle fut catalysée antérieurement, vers 1993, par un échange de vues à bâtons rompus avec feu Gérard Breton, à l’époque Directeur du Musée d’Histoire naturelle du Havre qui visitait toutes les carrières de la Normandie et de ses abords aux fins de récoltes paléontologiques. Il connaissait Daniel Delugeard par le fait que ce dernier était alors président du Club Géologique Drouais et menait des recherches dans la carrière de Cherisy exploitée par la Société MEAC (Métropolitaine d’Épandage d’Amendement Calcaire). À cet effet le directeur lui avait donné l’autorisation de circuler librement sur le site à condition que ce soit en dehors des périodes d’intense activité. Ayant obtenu les coordonnées de Daniel, plusieurs échanges épistolaires puis téléphoniques ont conduit à une première visite chez ce dernier en juillet 1993 : ébahissement devant les récoltes de fossiles révélant de nombreux groupes paléontologiques parmi lesquels des échinodermes, lamellibranches, bélemnites, brachiopodes, bryozoaires et autres. La surprise était totale quand on connaît la rareté de ces restes paléontologiques dans les craies blanches supérieures. En outre, la place des spécimens recueillis dans la succession stratigraphique était notée pour chaque ensemble d’entre eux. De surcroît il y avait là les représentants de marqueurs biostratigraphiques valables au moins à l’échelle de l’Europe de l’ouest dont les Marsupites, les Conulus, Micrasters, Offasters, Inocérames et Bélemnites. Un trésor pour le micropaléontologiste qui pourrait ainsi calibrer sa zonation de foraminifères benthiques avec la zonation internationale principalement fondée sur les macrofossiles.
Pour valoriser la collection il fallait procéder en premier lieu à un levé lithologique des principaux fronts d’exploitation de la carrière, avec une précision décimétrique, pour y replacer les récoltes, suivi d’un échantillonnage entre la quarantaine de bancs de silex exposée, aux fins d’analyse micropaléontologique. Rendez-vous est pris pour le mois de juin suivant. Le levé est réalisé du 23 au 27 juin 1994. Les prélèvements sont traités à la Faculté Polytechnique de Mons en Belgique et les déterminations micropaléontologiques effectuées au cours du premier trimestre 1995. Un article commun est alors préparé pour être présenté oralement au Symposium international sur la limite des étages crétacés qui doit se tenir au Muséum d’Histoire naturelle de Bruxelles en septembre 1995 avec comme titre : « The position of the Santonian-Campanian boundary in the Chartres area, France ».
Ultérieurement, l’objectif visait la publication de la succession stratigraphique de la carrière avec l’illustration des marqueurs macropaléontologiques. Mais des obstacles se sont accumulés en raison d’aléas relatifs à la situation professionnelle, à la famille, à la santé, aux priorités, chez l’un, puis chez l’autre, qui ont toujours retardé la mise au point définitive du manuscrit jusqu’au malheureux décès de Daniel le 27 mai 2016 (Robaszynski, 2023).
Dans les semaines et les mois qui ont suivi, l’épouse de Daniel a fait connaître les dernières volontés de son mari de vouloir céder sa collection de fossiles au premier auteur. Pour une question de place disponible, la conservation de la collection a été proposée à l’Association Géologique Auboise (AGA) qui dispose à Troyes de locaux pouvant la recevoir. À cet effet, Bertrand Matrion, notre troisième auteur, membre de l’AGA tout comme le premier auteur, a effectué le déménagement de l’ensemble des fossiles qui se trouve maintenant placé sous la protection de l’AGA. En outre un calendrier a été envisagé pour respecter la promesse tacite faite à Daniel de publier la coupe et de figurer les principaux fossiles de la collection.
Quel est l’intérêt particulier de l’étude de la coupe de Cherisy ?
Dans le passé, la limite Santonien-Campanien dans les craies du Bassin de Paris a été placée à divers niveaux, parfois au sein même d’une publication. Par exemple, dans la notice de la feuille de Dreux (Ménillet, 1994) le tableau 3, élaboré par le micropaléontologiste Christian Monciardini, montre cette limite entre ses zones e et f tandis qu’en page 17 et à la figure 3 elle est placée entre les zones f et g. Ceci par le fait que l’échelle micropaléontologique n’avait pas encore pu être parfaitement calibrée avec l’échelle macropaléontologique. C’est l’année suivante, en 1995, que s’est tenu à Bruxelles le Symposium sur les limites des étages crétacés où ont été discutées ces limites. Pour ce qui concerne la base du Campanien, la recommandation prise au terme du Symposium fut de placer cette limite à la disparition du crinoïde Marsupites testudinarius qui indique le sommet du Santonien et, en conséquence, la base du Campanien. Ce qui coïncide sensiblement, un peu plus haut, avec l’apparition de l’échinide Offaster pillula (in Rawson et al., 1996).
Or, ces deux marqueurs ont été récoltés et placés précisément dans la succession lithologique exposée à Cherisy. Il devenait dès lors possible de calibrer entre elles les zones macro- et micropaléontologiques avec une bonne précision.
Ainsi, la suite du texte présentera la structure suivante : après une présentation des environnements géographique et géologique de la carrière de Cherisy dans le contexte du bassin anglo-parisien, on commentera la succession lithologique telle qu’elle apparaissait en 1994. Puis viendront deux chapitres descriptifs, l’un relatif aux macrofaunes, l’autre aux microfossiles de foraminifères. Suivra une corrélation avec une coupe dans les falaises du Sussex (selon Hampton et al., 2007).
L’ensemble du travail constitue ainsi un hommage à l’ami Daniel Delugeard sans qui on ne saurait même pas qu’une limite d’étage était si bien démontrée à Cherisy !
La carrière de Cherisy
Localisation
À l’origine une simple « marnière » pour amendements locaux, la carrière de Cherisy s’est développée sur plusieurs hectares. Elle se trouve à quelques kilomètres au N-E de la ville de Dreux, département d’Eure-et-Loir, à moins d’un kilomètre de l’Eure, près du lieudit « le Petit Cherisy », à environ un kilomètre de la commune de Cherisy. Dans les années 1990, le terrain, exploité en tant qu’amendement crayeux, appartenait à la Société MEAC (Métropolitaine d’Épandage d’Amendement Calcaire), spécialisée dans la fourniture de « carbonate de calcium » pour diverses entreprises agricoles et industrielles. Localement, la carrière entamait la butte des « Montagnes Salmon » sur près de 35 m d’épaisseur.
Par rapport au Bassin parisien, Cherisy appartient à la région naturelle du Drouais (Figure 1) qui se place à la jonction entre la terminaison sud-est des plateaux méridionaux de la Normandie (Plaine de Saint-André) et la terminaison nord et est de l’ensemble Perche-Beauce (Plateau du Thymerais et Chartrain).
Lithologie
Lors des levés effectués en juin 1994, les 35 m de craies se présentaient en niveaux repérables par leurs nombreux bancs de silex noirs, en rognons dispersés ou alignés. Plusieurs coupes partielles prises dans les endroits les mieux exposés de la carrière ont été raccordées en suivant les bancs de visu (Figure 2) : trois coupes sur la paroi nord-sud (Figures 3-4-5) complétées par une dernière au fond oriental, le plus récent exploité à l’époque, pour la partie la plus élevée de la succession (Figures 6-7).
Dans l’ensemble, il s’agit de craies blanches, plus ou moins granuleuses à calcarénitiques, entrecoupées d’une quarantaine de niveaux de silex dont certains sont plus épais et semblent continus – au moins à l’échelle de la carrière. Au cours du levé, on a pu reconnaître quelques différences, toutefois assez subtiles, dans les caractères lithologiques des bancs crayeux : de 0 à 15,5 m, de nombreux silex sont engagés dans une craie un peu calcarénitique ; de 15,5 m à 22 m : la craie apparaît très blanche avec moins de silex ; de 22 à 35 m la craie semble plus tendre et prend une teinte ocrée par la circulation d’eaux météoriques, un peu ferruginisées par leur passage dans la couverture de Formation résiduelle à silex qui coiffe toute la région.
Dans le détail on retiendra les particularités suivantes (Figure 8).
De 0 à 16 m : craie avec niveaux de silex assez serrés, ayant livré, outre des Echinocorys, des Micraster coranguinum et des Conulus jusqu’à 7 m. On remarque visuellement plusieurs niveaux :
- Une première bande claire, entre deux niveaux de silex à 4,5 m et à 5,0 m, un peu en creux par altération météorique, constituée de craie blanche, biodétritique, sans silex. De là viennent plusieurs plaques d’Uintacrinus socialis.
- Sous le niveau à silex à 7,20 m : une deuxième bande blanche de craie biodétritique sans silex d’environ 0,30 m d’épaisseur.
- Entre deux niveaux de silex à 9,40 et à 9,90 m : une troisième bande blanche, sans silex, bien en creux après altération. Y apparaissent les premières plaques de Marsupites.
- Entre 10 et 16 m : craie plus calcarénitique et bioclastique, avec une dizaine de bancs de silex, à débris de bryozoaires de 13,50 à 14,50 m et, de 14,50 à 15,00 m un double niveau de silex. Les derniers Marsupites récoltés à Cherisy proviennent du banc à 16,00 m. Cet horizon de la fin des Marsupites à 16 m est noté sur les figures 2, 5 et 8 et correspond au sommet de l’étage Santonien (à moins que d’ultimes Marsupites soient trouvés entre 16 m et 18,50 m où ont été récoltés les premiers Offaster pillula signant l’entrée dans le Campanien.
