Artiste chercheur : une conférence performée

DOI : 10.54563/demeter.102

Résumés

Ce texte vise à rendre compte, sous la forme d’une retranscription commentée, de la conférence performée qui s’est tenue à Clermont-Ferrand à l’automne 2018. Cette tentative de restitution fut l’occasion pour son auteur de penser les changements nécessités par le passage de la forme spectaculaire à la forme écrite.

This text aims to render as a transcription with commentary a performative lecture given in Clermont-Ferrand in the fall of 2018. This attempt at reproduction provided the author an opportunity to consider what changes were required in passing from the performative to the written form.

Index

Mots-clés

méthodologie, processus de création, recherche-création, conférence performée, format artistique

Texte

Le dispositif pour l’écriture de ce texte est simple. À partir d’une captation vidéo d’une conférence performée à L’École d’Art de Clermont-Ferrand à l’automne 2018, et à partir de souvenirs de différentes autres conférences sur la même thématique qui se sont inventées depuis mars 2017 suite à ma présence lors du colloque de Rennes 2, je propose ici une retranscription commentée.

La transcription du discours à la première personne de 2018 a été retravaillée puis complétée, à la fois pour une qualité d’énonciation moins orale et pour jouer avec un matériau qui, devenu écrit, appelle d’autres types de choix et d’associations d’idées.

Dans la colonne de droite, je présente les outils performatifs convoqués lors de la conférence – qu’ils aient été scénographiques, dramaturgiques, ou dansés –, et je commente a posteriori les pensées et les enjeux structurels de mes processus performatifs.

Pour placer le lecteur de ce texte au même niveau d’informations que le spectateur présent ce soir-là à Clermont-Ferrand, voici le texte envoyé en amont pour annoncer et présenter la conférence :

 

Artiste  chercheur

Rentrée 2018, alors que je suis danseur et chorégraphe de formation je me décide à m’inscrire en thèse dite de création, et vois apparaître dès mon dossier d’inscription un miroitement : le vocabulaire de la sensation théorique vibre.

Le « processus » dit chorégraphique s’éblouit maintenant dans la « méthodologie » de la recherche, la « dramaturgie » se compose sous forme de « plan », le « plateau » de la scène de danse se fait « page ». 

La formulation « artiste où chercheur » que je nous propose d’interroger ensemble sous la forme d’une conférence performée est au plus proche de mon actualité d’artiste : comprendre comment je deviens chercheur parce que je suis un artiste qui (re)cherche à comprendre comment la dimension de la recherche est intrinsèque à ses pratiques artistiques...

* *
*

J’ai aménagé le lieu de la conférence en milieu d’après-midi. J’avais refusé l’auditorium pour préférer le « grand atelier » présenté comme un espace multi-usage : lieu de passage, lieu d’exposition, salle de pratique.
Un grand tapis rouge étant déjà présent dans l’espace, je décide de le déplacer face à un des angles de la salle, afin d’éviter une frontalité trop figée. Deux rangées de chaises seront placées en arc de cercle pour compléter ces assises.
Dans un couloir adjacent je trouve avec la personne qui m’accueille à l’École, trois grandes plaques sur lesquelles un film est collé pour que l’on puisse écrire dessus au marqueur effaçable. J’en place deux dans l’angle, chacun sur un mur, et le troisième légèrement à l’arrière. Sur le panneau de gauche j’écris :
artiste, sur celui de droite : chercheur. Le troisième reste vierge pour l’instant. Sa fonction est de fermer l’angle, tant bien que mal.
L’espace devient une forme de grand triangle avec une base semi-circulaire. Une perspective qui se dirige vers l’angle de l’espace avec ses deux inscriptions manuscrites :
artiste, chercheur.
Pour poser mon ordinateur, j’utilise un socle assez haut, que je place contre le mur de gauche. Je récupère un tabouret, au cas où, et surtout un balai pour nettoyer ce grand espace passant.

Figure 1.

Figure 1.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

* *
*

18h30. Après avoir été présenté par la personne référente à l’École, je prolonge le code d’un début de conférence pour introduire / contextualiser ce qui va suivre. Introduction :

Alors voilà. Je suis chorégraphe et interprète, et j’ai décidé il y a peu de m’inscrire en thèse universitaire, dans ce dispositif qui est en train de s’inventer et que l’on appelle : thèse de création. Et ce que je voulais partager avec vous ce soir, c’est un récit d’expérience : je vais balayer mon parcours artistique tout en activant des séquences chorégraphiques pour essayer de comprendre comment dans ce parcours de chorégraphe je me dirige vers cette thèse universitaire. Par quelles transitions, par quelles étapes, j’avance, imaginairement, intellectuellement, fantasmatiquement. Et essayer d’interroger in fine ce binôme, ce « duel », cette vivacité entre l’être artiste et l’être chercheur qui s’ouvre à moi.

