La réception du Louis XI de Notre-Dame de Paris dans le domaine filmique : du rejet pur et simple aux maintiens déformants

DOI : 10.54563/bdba.897

p. 339-362

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Victor Hugo et le Louis XI de Notre-Dame de Paris

Les personnalités vedettes du roman de Victor Hugo sont multiples : il y a la bohémienne, le cortège des cœurs qui soupirent après elle, les gueux de la cour des miracles, bref le tout Paris de l’automne du Moyen Âge. Quand Don Juan, le séducteur chevronné et malhonnête, apporte l’histoire d’un homme à femmes multiples, la vie fictionnelle de la Esméralda, l’innocente vierge séductrice, apporte de son côté celle d’une femme à hommes dont la liste à établir paraît bien fournie. Tournant autour de la jeune fille on rencontre les présences énamourées de Claude Frollo, Quasimodo, Phœbus de Châteaupers et Gringoire. S’ajoute à cette garde sentimentale rapprochée, bonne ou mauvaise, tout un cortège d’autres personnages masculins que le sort de la belle Égyptienne ne laisse pas indifférents. Au plus au sommet politique il y a le roi Louis XI, un personnage dont l’importance à l’intérieur du récit est non seulement réelle, mais primitive et dont il faut rappeler que la portée a été évolutive.

En effet, quand le projet de « Mort de Louis XI » que caressait en pensée Hugo a versé du côté de l’exploitation romanesque, l’ensemble de tous les personnages appelés ensuite à occuper les places de choix, à devenir célèbres et à passer à la postérité, n’a pas existé d’emblée. La genèse de l’écriture de Notre-Dame de Paris est révélatrice d’un travail de création qui a procédé par étapes. Semblable à beaucoup d’autres, le concepteur de cette fiction a pris le temps de forger les noms adéquats qu’il allait plaquer sur les types humains qui s’étaient imposés à lui. Il a également intégré dans sa fable en procédant de manière progressive quelques nouvelles personnalités, certaines étant capables de s’installer bien en vue. Le personnage de Phébus de Châteaupers (au nom couché par écrit avec une graphie elle-même évolutive) est un exemple très caractéristique de ce type d’invention à retardement.

À la différence de ce Phébus, qui est secondairement passé à Phœbus, pour ce qui le concerne, Louis XI n’a rien d’une trouvaille ajoutée. Dès l’ébauche du premier scénario, qui transmet sur le papier de manière concrète des idées probablement élaborées en 18281, est accordé au roi de France un rôle fondamental qui détermine le fonctionnement de toute la structure. La figure du souverain est plusieurs fois notée, dessinée avec force : dans ce déroulement provisoire l’assaut de la cathédrale fait ordonner à Louis XI « qu’on charge le populaire et qu’on pende l’égyptienne… »2. Tirée de son asile par une ruse d’Olivier le Daim, la Bohémienne était jetée dans une cage de fer. Le premier Voyage de Gringoire au Plessis-de-Paris-lès-Tours permettait au poète d’approcher le souverain pour lui réclamer la grâce de la Esméralda. Clémence dont Louis XI, qui sentait que sa mort à lui n’allait pas tarder, refusait d’entendre parler, puisque la grande faucheuse n’allait pas en contrepartie se montrer plus tendre à son égard. « Comment veut-on que je fasse grâce quand je ne puis l’obtenir pour moi-même », l’entendait-on répliquer.

Du caractère cruel et mesquin de ce souverain que la proximité de sa propre mort rendait paranoïaque découlaient le deuxième voyage, le sacrifice et la pendaison de Gringoire au gibet de la Grève, une triste exécution que la chèvre partageait avec le poète. L’action se déroulait en 1483. Olivier le Daim, Coppenole, Cotier y occupaient déjà un emploi. Mais le point de vue narratif qui s’articulait sur l’extrême imminence de la mort du monarque a été transformé. Le temps de l’histoire recule d’un an, la datation passe à 1482 et le nouvel ancrage accorde à Louis XI quelques mois supplémentaires de vie romanesque : le roi n’est plus autant qu’au départ à la veille de sa mort. Ce rajeunissement n’a rien de spectaculaire mais il a pour effet de requinquer quelque peu la royale silhouette, tandis que par ailleurs la Bastille se substitue au château du Plessis. Même si, dans la chambrette haute et ronde du roi bon bourgeois, « à la maigreur de sa main ridée on devin[e] un vieillard »3, il s’agit d’un vieillard dont les consultations médicales inquiètent peu le lecteur sur l’état de santé de cet être colérique, au fort sentiment de puissance et à la bonne humeur redoutable. « Louis XI mourut l’année d’après, au mois d’août 1483 » précise le chapitre 3 du livre XI, soit quelque treize mois après les morts dramatiques de l’égyptienne et de Claude Frollo ou après la disparition encore non éclaircie de Quasimodo4. Sur la pièce cotée 133/2 – simple reliquat – ou dans le roman, une fois que tous les développements auront été rédigés, Louis XI n’est pas gracieux et n’a jamais été prêt à prononcer la grâce de la Esméralda. Au travers de la petite rallonge de mois à vivre que le créateur a accordée au monarque en se ravisant et en révisant ses données, le fictionnel s’est emballé : 1482 sert de caisse de résonance à l’annonce des révolutions à venir, celles de 1789 et de 18305. Capital sur le plan de l’articulation de l’intrigue dans l’ébauche d’un NDP-1483, Louis XI est devenu une pièce maîtresse de l’articulation du mythe dans le NDP-1482.

Toutefois, en 1836, dans le « libretto » de l’opéra en quatre actes dont Hugo a écrit les paroles pour faire plaisir à Bertin en même temps qu’à Louise, la fille de son ami, le roi est supprimé du groupe des acteurs rencontrés sur la scène. Cette version, forcément abrégée, suit le « patron » qui a été fourni à Hugo. Composée sans grande joie pour accompagner la musique de Louise, cette refonte du matériau romanesque démontre que, soumise à d’autres contraintes et pressions génériques, l’histoire de La Esméralda peut être allégée, et qu’entre autres choses la soustraction de Louis XI est facilement réalisable. D’autre part, le scénario de cet opéra tend aussi à être dérouté du réalisme de sa triste option primitive puisqu’il finit par accorder à l’héroïne d’avoir la vie sauve, ou d’échapper au moins à la justice du roi (après quelques variantes qui gardaient la mort de l’égyptienne par pendaison, le dénouement scénique est attristé par le sacrifice de Phœbus, qui expire car sa blessure se rouvre ; c’est volontairement que la Esméralda suit son amant dans l’éternité)6.

Entre 1828 et 1836 l’attitude à l’égard du Louis XI qui participe à la destinée romantique de la Bohémienne n’est donc pas restée uniforme. Tout de suite la manie transformationnelle s’est manifestée. Les repreneurs d’après Hugo copieront cette liberté de comportement initiale et pourront le faire sans avoir à subir les effets d’une mauvaise conscience attachée à leurs détournements. La variabilité n’avait-elle pas été installée d’emblée par le créateur ?

Notre-Dame de Paris et la grande floraison des produits filmiques qui en découlent

NDP est à l’heure actuelle une forme modulable dont les retombées « spectaculaires » sont protéiformes et internationales. La peinture, le théâtre, l’opéra, le ballet, la comédie musicale, le cinéma, la télévision, la B.D., ont chaleureusement accueilli ce matériau et activement participé à sa transformation. Les productions dérivées de NDP prolifèrent et certains spectacles que la danse et la musique investissent ont également conduit à des films qu’on peut acheter. Les catégories de films et de téléfilms qui relancent par ricochet la matière de NDP deviennent de plus en plus diversifiées. Tous les types de métamorphose sont étudiés avec dynamisme. Comme le corpus des œuvres hugoliennes passées dans le domaine cinématographique est très examiné7, à l’intérieur de ce vaste cadre les nombreuses versions filmées ayant NDP pour source, directe ou moins directe, occupent un bon rang8. Dans L’imaginaire médiéval dans le cinéma occidental (qui a paru en 2004), François de la Bretèque a magistralement comparé les modèles allant « du Moyen Âge “scottien” au Moyen Âge “hugolien” ». La figure de Louis XI a fourni son principal support à la démonstration du 27e chapitre de ce grand ouvrage, qui fait unanimement référence9. Que reste-t-il après cela à signaler ? Pas grand chose. Nous revenons pourtant vers cette question, toujours à reposer puisque le temps s’écoule et que des compléments ont eu le bon ou le mauvais goût d’apparaître, ou alors d’être devenus plus accessibles.