De 16 à 27 m : craie blanche avec niveaux de silex moins nombreux qu’entre 0 et 16 m. On y remarque les caractères suivants.
- Aux alentours de 18,50 m la craie a livré les premiers Offaster pillula.
- À 19 m et 19,40 m : un double niveau de silex sous lesquels ont été récoltés plusieurs rostres de la bélemnite Actinocamax verus, et au-dessus desquels viennent des Offaster qui seront présents jusqu’à 30 m.
- De 22,40 m à 23,20 m : craie blanche sans silex, un peu en creux après altération, limitée à la base et au sommet par des lames de silex plat de quelques millimètres d’épaisseur et de la silice en éclats, avec calcédoine.
- Entre 23,20 m et 25,00 m : dans ce niveau ont été récoltées plusieurs bélemnites de plus grande taille : Gonioteuthis cf. granulataquadrata.
- Au-dessus de 25 m la craie paraît moins granuleuse, plus fine.
De 27 à 35 m : craie blanche, ocrée d’hydroxydes de fer à la partie supérieure, avec plusieurs niveaux de silex. Un « gros niveau » de silex noirs, serrés, entre 27,00 m et 27,20 m et un « niveau moyen » de 28,40 m à 28,50 m. De 30,70 m à 31,30 m un autre niveau épais à gros silex ressort dans une craie blanche, assez cohérente. Plus haut, de 31,30 m à 35 m : craie blanc-jaunâtre avec des silex épars et un banc de silex alignés à 34 m.
Coup d’œil rétro : la place de Cherisy dans le crétacé régional
Des falaises du Pays de Caux à la vallée de la Seine jusqu’à Rouen et aussi dans la région d’Évreux-Dreux, le Crétacé a été l’objet d’études et de descriptions depuis le XIXe siècle, en particulier avec Antoine Passy (1832) pour la « Seine-inférieure » puis Edmond Hébert, de 1863 à 1875.
Ce dernier a sans doute été l’un des premiers de ceux qui ont essayé de replacer la stratigraphie des craies dans le contexte plus général du bassin de Paris puis de l’Europe de l’Ouest.
- En 1863, dans sa « Note sur la craie blanche et la craie marneuse dans le bassin de Paris et sur la division de ce dernier étage en quatre assises » Hébert adopte au départ la « division de la craie en trois parties » établie antérieurement par Alexandre Brongniart (dans Cuvier & Brongniart, 1822) qui voit du haut vers le bas, la « craie blanche » (futur Sénonien), la « craie tufau » (futur Turonien) et la « craie chloritée » ou « glauconie crayeuse » (futur Cénomanien), ces caractères « minéralogiques » étant de second ordre par rapport aux caractères « zoologiques » ou paléontologiques qui, eux, sont les seuls pouvant assurer la stratigraphie c’est-à-dire la chronologie des terrains successifs. Puis, Hébert rappelle son propre travail de 1858 sur les différentes « assises » discernées dans la craie. Dans le résumé qui conclut sa note (p. 626), il distingue quatre « assises » dans son « étage de la craie marneuse » et deux autres dans son « étage de craie blanche » :
Étage de la craie blanche à Belem. Mucronata 2. Assises à B. mucronata
1. Assise à B. quadrataÉtage de la craie marneuse 4. Craie à Micraster cor-anguinum
3. Craie à Micr. cor-testudinarium
2. Craie de Touraine
1. Assise à Inoceramus labiatus
- En 1866, les divisions sont les mêmes dans une nouvelle note « De la craie dans le nord du bassin de Paris » mais une précision aura ultérieurement une importance insoupçonnée alors, p. 310 : « La craie à M. coranguinum, surtout à la partie supérieure, renferme (…) en très grande quantité des plaques de Marsupites (M. Milleri, Mantell ; M. ornata, Miller). C’est un fossile qui présente un grand intérêt, car on le retrouve au même niveau en Allemagne ».
- En 1874, dans la présentation orale à la Société géologique de France de sa « Comparaison de la Craie des côtes d’Angleterre avec celle de France », il confirme ses subdivisions en « assises », « craies » et parfois « zones ». De plus, à la fin de la même séance, il présente une note de son élève doctorant Charles Barrois « Sur la craie de l’île de Wight » (Barrois, 1875a, 1875b) qui adopte bien sûr les mêmes divisions que celles préconisées par le maître Edmond Hébert (cf. tableau de la Figure 9) et qu’il suivra dans sa thèse sur le Crétacé d’Angleterre (1876).
Remarque. Il est à noter que, au moins jusqu’en 1875, Hébert n’a jamais adopté le système des étages d’Alcide d’Orbigny (« Sénonien », 1842) ni ceux nommés par Henri Coquand (« Coniacien, Santonien, Campanien », 1857). Il a préféré conserver les termes un peu vagues d’« assises » où sont associés des contenus à la fois minéralogiques et paléontologiques (par exemple « craie » ou « assise à Micraster coranguinum »). Plus tard, Albert de Grossouvre, dans sa synthèse relative à ses « Recherches sur la Craie supérieure » (1901), donnera des équivalences avec les étages de d’Orbigny. Un demi-siècle après, dans le « Lexique stratigraphique international, Crétacé », Jacques Sornay (1957) décrira de façon résumée tous les termes stratigraphiques crétacés utilisés en France, dont l’ensemble des étages et des unités lithologiques existant dans le bassin de Paris, ce qui est toujours utile quand on a besoin d’en préciser le sens pour s’y référer.
Plus régionalement, au terme de l’élaboration de la « Carte géologique détaillée de la France au 1/80 000e, feuille de Rouen, Gustave Dollfuss (1897) rédige une notice explicative dans laquelle il nomme les subdivisions du « Sénonien » en tenant compte « des caractères minéralogiques et paléontologiques dominants » ainsi que de la localité où ils sont le mieux représentés (partie inférieure du tableau de la Figure 10). Ces subdivisions seront également adoptées par le micropaléontologiste Rajendra Kumar Goel (1965, p. 55) qui poursuivra vers le haut la dénomination des unités lithologiques (partie supérieure du tableau de la Figure 10). Toutefois, étant donné les « doublets » d’utilisation de la localité « Canteleu » nous lui avons substitué deux autres termes – cités dans les descriptions - « Craie de Grand-Couronne » pour l’unité c8a1 et « Cité Universitaire » pour l’unité c8a2. Dans le tableau on a essayé de replacer l’extension de l’affleurement de Cherisy dans la succession régionale des niveaux crayeux.
La limite Santonien-Campanien et les fossiles marqueurs
La récolte des fossiles
Les macrofossiles. La totalité de la macrofaune a été extraite, localisée et préparée par Daniel Delugeard qui y a consacré une grande partie de ses temps de loisir pendant plus d’une décennie, surtout entre 1980 et 1995. Il suivait régulièrement le développement de l’exploitation et effectuait ses récoltes pendant les week-ends quand l’arrêt des activités en carrière permettait de circuler sans danger. Les prélèvements étaient une première étape, suivie chez lui dans son atelier d’une seconde, relative aux opérations de dégagement des fossiles de leur gangue crayeuse au moyen d’outils adaptés, allant du gros burin à la fine aiguille montée pour mettre en évidence les détails des structures. La troisième étape était la détermination des spécimens pour laquelle il allait chercher les figurations publiées dans la littérature. Ayant alors une « idée » sur le genre et l’espèce, il profitait ensuite de rencontres, d’abord avec d’autres amateurs au sein d’associations puis avec des spécialistes, pour consolider ses déterminations.
Il distinguait d’abord les « fossiles de faciès », ceux qui donnent des informations sur la profondeur, la distance par rapport au rivage, la température, le dynamisme et l’oxygénation des eaux marines, mais qui ne donnent pas forcément des indications précises sur l’âge géologique des couches étudiées. Relativement à ce dernier aspect, il passait beaucoup de temps pour trouver et dégager les « fossiles caractéristiques » ou « espèces marqueur » ayant une durée de vie géologique restreinte, c’est à dire une distribution verticale courte et, par-là, une signification biostratigraphique beaucoup plus précise. Notre objectif visant à localiser le mieux possible la limite Santonien-Campanien, on insistera plus sur les caractères des espèces de ce groupe.
Les microfossiles. Sur les 35 mètres de coupe, 36 échantillons de craie, d’environ 2 kg chacun ont été prélevés sur les fronts disponibles et représentatifs. Au laboratoire, après brossage, nettoyage à l’eau et séchage, la moitié est mise en réserve tandis que l’autre est traitée. Chaque prise est fragmentée au marteau, le plus délicatement possible pour obtenir un granulat d’éléments de 1 à 2 mm dans lesquels les microfossiles sont, ou libérés ou encore engagés dans la craie. Le but étant de les dégager, le granulat est partagé dans des béchers (h = 20 cm ; d = 7 cm environ), installés en série. Les béchers admettent chacun une brosse cylindrique animée en rotation par un système de poulies (environ 1 tour/seconde), qui dégage délicatement les microfossiles. Ceci en milieu aqueux additionné d’un peu de polyphosphate ménager - type « Calgon » - qui facilite le nettoyage. Après quelques heures de rotation, le contenu de l’ensemble des béchers est passé sous jet d’eau sur une petite colonne de tamis avec 4 classes granulométriques : 24 mesh (0,7 mm), 48 mesh (0,3 mm), 65 mesh (0,2 mm) et refus (< 0,2 mm). En cas de besoin on peut ajouter un tamis à 100 mesh (0,15 mm) qui permet de vérifier si certains groupes, dont les Bulimines et les premiers Bolivinoïdes très allongés ne sont pas passés dans la fraction < 0,2 mm. Après séchage au four, les résidus sont partagés en plusieurs classes granulométriques, séparés dans une liqueur dense (mélange de bromoforme et d’alcool pur amené à la densité de 2,18), séchés puis triés sous binoculaire, et quelques spécimens représentatifs mis en cellules.