Je me dirige vers un angle du triangle, proche des spectateurs, et sors les mains de mes poches. Je les avais maintenues cachées, l’air de rien, jusqu’à présent. Ma main droite, glissée dans un gant bleu roi devient sur-visible.
C’est un choix dramaturgique important : après une introduction orale propre au code de la conférence, j’essaye d’affirmer l’outil performatif le plus vite possible. Ce soir j’active le début d’un solo, titré
pu (2006), adapté d’une pièce de la chorégraphe Deborah Hay.
Pour répondre à la consigne chorégraphique du début du solo – longer l’espace scénique au pied des spectateurs [la pièce se joue en quadri-frontal ou en cercle] –, je fais ainsi le « tour » du triangle en longeant les trois côtés pour revenir vers la zone où j’ai lancé le mouvement.
Je finis au sol, à genoux, face aux spectateurs assis sur le tapis. Je me sens équivalent à leur corps assis, et j’enchaîne :

Je vais commencer à prendre la parole avec une blague bien potache, entendue à la télévision lorsque j’étais enfant. Serge Gainsbourg, dans sa période « Gainsbarre », est invité en direct et s’amuse – comme à son habitude – à provoquer le prime time, comme l’on disait alors, avec une blague à Toto : « C’est la maîtresse qui demande à sa classe de faire une phrase avec le mot volupté. La maîtresse interroge plusieurs enfants qui lui font tous une jolie phrase, puis elle interroge Toto qui lui propose alors : “Il a volupté, il a chié…“. »

Des années plus tard, je suis encore devant la télé, je suis jeune adulte, devant une soirée d’hommage à Georges Perec. David Bellos, son traducteur en anglais et par ailleurs biographe, parle des difficultés à traduire certains des jeux de mots de l’auteur, puis cite un des calembours de Georges Perec, qui (me) fait soudain écho à la blague de Gainsbarre. La version perecquienne de cette blague scatologique est : « Il a voulu faire Proust, il a fait Kafka… »

Tenter, toujours tenter. Aujourd’hui c’est cette blague qui m’est revenue dans le train vers Clermont-Ferrand, et dont j’ai accueilli l’intuition. Est-ce parce que je savais que j’allais parler devant des étudiants ?
Je me lève et continue d’activer le premier matériau chorégraphique comme si je ne l’avais pas interrompu. Il me dirige vers un point scénographique de l’espace : le socle d’exposition blanc, haut, sur lequel est posé mon ordinateur ouvert. Dans un souci de « faire loucher l’espace », j’ai laissé à vue juste derrière le socle, le balai, qui m’a servi à nettoyer la salle avant le début de la conférence.
Je m’appuie au mur avec ma main bleue gantée et reste là, appuyé, tandis que de l’autre bras j’active un geste répétitif. Ce geste est volontairement polysémique, il peut tout aussi bien être lu comme : « levez-vous », « suivez-moi », « je vous fais signe », « j’ai besoin d’air ». Son insistance est faite pour être interrogée : « que nous veut-il ? » pourrait être la question que je souhaite que le spectateur se pose.

Figure 2.

Figure 2.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

Alors que je fais face à l’assistance, derrière moi, je sais qu’est visible le grand panneau de gauche sur lequel est inscrit : artiste.

Je crois que cette blague potache et ce calembour, je m’en suis fait, jeune adulte et jeune artiste, une métaphore de ce que pouvait être un processus artistique. Littéralement : on veut écrire du Proust, et on écrit du Kafka. On veut faire quelque chose, et le réel du travail vous amène ailleurs. C’est exactement ce qui s’est passé lors de ma première pièce. J’étais très fier de me lancer dans une première chorégraphie, j’avais plein d’images en tête, je voyais déjà ce que cela allait être. J’étais positionné, déterminé : je savais ce qu’était la danse, je savais ce qu’était la chorégraphie. Sauf que, le premier jour des répétitions, au bout d’une demi-heure, je n’avais plus rien à faire, rien de ma fraîche volonté ne fonctionnait… Un monde s’effondrait, j’étais seul dans le studio de danse, blanc, comme une page, là où tout était déjà écrit dans ma tête.