La filmographie la plus récente consacrée à l’œuvre de Victor Hugo à l’écran montre que les versions filmées relevant des transformations génériques de NDP sont de plus en plus nombreuses et surtout mieux répertoriées : entre un pointage établi en 1998 et un autre datant de 2002, on passe de vingt-trois10 à trente et une entrées11, qui auraient pu et doivent d’ailleurs aller jusqu’à trente-deux12.

Plus de trente films rattachés, de près ou de loin, au roman qui coûta tant d’efforts à Victor Hugo pour se lancer à corps perdu dans une romance médiévalisante, c’est déjà beaucoup. De ce fait, la problématique que nous allons maintenant élaborer restera circonscrite au regroupement de quelques éléments, lesquels seront envisagés selon deux aspects. De la même façon qu’au théâtre et à l’opéra la figure de Louis XI ne se montre pas systématiquement, il est clair aussi que du côté des films « l’universelle araigne » n’est pas toujours sur les toiles. Notre premier volet soulignera l’accroissement symptomatique des spectacles ayant trait à ce que Gérard Gengembre appelle sur un plan très général « la saga d’Esméralda »13. Tous les avatars de NDP ne s’intéressent pas à Louis XI, dont on peut alors noter le degré zéro de l’état de représentation. Cette étape négative étant dépassée, les différents cas de récupération filmique de cette personnalité si controversée nous retiendront : à quoi peut bien ressembler et servir Louis XI quand une adaptation maintient pour lui un rôle ?

Pas de Louis XI par-ci, mais du Louis XI par-là

L’absentéisme du nouveau vieux roi

La tradition théâtrale – qui se constitue en France à partir de 1832, se répand à l’étranger dès 1835 et se laisse doubler par celle de l’opéra au coup d’envoi de laquelle Hugo a participé lui-même en 1836, comme nous venons de le rappeler14 – a ancré l’habitude de ne retenir dans la sélection des formes liées à des spectacles qu’une poignée de protagonistes, bien mis en valeur, ou alors de creuser entre le singulier particularisé et l’effet de groupes collectivisant un fort jeu de contrastes. De NDP quelques forces et formes oppositionnelles sont souvent mises à contribution et parce qu’il s’agit d’un livre choral, dont le principal personnage féminin chante et virevolte, les spectacles où la musique et la danse s’épanouissent, les chœurs n’étant pas supprimés, ont librement surgi. Dans sa communication, G. Gengembre fait état de l’existence d’au moins trente-deux opéras et de six ballets15. Mais si dans l’argument d’un ballet à monter la récupération d’un Louis XIV, jeune et dansant, ne paraît pas irraisonnable, il est clair que par rapport au roi danseur de l’âge classique, pour tenir ce type de rôle le vieux Louis XI ne possède pas vraiment le profil adéquat. Vérification de ce handicap s’ensuit. À l’intérieur des treize tableaux du ballet que Roland Petit a créé en 1965 et qu’un film permet de découvrir16, aucun spectateur ne s’étonnera de ne pas plus rencontrer de Louis XI que de chèvre sur les planches ou sur son écran. Le fruit que Richard Cocciante et Luc Plamondon ont fait pousser pour que soit dignement saluée à l’échelle de la planète terre l’entrée dans le troisième millénaire permet de dresser le même constat. La comédie musicale franco-canadienne a fait le tour du monde et le film que Gilles Amado en a réalisé à Paris en 1999 a popularisé un peu partout un NDP visuel où le nom de Louis XI n’est prononcé dans aucune des cinquante-deux chansons qui se déversent sur le plateau et l’animent. « Tu vas me détruire » est ainsi pris au pied de la note et de la lettre, quelles que soient les traductions données à ce grand tour de chants et de danses modernes.

S’imaginer que la plantureuse trentaine de films exploitant d’une manière ou d’une autre la matière de NDP pourrait offrir dans chacun de ses représentants un emploi à Louis XI serait donc peu sage. Les cassettes vidéo, puis les DVD qui leur ont succédé, sont devenus un mode de diffusion plus pratiqué et efficace que celui de la projection en salle. Les chaînes de télévision ont brodé sur le scénario hugolien et diffusé leurs adaptations. Très vite le nombre des versions françaises a été supplanté par celui des productions étrangères. Les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Japon (avec Enmei-in No Semushi en 1925), l’Inde (avec Dhanwan ou Mazdoor Ki Beti en 1937 et Badshan ou Badshah Dampati en 1954), la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie, la Hongrie… sont concernés par le grand jeu des adaptations et des remakes. Des associations réunissant sur un même projet des producteurs de films et de télévisions, faisant intervenir plusieurs pays à la fois, existent elles aussi. À quiconque se penche sur les transformations de NDP, le passage à l’interculturel et à la mondialisation est immédiatement révélé.

L’aire de lancement passée à l’ère de lancement a fonctionné à date ancienne sur le type historique, le noir et blanc ayant pu a posteriori être colorisé (le film de William Dieterle, sorti en 1939, a en effet rajeuni artificiellement sa présentation). Jusqu’au Hunchback of Notre Dame de Wallace Worsley (1923), qui fera exception, les premiers films, muets et en noir et blanc, étaient de type court et Louis XI n’y figurait pas17. La couleur d’origine de la pellicule commencera en 1956, dans le film de Jean Delannoy qui respecte les grandes lignes du roman et montre bien le roi. Mais, dans l’essentiel de la deuxième moitié du xxe siècle, NDP – qui n’est plus qu’un prétexte – s’est laissé envahir par les parodies, ou bien a dérivé vers le film d’horreur, le petit documentaire ou les films d’animation. Tous ces détournements assez lestes ont maintenant davantage contribué à la célébrité de la fable que le roman lui-même. Il y a au moins sept dessins animés à distinguer, dont un est monumental puisqu’il s’agit d’une série (le Quasimodo de Bahram Rohani, diffusé ou rediffusé sur France 3 du 17 mai 1996 à mai 2000 additionne vingt-six épisodes d’une durée de 26 minutes chacun). La qualité du public visé influence bien évidemment les discours tenus : prendre la parole pour les enfants conduit à sentimentaliser, attendrir, éduquer, enlever les ambiguïtés, recentrer sur la ou sur les figure(s) claire(s) incarnant le Mal, bien plus qu’à reproduire le discours historique et critique que l’œuvre hugolienne prononçait et assumait.

Les transformations contemporaines ont souvent de très bonnes raisons pour avoir supprimé Louis XI et pour n’avoir même pas cherché ou réussi à fabriquer à cette figure de pouvoir une sorte d’équivalent. Esméralda de Catherine Duytsche (1983) ne dure que douze minutes et ne propose que trois rôles, celui du clochard, d’Esméralda et de Petite Esméralda : cette version a consciemment pris le parti d’être ultracourte et de cibler sa distribution orientée. Même quand les nouvelles versions conservent à la diégèse une certaine amplitude, un effort de centralisation a fréquemment fait croître l’importance de Quasimodo. En effet, les réalisations rajeunissantes soutiennent volontiers l’objectif optimiste de soustraire Quasimodo à son triste sort. En particulier elles s’ingénient souvent à développer et à sauver la vie sentimentale de ce héros revisité. Au travers de ce personnage renforcé, qu’il n’est plus question de considérer comme monstrueux, ou pas longtemps, c’est l’acceptation pleine et entière de la personne du handicapé, de celui qui ne correspond pas à la norme, qui est prêchée. D’où de spectaculaires redressements de bosse et des règlements positifs des problèmes d’audition. Au final le Bossu pourra filer un parfait amour avec Esméralda (The Hunchback of Notre Dame, 1994, de Tohiyuki Hiruma Takashi18) ; trouver à se marier avec un nouveau personnage féminin qu’il arrive à séduire (The Hunchback of Notre Dame II, de Bradley Raymond, 2002) ; et si l’hypothèse amoureuse ou maritale n’est pas soutenue, Quasimodo pourra encore rester seul, mais faire sortir deux ailes de sa bosse et s’envoler comme un oiseau (The secret of the Hunchback, de Bill Schwartz, 199519). Autour de Quasimodo, l’armature de NDP est déformée en conte à rêver, comme en conte à hurler (cf. en 1973 le film espagnol The Hunchback of the Morgue, de Javier Aguirre), ou en conte à rire pour lequel la parodie s’installe ailleurs qu’en France et à Paris dans des milieux culturels très particularisés (par exemple, en 1989, Big man on Campus, de Jeremy Paul Kagan développe une romance burlesque ayant lieu à UCLA ; en 1996, The Halfback of Notre Dame de René Bonnière est un téléfilm américain qui dépeint le milieu du football), ou pratique encore un amalgame faisant fusionner ces deux veines (comme le montre en 1999 le Quasimodo d’El Paris de Patrick Timsit, parfaite uchronie pour cinéphiles avertis, dans laquelle l’horreur n’est pas prise au sérieux, la comédie part dans tous les sens, le genre qui suit à la trace un serial killer venant à croiser momentanément celui du road movie). Ces nouveaux secteurs sont souvent gagnés en appliquant des mélanges de temporalité ponctuels, ou de plus franches et durables transpositions. Le vieux Paris et la célèbre cathédrale profitent d’effets de jouvence qui prêtent à sourire dès que les prochronismes envoient certains éléments de l’époque contemporaine investir de manière éhontée le récit situé au Moyen Âge, en créant quelques perturbations très provocatrices. À moins que la projection complète du schéma retravaillé dans les temps modernes n’abolisse la raison d’être objective d’y rencontrer un roi.