La limite santonien-campanien à l’international
Dans les recommandations de la « Campanian working party in Brussels » publiées dans les « Proceedings of the Second International Symposium on Cretaceous Stage Boundaries held in Brussels 8-16 september 1995 », un consensus s’est dégagé en faveur du choix de l’extinction du crinoïde Marsupites au sommet du Santonien qui permet de tracer la limite entre les étages Santonien et Campanien (Hancock & Gale, 1996). La proposition se conforme à l’usage de cette ligne-temps prônée dès de Grossouvre (1901) et suivie entre autres par Ernst (1963, 1979), Bailey et al. (1983), Birkelund et al. (1984), et Mortimore (1986) jusqu’à Cobban (1995). Argumentée ensuite par Gale et al. (1996), elle a été largement adoptée comme le montrent les résultats de la biostratigraphie des craies de la falaise de Seaford Head, dans le Sussex, où est particulièrement bien exposée cette limite Santonien-Campanien (Hampton et al., 2007), tout comme dans les falaises du Pays de Caux (Hoyez, 2008).
Tenant compte des auteurs cités ainsi que des tableaux publiés dans Mortimore et al. (2001, p. 55 et p. 60) et dans Hampton et al. (2007), la succession des zones macropaléontologiques « classiques » ou « traditionnelles » et la correspondance avec la distribution verticale de quelques taxons de foraminifères est présentée à la Figure 11.
La distribution verticale des principaux macrofossiles (Figure 12)
Les fossiles récoltés dans la carrière de Cherisy appartiennent à trois grands groupes : les Échinodermes, les Inocérames et les Bélemnites, sachant que les deux derniers groupes ne sont signalés que par quelques spécimens.
N.B. : les termes de la classification zoologique utilisée ci-après correspondent à la classification « classique » ou « traditionnelle » ou « ancienne », encore connue de tous les géologues et qu’avait utilisée Daniel Delugeard. Toutefois, dans le chapitre suivant, on essaiera de replacer les ensembles de fossiles dans la classification phylogénétique développée plus récemment par Lecointre & Le Guyader (tome 1, 4e édition 2016), et Lecointre & Le Guyader (tome 2, 4e édition, 2017).
Les Échinodermes sont bien représentés dans la totalité de la succession.
Les Pelmatozoaires, c’est-à-dire les formes fixées sur un substratum marin par un pédoncule, tels les Crinoïdes, sont relativement rares. Certains présentent un pédoncule constitué d’articles portant un calice - ou thèque - fusiforme comme Bourgueticrinus fritillus (Griffith & Brydone) tandis que d’autres ont leur calice enfoncé dans le sédiment comme Uintacrinus socialis Grinnel et Marsupites testudinarius (von Schlotheim), tous deux souvent seulement signalés par leurs plaques thécales polyédriques.
Remarque. Certains auteurs, dont par exemple Wagreich et al., (2010, 2017) ou Gale (2019) subdivisent la zone à Marsupites – telle qu’utilisée ici – en deux parties : une partie inférieure à Marsupites lœvigatus Forbes et une partie supérieure à Marsupites testudinarius. Notre matériel disponible n’étant pas suffisant, cette distinction n’a pu être adoptée dans le présent travail.
Les Éleuthérozoaires ou formes libres, sont plus nombreux, avec deux classes : les Astérides - ou étoiles de mer, dont on ne trouve généralement que les ossicules (provenant des genres tels Metopaster, Crateraster, Pycinaster), et surtout les Échinoïdes, formes à thèque libre, vivant soit sur un substratum marin résistant ou dans des terriers dans le cas d’un substrat meuble. On y distingue les Échinides réguliers avec Tylocidaris clavigera (Mantell), Phymosoma koenigi (Mantell), et les irréguliers comme Conulus subrotundus Mantell, Conulus albogalerus Leske (à péristome central à la face orale), et d’autres comme Echinocorys scutata (Leske), Offaster pillula (Lamarck), ainsi que les Micrasters (cf. Stokes, 1975) avec Micraster coranguinum (Leske) et Micraster coranguinum schroederi (Stolley), tous ces irréguliers ayant une bouche migrant vers l’avant et l’anus migrant vers l’arrière, ceci définissant un plan de symétrie bilatéral qui se superpose à la symétrie pentaradiée fondamentale des Échinodermes.
Les Inocérames font partie des Lamellibranches (branchies en « lamelles »), dysodontes (dents de la charnière entre les deux valves, peu marquées), très anisomyaires (le muscle adducteur antérieur est très petit par rapport au muscle adducteur postérieur qui peut fermer hermétiquement la coquille bivalve). La couche prismatique de la coquille est souvent très épaisse et les prismes de calcite qui la composent se dissocient pour former les « soies » de la craie. Les individus complets sont assez rares comme par exemple Volviceramus cf. involutus (J. de C. Sowerby) et Cordiceramus cordiformis (J. de C. Sowerby).
Les Bélemnites (belemn = javelot) sont des Céphalopodes coléoïdes (coleo = étui), à coquille interne ou rostre, allongé, calcitique. Deux espèces seulement ont été dégagées à Cherisy. Chez la première, Actinocamax verus Miller, la partie antérieure du rostre entourant l’alvéole conique du phragmocône est imparfaitement calcifiée, donc très fragile et généralement détruite, ce qui donne à la partie antérieure du rostre un aspect conique. Selon Doyle (in Smith & Batten, 2002) cette espèce serait particulièrement commune dans la zone à Marsupites ; à Cherisy des exemplaires ont été trouvés à environ 3 m au-dessus des derniers Marsupites.
La deuxième espèce, « Gonioteuthis quadrata (Blainville) », est caractérisée par un pseudalvéole antérieur carré. Toutefois, comme l’écrivait en 1991 feu Walter Christensen, le spécialiste de référence sur les bélemnites, « limited material has little stratigraphic value ». Ceci par le fait que nommer des bélemnites demande le calcul de valeurs moyennes de plusieurs indices biométriques mesurés sur les rostres, sur au moins une dizaine de spécimens de même dimension provenant d’un même niveau. Ce qui n’est pas le cas à Cherisy ! De sorte que les rostres des très rares « Gonioteuthis quadrata » dégagés à Cherisy pourraient aussi bien – et plus probablement - être des « Gonioteuthis cf. granulataquadrata Stolley » dont la position stratigraphique est limitée à la partie basale du Campanien (Christensen, 1975, 1991 ; Christensen et al., 1993), c’est à dire de la zone à Offaster pillula, d’où proviennent justement les spécimens trouvés à Cherisy.
Retenons qu’à des fins biostratigraphiques et pour le placement de la limite Santonien-Campanien, les macrofossiles marqueurs sont peu nombreux mais particulièrement précis, avec la succession, du bas vers le haut, soit du plus ancien au plus récent : Micraster coranguinum, Uintacrinus socialis (avant-dernière zone du Santonien), Marsupites testudinarius (dernière zone du Santonien, la disparition de l’espèce ayant été proposée au Symposium de Bruxelles en 1995 pour tracer la base du Campanien), Offaster pillula (première zone du Campanien), Gonioteuthis granulataquadrata (deuxième zone du Campanien).
Tous ces marqueurs ont été récoltés à Cherisy.
N.B. : Dans la présente contribution n’ont été cités que les macrofossiles de la collection Delugeard dont l’intérêt stratigraphique est démontré.
Il est prévu que les autres spécimens de la collection, maintenant conservés dans les locaux de l’Association Géologique Auboise à Troyes, feront l’objet d’une monographie à paraître avec, en particulier, les autres Crinoïdes, Astérides, Échinides réguliers et irréguliers, de même que les autres Lamellibranches, les Brachiopodes, Scaphopodes, Gastéropodes, Décapodes, Cirripèdes, Vers et Bryozoaires.
Corrélation des craies de Cherisy avec le Sussex (U.K.)
En leur temps, Hébert (1874) puis Barrois (1876) avaient argumenté avec succès le principe d’une corrélation des zones paléontologiques des craies blanches sénoniennes de part et d’autre de la Manche. De nos jours, de nombreux travaux ont été menés sur le terrain des deux côtés du Channel et des correspondances ont été précisées, particulièrement et entre autres par Mortimore & Pomerol (1987) et Mortimore et al. (2001).
Dans le cas présent on a tenté de corréler simplement la place de la limite Santonien-Campanien dans les craies de Cherisy et du Sussex en utilisant les outils les plus commodes, tant sur le terrain avec les macrofossiles marqueurs qu’au laboratoire avec les microfossiles foraminifères. Pour conforter la corrélation on a tenu compte des travaux de Téhérani (1968), Ernst et al. (1979, 1983), Swiecicki (1980), Bailey et al. (1984), Hart & Swiecicki (1987), Kopaevitch et al. (2007, 2020).
Les résultats de l’essai ont abouti à l’élaboration de la Figure 13 qui sera brièvement commentée.
À gauche : la succession des ensembles litho-paléontologiques de Dollfuss & Fortin (1911) pour les craies à Micrasters, et de Goel (1965) pour les craies à Bélemnites.
Au milieu : la succession des craies de Cherisy selon nos levés.