Ce trauma initial, car cela en était un (j’ai failli tout arrêter d’entrée), m’a accompagné et continue de m’accompagner. Et cela me donne même le goût de l’expérimentation et d’une de ses évidences : « oui, ce que l’on veut faire est différent que ce que l’on réalise ». Comme le dit autrement Cocteau dans Le Coq et l’Arlequin : « La source désapprouve presque toujours l’itinéraire du fleuve. »

Depuis ce premier jour, je suis incapable de dire ce qu’est un artiste. On m’a posé la question de nombreuses fois. Je me souviens d’une professeure de français de mon lycée, rencontrée des années plus tard, qui m’avait posé cette question en surlignant le fait que dans toutes les biographies ou autobiographies d’artistes qu’elle avait lues, il n’était jamais question de ce moment de bascule : à quel moment se définit-on soi-même comme artiste, et pourquoi ? C’est une question qui reste ouverte pour moi. Je ne sais pas ce qu’est être artiste, mais je connais l’expérience que me propose l’invention d’un processus d’expérimentation. Celui d’accepter que le vouloir faire ou le vouloir dire ne ressemble pas à ce qui va finalement être fait ou être dit.

1 – Artiste/Chercheur.
J’interromps ma parole, mais pas ma pensée, pour me diriger à côté du deuxième grand panneau sur lequel est inscrit :
chercheur.
Je suis en début de conférence performée et j’expose donc, sans les nommer mais en les activant, les outils performatifs sur lesquels je vais m’appuyer : en particulier celui-ci que j’appelle la dramaturgie spatiale – suivant où je me place dans l’espace, je parle à partir d’un certain point de vue.
Ici et maintenant, c’est donc en tant que
chercheur et non plus en tant qu’artiste que je prolonge ma parole :

En tant que chercheur, c’est la même chose, je ne sais pas définir ce qu’est être un chercheur, mais je me souviens très bien du moment où je me suis senti être dans un état de recherche. C’est ce même état qui a déclenché le désir de me lancer dans une thèse.

Je vais beaucoup vous parler ce soir d’une chorégraphe américaine qui s’appelle Deborah Hay, je vous ai déjà montré un de ses matériaux chorégraphiques, avec qui j’ai un compagnonnage depuis 2006.

J’ai été son interprète en 2006, pour une pièce qui lui avait été commandée en France et pour laquelle on m’avait coopté pour faire partie des sept interprètes. Suite à cette expérience, en 2008, elle m’a proposé d’être l’un de ses assistants, ce que j’avais accepté d’autant plus volontiers que son travail me plaisait et me travaillait profondément. Or en 2008, j’apprends assez vite, mais par surprise, qu’elle a écrit plusieurs livres, chose que je ne savais pas car elle n’en avait pas fait la publicité auparavant, pas même à l’intérieur des équipes de travail. Mais c’est un fait : Deborah Hay est une chorégraphe qui « écrit », sans que ce soit une condition sine qua non du travail : nous ne sommes pas obligés d’avoir lu ses textes pour danser avec elle.

Je fais un aparté : vous ne le savez peut-être pas mais c’est une terminologie « française » : on préfère le terme écriture à celui de composition pour parler du travail d’une ou d’un chorégraphe. C’est en partie un héritage de la politique des auteurs des années soixante avec la primauté de l’écrit. Donc quand je dis : « Deborah Hay est une chorégraphe qui écrit », il faut entendre qu’elle « écrit » à la fois des chorégraphies et des textes – des livres, des articles et des partitions chorégraphiques qui sont, en quelque sorte, des textes à danser. Alors, lorsque je deviens son assistant en 2008 et pour me mettre au travail, car je ne suis pas bilingue et qu’elle ne parle pas français, je décide de traduire un de ses livres, en l’occurrence le dernier publié. Je me lance modestement en me disant, un peu bêtement, je le fais pour moi. Mais devant la grande difficulté du travail et devant un changement de perspective (pourquoi ne pas faire de cette traduction un projet de publication pour la partager avec une communauté plus large ?), je me rapproche d’une traductrice professionnelle. Et nous commençons un duo de traducteurs qui va s’épanouir sur plusieurs années.

Nous nous lançons, par petites périodes de travail, et un jour Lucie Perineau, cette traductrice, me dit : « Tu sais Laurent, ce livre est le plus difficile que j’ai eu à traduire… ». C’était alors une spécialiste de l’art contemporain, et même si elle ne connaissait pas la danse, j’étais surpris par ce commentaire. Plus précisément, la difficulté sur laquelle on butait tous les deux, étaient les partitions chorégraphiques textuelles du livre intitulé en anglais : My body, the Buddhist, devenu maintenant Mon corps, ce bouddhiste.