De décalage en décalage l’écart creusé devient de plus en plus perceptible. Nous voici entrés dans l’ère de la fabrication des séries, de la relance par fabrication de suites, qui finiront sans doute par former un cycle complet, ce qui ne veut pas dire cohérent : du festival, qui pouvait encore tenir lieu de « fête des fous » approximative dans le premier Hunchback, la dérive conduit dans The Hunchback of Notre Dame II vers la « fête de l’amour » (pour ne pas dire en face et autrement qu’en français « Valentine day »).

Comme ce tour d’horizon a pris plaisir à en rendre compte, s’attendre ensuite à croiser un Louis XI dans chaque produit dérivé de NDP correspond à une chimère, un rêve un peu fou que fait seulement apparaître un réflexe nombriliste, pour ne pas dire « franchouillard » ou un peu trop « Franc de France ». C’est dans l’univers de la diffusion internationale, du « merchandising » que le public gagné ou à gagner est installé de plain-pied. Les prolongements de NDP servent à divertir et, quand ils s’épanouissent en activités éducatives, il ne s’agit pas toujours de prendre un cours d’Histoire de France (grâce aux chansons du film tiré de la comédie musicale franco-québécoise, une expérience pédagogique fait étudier la langue française à Novossibirsk20 ; et pour prolonger la leçon rencontrée dans la deuxième production de Walt Disney Pictures, on pourra apprendre chez soi à fabriquer avec les moyens du bord un heurtoir-gargouille). En pareils contextes, les absences de Louis XI finissent par avoir l’air plus naturelles que scandaleusement provoquées. On notera pourtant que la disparition de ce personnage pivot est loin d’avoir été unanimement prononcée, et de l’être encore. Et c’est bien cet aspect positif qui nous intéresse. Le paradoxe n’est donc pas là où on l’attendait.

Les états de présence et de maintien de Louis XI

À force de dresser le bilan de tous les réflexes de l’époque moderne, il ne faudrait surtout pas rester sur l’impression d’une absence systématique du monarque auquel Hugo, après Walter Scott, avait choisi de s’intéresser. Conscientes de l’intérêt que présentait ce personnage pittoresque, mais aussi animées de raisons plus ou moins profondes, plusieurs réalisations filmiques ont choisi avec fermeté de conserver l’espace de référence renvoyant à la fin du Moyen Âge. Le décor qu’avait globalement dessiné le roman de NDP est reproduit, ou sert de base au re-travail. Il y a alors métissage, transfert historico-culturel, car le règne de Louis XI et la présence de son entourage servent à parler d’autres temps et à régler d’autres problèmes. Les témoins que nous avons observés se classent pour nous en trois différentes catégories. Dans la première, l’approche du personnage est défavorable et le reste pratiquement tout du long. Dans la seconde, la légende noire s’affaiblit. Dans la troisième le ludique l’emporte.

Un redoutable emblème de la tyrannie

Pour commencer, la terrible image que, derrière les propagandistes bourguignons, l’imaginaire romantique avait su développer autour du souvenir du roi de l’Histoire française a été transposée au cinéma, où on la retrouve ayant même solidement renforcé ses assises. L’orientation malveillante se manifeste par exemple dans les films de Wallace Worsley (1923) et de Jean Delannoy (1956).

La première de ces deux réalisations est la plus virulente, la plus directe dans ses attaques. Muet et en noir et blanc, peu fidèle à la lettre romanesque et historique, The Hunchback of Notre-Dame de W. Worsley a été tourné avec un budget impressionnant et d’après son actrice principale il constitue « the first million dollars picture » (un investissement qui correspondait à une fortune)21. Le processus d’américanisation s’exprime innocemment dès le besoin de poser le repère temporel puisque la datation est fixée « dix ans avant que Christophe Colomb ne découvre l’Amérique ». Quant à Louis XI lui-même, son nom subit dans le générique (d’origine ou dans les nouvelles éditions de la pellicule) une maladroite « hispanisation », ou « mexicanisation », puisqu’il est question de « El Rey Luis XI ».

Incarné par William Phillips, alors âgé de 59 ans et plus connu sous son nom d’acteur de Tully Marshall, le roi ne jouera ici ni au grand vieillard, ni au malade. Ce support humain sert à tenir un discours politique. Le personnage ne connaît guère de développements psychologiques : sa majesté très chrétienne Louis XI est tout de suite donnée comme étant l’oppresseur de son peuple, un tyran qui ne mérite qu’un seul sort, celui de voir sa puissance renversée au plus vite. Les donjons de ce symbole de l’ancien régime sont pleins, ses bourreaux très occupés. Gardien des privilèges des aristocrates, le souverain est entouré de « servants » qui exécutent ses ordres22 : exercée par délégation, la justice royale passe par des intermédiaires qui jettent le trouble sur ce à quoi correspond la justice parisienne. Une si mauvaise incarnation du pouvoir ne peut susciter autour d’elle que des émeutes. La prescience de pareils ennuis engage Louis XI à se tenir à l’écart. En position de défense, le roi de France se terre dans son gîte, sa forteresse de la Bastille, un lieu assez sombre qui évoque la salle des Gens d’armes de la Conciergerie. Au fourmillement du populaire pendant le « festival » s’oppose l’isolement d’un souverain transporté sur une litière, transposition fantaisiste qui n’est pas sans évoquer les rois fainéants des vieilles illustrations scolaires. Règne à Paris une ambiance de paranoïa étatique, car tous les crimes commis dans la cité semblent viser personnellement la personne royale. Un lecteur de rôlet nous apprend qu’en conséquence d’avoir tenté d’enlever Esméralda, Quasimodo est puni « pour agression nocturne et atteinte à la tranquillité du roi ». Le bossu est soumis à un traitement d’une cruauté et d’une injustice terribles. « Ainsi justice était faite à l’époque du roi Louis XI ! ». Et le commentaire ironiquement ajouté n’hésite pas à soulever une problématique hégélienne : « Encore un esclave qui paye pour les crimes de son maître ». La réalisation que signe Worsley tient un discours antimonarchique, clame que les aristos doivent finir à la lanterne, propose en face de la figure du tyran l’émergence d’un autre roi, celui-là populaire, incarné par Clopin, vrai leader doué de charisme et dont le cœur brûle devant les injustices de ce monde. Mais la distribution des positions sociales reste incomplète car, dans ce rassemblement humain où les extrêmes règnent, aucun moyen terme n’est installé. La classe bourgeoise, dont le devenir comptait tant pour Hugo, brille ici par son absence. La révolution du peuple échoue. Le roi et les aristos restent en place. Phœbus représente dans ce film le plus beau fleuron de l’aristocratie : il fait partie de ceux qui assurent autour du roi la tranquillité du pays. Que penser alors du dénouement heureux de la romance (Esméralda file le parfait amour avec le fidèle protecteur de Louis XI, qui est récompensé à ce titre23), solution finale qui ne restera parfaite que si le régime de la royauté injuste, qu’avec tous ses pairs les aristocrates le capitaine aide à maintenir de force, reste en place ? Phœbus le héros devenu généreux est à la botte d’un tyran et à ce titre-là son image de vertu valorisée ne peut pas resplendir tout à fait. L’aporie du raisonnement qui sous-tend toute la démonstration de Worsley est manifeste.