À droite : la succession des craies dans les falaises de Seaford Head, dans le Sussex, selon Hampton et al. (2007).
Les marqueurs faunistiques utilisés sont, du bas vers le haut :
- la fin d’Uintacrinus socialis juste au-dessus d’un niveau à gros silex (Hawks Brow Flint),
- l’apparition de Marsupites,
- la présence des premiers Bolivinoides strigillatus,
- la disparition (et probablement l’extinction) du crinoïde Marsupites testudinarius, qui indique la fin du Santonien,
et, au-dessus des derniers Marsupites :
- la différenciation de Bolivinoides culverensis,
- la présence de l’Échinide irrégulier Offaster pillula, de la petite bélemnite Actinocamax verus,
- l’émergence progressive de Stensioeina cf. pommerana
- la présence de Gonioteuthis cf. granulataquadrata,
- la présence de Bourgueticrinus spp. et celle de Parapuzosia sp.
La confrontation de Cherisy et de Seaford Head semble bien montrer l’équivalence biostratigraphique des deux sections et la place très précise de la limite Santonien-Campanien par rapport à des litho- et bioévénements similaires sinon identiques des deux côtés de la Manche pour des coupes séparées d’environ 200 kilomètres.
Les autres macrofossiles à Cherisy
La classification phylogénétique
La classification du vivant, dite « traditionnelle » date de l’époque des Lumières et a été largement influencée par Linné (1707-1778). Elle est caractérisée par la persistance d’un anthropocentrisme affirmé (l’homme au sommet de la classification) et par la dénomination de groupes « négatifs » (basés sur l’« absence » d’un caractère, comme s’il y avait des organismes « parfaits » portant le caractère considéré, ce qui fait preuve d’essentialisme), par exemple les acoelomates (sans coelome), les invertébrés (sans vertèbres), les agnathes (sans mâchoire), les anoures (sans queue) etc.
Plus tard, Darwin (1805-1882) prône une « classification naturelle » c’est à dire une classification « qui doit refléter la phylogénie » comme le dira Haeckel (1834-1919) par ses recherches sur les parentés. Le concept sera développé par l’entomologiste Hennig (1913-1976) qui fonde la « systématique phylogénétique » - ou cladistique - sur la méthode des groupes monophylétiques. La cladistique se propose ainsi de retrouver les parentés évolutives entre des espèces en les rassemblant en groupes monophylétiques reconnaissant un ancêtre commun et la totalité des descendants qui en sont issus.
Aujourd’hui, la classification phylogénétique – ou arbre du vivant – est construite sur des données morphologiques qui peuvent être confirmées par des données moléculaires et tient compte de ce que « l’ordre de la nature est le reflet de l’histoire évolutive des organismes sur terre » (Lecointre & Le Guyader, 2016), suivant ainsi l’idée-clé de la « descendance avec modification » de Darwin, alors que Linné négligeait la variation au sein de l’espèce qui, elle, est pourtant à la base de l’Évolution.
Place des spécimens de Cherisy dans la classification phylogénétique
Vue du côté pratique, la classification phylogénétique commence à être enseignée, du Primaire à l’Université mais pour l’adopter complètement il faut accepter l’abandon de certains groupes « classiques », soit à cause de leur polyphylétisme, soit par le fait de l’utilisation de caractères « négatifs ». Ainsi on n’y retrouvera plus les Protozoaires, Algues, Bryophytes, Gymnospermes, Invertébrés, diblastiques, acoelomates, agnathes, Poissons, Reptiles, Prosimiens qui apparaissent comme des groupes paraphylétiques. Toutefois, dans la 4e édition de leur « Classification phylogénétique du vivant », Lecointre & Le Guyader (2017) ont replacé les différents « groupes caducs » des classifications traditionnelles dans les cinq tableaux (d’« Où sont-ils ») annexés en fin de volume. On devra se référer à cette « Classification » nouvelle, exposée dans deux gros volumes, quand on voudra dépasser le cadre de la classification phylogénétique résumée, proposée à la Figure 14 où sont replacés les principaux groupes ou espèces de fossiles de la collection Delugeard.
Les groupes présents à Cherisy
Dans le matériel légué à l’Association Géologique Auboise par Daniel Delugeard, soit plusieurs centaines de spécimens, on relève des représentants des taxons significatifs suivants qui sont présentés ci-après en adoptant la classification phylogénétique du vivant de Lecointre & Le Guyader (2016 et 2017), résumée au tableau de la Fig. 14.
Unicellulaires
Foraminifères (benthiques : Stensioeina,Gavelinella, Bolivinoides)
Métazoaires
Spongiaires (Siphonia)
Hexacoralliaires
Mollusques
Gastéropodes
Céphalopodes : ammonites et bélemnites (Gonioteuthys, Actinocamax)
Bivalves = Lamellibranches (Rastellum,Spondylus,Volviceramus)
Brachiopodes : térébratules et rhynchonelles (Cretirhynchia)
Euarthropodes : crabe
Échinodermes
Crinoïdes :Roveacrinus, Uintacrinus, Marsupites, Metopaster, Pycinaster
Échinoïdes
Symétrie 5 (« réguliers ») : Phymosoma, Cidaris, Tylocidaris, Stereocidaris
Symétrie 5 + 2 (« irréguliers ») : Conulus, Echinocorys, Offaster, Micraster
Chordés – Vertébrés
Chondrichtiens : dents de requins (Ptychodus), dents et plaques dentaires de raies
Ostéichtiens
Les espèces biostratigraphiques index présentes à Cherisy appartiennent surtout aux groupes des échinodermes (Crinoïdes et Échinoïdes, Planches 1 et 2), des Céphalopodes (Bélemnites) et des Bivalves (Inocérame) à la Planche 3. Ont été ajoutées à la Planche 3, quelques espèces assez fréquentes mais biostratigraphiquement peu significatives, tels un Spongiaire (Siphonia), une Rhynchonelle (Cretirhynchia), un Spondilide (Spondylus) et un Ostréide (Rastellum).
Un choix de l’ensemble des groupes, genres et espèces de la Collection Delugeard sera illustré dans une suite de 8 planches formant une contribution qui sera publiée dans le Bulletin annuel de l’Association Géologique Auboise (Matrion et al., 2023).
Focus sur le Crinoïde Marsupites, marqueur de la fin du Santonien
Nomenclature
L’extinction du genre Marsupites marque la ligne-temps de la fin du Santonien, ce qui revient à dire que cette dernière commence également l’étage Campanien (Hancock & Gale, 1996). Le fossile ayant acquis une importance biostratigraphique mondiale, il est apparu indispensable de revenir sur quelques aspects historiques relatifs à ce genre de Crinoïde, connu essentiellement dans les faciès crayeux et qui a déjà fait l’objet de mises au point, entre autres de Sieverts (1927), Rasmussen (1961, 1978), Milsom et al. (1994) et, plus récemment avec Lach (2016) et Lach & Salamon (2016).
Rappelons la succession chronologique des apports
1808 : James Parkinson (1755-1824) - chirurgien de son état, descripteur ou « inventeur » de la maladie qui porte son nom et, en même temps, très intéressé par la géologie et remarquable paléontologiste – publie le tome 2 (1808) de son ouvrage « Organic remains of a former world ». Il y décrit dans sa « Letter XXII » p. 226, un crinoïde particulier, sans pédoncule, en forme de bourse qu’il nomme la « Tortoise Encrinite » ou encrine à plaques ressemblant à celles d’une tortue, comme figurée dans sa Planche XIII, figure 24. Avec la remarque que le dessin est à l’envers et devrait apparaître « purse at the bottom… as description of Mr Donovan ». Il y a peu d’information sur ce dernier personnage sauf qu’il existait un « Museum of Mr Donovan » (p. 223) dans lequel était présenté un « Tortoise Asterio Encrinus » (p. 227). Parkinson rappelle également (p. 225) que Lister décrit, dans son « Radices Entrochorum », Philosophical Transaction n° 100, February 1674, « a pentagonus plate embossed with angles… ». Toutefois, Bather, en 1889, pense que la plaque figurée représenterait celle d’un crinoïde du Carbonifère. Mais, plus loin, Lister ajoute que cette plaque « … completes the marsupial form belonging to this animal ». L’utilisation du terme « marsupial » correspondrait donc plutôt au fossile qui sera nommé plus tard Marsupites. C’est probablement de cette ancienne comparaison avec une morphologie « marsupiale » proposée par Lister qu’est originaire le nom de genre.
1820 : Ernst Friedrich Freiheer von Schlotheim (1764-1832), éminent paléontologiste au-delà de sa fonction officielle de président du tribunal de Gotha, le premier à utiliser le système binominal en Allemagne, décrit un fossile apparemment semblable sous le nom de Fungites testudinarius (non figuré ?) ou Encrinites testudinarius ? Il connaît pourtant l’existence du nom de genre Marsupites.
1821 : Gideon Algemon Mantell (1790-1852), obstétricien de métier mais aussi géologue et paléontologue, est en train de terminer son ouvrage « The fossils of the South Downs » où il décrit et figure un fossile en forme de bourse marsupiale (« marsupial purse ») sous le nom de « marsupite ». Il prête son manuscrit à J.S. Miller qui, lui-même, est en voie de publication de sa « Natural History of the Crinoidea ».