Pour prendre du temps devant cette difficulté et afin de trouver un processus de traduction spécifique, je décide de postuler à une bourse afin d’aller dans les archives de Deborah Hay. Je me disais que si je trouvais des partitions plus anciennes ou plus récentes, peut-être cela nous aiderait-il à contextualiser les partitions du livre que nous traduisions. J’obtiens la bourse, et je pars donc à Austin, au Texas, où cette chorégraphe habite, pour travailler dans ses archives stockées dans le placard de son bureau. Et bien sûr, alors que je cherchais des partitions, je faisais d’autres découvertes, car ses archives n’étaient pas classées. J’étais rattrapé par le processus empirique : je cherche quelque chose, mais le réel me propose d’autres choses.

Un jour de fatigue, alors que je suis seul chez elle, et c’est là où je voulais en venir : je décide de faire une pause (son bureau est à l’étage) et de descendre boire un verre d’eau au rez-de-chaussée, dans son salon. Et là, un verre à la main, je me surprends en train d’observer pour la première fois autour de moi les tableaux accrochés au mur. Ce n’était pas la première fois que je rendais visite à Deborah, mais ce jour-là, je regardais autrement ces tableaux et leurs signatures – certains sont dédicacés de Robert Rauschenberg par exemple –, ou bien ses livres sur les étagères : qu’est-ce que Deborah lit, quel est le classement choisi, où sont les livres d’art, lit-elle des livres de danse… ? Et faisant cela, je me rends compte que mon regard a changé. Ce n’est plus celui d’un ami qui observe la maison de son amie et sa décoration intérieure, c’est celui de quelqu’un qui est en train d’inventer un type de curiosité nouvelle, qui est en train de déplacer sa manière habituelle de voir. Dit autrement : de quelqu’un qui met en doute son non-savoir. Je me le résume à l’époque ainsi : cela ressemble à faire de la recherche.

* *
*

Je baisse les yeux, j’ai fini un cycle de parole. Je recule d’un pas, je sens mon dos proche du mur, à côté de moi un tabouret. Je ne m’y assois pas, mais je sais que tout le monde pense que je pourrais le faire. Au lieu de cela, je chante :

« If I sing to you
Do you want me to play with you?
Do you want me to stay with you?
All those things that we used to too…

 

Hee… hee…

 

If I sing to you
Do you want me… »

Je stoppe volontairement ce chant extrait d’une autre pièce de Deborah Hay, entendue encore et encore lors de chaque répétition et représentation de la pièce de 2008 : If I sing to you, la première pour laquelle j’ai été son assistant.
Deborah Hay avait demandé à chacune des interprètes du projet d’inventer une chanson à partir du titre de la pièce. J’ai besoin de ce matériau ce soir, j’ai besoin de chanter pour nourrir et nuancer mon oralité, tout comme j’ai besoin de m’arrêter de chanter en milieu de phrase.
Je sors de ma poche un gant long, qui va me couvrir tout l’avant-bras gauche. Il est rayé rouge et blanc avec de larges bandes de couleur. Je suis dans le temps réel : sans lenteur ou stress, j’attends d’enfiler complètement le gant avant de reprendre :

« …to play with you?
Do you want me to stay with you?

 

Hee… Hee…

 

All those things that we used to do »

Je respire et lance un nouveau matériau chorégraphique. Je respecte un des principes de composition de Deborah Hay : faire une proposition spontanée dans un espace que l’on se choisit. Comme je me sens en train de repartir vers le socle avec mon ordinateur dans la zone artiste, je décide de faire jouer mon déplacement dans une ligne droite. Je remonte mes manches et fais attention aux dessins corporels que je produis, tant dans mon avancée que dans ma gestuelle, la ligne droite devient « droitière ».
Je relève du coup le gant bleu de ma main droite jusqu’à mi-bras et cela devient clair pour tout le monde : la main était bleue mais la manche de mon pull-over cachait en fait des étoiles blanches sur le fond bleu roi qui, associées aux rayures blanches et rouges du gant de la main gauche, dessinent la signalétique d’un drapeau américain.
J’espère être clair aussi dans mes intentions vis-à-vis des spectateurs : ce que je suis en train de performer c’est un équilibre entre des éléments qui ont été prévus (les gants) et des éléments non prévus (cette gestuelle en ligne de droite) que j’adapte en conséquence.
Cet imaginaire est le mélange de deux séquences de deux pièces différentes de Deborah Hay : celle d’une traversée de l’espace avec des « gestes ennuyeux » du solo
pu, et la dernière séquence de If I sing to you, où l’une des interprètes à rebours du groupe qui vient de sortir de scène, revient sur ses pas et traverse le plateau en ligne droite, « gestes triomphants ».
Je m’applique à jouer donc avec cet amalgame : des gestes triomphants et ennuyeux.

Figure 3.

