1. Les Défis et Opportunités de la Décarbonation
Depuis 1984, ENGIE Solutions s’illustre par son rôle prépondérant dans le développement de la géothermie, en guidant les territoires et les industries vers des solutions innovantes, efficientes et pérennes. Au cours de la dernière décennie, ENGIE Solutions et ses partenaires ont investi plus de 300 millions d'euros dans des infrastructures géothermiques, réalisant 21 forages. ENGIE Solutions, en étroite collaboration avec le BRGM et des bureaux d'études spécialisés (ANTEA, CDP Consulting), inscrit sa stratégie exploratoire dans une méthodologie visant à minimiser les risques.
Dans un contexte marqué à la fois par un réchauffement climatique, et par la raréfaction des énergies fossiles et l'envolée de leur prix, la géothermie émerge comme une solution prometteuse. Dans cette optique, le sous-sol des Hauts-de-France présente, à première vue, des caractéristiques naturelles propices au développement de la production de chaleur locale et décarbonée. De ce fait, Engie Solutions a fait le choix de s’impliquer dans un projet ambitieux de géothermie, et cette courte présentation récapitule de façon synthétique, les différentes étapes du projet. Les phases présentées ici peuvent servir d’exemple illustrant les études conduites en matière de stratégie de décarbonation de l’énergie dans le domaine de la géothermie. De l’approfondissement des connaissances géologiques aux techniques avancées d’acquisition sismique et leur réplicabilité, en passant par la planification stratégique des forages, le système hydrothermal de Douai incarne parfaitement le développement ambitieux d’un projet de décarbonation géothermique orchestré par ENGIE Solutions.
2. Un Projet de Géothermie Exploratoire
L'usine Renault de Douai a pris l'engagement ambitieux d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2025 pour son site de production. Pour concrétiser cette vision, elle a confié à ENGIE Solutions la responsabilité de mener ce projet à bien. ENGIE Solutions a développé une approche innovante reposant sur un mix énergétique diversifié incluant la géothermie profonde. Cette stratégie vise à décarboner jusqu'à 67 % des besoins thermiques de l'usine avec une réduction significative des émissions de CO2 d’environ 40 000 tonnes par an.
Pour concrétiser cet objectif dans les délais impartis, un programme de géosciences a été mis en place sur une période de neuf mois (Figure 1).
Figure 1
Schéma de derisking SAF-E et phasage du programme de géoscience mis en place sur le système hydrothermal de Douai.
SAF-E derisking diagram and phasing of the geoscience program implemented on the Douai hydrothermal system.
Afin de garantir le succès de cette opération, en conformité avec les principes de la SAF Environnement, le programme proposé conjugue recherche approfondie et expertise technique (Figure 2). Les lignes directrices de la SAF assurent la gestion des risques géologiques du projet (garantie à court terme) le catégorisant comme étant exploratoire, spécifiquement en segment 3.
Figure 2
Détails du programme de géoscience mis en place sur le système hydrothermal de Douai. 1- Cartographie sismique régionale (Laurent, 2021 – DGE Rollout), présence de forages de référence ainsi que trois exploitations géothermiques dans la région de Mons.2- Valorisation des données sismiques existantes 3- Carte des profondeurs du toit des calcaires carbonifères. 4- Bloc Sismique 3D (en temps). Pointé sismique utilisant les nouvelles acquisitions (2D et 3D) et résultats de l’acquisition magnétotellurique.
Details of the geoscience program implemented on the Douai hydrothermal system. 1- Regional seismic mapping (Laurent, 2021 – DGE Rollout), presence of reference drilling as well as three geothermal operations in the Mons region. 2- Valorization of existing seismic data 3- Depth map of the roof of the Carboniferous limestones. 4- 3D Seismic Block (in time). Seismic pointing using the new acquisitions (2D and 3D) and results of the magnetotelluric acquisition.
3. Une Stratégie fondée sur un Programme de Géosciences
La région se caractérise principalement par des terrains mésozoïques et cénozoïques. Ces terrains reposent sur le massif paléozoïque de l'Ardenne à l'Est, et sur le massif de Brabant au Nord-Est, avant de s'incliner vers le Bassin de Paris au Sud et le Bassin de Bruxelles au Nord, de part et d'autre de la zone anticlinale de l'Artois-Boulonnais. Les activités des houillères, ont permis d'acquérir une connaissance approfondie de la géométrie des terrains houillers datant de l'âge westphalien jusqu'à une profondeur d'environ 1 000 mètres. Cependant, la configuration du calcaire carbonifère (Dinantien) reste moins bien documentée, en particulier dans la région de Douai. De plus, la faille du Midi et la faille Barrois, entraînent localement des déformations et des séries inverses (Laurent, A. ; 2021). Basé sur ce niveau de connaissance, le Dinantien profond autochtone et para-autochtone sous la faille du Midi, parait être un bon candidat pour une exploration géothermique.