1821 : L’ouvrage de John Samuel Miller (1779-1830) est publié et contient la description du genre Marsupites Miller et la figuration de l’espèce Marsupites ornatus Miller. Il remarque que les calices trouvés dans la craie n’ont plus les bras formés d’articles que l’animal devait avoir de son vivant et écrit (p. 135) : « …in this mutilated state somewhat resembling a purse, induced Mr Mantell to give it the name Marsupites, from the latin. I think this name so well chosen that I have taken the liberty to adopt it. ». Ainsi il nomme le genre (p. 134) : « Marsupites, or the Purse-like Animals » et commence sa description par (p. 136) « A marsupial animal having… ». Il nomme ensuite l’espèce Marsupites ornatus Miller (p. 137) : « ornamented Purse-like animal… » qui sera ensuite mis en synonymie avec testudinarius par Sieverts (1927).
1822 : Publication de l’ouvrage de G. Mantell « The fossils of the South Downs » où est figuré et décrit Marsupites milleri Mantell (Pl. XII, figs 6-9, 13-15), reconnaissant ainsi que son ami Miller « has adopted the name [Marsupites] by which I have been accustomed to distinguish it. ». Miller avait effectivement vu et lu la description de ce fossile dans le manuscrit prêté.
Puis, successivement, sont créés :
1823 : « Marsupites mantelli » par Alexandre Brongniart
1824 : « Marsupites (Sitularia) trianguliformis par G. Cumberland
1830 : « Marsupiocrinites » par de Blainville, émendation de Marsupites Mantell, 1821
1839 : « Marsupiocrinites » par Phillips, pour une forme du Silurien
1850 : « Marsupites lœvigatus » par E. Forbes (in Dixon, 1850) qui utilise également deux autres taxons : M. milleri et M. ornatus
1889 : Francis Arthur Bather (1863-1934) constate que le statut nomenclatural de « Marsupites testudinarius von Schlotheim » est assez embrouillé et il élabore une assez longue liste de synonymies, avec citation des ouvrages ayant figuré l’espèce. Cette note fait toujours référence.
1911 : « Marsupites americanus » par Springer
1917 : « Marsupites testudinarius var. ornata » par Valette
1927 : toutes les espèces et variétés nommées de la craie sont mises en synonymie, par Sieverts, avec Marsupites testudinarius.
Pour clore, retenons les appellations valides :
- pour l’espèce : testudinarius von Schlotheim 1820 (sous le nom de genre Encrinites, nom non valide car déjà utilisé pour un autre groupe),
- pour le genre : Marsupites Miller 1821 (nom de genre valide mais le nom d’espèce ornatus n’est pas valide puisque synonyme et ultérieur à testudinarius)
- Marsupites testudinarius (von Schlotheim, 1820) est donc l’écriture valide.
Mode de vie
Pour les individus adultes de Marsupites, des modes de vie pélagique, nectonique, pseudoplanctonique ont été envisagés par divers auteurs (Carpenter, 1866, Bather, 1896 ; Springer, 1901 ; Schuchert, 1904 et d’autres) mais il ne s’est pas manifesté de consensus sur l’un ou l’autre mode de vie. Quant à la dispersion de l’espèce il a parfois été suggéré un stade larvaire planctotrophique assez long pour permettre une large distribution géographique.
Au terme de la discussion de ces questions, Milsom et al. (1994, fig. 3) proposent un mode de vie avec le calice enfoncé dans un substratum sédimentaire fin, comme devait se présenter le fond marin à l’époque de la « mer de la craie », ce qui paraît très valable.
D’autant que cette interprétation rappelle ce qu’en disait Alcide d’Orbigny en 1851, dans son « Cours élémentaire » p. 135-136 : « les Crinoïdes, qu’ils soient libres ou fixés, se tiennent la bouche en haut, les bras étendus, pour attendre leur proie […]. Chez les genres Saccocoma et Marsupites, que nous regardons encore comme des Crinoïdes, la saillie de leur calice globuliforme s’oppose à ce qu’il puisse être en dessus dans la reptation, nous devons donc croire que cette disposition particulière était propre à vivre sur les sédiments fins où les autres Crinoïdes ne pouvaient se fixer. Là, le calice enfoncé dans le sable* ou l’argile, ils déployaient probablement leurs bras comme ceux des Crinoïdes[….]et disposés de manière à ce que leur corps bulbiforme s’enfonce dans les sédiments fins. »
Répartition géographique en France
Au XIXe siècle et au début du XXe la présence de Marsupites a été signalée de nombreuses fois, surtout dans le quart nord-ouest de la France, spécialement dans les faciès crayeux entre le Pays de Caux et la Touraine. En voici quelques exemples par région.
Pour le pays de Caux, la Seine-Maritime, les alentours de Dieppe : d’Orbigny (1850 : Prodrome II, p. 275), de Grossouvre (1901 : Recherches sur la craie supérieure), Leriche (1905), Janet (1906), Filliozat (1906), Bignot & Ebrahimzadeh-Assadian (1970 : Marsupites au cap d’Ailly), Cottard (1989 : Offaster au cap d’Ailly), Bignot et al., 1993 : Offaster pilula au cap d’Ailly). Dans cette dernière note, les auteurs proposent qu’une partie de la falaise de craie au cap d’Ailly puisse constituer une référence régionale pour la limite Santonien-Campanien en prenant en considération que de la craie à Marsupites a été repérée dans l’ancienne carrière des Craquelins (écroulée en mer depuis) située vers le milieu de la falaise, surmontée par de la craie à Offaster. Le problème est que cette succession, bien que visible à la jumelle, n’est pas accessible par des moyens simples.
Pour la région de Rouen et le département de l’Eure : Follet (1956, 1959).
Pour le nord de la France : Gosselet (1885, 1899), Leriche (1905), Bardou (1905, 1906 : région du Santerre).
Pour la région de Chartres, le département d’Eure-et-Loir et les alentours de Dreux : de Grossouvre (1892 ; 1901), Leriche (1905), Filliozat (1906), Robaszynski & Delugeard (1995 : Symposium de Bruxelles).
Pour la région de Vendôme et la Touraine : de Grossouvre (1901), Leriche (1905), Filliozat (1906 et 1910, Uintacrinus).
Pour l’est du bassin de Paris : relativement à la position de la limite Santonien-Campanien, une ou plusieurs des macrofaunes caractéristiques de la transition entre les deux étages, en particulier Micraster coranguinum, Marsupites, Offaster et Gonioteuthis, ont été signalées dans la craie de l’Yonne dès le XIXe siècle par Hébert (1863, 1866), puis Lambert (1878, 1879, 1882), reprises par de Grossouvre (1901) et complétées par Huré (1908) et Valette (1908).
Ces observations ont été confirmées plus récemment dans la région de Sens par Mortimore & Pomerol (1987, p. 126-127) avec la découverte de Uintacrinus socialis à Villenotte près de Sens, de Marsupites, Offaster et Gonioteuthis à Saint-Martin-du-Tertre.
D’autres récoltes ont été menées dans l’Aube par des membres de l’Association Géologique Auboise : présence de Marsupites à Romilly-sur-Seine (Fricot, 1980, 1982 a et b) et d’Offaster à Ossey-les-trois-maisons (Fricot, 1981).
Pour la région de Constantine en Algérie avec Peron (1898 : Bull. Soc. géol. Fr., 26, p. 510).
La « zone à Marsupites »
Après plusieurs séjours sur le terrain en Angleterre en vue de la préparation de sa thèse sur le Crétacé supérieur de ce pays, Charles Barrois, en tant que membre de la Société géologique du Nord nouvellement créée par son maître Jules Gosselet, présentait au cours de la séance du 18 mars 1875, un état de la succession des « zones » par lui reconnues lors de ses explorations. Il divisait alors la « craie blanche » du sud de l’Angleterre en trois « assises » A, B et C avec les dénominations suivantes, soit du haut vers le bas (Figure 15)
La base paléontologique de cette succession se référait à celle établie antérieurement en France, dans le bassin de Paris par Hébert, un autre de ses maîtres. À ce propos, Barrois écrit « … la craie d’Angleterre présente une succession de faunes différentes, ou de zones paléontologiques distinctes, entièrement comparables à celles que M. Hébert a reconnues dans le bassin de Paris », sauf qu’entre la craie à Bélemnitelles et celles à Micrasters d’Hébert, il intercale la craie à Marsupites de Brighton. L’année suivante, en 1876, date de la publication de sa thèse sur le Crétacé de l’Angleterre dans les Mémoires de la Société géologique du Nord, toujours en séance pendant une réunion de ladite Société, Barrois corrobore les subdivisions adoptées en retenant uniquement cette fois les caractères paléontologiques. Le tableau des divisions devient comme ci-après (Figure 16), où le Marsupites tient une position significative en tant que marqueur d’« assise » et de zone.
Dans le mémoire récapitulant ses « Recherches sur le terrain crétacé supérieur de l’Angleterre et de l’Irlande », Barrois (1876) décrit sa « Zone à Marsupites » comme une craie blanche, tendre, à silex légèrement zonés, en bancs distants d’environ 2 m, avec une faune associée où sont remarqués (p. 135) Micraster coranguinum, Echinoconus conicus, Belemnitella merceyi, Ammonites leptophyllus, Belemnites verus. Il définit cette zone selon plusieurs caractères (p. 21) : « J’appelle ce niveau zone à marsupites parce que ces crinoïdes y sont très répandus en Angleterre et que je n’en ai jamais rencontré à un autre niveau. La zone à marsupites correspond à la partie supérieure à silex cariés, et ma zone à Micraster coranguinum à la partie inférieure à silex zonés de la craie à Micraster coranguinum de M. Hébert »
Remarque. Il faut comprendre la « zone à marsupites » de Barrois (1876) dans un concept très large (« broad concept » in Mortimore et al., 2001, p. 212). En effet, dans les falaises près de Brighton par exemple, Barrois affirme que « La zone à Marsupites en cette région a plus de 100 m, elle forme seule toutes les falaises jusqu’à Brighton » alors que des récoltes et des métrages ultérieurs montrent qu’à Brighton, ou à Thanet, ou encore à Cuckmere-Seaford, les Marsupites ne se trouvent que dans une bande ou horizon de craie de 8 à 12 m d’épaisseur, atteignant au maximum 23 m à Flamborough dans la province nord (selon Mortimore et al. 2001, p. 212 ; déjà noté par Rowe, 1900 ; et vérifié plus récemment par Hampton et al., 2007).