Figure 3.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

Ils vont me rapprocher inexorablement du mur, où j’appose ma main bleue étoilée quelques instants comme j’ai déjà pu le faire en début de conférence. Il est de bon ton de créer des liens avec ce qui a déjà été fait, ou ce qui a déjà été dit. C’est un effet dramaturgique didactique.
Quelques secondes plus tard, mon corps glisse le long du mur, il se retrouve assis au sol,

et donc je me retrouve avec deux vocables : être artiste et être chercheur, et j’essaye de comprendre comment je peux les faire jouer ensemble. Quelles tensions, quelle complémentarité, quelle harmonie peut-être, peuvent-ils trouver côte-à-côte ?

Je me lève et me dirige vers l’angle et les deux panneaux avec les deux inscriptions.

Il faut savoir que dans le monde de la danse contemporaine dont je suis issu, si je dis,

et je l’écris en même temps sur le troisième panneau, au milieu,

que je suis artiste ET chercheur, cela ne fonctionne pas. Vis-à-vis de l’institution, française en tout cas, je sais qu’il faut choisir : j’ai vécu ce problème quand jeune artiste, alors que je prospectais auprès de subventionneurs en me présentant comme chorégraphe ET interprète, on m’avait fait comprendre qu’il me fallait choisir. Qu’être interprète pour d’autres, c’était perdre son temps, et risquait d’affaiblir mon image de chorégraphe qui, bien sûr, prévalait hiérarchiquement.

Or, aujourd’hui, pour être entendu et reconnu dans le réel de mon activité créatrice, la dénomination « chorégraphe » – du point de vue de l’institution –, n’est pas suffisante et j’ai besoin de trouver d’autres vocables qui peuvent m’aider à mieux nommer ce que je produis et qui m’aident aussi à inventer de nouveaux formats artistiques.

Ne voulant pas revivre cette pression au moment de faire jouer les termes artiste et chercheur et de ne pas les associer par un ET, artiste ET chercheur, je me suis proposé

d’effacer de ma main étoilée américaine, d’un mouvement insistant qui, de loin ressemble à un au-revoir,

de remplacer le ET par un OU. De m’annoncer comme artiste OU chercheur. Ne pas revendiquer d’être les deux simultanément, mais alterner, être parfois l’un, être parfois l’autre, selon les stratégies vis-à-vis de l’institution que j’ai besoin de mettre en œuvre pour continuer de créer comme je le désire. Revendiquer que ce sont deux états différents, avec des responsabilités et des outils différents entre lesquels je peux librement circuler.

Je finis d’écrire le OU sur le panneau central. Je me baisse pour cacher le feutre derrière le panneau de droite afin de faire croire, même si personne n’est dupe, que je n’écrirai plus rien au tableau.
Je rejoins la zone où mon ordinateur est exposé.

* *
*

Je rentre dans une nouvelle partie de la conférence, que j’ai posée sur le papier comme la partie : 2 - Performer sa bibliographie.

Je vais revenir vers une référence ancienne : un livre. Celui d’un psychanalyste, Serge André, dont le titre est : Flac, un récit expérimental accompagné d’une postface : La littérature commence où finit la psychanalyse. C’est dans cette postface que Serge André explique la genèse de son livre.

Lors d’un rendez-vous médical bénin à l’hôpital, on lui diagnostique un cancer incurable. Il raconte cela d’une manière très simple, quasi distante, et il précise, comme il est psychanalyste, qu’au moment de cette annonce il tente aussitôt de dépasser l’angoisse de mort, et en particulier celle du médecin qui vient de lui restituer le diagnostic, et il lui pose frontalement la question : « Combien de temps me reste-t-il ? ». « Six mois », est la réponse.

Lorsqu’il entend cela, Serge André (se) dit : « Alors je sais ce que j’ai à faire ». Et ce qu’il a à faire, c’est écrire. Littérairement.

Sauf que, même si on lui a décelé un cancer incurable, on l’assomme avec un traitement lourd et une chimiothérapie qui lui ôte toute énergie possible. Le temps passant, il finit par retrouver une énergie suffisante pour se mettre à rédiger ce « désir d’écriture » sorti d’un endroit insoupçonné de sa psyché. Ce texte deviendra son Flac. Et cela l’interroge : « Pourquoi cette annonce d’une mort imminente a déclenché chez moi le souhait, le besoin, d’un écrit littéraire expérimental ? ». Il mène son enquête : oui, il a grandi dans une famille où le livre et la littérature avaient une place prépondérante, oui, en tant que psychanalyste, il a eu le goût d’écrire mais ce n’étaient que des textes cliniques… Porté par l’expérimentation littéraire, il observe que son récit au langage si singulier ne ressemble à rien de connu de lui, et qu’il ne peut pas non plus relier ce récit et le langage qu’il crée à ce qui serait un matériau non analysé de sa propre psychanalyse.