Autre témoin à charge, le film de Jean Delannoy, dont Jacques Prévert a composé les dialogues. On y constate un bon suivi du courant hugolien, lui-même marqué par la légende romantique, mais aussi bien des extrapolations et des montages qui remanient et déforment le narré du roman. Le spectateur rencontre deux fois Louis XI, la première occasion apportant un suivi de plusieurs aperçus enchaînés.

Le Louis XI de Delannoy est dépeint en conformité avec l’image traditionnelle qui s’est imposée. Concernant sa garde-robe, l’acteur qui le donne à voir en 1956 porte un manteau de drap avec un col à rabat et des manches bordées de fourrure ; et surtout l’indispensable chapeau orné de pièces rend la présentation immédiatement reconnaissable. Il y a aussi maintien des caractéristiques psychologiques sur lesquelles Hugo avait insisté : le roi se montre avare et cynique ; son esprit de marchandage est nettement noté. Mais ce Louis XI est encore plus revigoré que ce que le roman le prévoyait : le souverain – qui est joué par un Jean Tissier dont les 60 ans s’accordent à une perspective moderne – est très gaillard. Le sexagénaire arrive à cheval devant Notre-Dame, prouve sans perdre de temps sa ladrerie (en refusant de faire l’aumône à Clopin, qui le remercie par antiphrase d’un ironique « merci de votre bon cœur, Majesté »), et il se montre capable de grimper haut les escaliers, même si son ascension le fatigue un peu. L’intérêt pragmatique que le compère tourangeau manifeste à la fabrication alchimique de l’or l’emporte de très loin sur tout sens religieux24. Mais on remarque aussi, dans la description de ce personnage retors, un certain sens de l’ouverture car le monarque ne nie pas l’existence et l’importance du désir sexuel, un désir bien humain qu’il est tout prêt à excuser chez Quasimodo, qui, à la différence de Frollo, n’a pas prononcé de vœu de chasteté25.

Le deuxième tableau qu’offre cette réalisation propose un rendu de la consultation du roi auprès de l’alchimiste. En désaccord avec le roman, il donne à voir une consultation de l’alchimiste Frollo qui va trouver le roi à la Bastille.

Aucun élément favorable n’est cette fois retenu. Louis XI est un être redoutable, faux comme un jeton. Les effets qui grossissent ses défauts sont appuyés (les cages de fer sont si terriblement présentes que la critique s’est émue du burlesque de leur manque de crédibilité26 ; la séquence de dialogue instaurée entre Guillaume d’Harancourt27 et son interrogateur est, sur un ton léger, d’une cruauté sinistre). Le roi n’éprouve jamais la moindre sympathie pour le cas de figure social ou personnel qu’incarne Esméralda. La kyrielle des dénouements tragiques est maintenue et il n’est pas prévu que l’installation du pouvoir vacille. Bien que le film de Delannoy se soit construit en retrait et que le texte de Prévert joue sciemment à mixer des éléments textuels, cette adaptation laisse le souvenir d’une fidélité relative pour laquelle la notion de « traçabilité » ne paraît pas être employée de manière incongrue. Au demeurant le jeu de J. Tissier ne s’est pas fait apprécier28, bien qu’il fournisse un bon rendu de la roublardise, du caractère patelin et matois d’un Louis XI faux calme, faux naïf, au cœur plus dur que la pierre. Le plaidoyer prononcé le 12 décembre 1956 dans les Lettres Françaises en faveur de la grandeur de Louis XI se trompe de cible quand il s’en prend au code de la représentation. L’acteur J. Tissier n’est pas responsable du caractère odieux et fourbe que les romantiques et Hugo ont prêté au roi. Prévert et Delannoy ont suivi et creusé la direction qu’indiquait le roman du xixe. Le comédien n’a rien choisi : il s’est plié comme il le fallait au jeu de la badinerie hypocrite.

Une noirceur qui disparaît ou s’estompe

À l’inverse des précédents rendus, un duo de versions se montre porteur d’un message progressiste. Le film de William Dieterle (1939), que prolonge et reprend le téléfilm de Peter Medak (1997), illustre cette autre tendance.

Entre les deux témoins que nous venons de quitter, l’un resté franchement hostile, l’autre devenu critique par distanciation amusée, avait émergé, au moment du passage du muet au parlant Eastmancolor, un film de W. Dieterle qui fournit un moyen terme chronologique et technique. L’originalité de la création de 1939 tranche sur le parti que nous venons de décrire et fait en sorte de tenir un contre-discours. À Louis XI, homme du temps passé à dépasser, à partir de l’adaptation de Bruno Frank et du scénario de Sonja Levien, s’oppose un Louis XI franchement envisagé de manière positive.

Chez Dieterle, le portrait de sa majesté – le rôle de Louis XI est tenu par Harry Davenport29, acteur alors âgé de 73 ans, bien que le prototype historique n’ait pas dépassé la soixantaine – prend un petit coup de vieux corporel, mais un rajeunissement du côté de l’intellect. Toujours reconnaissable grâce à son fameux costume, et spécialement encore une fois à son chapeau à grosses médailles, dans cette version le souverain n’est ni maigre, ni fourbe, ni malade. Louis XI fait simplement des efforts pour être bien conservé, ce qui vaut aux spectateurs une séquence où on l’aperçoit dans une baignoire, se faisant gratter ou frotter derrière les oreilles, trop fort à son goût. Car il faut que l’élixir agisse pour permettre à cet homme, attentif à soigner et entretenir sa forme physique, de vivre centenaire. Pendant que se déroule cette séance de bain curatif, un serviteur lit à haute voix à l’occupant de la baignoire une œuvre qui pourrait être (après tout et pourquoi pas ?) celle de Pierre Gringoire, De la liberté de la pensée, indiquée d’entrée de film comme étant un volume en cours d’impression.

Caractérisé par la curiosité de son esprit, le Louis XI de 1939 est en effet favorable à l’essor de l’imprimerie30 et à toutes les nouveautés émergentes. Ainsi montre-t-il un caractère ouvert à l’inédit, un intérêt réel pour les découvertes géographiques que son époque favorise31, un sens de l’esthétique en éveil, qui réfléchit sur la beauté de l’horreur et la beauté tout court, le gai tempérament d’un être de contact qui aime assister à la liesse populaire, un cœur généreux prompt à jeter une pièce à une jolie ribaude pour lui témoigner sa satisfaction de l’avoir contemplée. Homme de proximité, bien informé de la vie affective et des histoires de mariage qui touchent son entourage32, le roi se montre aussi à l’écoute des problèmes autres que sentimentaux que rencontre l’ensemble de la population de son royaume. Tous les opprimés lui témoignent d’ailleurs une confiance spontanée, Esméralda la première, à la beauté de laquelle il est sensible : celle qui plaide la cause des Bohémiens obtiendra du monarque de meilleures dispositions à l’égard de son peuple33. La scène du procès d’Esméralda constitue un espace charnière qui introduit une nuance, une légère rectification dans l’approche. L’âge noir n’est pas encore entièrement révolu et un reste de superstition s’accroche encore à Louis XI. Pour un moment unique, le souverain se laisse abuser par un mode de raisonnement à l’ancienne, puisqu’on le voit proposer à l’accusée de prouver son innocence en organisant une ordalie d’un type folklorique librement inventé : les yeux bandés, l’inculpée choisira entre sa dague et celle qui appartient au roi. Croyant la remettre à la volonté divine, le bon chrétien veut donner sa chance à Esméralda. Mais ce jugement de Dieu, simplement capable de convoquer le hasard, condamne la pauvre malchanceuse.

L’esprit de finesse de Louis XI connaît donc un manque. Pour le reste, l’intelligence du roi est active : alerté par chaque détail qui sort de l’ordinaire, aux taches de sang qui salissaient Esméralda, Louis avait déduit en bon observateur que la torture avait été utilisée sur l’accusée ; le même remarque aussi, au moment de l’assaut de la cathédrale, que les cloches de Notre-Dame ont sonné à une heure anormale.