Il reste que Barrois aura été l’un des premiers à mettre en valeur un événement biologique relativement court, un bio-événement ou « bioevent » dans la littérature actuelle, pour marquer une limite entre, ici, deux périodes biologiques : les « craies à Micrasters » en dessous et les « craies à Bélemnitelles » au-dessus. Ce concept sera largement déployé beaucoup plus tard, par exemple dans la « stratigraphie événementielle » ou « event stratigraphy » prônée par Ernst (1963) puis par Ernst et al. (1979, 1983) et leurs écoles, et qui repose sur la caractérisation d’un « événement » - qu’il soit de nature biologique (apparition, extinction, acmé, « bloom », ou de nature physique (marne détritique, cendres volcaniques, pic d’isotope stable etc.) ou autre, dont la particularité essentielle, en plus d’être relativement court dans le temps, est d’être isochrone, ce qui permet de soutenir des corrélations temporelles à grande distance.
C’est un quart de siècle plus tard par rapport à Barrois que de Grossouvre (1901), dans la grande synthèse sur ses « Recherches sur la craie supérieure », suggère que la zone à Marsupites pourrait être un horizon dont le sommet définirait la limite entre les étages Santonien et Campanien. Ultérieurement, ce concept sera largement accepté et repris au terme des Symposiums sur la limite des étages crétacés, d’abord à Copenhague (Birkelund et al., 1984) puis à Bruxelles (Hancock & Gale, 1996) où il a été présenté officiellement.
Zoom sur pillula versus pilula. Quelle histoire cher Offaster !
Tout d’abord, en français, la graphie moderne « pilule » est usitée depuis 1560 pour désigner « un petit corps rond ». Ce terme « pilule » est issu du latin pilula (en allemand Pille, en anglais pill), mais Alain Rey (2016) signale l’existence de la graphie « pillule » en 1314. À quoi pouvait donc se référer notre illustre paléontologiste DE LAMARCK, quand, en 1816, il a nommé un petit oursin fossile extrait de la craie de la région de Beauvais « l’ananchite pillule » ou « Ananchites pillula ». Dénomination que, pendant près d’un siècle et demi on a écrit « pilula », contrevenant ainsi aux lois de priorité ! Pour tenter de comprendre cette étrangeté, voire bizarrerie, nous allons suivre quelques étapes du parcours de ce nom d’espèce.
1816 - DE LAMARCK Jean-Baptiste : Ananchytes pillula, in Histoire des animaux sans vertèbres, 1re Édition, 3, p. 27, n° 11 (On peut se poser une première question : pourquoi de Lamarck utilise-t-il une graphie désuète ?).
1824 – EUDES-DESLONGCHAMPS Eugène : Ananchytes pillula, in Encyclopédie Méthodique, 2, p. 64, n° 11.
1837 – DES MOULINS Charles : Spatangus pillula, in Études sur les Échinodermes, p. 406, n° 50.
1840 – DESHAYES Gérard & MILNE-EDWARDS Henri : Ananchytes pilulla, in DE LAMARCK, Histoire des animaux sans vertèbres, 2e Édition, 3, p. 319, n° 11 (Deuxième question : pourquoi un double l… cette fois à la troisième syllabe ?).
1847 – AGASSIZ Louis & DESOR Édouard : Ananchytes pillula, in Catalogue raisonné, p. 135.
1850 – d’ORBIGNY Alcide : Holaster pillula (Holaster : Agassiz), n° 1166 in : Prodrome de Paléontologie stratigraphique.
1852 – FORBES Edward : Ananchytes (Holaster) pilula pars, in Memoir of the Geological Survey, Decade 4, pl. 8, fig. 5-9.
1853 – d’ORBIGNY Alcide : Cardiaster pilula, d’Orb., 1853, Paléontologie française, Terrains crétacés, Échinodermes, t. 6, p. 126, pl. 824, 1-10, qui réfère à
« Ananchytes pilula, Lamarck, 1816, Animaux sans vertèbres
Ananchytes pilula, Deslongchamps, 1824
Spatangus pilula Des Moulins, 1837
Holaster pilula, Agassiz & Desor, 1847
Ananchytes pilula, Forbes, 1852 »
(Troisième question : pourquoi d’Orbigny modifierait-il toutes les graphies « pillula » des auteurs antérieurs pour les remplacer par « pilula » ? Ne serait-ce pas, en réalité, une intervention de Gustave Cotteau ? Près d’Auxerre, Cotteau est Juge au Tribunal civil de Coulommiers, mais aussi paléontologiste, renommé pour sa connaissance des Échinodermes - et des Échinides en particulier, qui deviendra le continuateur désigné de la « Paléontologie Française » initiée par d’Orbigny. Aurait-il revu et modifié le Texte (1853-1855) et l’Atlas (1854-1860) du tome VI de la Paléontologie Française ou aurait-il incité d’Orbigny à effectuer ou à accepter le changement de graphie ? Car c’est bien Cotteau qui, après le décès de d’Orbigny en 1857, rédigera le texte relatif aux Échinides du tome VII et en réalisera l’Atlas (1862-1867). Toujours est-il que c’est après Forbes (1852) et après la publication du tome VI de la « Paléontologie Française » (1853) – qui devait représenter une référence d’autorité dans le monde paléontologique de l’époque - que l’usage s’est répandu pendant près d’un siècle et demi de l’écriture de « pilula »… sauf Desor qui, on ne sait pourquoi, ajoute une majuscule !
1858 – DESOR Henri : Offaster Pilula (Offaster Desor, n. gen., de offa : petite boule, in Desor, Synopsis des échinides fossiles). Desor se réfère à « Cardiaster Pilula d’Orb. » (sauf que d’Orbigny ne l’a jamais écrit avec une majuscule et n’a pas créé l’espèce !).
C’est plus récemment que la graphie originelle « pillula » a été reprise avec raison par Gale (2017, 2019).
Distribution verticale des microfossiles foraminifères
La méthode de préparation des échantillons crayeux de Cherisy a fourni de nombreux foraminifères en majorité benthiques, quoique les formes planctoniques ne soient pas rares et même parfois abondantes à certains niveaux. Parmi les foraminifères benthiques, de nombreuses espèces ont une distribution verticale couvrant tout le temps représenté par l’épaisseur des craies exploitées, comme par exemple les espèces Verneuillina muensteri (Reuss), Loxostomum eleyi (Cushman), Reussella kelleri (Vassilenko) / cushmani, Gavelinella thalmanni (Brotzen), Vaginulinopsis scalariformis Porthault, Neoflabellina spp. et d’autres encore. En revanche, une trentaine de taxons ont un intérêt stratigraphique évident du fait d’une distribution verticale restreinte.
Ces caractéristiques avaient permis à Christian Monciardini, micropaléontologiste dans le service de biostratigraphie du Bureau de Recherches Géologiques et Minières à Orléans, de subdiviser les craies blanches « sénoniennes » du bassin de Paris en une dizaine de zones (a à j) utilisables pour justifier des contours stratigraphiques à l’époque de la réalisation de la cartographie géologique des feuilles au 1/ 50 000 couvrant le bassin de Paris. Un tableau récapitulant l’ensemble de ses résultats a été présenté dans la « Synthèse géologique du bassin de Paris » publiée à l’occasion du Congrès Géologique International de Paris (Monciardini, 1980) et, plus tard, adapté à la feuille de Dreux (Monciardini, 1994).
Pour ce qui concerne Cherisy, on s’attachera ici à examiner des espèces appartenant à trois groupes : les Stensioéines, les Gavelinelles et les Bolivinoïdes (Figure 17). Ces groupes seront ci-après l’objet de remarques relatives à leurs critères de distinction morphologique ainsi qu’à leur distribution verticale par rapport aux marqueurs macropaléontologiques récoltés sur la coupe et plus spécialement de Micraster coranguinum/schroederi, Uintacrinus socialis, Marsupites testudinarius, Offaster pillula ou encore de Conulus albogalerus et Actinocamax verus (Figure 18).
Les Stensioéines
Les Stensioéines font partie, au niveau supragénérique du sous-ordre des Rotaliina, famille des Gavelinellidae, sous-famille des Gyroidinoidinae (Loeblich & Tappan, 1987). Le groupe apparaît dès le Turonien inférieur dans les faciès crayeux de l’Europe orientale (Vassilenko, 1961). Plus vers l’ouest, dans le bassin de Paris (Robaszynski, 1979) et dans le Kent (Bailey, 1978), les Stensioéines ne deviennent fréquentes qu’à partir du Coniacien et acquièrent un profil plano-convexe caractéristique avec des ornementations variées.
Dans les contributions à la connaissance des Stensioéines, il y a lieu de remarquer, entre autres, celles de Hofker (1957), Vassilenko (1961), Trümper (1968), Koch (1977) et surtout les travaux récents de Dubicka & Peryt (2014).