Toujours vivant, le livre est publié, et les médecins ne sachant pas quoi dire, rangent cet épisode médical dans la case des guérisons spontanées.

Ce qui est intéressant dans sa postface, et c’est pourquoi je vous en parle ce soir, c’est que Serge André va poursuivre son enquête non plus seulement sur son cas personnel mais sur le jeu entre les deux termes : psychanalyse ET littérature. Entre science d’un côté ET geste artistique de l’autre. Et pour ce faire, nous dit-il, il va retourner lire Freud quant aux textes que celui-ci a écrits sur l’art.

Trois textes. Le premier : son étude sur La Gradiva de Jensen. Vous connaissez sans doute ce texte ?

Non.
Et pourtant je regarde toute l’assistance.
Et le silence qui vient de se créer, je dois l’accueillir. Ceci est une conférence performée, et sous cette appellation s’interrogent deux codes, celui de la conférence et celui de la performance : comment continuer donc face à ce silence ? Prendre le temps d’expliquer ? Trouver d’autres outils pour déjouer ce qui n’est pas prévu ?
Au fur et à mesure des conférences performées que j’ai pu mettre en place depuis début 2017, j’ai vu apparaître un outil dramaturgique structurel pour moi : favoriser l’alternance d’éléments hétérogènes entre eux sans transition – des séquences performatives (parlées, chantées, dansées ou autres) pouvant alterner avec des temps de paroles conduits, ou bien des temps de parole avec des types d’adresse différente : parler normalement, murmurer, chanter, etc.
Ce goût d’un séquentiel sans transition entre les séquences me vient d’une chorégraphie faite à mes débuts : double v, en 1998, adaptation chorégraphique du livre de Georges Perec : W ou le souvenir d’enfance, où trois récits s’entremêlent, sans aucune logique apparente. Alterner entre des matériaux disparates sans transition, c’est proposer au lecteur ou au spectateur, de faire l’expérience de créer lui-même le lien ou le liant entre les parties.
Les conférences que je propose ne sont jamais totalement « écrites » : elles s’activent au présent à partir d’une trame plus ou moins pensée et mémorisée en amont, ce qui me permet d’alterner entre des éléments prévus et des éléments qui adviennent sur le moment…
Comment continuer donc ? À l’instant, je n’ai pas d’idée : je ne change pas de place, je ne module pas ma voix ou mon discours. Je continue dans une logique de précision.

La Gradiva est le roman d’un écrivain Wilhelm Jensen écrit en 1903. Quand Freud lit ce texte, il est fort étonné, comme si l’auteur de cette « fantaisie » avait une connaissance psychanalytique étonnamment poussée, en particulier sur la question des névroses. Intrigué par ce fait, Freud écrit au romancier pour lui demander si tel était le cas, ce à quoi Jensen répond « avec quelque mauvaise humeur » note Freud, qu’il n’en est rien. Et Freud de poser comme postulat : il y aurait donc chez ce romancier un savoir qui s’ignore. Voir même un savoir que le romancier (l’artiste) ne veut pas savoir.

Et c’est l’interrogation de ce binôme qu’il m’intéresse de retourner voir au moment où je décide de relire Serge André : en quoi, ou plutôt comment, le geste artistique est couplé à un savoir (de chercheur, dans mon cas).

Ce que restitue Serge André dans son enquête dans les écrits de Freud sur l’art, et que je ne vais pas entièrement restituer ce soir, se fait en trois temps, selon la chronologie de trois textes de Freud. Je laisse de côté le deuxième pour vous parler du troisième.

Ce texte est l’étude sur Léonard de Vinci. Freud part d’un constat : Léonard de Vinci, artiste et savant, n’a finalement produit que très peu d’œuvres d’art car, la plupart du temps il ne les finissait pas, ou bien si elles étaient finies, il s’en désintéressait et n’en prenait pas soin.

Et dans la continuité de son étude sur la Gradiva où il avait mis à jour que l’artiste avait un savoir qu’il ne voulait pas forcément reconnaître, Freud va postuler que dans le cas de Vinci, peut-être que justement le savoir, le savant Léonard aurait empêché l’artiste Léonard.