Les intellectuels se comprennent entre eux. Gringoire a composé un appel au roi, qu’il a fait imprimer. Le poète tient ensuite à voir l’effet de son pamphlet sur son destinataire. Découvrant le trouble qui se répand dans sa ville, Louis XI se félicite du réveil de son cher peuple, prend le parti des écoliers, comprend que Frollo et la noblesse sont les cibles réelles de toute cette agitation sociale. L’adresse de Gringoire, qui vient de créer « un mouvement d’opinion impertinent mais intelligent », le ravit. Ayant intuitivement découvert qu’Esméralda est innocente du crime dont on se décharge sur elle, le roi fixe le vrai meurtrier et obtient ses aveux.

Si on ne tient pas compte de la mort du juge Claude Frollo, précipité dans le vide, le dénouement du film de Dieterle est incroyablement rose et optimiste. Le monarque accorde son pardon général et il offre droit de cité aux Bohémiens. Pierre Gringoire épouse celle qu’il aime. Esméralda baise la main de l’archevêque Jean Frollo (par ce geste symbolique l’Église est mise hors de cause). Quant à Quasimodo, il reste en vie… Que rêver de mieux ? Que les Juifs ne soient pas inquiétés ? Que les inégalités reculent et que la démocratie américaine gagne du terrain ? F. de la Bretèque est d’avis que le réalisateur d’origine allemande, de son vrai nom Wilhem Dieterle, et son scénariste, un anti-nazi exilé, ont « intentionnellement mis l’accent sur la “question tzigane” qui était à l’état latent dans le roman, en la référant à la question juive de 1939 »34. Un Louis XI capable de sonder les reins et les cœurs leur a permis d’exprimer, sans doute un peu trop fort et un peu trop naïvement, leur foi en l’homme, leur foi dans le progrès, leur souhait d’une liberté de pensée non entravée par le pouvoir politique, leur envie de voir disparaître la xénophobie. Dans la réalité, l’avenir proche ne va pas s’empresser, avec autant d’enthousiasme et de gaieté, de leur donner raison et d’appliquer ce code de bonne conduite.

Le téléfilm de Peter Medak (1997), qui est d’une qualité artistique très largement inférieure, hérite de cette orientation. Son armature et son type de discours sont assez comparables à ce que nous venons de décrire, ce qui n’a rien d’étonnant car par endroits le scénario de John Fasano35 a véritablement démarqué le film de Dieterle. Quelques divergences intéressantes dans le raisonnement et les applications se laissent pourtant apercevoir. Davantage que dans le modèle qui a servi de point d’appui et de référence obligée, le Moyen Âge est présenté sous son aspect d’Âge de ténèbres36. On ne sait trop pourquoi la chronologie fictionnelle éprouve le curieux besoin de fixer son départ dans l’année 1480, afin de commencer par la découverte du bébé Quasimodo. Le désir d’ordonnance peut se comprendre, mais le repérage temporel proposé n’est pas idéal37. Comme dans la version filmique de 1939, Louis XI assiste aux réjouissances populaires et il reçoit l’intervention d’Esméralda. Certains écarts par rapport au témoin convoqué sont pourtant là pour signifier. Chez Dieterle, le spectateur apercevait en Louis XI un brave homme, caché sous la silhouette d’un roi bourgeois que son âge avancé rendait plus aimable. Chez Medak, rien de tel. Incarné par un acteur dont l’image est liée à un autre versant du Moyen Âge, doté d’une épouse ravissante, la reine Anne (jouée par Gabriella Fon, dite Gabi Fon, une charmante Hongroise de 30 ans), le Louis XI du téléfilm hongrois-américain est très rajeuni et désembourgeoisé, c’est-à-dire dépouillé du costume et du chapeau aux médailles qui constituent ses célèbres attributs dans la culture commune. Medak se débarrasse du cliché véhiculé par cette vision bourgeoise et la remplace par une autre image, celle d’un Louis XI en majesté, avec robe longue bleue semée de fleurs de lys et bandeau-couronne, qui marque d’ailleurs un autre versant historique38. La reproduction veut évoquer la royauté solennelle, mais elle est obtenue au rabais, dans une mise en scène qui égale en médiocrité celle dont pâtit de son côté l’extérieur de la fausse cathédrale de Notre-Dame. Installés sur une galerie du parvis, quelques éléments de décor sommaires et chichiteux déploient une pompe d’un goût à peu près aussi sûr que celui étalé dans les vitrines du magasin Romeo près de la place de la Bastille : l’or, le bleu roi, les franges, les motifs brodés, un grand plateau couvert de fruits viennent faussement traduire par métonymie le faste d’une vie de cour qu’on voudrait montrer somptueuse. Pour cette fois Louis XI a la tournure d’un bel homme, dont le visage est fier mais dont la physionomie n’est pas très sympathique. En 1980 dans Excalibur de John Boorman, Nigel Terry incarnait le roi Arthur. Avec les cinquante deux ans qui sont devenus les siens en 1997, N. Terry compose un Louis XI supposé être aperçu dix ans après la date de son couronnement, point de vue qui contredit nettement l’objectif historique adopté par Hugo. Voulu plus jeune, plus riche, d’une apparence moins affable que le roi avec lequel Dieterle laissait Esméralda établir un contact réussi, son versant rajeuni par Medak se montre xénophobe et raciste et c’est son attitude bloquée qui fait échouer la rencontre humaine au sommet des marches. Le sort de la Bohémienne, que le souverain ne considère pas comme « une vraie femme », n’intéresse que médiocrement celui qui avait pourtant accepté d’écouter cette intervenante du petit peuple. Peu intéressé par les affaires religieuses, le Louis XI qu’invente la nouvelle équipe montre un esprit de modernité assez saillant puisque, à la différence de son père qui avait solennellement promis de soutenir l’Église dans sa proscription des livres imprimés (quelle histoire !), l’héritier du trône est résolument favorable à l’imprimerie39. Toutefois la bonté et le modernisme du roi marquent un franc recul par rapport à la version de 1939, deviennent moins absolus, car le vrai personnage positif du téléfilm de 1997 se trouve être un certain Julien Gaucher, premier ministre intelligent et bon lecteur (le philosophe et humaniste Marsile Ficin fait partie des auteurs dans lesquels Gaucher se plonge), un homme de progrès qui a décrété que le règne sous lequel il vit allait être le règne du changement. Changement souhaité que ce pauvre serviteur de la monarchie ne pourra pas voir arriver puisque Frollo assassine Gaucher d’un coup de poignard dans le ventre (la condamnation d’Esméralda repose alors sur ce biais qui a transformé le scénario initial). Le roi, qui roule dans un carrosse très anachronique, se montre agacé par l’appel au secours que parvient à lui lancer l’innocente. Sa majesté refuse maintenant tout à fait d’écouter la Bohémienne. Pris en tenaille entre deux pressions, celle du peuple d’un côté qui exige la libération d’Esméralda, celle des nobles de l’autre, qui réclament l’abolition du droit d’asile, le caractère du souverain faiblit. Homme de la palinodie, de la rétractation, Louis XI fait marche arrière, va contenter Frollo et la volonté de l’Église : contraint et forcé, le roi accepte de « proscrire les livres imprimés ainsi que les presses nécessaires à leur fabrication ». Puis quand le peuple de Paris se révolte, vient le cerner, le menace, tracts en main au bout des poings brandis, le monarque humilié reçoit une sommation que Maître Clopin lui inflige sévèrement, en lui enjoignant l’ordre de libérer la condamnée à mort. Pris en contre-plongée, rendu antipathique, soumis à l’hostilité revendicative des personnages qui l’entourent, Louis XI, que la reine Anne son épouse accompagne encore, reçoit l’aveu de Frollo, mais cette fois la confession du criminel n’a plus rien de spontané. C’est Quasimodo qui oblige l’assassin à se dénoncer, juste avant que n’ait lieu la chute qui sera fatale à l’ecclésiastique. L’épilogue du téléfilm parvient ainsi à deux résultats rappelant ceux entrevus chez Dieterle : l’union réalisée entre Gringoire et Esméralda est effective et la construction de la démocratie est amorcée. Mais pour installer ces positions rassurantes, que de chemins tortueux n’ont pas été empruntés ! La rédaction du pamphlet a été confiée au sonneur de Notre-Dame, contaminé par l’activisme politique du Gringoire que Dieterle avait rêvé – en effet, le Quasimodo de cette adaptation outrée qui applique partout une tendance au renchérissement est maintenant un authentique écrivain, un homme de grande culture, qui fréquente assidûment les auteurs latins et qui s’y connaît même en hermétique. Dans le téléfilm tourné à Budapest, Prague et Rouen, comme dans le film d’Hollywod, dépourvue de tout renvoi à l’existence des cages de fer, libérée de sa légende noire, la silhouette de Louis XI sert à diffuser un message progressiste. Simplement le point de vue de Dieterle sur le roi de France lui attribuait un état d’esprit libre et spontané, tandis que Medak soumet sa jeune réplique à davantage de contraintes extérieures, l’essentiel des qualités émergentes étant détourné pour valoriser Gaucher, son double positif.