Suivant cette dernière contribution, les Stensioéines pourraient être divisées en deux genres : Protostensioeina et Stensioeina.
Le genre Protostensioeina Dubicka & Peryt, 2014, se développe du Turonien au Santonien. Les espèces se caractérisent par un test plan-convexe, à face spirale plane, ornementée à lisse. La variété de l’ornementation est à la base de la taxinomie des espèces qui sont illustrées dans les planches de l’article fondateur. Le stade final de l’évolution spécifique correspond à l’espèce Protostensioeina polonica (Witwicka, 1958), un excellent marqueur du début du Santonien.
Ce groupe de foraminifères n’est pas présent à Cherisy puisque les craies blanches n’y sont exposées qu’à partir de la zone à Uintacrinus socialis.
Le genre Stensioeina Brotzen, 1936 est connu du Coniacien au Maastrichtien. Les espèces présentent un test plan-convexe à bord anguleux, à face spirale ornementée d’un réseau en relief formé par les sutures des loges, compliqué de costules et de nodules. On y distingue les « Stensioéines minces » correspondant à la lignée de Stensioeina exsculpta (Reuss, 1860), aboutissant à Stensioeina gracilis Brotzen, 1945 ; et les « Stensioéines épaisses » avec Stensioeina perfecta Koch, passant par des intermédiaires à Stensioeina pommerana Brotzen, 1936.
On distingue ainsi plusieurs lignées dans les Stensioéines.
1. Les « Stensioéines minces » ou lignée exsculpta.
Probablement issues des Protostensioéines, elles ont un test peu épais, aplati, avec un ombilic ouvert ou partiellement couvert par des lèvres triangulaires (type X) ou par des excroissances onduleuses séparées par des rainures (type Y). Les types d’ornementation de la lignée exsculpta sont remarqués dès le Santonien élevé et au-dessus. On y sépare (Figure 19) :
Stensioeina exsculpta (Reuss, 1860), de la moitié supérieure du Coniacien au Santonien et jusqu’à la partie inférieure du Campanien, à face spirale plate, face ombilicale faiblement convexe, à ornementation X, profil à aspect trapézoïdal à un peu ovale (Fig. 19, 7-8)
Stensioeina gracilis Brotzen, 1945, apparaissant à la partie supérieure du Santonien et présente jusqu’à la partie inférieure du Campanien, début de la zone à Gonioteuthys quadrata, à test biconvexe à carène aiguë, face ombilicale à ornementation Y ; à la face spirale les sutures entre les loges sont en relief et réticulées ; le dernier tour de spire est en relief (Fig. 19, 9-10)
2. Les « Stensioéines épaisses » ou lignée perfecta.
Elles ont un test plan-convexe épais et un ombilic partiellement ou entièrement recouvert par des lèvres qui peuvent l’obstruer. Au Santonien inférieur les premiers représentants de la lignée ont des lèvres étroites qui couvrent partiellement l’ombilic. Du Santonien moyen au Campanien, les lèvres s’élargissent puis fusionnent en un bouchon. On distingue :
- Stensioeina perfecta Koch, 1977 (et Stensioeina incondita Koch, 1977 considérée parfois comme son synonyme) avec un test plan-convexe, élevé, à face spirale plate dont la partie centrale peut être surélevée, marquée par une ornementation très en relief avec des sutures en crête formant reticulum, une face ombilicale à sutures presque radiales, à surface lisse et bouchon central (Fig. 19, 11-12).
- Stensioeina pommerana Brotzen, 1936, à test plan-convexe, avec un côté ombilical très convexe à partie centrale aplatie et sutures courbes à subradiales, ombilic couvert par des lèvres larges et un bouchon central ; un côté spiral à sutures onduleuses en relief formant reticulum. L’espèce se développe durant tout le Campanien jusqu’au Maastrichtien (Fig. 19, 13-14).
Des formes intermédiaires à test épais existent entre perfecta et pommerana, elles ont été signalées en tant que « Stensioeina cf. S. pommerana » cf. Fig. 19, n° 15 (in Dubicka & Peryt, 2014 ; in Hampton et al. 2007) et S. juvenilis Hofker, 1957. Elles émergent dès le début du Campanien et peut-être dès la fin du Santonien.
Retenons qu’à Cherisy, la limite Santonien-Campanien se trouve au-dessus des apparitions de Stensioeina gracilis et de Stensioeina perfecta et en dessous de l’apparition des Stensioeina pommerana caractéristiques.
Les Gavelinelles
Ce groupe de foraminifères benthiques est classé dans le sous-ordre des Rotaliina, famille des Gavelinellidae, sous-famille des Gavelinellinae. Les Gavelinelles ont un test enroulé en une trochospire basse, avec un dernier tour à 8-9 loges montrant généralement des sutures en relief entre les loges. L’ouverture est intério-marginale. La face spirale est parfois lisse mais présente le plus souvent une ornementation en relief dessinant un réseau constitué par les filets suturaux auxquels peuvent s’ajouter des nodosités et des costules plus ou moins nombreux.
Suivant les travaux de Dubicka & Peryt (2014), le genre Gavelinella peut être subdivisé en 5 lignées : celles de vombensis, ammonoides, clementiana, pertusa et stelligera. On n’envisagera ici que la lignée de Gavelinella clementiana, les autres étant peu ou pas représentées à Cherisy. Du Santonien au Campanien la lignée clementiana diversifie des morphologies variées dont tente de rendre compte la Figure 20. Basiquement, on a retenu les quatre « variétés » originelles de Marie (1941) fondées sur l’examen des faces spirales : costata (« costules en relief »), rugosa (« pustules coniques »), typica (« pustules et costules ») et laevigata (« dénué d’ornementation »). Toutes ces formes caractérisent la « craie à Belemnitella mucronata » d’âge Campanien « supérieur » et elles sont toutes plus jeunes que les Gavelinelles trouvées à Cherisy qui, elles, sont Santonien supérieur à Campanien basal (zones à Marsupites et à Offaster). La différenciation des « variétés » du genre Gavelinella (« Discorbis » in Marie, 1941) s’est effectuée dès le Santonien, ce qui apparaît à la Fig. 20 interprétée ci-après.
À partir, probablement, de lorneiana connue dès le Turonien (biconvexe, à ombilic vide, cf. Hart et al., 1989), émergent au Santonien supérieur de nombreux morphotypes (définis et figurés in Goel, 1965, schématisés ici à la Figure 20) à face spirale aplatie, portant une ornementation de fines costules (mariei) donnant plusieurs rameaux : un rameau à ornementation de granules s’ajoutant aux costules (hofkeri puis brotzeni), un autre rameau moins ornementé (glabra puis eva et verrucosa) et un rameau où les granules, pustules et costules très nombreux forment un petit dôme central surélevé (cristata). Plus haut, dès le Campanien, à partir de ces formes à dôme central, se différencient des espèces à bouton central, toujours à la face spirale, avec convexa Edwards, usakensis Vassilenko, trochus Goel et enfin un rameau aboutissant aux formes très costulées (clementiana costata Marie et clementiana typica Marie) jusqu’à celles pratiquement lisses (clementiana laevigata Marie), tandis que clementiana rugosa pourrait être issue directement d’une morphologie granuleuse (comme verrucosa par exemple).
Bien qu’il y ait des passages progressifs d’une forme à l’autre, la limite Santonien-Campanien reste quand même toujours proche de l’apparition de morphotypes convexa/usakensis, à bouton proéminent à la face spirale.
Les Bolivinoïdes
Ces foraminifères benthiques au test allongé ou à allure losangique sont classés dans le sous-ordre des Rotaliina, famille des Bolivinoididae (Loeblich & Tappan, 1987). Le test est bisérié, plus ou moins comprimé, allongé à rhomboïdal ; les loges sont alternantes, terminées par des digitations arrondies (« pustules », au nombre de 2-3 à 4-6 dans les formes évoluées. Les premiers morphotypes apparaissent au Santonien terminal, dans la zone à Marsupites. Il s’agit de Bolivinoides strigillatus (Chapman, 1892) : test allongé, à section subcirculaire, dont les dernières loges portent 2 à 3 pustules (Figure 19 ; 1-2, 3-4). Graduellement, au début du Campanien, dès la zone à Offaster, ces formes s’aplatissent, acquièrent des flancs d’aspect rhomboïdal, de section sublosangique, à loge terminale portant 3-4 à 4-5 digitations ou pustules chez culverensis Barr, 1967 (Fig. 19, 5-6) qui est un intermédiaire pour passer, dès la partie moyenne du Campanien, à Bolivinoides decoratus Jones, 1886 à 5-6 pustules.
L’évolution et la spéciation des Bolivinoides a été largement étudiée et illustrée depuis la création du genre par Cushman en 1927. Dans les craies de l’Europe, outre la description précise des espèces, des tableaux évolutifs ont été produits depuis les années 1945 jusque dans notre XXIe siècle. On peut retenir principalement les contributions de Brotzen (1945), Hilterman & Koch (1950), Hofker (1952, 1955, 1957, 1958), Vassilenko (1961), Hilterman (1963), Goel (1965), Barr (1966), Koch (1977), Swiecicki (1980), Hart et al. (1989) et Dubicka & Peryt (2016).