Figure 3
Comparaison entre la cartographie profondeur du toit du Calcaire.
Comparison between the depth mapping of the roof of the Limestone.
La valorisation de données sismiques existantes (données acquises par les pétroliers dans les années 1980) permet de définir le toit, la base du réservoir potentiel ainsi que la faille du midi. Cette phase de travail a été effectué en collaboration avec CDP Consulting. De plus, ces résultats ont permis de mettre en avant un plongement vers le SE du toit du Dinantien. Cependant, compte tenu du manque de données sismiques au droit du site, ENGIE Solutions a envisagé une acquisition sismique complémentaire (2D et 3D light) ainsi qu’une acquisition magnétotellurique avec pour objectif une meilleure caractérisation du réservoir géologique potentiel.
En l'espace de 6 mois, une nouvelle acquisition sismique a été réalisée en collaboration avec CDP Consulting (pour la conception de la campagne, la supervision d’acquisition et le traitement/interprétation des données), Athémis (pour le permittage) et Smart Seismic Solutions (S3) (pour l’acquisition). Cette acquisition sismique a permis de préciser le schéma structural de la zone projet et a conduit à l'identification de deux compartiments géologiques séparés par une faille ancienne, ainsi qu'à la découverte d'un réseau de fractures scellées depuis la fin du Paléozoïque (Figure 3).
Enfin, l'acquisition magnéto-tellurique (MT), réalisée en collaboration avec le BRGM, a permis d'obtenir une approche qualitative de la composante réservoir/fluide par rapport à d'autres sites de référence (Mons/Jeumont/Nord Valenciennes). Ces données MT, situées à proximité de l'usine Renault de Douai, ont permis d'estimer la résistivité moyenne du Dinantien entre 1 000 Ω.m et 2 500 Ω.m. (Figure 4).
Figure 4
Résultats des points de mesures MT sur la zone de Douai (1 000 à 2 500 Ω.m).
Results of the MT measurement points in the Douai area (1 000 to 2 500 Ω.m).
Ces nouveaux résultats suggèrent que les carbonates du Dinantien : (i) ne sont pas entièrement cimentés/imperméables. (ii) sont globalement plus poreux/perméables que ceux observés dans le puits de Jeumont, dans la même tendance qu'à Mons. (iii) que l'eau de formation est faiblement minéralisée, similaire à Jeumont (~2 g/l).
À ce stade, il apparaît donc qu'il s'agit d'un réservoir poreux, perméable, rempli d'eau peu salée. Le débit final sera confirmé après les essais en forage.
4. Conclusions & Perspectives
La géothermie offre de véritables perspectives dans les Hauts-de-France, répondant ainsi aux enjeux de la transition énergétique du territoire. Le programme de Géosciences, développé sur une période de 9 mois par ENGIE Solutions, en collaboration avec le BRGM et différents bureaux d'études (ANTEA, CDP Consulting, Athémis et S3), vise à appliquer une approche de réduction des risques (« derisking ») pour explorer le potentiel géothermique du Dinantien, avec pour objectif de satisfaire les besoins énergétiques décarbonés de l’usine Renault de Douai.
Ce programme, actuellement à l’arrêt pour des raisons qui ne sont pas d’ordre scientifique, devrait se concrétiser à terme par la réalisation de deux doublets de puits géothermiques (< 20 MW par doublet) de manière à confirmer dans l’absolu le potentiel géothermique du calcaire carbonifère de la zone d’étude. S’appuyant sur le partage des connaissances et une vision stratégique concertée, tout en intégrant une approche multidisciplinaire et collaborative, cette initiative pourrait également lancer une exploration transfrontalière ambitieuse du réservoir du Dinantien. En cas de réussite, cela ouvrirait de nouvelles perspectives énergétiques pour la région des Hauts-de-France, offrant une source de chaleur renouvelable et durable, tout en réduisant la dépendance aux énergies fossiles.