Je vous fais vraiment un grand raccourci, mais ce qui m’a saisi dans cette restitution de Serge André à l’époque de ma propre enquête sur le binôme artiste OU chercheur, c’est la manière dont il propose une conclusion qui officialise d’une certaine manière la séparation artiste/savant, et que j’intercepte dans mon propre cas dans cette séparation artiste OU chercheur. Je m’en expliquerai. La conclusion de Serge André, elle, ne cesse de résonner en moi encore maintenant, puisqu’il propose de résumer la succession des postulats par une formule : « Au moment où il crée, l’artiste ne sait pas ce qu’il fait. »

Aspirer de l’air. Rythmer le discours. Musicaliser la parole et le silence. Laisser du temps.

« Au moment où il crée, l’artiste ne sait pas ce qu’il fait. »

Je plonge ma main dans la poche droite de mon pantalon et sors un harmonica que je m’enfonce aussitôt dans la bouche, en le serrant avec les dents. Je ne le lâcherai pas, tout comme je ne poserai jamais mes doigts dessus. La seule fonction de l’harmonica est de proposer un filtre musical au mouvement de ma respiration. Inspiration. Expiration. Ce mouvement du souffle va rester amplifié, rendu audible, par l’harmonica durant toute la séquence qui va suivre.
Je pars, je quitte. Un espace à la gauche des spectateurs le long du mur est une brèche. La gestuelle est simple, c’est le développement de ce geste répétitif polysémique apparu tout à l’heure. Cette fois-ci, il est plus grand, plus « prononcé » si je puis dire.

Figure 4.

Figure 4.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

« Levez-vous, suivez-moi, non c’est un geste abstrait, oui c’est un geste quotidien qui dit quelque chose », je lance par devant moi mon bras, il indique une direction où je vais, je lance un filet, je ramasse, je pêche dans tout l’espace qui s’ouvre à moi une fois passé de l’autre côté des chaises des spectateurs. Je sais, vous savez, que tous nous excédons ainsi. »
Cela dure assez longtemps, cinq ou six minutes, peut-être plus, un temps assez long en proportion du temps vécu précédemment.

Du coup, cette proposition artiste OU chercheur,

mon drapeau à mains, mon pavillon battant américain, se pose sur mes hanches. Campé. Je regarde en face, je viens de m’arrêter derrière les spectateurs, et dirige mon attention, et j’espère la leur, face à l’angle où l’expression artiste ou chercheur est toujours écrite.
Lorsque certains spectateurs se retournent, ce que je ne souhaite pas, je reste immobile mains sur les hanches, puis bras croisés, pour bien montrer que je n’ai rien à danser maintenant.
Ce choix spatial, je sais d’où il vient : de mes nombreuses visites guidées par la danse que j’ai commencées de faire au début des années 2000 et qui m’ont amené à travailler avec des médiatrices dans certains musées pour inventer des visites performées avec elles. Lors de nos discussions de préparation, j’avais été étonné d’une remarque qu’elles n’entendaient pas dans son potentiel performatif : que faire pour que les visiteurs regardent le tableau commenté et non pas la guide ? Ce à quoi j’avais répondu simplement : mettez-vous derrière eux et regardez le tableau avec eux.
En passant à l’acte d’un tel changement spatial, nous avions découvert que nous pouvions aussi du coup moduler notre voix : changer de registre (passer par le murmure pour valoriser l’intimité par exemple, jouer des silences pour alterner temps d’écoute et temps de regard), et surtout permettre aux visiteurs de chercher à voir par eux-mêmes ce qui était dit dans le commentaire parlé.

Figure 5.

Figure 5.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

ce binôme artiste OU chercheur, si je respecte la conclusion de Serge André, est peut-être un peu trop schizophrénique à porter, d’autant plus si l’un peut empêcher l’autre. Si : « au moment où il crée l’artiste ne sait pas ce qu’il fait » rejoignait complètement l’approche artistique expérimentale que je désirais : (je ne sais pas où le réel va me mener…), le sous-entendu final : « …et je n’ai pas à chercher à le savoir », ne me permettait pas pour autant d’articuler la dimension de la recherche à celle de l’artistique. Être artiste OU chercheur, c’est être vraiment ou l’un ou l’autre. Je peux certes revendiquer l’agilité de passer de l’un à l’autre, mais cela ne dit pas pour autant comment ces mouvements de passage s’articulent entre eux.

La suite de mon récit d’expérience, je vous la livre à travers une autre lecture que mon « état d’être en thèse » va attirer. J’entends parler d’un article de la chercheuse Jeanne Favret-Saada qui s’intitule : « Être affecté ». Jeanne Favret-Saada est une anthropologue qui, à la fin des années 1960, prend comme terrain de recherche la sorcellerie dans le bocage français. À l’époque, cette chercheuse travaille sous l’égide du cnrs, dont elle suit alors la méthodologie habituelle : partir sur place et interroger les responsables locaux susceptibles de la guider dans son enquête – à savoir, les curés, les élus, les médecins. Et d’entrée, tous lui répondent : « Si la sorcellerie existe, ce n’est pas chez nous, peut-être dans le village d’à côté… ». Bref, elle qui est là pour faire parler des personnes sur la sorcellerie se voit renvoyée à un silence général.