Les films d’animation et leurs aperçus ludiques

Le respect historique ne constituant évidemment pas le point fort des dessins animés, c’est dans le secteur destiné aux enfants qu’on peut s’attendre à rencontrer le plus de liberté inventive prise avec Louis XI, quand son existence est représentée, ce qui est loin d’être toujours le cas. En effet la majorité des films d’animation suppriment le rôle du roi, personnage qui n’a rien d’indispensable dès que d’autres centres d’intérêt entrent en jeu. Dans les remaniements pour le jeune public, l’élimination de cette figure peut être radicale, mais pas forcément car la figure de Louis XI peut continuer à être évoquée au travers de petits « signes résiduels ». Dans The Hunchback of Notre Dame de Gary Trousdale et Kirk Wise (1996), un gag assez réussi convoque par exemple le souvenir des célèbres cages de fer en laissant s’extirper d’une cage à drôle d’oiseau cadenassée, qui s’ouvre en tombant par terre, un vieillard hilare qui se réjouit de l’aubaine et s’échappe avec grande joie, canne en main, de son emballage peu confortable. Au demeurant Louis XI connaît aussi et encore quelques emplois directs dans certains dessins animés, qui restent peu nombreux et ne renvoient quasiment plus à Hugo. Ainsi Louis XI occupe-t-il une place stratégique nouvelle dans la formulation de l’aventure inaugurale des vingt-six épisodes du Quasimodo de Bahram Rohani (1996). Cet épisode s’intitule « Le mal démasqué » et s’intéresse de près au thème du masque et du travestissement40. Avec Quasimodo, jeune bossu de seize ans, deux tsiganes, Esméralda et son frère François41, composent un trio héroïque. Il se trouve qu’à Paris Louis XI doit se rendre à un bal costumé et que Frollo veut profiter de cette fête pour faire assassiner le roi. Le traître paye un commanditaire pour exécuter cette basse besogne, mais comme la manœuvre qu’il programme échoue, Frollo se décide à accomplir lui-même le meurtre du souverain, au palais, quand les douze coups de minuit sonneront. À l’occasion de ce bal, Louis XI quitte le chapeau à médailles qui continue, ici comme là, à le coiffer de manière ordinaire. À écouter certaines suggestions qu’il reçoit, le roi de France aurait pu se déguiser en « perroquet des îles », mais sa préférence est allée vers un costume de paon, ce qui nous vaut de visualiser son postérieur orné d’une belle roue de plumes turquoise et violettes (cette tenue voyante ne fait pas perdre toute sa dignité à ce grand personnage, car on rencontre à ses côtés un certain Denis, travesti en gros poulet). Grâce aux trois jeunes amis qui parviennent à s’infiltrer dans la fête et réussissent à contrecarrer l’assassinat que projetait contre lui le magicien Frollo, Louis XI est sauvé ; le reste à l’avenant.

The Hunchback of Notre Dame qu’a réalisé Richard Slapczynski (également en 1996) sur un scénario de Leonard Lee apporte un double témoignage encore plus étonnant. L’action de la version anglaise commence le 31 janvier 1595 (sic !), dans une France qui a connu des centaines d’années de guerre42. Henri IV (Henry the Fourth), roi rondouillard et rigolo qu’emblématise une couronne bien vissée sur le sommet de son crâne, anime la version destinée en priorité à l’Australie et aux USA, laquelle n’a pas craint d’emprunter bien des éléments au film de Dieterle et à son Louis XI. On y retrouve en gai décalque la démonstration de la générosité royale, la séance du bain, le discours sur le changement social ou sur l’avancée des découvertes, ainsi que la conservation d’un espace de galanterie liant le cœur du monarque à la beauté d’Esméralda. « At the center of the tale is Quasimodo, the disfigured bell ringer of the majestic Notre Dame Cathedral in 17th-century Paris » dit, pour appuyer le déplacement temporel, la jaquette du DVD distribué par Madacy Kids43. Un Quasimodo du xviie siècle ! vivant sous Henri IV ! Est-ce vraiment possible ? N’est-ce pas commettre, d’une certaine façon, un crime de lèse-majesté ? Prévue pour satisfaire un âge compris entre 4 et 9 ans, la fiction d’animation s’accorde le droit de raconter ce qui lui plaît aux petits anglophones. Mais la commercialisation française du même dessin animé ne peut pas laisser telle quelle cette dernière inflexion. Elle tient à préserver les petits Français de fixer dans leur mémoire ces éléments perturbants, qui contredisent trop violemment la tradition de l’histoire littéraire et de l’Histoire de France. C’est pourquoi la jaquette de la cassette vidéo qui rend aux enfants de France la monnaie de cette pièce de leur patrimoine s’intitule « Le Bossu de Notre-Dame, D’après le chef-d’œuvre de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris »44. Le doublage de la réalisation de R. Slapczynski demande qu’on se replace par la pensée le soir du réveillon de 1481, où le peuple rêvait d’une France forte et unie. Le reste suit et Phébus porte sa pétition à Louis XI, le 16 janvier 1482 (il n’est plus question d’Henri IV). La version française ne peut revenir à Hugo mais elle revient au moins, à peu de chose près, à la temporalité que Hugo avait développée. Quel que soit son prénom et la numérotation qu’on lui affecte, le petit roi jovial qui prend gaiement son bain, ne ressemblera « pour de vrai » ni à Henri IV, ni à Louis XI, mais ces écarts n’ont aucune importance car la leçon de propreté que ce témoin délivre est pareillement valable du côté anglophone et du côté francophone : quand on est sale, il faut passer par la baignoire et accepter un bon coup de brosse ! C’est ainsi que le champ historique des dessins animés se laisse gentiment lessiver, au point de devenir une planche très savonneuse. De Dieterle à Slapczynski, l’histoire de France mousse et produit quelques belles bulles, explosives comme le sont toujours les bulles de savon.

Nous dirons pour conclure que la fable rédigée par Hugo a sans tarder été vouée à devenir protéiforme et que son support historique est loin d’être resté un élément très stable. Notre-Dame de Paris, le roman, s’inspirait du Quentin Durward de Walter Scott, tout en réagissant contre la vision et la narration scottiennes. Le premier Louis XI, entendons par là celui de l’ébauche de NDP, ne voulait pas gracier la Esméralda. La rédaction ultérieure a développé à loisir la complexité de cet homme ambigu, à l’esprit retors, mais elle a conservé à Louis XI un rôle important et lui a laissé son caractère impitoyable. Ce qui n’a pas empêché que, dans le livret de La Esméralda, le personnage sur lequel Hugo avait tant misé avait déjà disparu, et du fait du même auteur qui plus est. Bien d’autres ont aimé le roman de Victor Hugo, et pourtant quitté Hugo et bâti du « contre-Hugo ». L’arrivée du septième art, derrière les premiers spectacles, a relancé et complexifié les vieux débats. De Louis XI, du dénouement tragique, de la fin du xve siècle était-il souhaitable de se débarrasser dans les NDP de la modernité ? Quels contre-courants pouvait-on établir ?