L’ensemble des informations relatives aux Bolivinoides des craies blanches, au moins pour la partie moyenne et orientale de l’Europe, a été ré-examiné, actualisé et synthétisé en Pologne par Zofia Dubicka et Danuta Peryt en 2016. L’évolution de la lignée de B. strigillatus est particulièrement bien soutenue par les augmentations progressives de la taille et de la largeur du test : de la forme en gourdin de B. strigillatus à l’aspect losangique de B. draco, les étapes intermédiaires ont été dénommées spécifiquement avec, du plus ancien (Santonien terminal) au plus récent (Maastrichtien supérieur) sept espèces : strigillatus (Chapman, 1892), culverensis Barr, 1967, decorata (Jones, 1886), miliaris (Hilterman & Koch, 1950), intermedia Dubicka & Peryt, 2016, et parallèlement, gigantea Hilterman & Koch, 1950 et draco (Marsson, 1878).
À Cherisy, seuls les deux premiers termes ont été isolés : des B. strigillatus, rares mais bien caractérisés par leur allure subcylindrique, dès la zone à Uintacrinus socialis puis, après quelques intermédiaires, des B. culverensis bien typiques avec leur aspect aplati et leur section sublosangique, le nombre de lobes ou pustules portés par la loge finale augmentant de 2-3 (strigillatus) à 3-4 (culverensis). De la sorte, la limite Santonien-Campanien se place à l’articulation entre les deux morphotypes, ce qui en fait un jalon stratigraphique précieux de la fin du Santonien/début Campanien, ceci ayant pu être vérifié dans tout l’ouest européen : en Angleterre (cf. Hampton et al., 2007), Allemagne (cf. Koch, 1977), Pologne (Dubicka & Peryt, 2016) etc.
Les foraminifères planctoniques
Le nombre de foraminifères planctoniques issus des divers tris et séparations densimétriques des échantillons de Cherisy est de loin beaucoup plus faible que celui des foraminifères benthiques. De plus, par rapport à des échantillons provenant des bassins sédimentaires téthysiens, le nombre d’espèces et les variétés morphologiques dans les faciès crayeux sont également beaucoup moins nombreux.
Trois genres principaux sont représentés : Archaeoglobigerina, Marginotruncana et Globotruncana. Les deux premiers sont illustrés dans l’Atlas du Crétacé moyen (Robaszynski F., Caron M. & Groupe Européen des Foraminifères Planctoniques, 1979-2), et le troisième dans l’Atlas du Crétacé supérieur (Robaszynski et al. & Groupe Européen des Foraminifères Planctoniques, 1984)
Genre Archaeoglobigerina
L’espèce A. cretacea (d’Orbigny, 1840), figurée in Robaszynski et al. (1984) montre un dernier tour à loges globuleuses, au profil presque symétrique, avec un large bandeau périphérique imperforé, limité par deux simples lignes de pustules. Distribution : du Coniacien moyen au Maastrichtien moyen.
Genre Marginotruncana
Les espèces sont fréquentes voire abondantes du Cénomanien au Santonien. Au-dessus, elles laissent la place au genre Globotruncana. À la base de la carrière de Cherisy, à la fin des craies à Micraster coranguinum, on rencontre encore de rares Marginotruncana du groupe schneegansi-sinuosa, biconvexes aplaties avec une double carène serrée, ainsi que Marginotruncana pseudolinneiana Pessagno, 1967 à deux carènes séparées par un large bandeau carénal périphérique imperforé, avec une ouverture principale extraombilicale-ombilicale, ce qui la distingue de son homéomorphe Globotruncana linneiana (d’Orbigny, 1839) chez qui l’ouverture est nettement ombilicale.
Il y a aussi quelques Marginotruncana marginata (Reuss, 1845), à loges pétaloïdes, un peu globuleuses, à deux carènes espacées (qui évolueront plus haut vers Globotruncana bulloides Vogler, 1941).
Genre Globotruncana
Les espèces du genre montrent une trochospire plus ou moins haute, une ouverture principale ombilicale, un ombilic à tegilla, un profil à deux carènes nettes. On a distingué trois espèces :
- Globotruncana bulloides Vogler, 1941 : issue de M. marginata ; le test a un profil symétrique à deux carènes séparées par un large bandeau périphérique imperforé, des loges convexes, une ouverture ombilicale et un ombilic à tegilla. Distribution : Santonien supérieur à Maastrichtien inférieur.
- Globotruncana linneiana (d’Orbigny, 1839) : issue de M. pseudolinneiana ; le test est une trochospire basse, à face spirale plate, avec un profil presque symétrique, à deux carènes bien marquées, séparées par un large bandeau périphérique imperforé. De profil ou en coupe l’espèce apparaît comme une boîte à pilules très caractéristique (« pill-box »). Santonien à Maastrichtien inférieur.
- Globotruncana arca (Cushman, 1926) : probablement issue elle aussi de M. pseudolinneiana ; profil modérément biconvexe, presque symétrique, deux carènes séparées par un bandeau périphérique imperforé assez large et toujours incliné vers le côté ombilical. Bien que les spécimens ne soient pas bien abondants, l’espèce est signalée régulièrement dans pratiquement tous les échantillons dès le niveau ayant livré les premiers Offaster pillula (éch. 19,4 m). Sachant que les derniers Marsupites viennent du niveau 16 m et les premiers Offaster du niveau 18,5 m, l’apparition de Globotruncana arca à 19,4 m semble bien s’effectuer au tout début du Campanien (et peut-être au Santonien tout à fait terminal ?). Campanien basal jusqu’au Maastrichtien.
Conclusion
Sur la marge occidentale du bassin de Paris, non loin de Dreux, grâce à l’affleurement exceptionnel de 35 mètres de craies blanches à silex en continu à la carrière de Cherisy, on a pu localiser d’une manière précise la position de la limite Santonien-Campanien, cette limite étant rarement et aussi largement exposée.
Sur l’un des fronts métrés de la carrière, la disparition des Marsupites testudinarius marquant la fin du Santonien s’effectue au mètre 16,00 tandis que les premiers Offaster pillula sont notés à 18,50 m et soulignent le Campanien. Entre ces deux bioévénements nommant deux zones, et bien que le fossile n’ait pas été trouvé à Cherisy, l’intervalle 16-18,50 m pourrait être celui de la zone à Uintacrinus anglicus qui a été mise en évidence exactement à cet intervalle dans les falaises des côtes anglaises.
En plus d’être exceptionnels, les affleurements momentanés de Cherisy ont bénéficié de l’intervention quasi hebdomadaire, pendant plus d’une décennie, d’un amateur – notre troisième auteur, Daniel Delugeard - qui, patiemment, avec beaucoup de persévérance et une bonne dose d’obstination, voire d’opiniâtreté, a récolté la succession des « bons fossiles marqueurs » ainsi que la faune associée dans chaque ensemble lithologique. Décédé à la suite d’une « longue maladie », sa collection a été cédée selon ses vœux, à une association géologique. C’est maintenant l’« Association Géologique Auboise » (AGA), sise à Troyes (Aube), qui en assure la gestion et la mise en valeur.
Dans cette collection figurent tous les fossiles marqueurs de zones, successivement Micraster cor anguinum/schroederi, Uintacrinus socialis, Marsupites testudinarius, Offaster pillula, et Gonioteuthis cf. granulataquadrata, la limite Santonien-Campanien se situant à l’extinction des Marsupites, selon la recommandation exprimée lors du Symposium de Bruxelles sur la limite des étages crétacés en 1995.
En outre, la microfaune de foraminifères, essentiellement des formes benthiques avec quelques planctoniques, a pu être calibrée par rapport aux bio-événements macropaléontologiques. Trois groupes de foraminifères benthiques ont été pris en compte et ont fait l’objet de quelques commentaires : les Stensioéines, les Gavelinelles et les Bolivinoïdes. La transition Santonien-Campanien, calibrée avec les marqueurs macrofaunistiques, correspond au passage de Bolivinoides strigillatus à Bolivinoides culverensis.
Des tableaux, figures et planches illustrent la contribution rédigée en hommage à Daniel Delugeard.
N.B. : Depuis une dizaine d’années, l’extraction de la craie blanche a été arrêtée à Cherisy et les bâtiments ont été cédés à un centre équestre. Selon une information de la mairie, les fronts ne seraient plus totalement accessibles.
Remerciements. — Le premier auteur ne peut pas, malheureusement, témoigner directement sa reconnaissance à feu l’ami Gérard Breton de l’avoir mis en contact avec Daniel Delugeard mais il sait que c’est grâce à lui que le projet a pu évoluer jusqu’à la rédaction de la présente contribution. Ensuite – et c’était encore dans les dernières années du XXe siècle – j’ai bénéficié, à la Faculté Polytechnique de Mons en Belgique, des interventions d’Hector Lagniau, technicien supérieur dans le Service de Géologie, pour la préparation des échantillons micropaléontologiques, d’Ariane Fiévez pour la dactylographie des textes préliminaires et de Flavia Venutti pour la réalisation d’une figure préparatoire de la distribution des macro- et microfossiles. Dans le présent, une relecture complète de la note a été assurée par Francis Amédro et elle a été déterminante pour déceler les nombreuses incorrections qui subsistaient tant dans le texte que dans les figures et ses remarques constructives ont amélioré substantiellement l’ensemble, comme également celles des deux relecteurs qui ont su traquer les dernières incorrections.
Je n’oublie pas Edwige Delugeard, l’épouse de Daniel, qui, lors de mes séjours à Dreux a toujours fait preuve de sa grande hospitalité.
Que toutes et tous veuillent bien accepter mes profonds remerciements.
Une mention spéciale est réservée à l’Association Géologique Auboise (AGA) qui, par son président Marc Thonon et son secrétaire général Claude Colleté, a accepté d’accueillir la belle collection de fossiles récoltée par Daniel Delugeard et a promis de la mettre en valeur dans une publication spéciale.