Le numéro double Hors-Série n° XXV-XXVI du Règne Minéral de 2019-2020, est consacré aux "Minéraux du Nord et du Pas-de-Calais". Ce fascicule de 170 pages est magnifiquement présenté comme le sont habituellement les fascicules de cette revue, tant pour la qualité du papier que les impressions et le choix des illustrations. Une belle réussite.
Ce numéro est le fruit d'une collaboration entre plusieurs personnes, professionnels ou non, mais tous amateurs de minéraux, et huit auteurs ont signé des articles, même s'il est évident que le chef d'orchestre fut Mickaël Swialkowski, en concertation avec la direction de la revue. Les auteurs sont présentés, se sont présentés eux-mêmes. Il s'agit là d'un aspect humain bien plaisant à mes yeux.
Comme il s'agit de la présentation des minéraux d'une région, le coordonnateur, en bon enseignant n'a pas oublié de rappeler les grands caractères géologiques de la région. Il y localise aussi les principaux sites concernés, ce qui permet de remarquer que ceux-ci sont très inégalement répartis ; trois îlots se distinguent : le Boulonnais, le Bassin minier et l'Avesnois, où le Paléozoïque est à fleur de terre. De fait, il s'agit des terrains les plus anciens de la région, et ce n'est guère surprenant. Cette répartition inégale se voit bien aussi sur l'échelle stratigraphique qui localise avec bonheur les diverses occurrences. Une liste ou un index des différents minéraux cités et illustrés eût été la bienvenue si l'on cherche l'information sur tel ou tel minéral. Cela m'a bien gêné.
Le choix de la présentation a été effectué en fonction des sites, il me semble que cette démarche correspond bien à l'esprit des chasseurs et collectionneurs de minéraux. Car il leur importe de savoir où l'on peut continuer à chercher avec espoir d'en retrouver, un peu comme les amateurs de champignons sont friands des "bons coins". Un géologue aurait peut-être choisi de présenter les minéraux selon les systèmes orogéniques ou les phénomènes géologiques de formation, ou de dépôt, alors qu'un minéralogiste aurait opté pour une présentation par système chimique (les silicates, les carbonates…) ou cristallographique (cubique, orthorhombique). Je suppose qu'un peintre eût effectué son choix selon les couleurs…
Le Nord-Pas-de-Calais est un pays très calcaire, nous ne sommes donc pas surpris de constater que la présentation de la calcite se taille la part du lion, plus de 30 planches y sont consacrées. La moitié de ce nombre de planches est occupée par la pyrite-marcassite. La marcassite y est orthographiée marcasite, avec un seul S comme cette orthographie est acceptée au niveau international, alors qu'en français l'appellation est plutôt avec 2s, ce qui peut surprendre dans un numéro traitant de la France et destiné d'abord à des francophones me semble-t-il. Mais il s'agit du choix de la revue. Le traitement des minéraux en sulfure de fer m’a réservé une autre surprise, de taille. De fait, ce qui est plus original est le traitement qui est fait des abondants et bien connus "nodules de marcassite". En effet, s'appuyant sur les travaux de Paul Tambuyser publiés dans Mineralogical Record en 1976, il y a donc presque un demi-siècle, j'ai découvert qu'il s'agissait plutôt de pyrite. Tout ma vie je me suis trompé ! Certes il y est précisé que presque tout le monde se trompe, mais ce n'est qu'une maigre consolation et qui… nous remet à notre place ! Cette erreur initiale en est imputée au célèbre minéralogiste Alfred Lacroix, avec qui les auteurs ne semblent d'ailleurs pas très tendres.
Dans les parties plus accessoires, les auteurs mentionnent la richesse de minéraux que l'on trouve sur les terrils, une liste en est donnée, sans toutefois ni préciser de quoi il s'agit, ni en fournir de photo. Dommage, c'eût été un autre "plus". Je suis un peu surpris qu'il n'ait pas été fait mention de ces petits minéraux d'uranium que l'on trouve parfois dans les schistes noirs. Je me souviens en avoir vu dans des dépôts associés aux schistes et phtanites le long du canal de Nimy-Blaton, qui est en Belgique, certes, mais la géologie ne connaît pas ces frontières et ces affleurements ne sont qu'à environ 5 km de la frontière. Bref je m'attendais à en trouver cités dans les mines ou ailleurs. Ou est-ce un regret de ma jeunesse ?
Puisque l'on parle de jeunesse, la mienne était dans le Cambrésis, alors je voudrais apporter une petite contribution linguistique sur notre langue picarde au Directeur de cette publication qui m'a permis de m'enrichir sur la pyrite. On ne dit pas "installé dans le ch'nord" mais "installé dins ch'nord", le "ch" équivalant à "le", sauf erreur de ma part. Ce que nous appelons le "patois" du Nord est en réalité une langue, la langue picarde avec sa grammaire, ses conjugaisons. Elle possède par exemple le surparfait, conjugaison qui n'existe pas en français, il s'agit d'une forme d'insistance (ex. "il auro eu fallu qu'te vinche" = "il aurait fallu que tu vinsses").
Pour conclure, un bien joli numéro qui met en valeur la minéralogie régionale et qui valorise le travail d'amateurs souvent passionnés. Nul doute que ce fascicule rejoindra de nombreuses collections de minéraux.