Les ballets, les opéras, les productions cinématographiques n’ont pas manqué et c’est la variabilité de ces propositions spectaculaires qui, en s’attaquant sans se cacher à l’héritage hugolien, pour finir fait leur force. Les films et leurs alliés ont été bravement infidèles, ont donné du pouvoir à ceux qui n’en avaient pas, enlevé du pouvoir à ceux qui en avaient. Grâce à eux, les personnages malheureux ont pu prendre leur revanche, bousculer les puissants, réclamer leur droit au bonheur et à la culture. En définitive l’itinéraire moderne du personnage de Louis XI, si facilement dérouté, contourné ou oublié, est très instructif. Les absences de Louis XI nous enseignent que l’histoire sentimentale prime sur l’Histoire et qu’on peut pleurer, frissonner, rire, chanter, danser autour d’Esméralda et de Quasimodo sans penser un quart de seconde au roi de France. Les déformations contemporaines traduisent de mille manières que le mythe sait vivre en vrai détachement par rapport au Moyen Âge. Ce qui rend, par contraste, les espaces de conservation relative encore plus significatifs. Louis XI sait encore faire acte de présence. Mais quel Louis XI ou plutôt quels Louis XI ? Il y en a et en a eu pour tous les goûts.

Partis – d’un roi aigri et malade, nous avons pu apercevoir, qui le remplace, un petit bonhomme en pleine santé ; – d’un roi qui refuse toute grâce, un cœur d’or tout ce qu’il y a de plus gracieux ; – d’un roi qui abolit la courtoisie, un galant qui badine et fait sa cour à Esméralda ; – d’un roi très chrétien, un catholique rétif qui met difficilement les pieds dans une église ; – d’un protecteur de la presse et de la libération des esprits, un ministre qui lui a volé son esprit de modernité ; – d’un roi retors et comploteur, une victime de sombres complots ; – d’un roi bourgeois coiffé d’un bonnet ou bien d’une casquette, un petit roi tellement roi qu’il prend son bain avec sa couronne… Nous sommes passés par paliers ou par grands à-coups d’un roi sale à un roi propre, accessoirement lui-même passé de Louix XI à Henri IV et suscitant une nouvelle guerre qui heureusement frise le ridicule sur son crâne dégarni et ne dure pas cent ans. La dernière leçon que nous retiendrons est que même les films les moins recommandés, considérés comme les moins recommandables, marquent notre époque. Est-ce du premier Bossu des studios Disney, du Quasimodo d’El Paris de Patrick Timsit, ou encore de quelque autre DVD que la langue de la banlieue parisienne a tiré un « Frolo » qui veut dire pour elle « gars » ou « garçon »45 ? Alors, s’il vient à suivre l’exemple de son compagnon Frollo, pour Louis XI l’espoir d’une consécration ultime, fantaisiste et encore plus actuelle n’est pas encore vraiment perdu…

Notes

1 Cf. ébauches et notes, pièces cotées 133/2, fol 400 et 400 v° (Notre-Dame de Paris 1482, édition Jacques Seebacher, Paris, NRF-Gallimard, 1975, Bibliothèque de La Pléiade, p. 518-521 ; les idées du premier scénario pourraient remonter à 1828, mais l’écriture de ce témoin correspond à juin ou juillet 1830. Return to text

2 Formule qui dans NDP-1482 deviendra avec variantes : « Eh bien ! mon compère, extermine le peuple et pends la sorcière », « Vous écraserez le populaire. Vous pendrez la sorcière », livre X, chapitre 5, édit. cit., p. 452-53. Return to text

3 NDP-1482, livre X, chapitre 5, p. 426. Return to text

4 NDP-1482, livre XI, chapitre 3, p. 497. Return to text

5 J. Seebacher a magistralement analysé le sens à donner à tous ces changements de trajectoire : « Louis XI n’est plus considéré comme personnage singulier, ou plutôt sa singularité n’est plus d’ordre individuel et moral, mais de l’ordre du mythe politique », éd. cit., p. 1058-59. Return to text

6 La Esméralda, libretto, in Victor Hugo, Théâtre complet, t. II, édit. J.-J. Thierry, Paris, NRF-Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1964, p. 681-754 et p. 1900-02. Ou bien Victor Hugo, Œuvres complètes, t. V, édition chronologique sous la direction de Jean Massin 1834-39, Paris, Le Club français du livre, 1980, p. 485-539. Return to text

7 L’Œuvre de Victor Hugo à l’écran : des rayons et des ombres, sous la direction de Delphine Gleizes, Paris : LHarmattan ; Montréal : Presses de lUniversité Laval, 2005 (coll. Cinéma et société). Return to text

8 La thèse de Marie Tapié (Les adaptations cinématographiques de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, Paris III, 2001) porte sur six versions filmiques allant de 1923 à 1997. On peut lire dans L’Œuvre de Victor Hugo à l’écran, les articles de Sarah Mombert, Olivier Bara et Delphine Gleizes ; d’autres sont signalés dans la bibliographie de cet ouvrage. Return to text

9 L’Imaginaire médiéval dans le cinéma occidental, Paris, Champion, 2004 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 70), p. 853-901. Return to text

10 Cf. « Notre-Dame de Paris sur les écrans (films, téléfilms, dessins animés) » d’Arnaud Laster dans « Notre-Dame de Paris à la scène et à l’écran » (Notre-Dame de Paris; Paris, réédit. 2000, Le Livre de poche, n°1698, p. 679-699). Return to text

11 Filmographie de Notre-Dame de Paris, in L’Œuvre de Victor Hugo à l’écran, p. 252-256. Return to text

12 En effet la filmographie de NDP fournie par Arnaud Laster s’arrêtait en 1998 et faisait figurer dans sa liste un projet avec Gérard Depardieu dans le rôle de Quasimodo. Comme ce téléfilm n’a pas été réalisé, il s’agissait donc de 22 entrées effectives. Dans L’Œuvre de Victor Hugo à l’écran, le projet de téléfilm annulé avec Gérard Depardieu n’entre plus dans les comptes. L’examen va de 1906 à 2002, recense 31 films, auxquels on peut rajouter pour l’année 1995 le film d’animation australien de Bill Schwartz, produit par Bill Schwartz, Ken Johnson et Mike Jones, The secret of the Hunchback, titre français Le Secret du Bossu de Notre-Dame). Comme il y a cinquante transpositions cinématographiques et télévisuelles des Misérables répertoriées dans la filmographie de 2002, NDP n’occupe qu’à bonne distance la seconde place, mais les deux vedettes du classement général laissent loin derrière elles les produits filmiques venus des romans hugoliens moins spontanément et facilement récupérables et récupérés (pour Les Travailleurs de la mer, 5 versions recensées, pour L’Homme qui rit, 4 versions, pour Le Dernier Jour d’un condamné et pour Quatrevingt-treize, 3 versions). Return to text

13 Gérard Gengembre, « La Saga d’Esméralda », Communication prononcée le 16 décembre 2000 devant le groupe Hugo de l’université de Paris VII. Texte en libre accès sur internet (www.cndp.fr/revueTDC/876-73307.htm), publié dans le n° 876 de TDC (Textes et documents pour la classe), numéro concernant Le Roman historique, du 15 au 31 mai 2004. Return to text

14 Cf. « Notre-Dame de Paris sur les scènes » d’Arnaud Laster, op. cit., p. 679-685. Return to text

15 Cf. A. Laster, ibidem, et G. Gengembre, art. cit. (lequel renvoie aussi à « Hugo à l’Opéra », sous la direction d’Arnaud Laster in L’Avant-Scène Opéra, n°208, juin 2002). Return to text

16 Notre-Dame de Paris : ballet en deux actes et treize tableaux… chorégraphie de Roland Petit ; musique composée par Maurice Jarre, compositeur ; ballet enregistré en 1996 à l’Opéra national de Paris par André Flederick, réalisateur ; Film office éditions, 1997. Return to text

17 État qui se vérifie en 1906, dans La Esméralda film français d’Alice Guy (la copie en est perdue ; il ne reste que des photogrammes ; elle comprenait 8 parties de 35 mètres chacune, la projection durant environ 15 mns), en 1909 et 1910, dans The Hunchback et Hugo the Hunchback, États-Unis, en 1911, dans Notre-Dame de Paris d’Albert Capellani (cf. Bretèque, op. cit., §44, p. 1115), en 1913, dans Notre-Dame de Paris d’Ernesto Maria Pasquali, Italie, en 1917, dans The Darling of Paris de James Gordon Edwards, États-Unis, en 1922, dans Tense Moments from Great Plays, « Esméralda » ou « The Hunchback of Notre-Dame », d’Edwin J. Collins, Grande-Bretagne. Return to text

18 Le Bossu de Notre Dame, Goodtimes homevideo corporation, 1994, scénario de George Bloom. Après être passé à Notre-Dame de Paris, ce film est produit en version française en 2005 par Jetlag production, producteur exécutif Cayre Brothers et son titre, dans la collection Mes compagnons de toujours est à nouveau Le Bossu de Notre Dame. La fin heureuse qui unit un Quasimodo non monstrueux à Esméralda se rencontrait déjà en 1917 dans The Darling of Paris (cf. L’Imaginaire médiéval…, p. 874). Return to text

19 Cette version réveille une vieille croyance. Dans le film Naïs (1945) de Marcel Pagnol, qui s’inspire de Naïs Micoulin d’Émile Zola, Toine le bossu (incarné par Fernandel) rapporte les propos de sa grand-mère en soulevant une forte émotion : « “Un rêve m’a dit une chose étrange, un secret de Dieu qu’on a jamais su. Les petits bossus sont de petits anges, qui cachent leurs ailes sous leur pardessus. Voilà le secret des petits bossus”. C’est joli, mais c’est pas vrai. Moi, j’y ai cru jusqu’à dix ans, je croyais que les ailes me poussaient ». Return to text

20 Cf. l’expérience pédagogique menée par Michèle Debrenne, professeur à l’Université d’État de Novossibirsk, Faculté de langues étrangères, Département de français : « De la comédie musicale “Notre-Dame de Paris” à la leçon de français », présentée le lundi 19 mai 2003 (à découvrir sur le site www.edufle.net/De-la-comedie-musicale-Notre-Dame). Return to text

21 Cf. My Hollywood [suivi de] The hunchback of Notre Dame : when both of us were young : the memories of Patsy Ruth Miller, Patsy Ruth Miller ; ed. by Philip J. Riley ; introd. Douglas Fairbanks Jr. ; introd. by George Turner, O’Raghailligh, 1988. Return to text

22 « Elle a été emmenée par les servants de sa majesté ». Return to text

23 Un mandat rend Phœbus capitaine pour récompenser chez lui « la loyauté au Roi et la vigilance de [l]a sécurité [de Louis XI] ». Return to text

24 Cf. les échanges : « Si le roi vous entendait ». « Il vous demanderait où en sont vos travaux » ; « Et s’il trouvait de l’or, cela améliorerait singulièrement nos finances. Après tout, nous avons bien assez de sorcières pour alimenter nos bûchers ». Return to text

25 Frollo déplorant faussement que Quasimodo ait agressé Esméralda : « Vous prenez la chose trop à cœur ; après tout il n’avait pas fait vœu de chasteté ». « On dit qu’en l’occurrence le piège était fort beau ». Return to text

26 Cf. « Louis XI entouré de cages de fer comme un marchand d’oiseaux de cages à serins, c’est, lui, un roi bouffe, jamais un roi ! » (Lettres françaises-Paris 1942 ; 27-12-56) Return to text

27 Dont le rôle était joué par Hubert de Lapparent. Return to text

28 « Faire jouer Louis XI par Jean Tissier est une hérésie. Louis XI, qu’on nous enseigna bêtement comme un roi fourbe et odieux (il fut en réalité un des plus grands rois de France) ne fut en aucun cas ce souverain guignol ! Jean Tissier n’y est pour rien. Il joue aussi bien que possible un texte qu’on devine, lui aussi, “étêté”, mais il fausse le personnage. Et, ce personnage faussé, le sérieux du récit. » (Lettres françaises-Paris 1942 ; 27-12-56). Return to text

29 Le docteur Meade dans Autant en emporte le vent (1939). Return to text

30 « La presse est de notre temps ». Return to text

31 Cf. F. Bretèque, op. cit., p. 879 et n. c. 53. Return to text

32 À côté de Louis XI on rencontre un veuf, Maître Carteret, qui est prêt à faire un nouvel essai. « Maître Carteret » est le nom donné dans la version française à un courtisan du roi ; en vo « doctor » ou « courtier » (Marie Tapié) ou un nom inspiré par celui de Coictier. Return to text

33 Cf. « Le roi est bon, il saura venir en aide à mon peuple » [] » ; « Faites que le roi m’écoute ! ». – « C’est fait ! ». « J’étais si fière. Le cœur du roi s’était attendri sur mon peuple ». Return to text

34 F. Bretèque, op. cit., p. 880. Return to text

35 Relèvent de coïncidences non fortuites la proximité du roi qui assiste à la scène du pilori comme aux réjouissances populaires, les réflexions sur la cour d’Espagne, sur la relativité du goût. Return to text

36 Il s’agit en effet d’« Une époque ténébreuse et effrayante, où l’on croyait que la terre était plate et où la vérité divine était calligraphiée sur un parchemin consacré dans les bibliothèques des Cathédrales. C’était un monde où les idées modernes étaient proscrites par l’Église et où la simple possession d’une page imprimée était passible de la peine de mort. » Return to text

37 Plus tard, l’action est supposée se dérouler dix ans après le couronnement du roi. Comme Louis XI est devenu roi de France en 1463, la chronologie relative et historique est loin de fonctionner sur des assises correctes. Return to text

38 Louis XI est alors rapproché de l’illustration qui figure dans le paragraphe « roi » de l’article Louis XI de Wikipedia (cf. le site http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_XI_de_France). Return to text

39 « Si les cathédrales sont l’écriture du passé cette presse est l’écriture de notre époque. Et je ne ferai rien pour arrêter son élan développement ». Return to text

40 Quasimodo, n°1, réal. Balram Rohani, idée originale de P. Pinteau et J. Muller, adaptation de Jean-Pierre Darmont, France, coproduction Arès-Film, Ciné-Groupe, Télé Images, France 3 (France 3 vidéo Juniors), 1996. Return to text

41 Dont au moins le prénom s’inspire du François Villon de The Beloved Rogue (1927) d’Alan Crosland, film lui-même influencé par Notre-Dame de Paris. Return to text

42 The Hunchback of Notre Dame, réal. (direction de l’animation) Richard Slapczynski, scén. Leonard Lee, Australie/États-Unis, prod. Burbank Animation, Studios PTY LTD, Sydney c. Anchor Bay Entertenment, Inc Troy Michigan. Return to text

43 Même film, The Hunchback of Notre Dame, printed in Canada /Made in USA, Madacy Kids, a division of Madacy Entertainment Group. ; 1999 Madacy Entertainment Group (collection Children’s Film Favorite, ages 4 to 9). Return to text

44 Le Bossu de Notre-Dame [enregistrement vidéo], D’après le chef-d’œuvre de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris directeur de l’animation Richard Slapczynki, scén. Leonard Lee, musique Garry Hardman, Australie/États-Unis – Blacke éditions, Anchor Bay, ALP Marshall Cavendish, 1997. Return to text

45 Frolo, nom masculin. * Garçon. Synonymes : boug, igo, keumé, kho. ; Frolotine, Frolotte, nom féminin * Fille. Synonymes : go, meuf, racli, rate, schneck. Ex. « Amine était amoureux de la belle Esméralda, mais elle ne voulait pas de lui. Pour le consoler, on lui disait : “Laisse tomber, Frollo, t’as de la chance de ne pas être le bossu de l’histoire.” Tout droit sorti du film Le Bossu de Notre-Dame, frolo pour « gars » a vite fait le tour de nos tours » (Lexik des Cités illustré, précédé d’un dialogue entre Alain Rey et Disiz la Peste, Paris, Fleuve Noir, 2007, p. 159). Return to text

References

Bibliographical reference

Caroline Cazanave, « La réception du Louis XI de Notre-Dame de Paris dans le domaine filmique : du rejet pur et simple aux maintiens déformants », Bien Dire et Bien Aprandre, 27 | 2010, 339-362.

Electronic reference

Caroline Cazanave, « La réception du Louis XI de Notre-Dame de Paris dans le domaine filmique : du rejet pur et simple aux maintiens déformants », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 27 | 2010, Online since 01 mars 2022, connection on 20 mai 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/897

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Caroline Cazanave

Université de Franche-Comté

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