Ce contexte, Jeanne Favret-Saada le restitue à la fois dans cet article écrit des années après la fin de son terrain, mais aussi dans divers livres qu’elle a publiés autour de cette recherche : que ce soit l’analyse finale, ou encore et peut-être surtout, son journal de bord, qui est une mine d’informations informelles et intimes d’une recherche en cours.

Si je résume là aussi rapidement ce que l’on apprend à travers ces écrits c’est que pour se donner les moyens de mener cette recherche contre le silence, elle décide de déménager sur place, ce qui modifie quelque peu son état de chercheuse. D’abord, cela accélère la séparation d’avec son compagnon d’alors ; elle scolarise ses enfants, commence une thérapie, s’inscrit dans son nouvel environnement dans un temps plus quotidien et décide d’étendre ses entretiens auprès des habitants eux-mêmes, plus ou moins taiseux eux aussi, ou plus ou bien bienveillants. Et tout cela, et là il faut vraiment imaginer le temps d’immersion long que cela a pris, jusqu’à ce qu’une série d’événements étranges se produisent, en particulier divers accidents de voiture. Peu graves, mais récurrents, qui la placent dans un mal être dont tout le monde est témoin.

Cet état malaisé fera dire à un moment donné à l’un de ses interlocuteurs : « Vous êtes prise, Madame… », sous-entendu : « Vous êtes atteinte par des phénomènes de sorcellerie ». Et Jeanne Favret-Saada d’observer, par « sur-prise », qu’à partir du moment où on lui reconnait un état lié à la sorcellerie, les langues jusque-là silencieuses, vont se délier. Certains lui reconnaissant des dons d’ensorceleuse, d’autres, du fait de son écoute attentive, plutôt des pouvoirs de désorceleuse.

Son article : « Être affecté » est pour elle un bilan méthodologique de ce long terrain de recherche. À savoir une mise en perspective de la préconisation dominante de l’époque de la fin des années 1960 : en tant qu’anthropologue on se doit de rester un observateur objectif, à distance de son sujet. Il y a « eux » sur qui l’on fait sa recherche, et il y a le chercheur. Ce à quoi elle ne peut que répondre que : non, justement pour qu’il y ait enquête dans son cas, il a d’abord fallu qu’on lui reconnaisse une place à l’intérieur de son sujet. Que lorsqu’elle était à distance, en observatrice, rien ne lui était dit pour nourrir ses observations.

Les anthropologues ont beaucoup avancé sur ces questions depuis, mais cet « Être affecté » est donc cet état où la chercheuse, et elle-même, sa personne, étaient beaucoup plus entrelacées, amalgamées, « prises entre elles » que ce qu’on lui disait d’être. Que c’était à ce prix-là que la recherche était possible. Dit autrement, dit avec les mots dont j’ai besoin ce soir : que c’est en étant atteinte et travaillée par son sujet, qu’elle a pu faire travailler son sujet.

Je quitte ma position de narrateur face aux deux grands panneaux derrière les spectateurs – cette place de conteur où j’appréciais de ne pas être regardé mais d’être seulement écouté –, et je contourne les sièges pour rejoindre l’angle de l’espace et les trois panneaux. Derrière le panneau de droite, je récupère un deuxième feutre, cette fois-ci à encre rouge, et commence à dessiner un accent sur le U du OU.
La formule devient ainsi artiste chercheur :

Ma façon de m’approprier la question de l’« être affecté », à savoir une manière d’apprécier un entrelacement là où il y avait une division, a été de jouer avec un OU devenu inclusif. OÙ. Artiste OÙ chercheur. Pratiquer une inclusion au lieu de surligner une exclusion. Après artiste ET chercheur, puis artiste OU chercheur, valoriser la différenciation entre les deux termes mais trouver une manière de dynamiser cette différenciation. Ne pas diviser, multiplier.

Formule nouvelle qui, en plus, respecte mon parcours : je suis plutôt issu de la pratique artistique. Et au moment où je me sens être travaillé par des états de recherche, je peux observer que ceux-ci se fondent, à partir, par, via, ma pratique artistique première et les outils et processus mis en place tout au long de mon parcours chorégraphique. C’est à l’intérieur, de l’intérieur de l’artistique que je peux ouvrir des espaces de chercheur.

Je pars m’asseoir sur le tabouret qui n’attendait que moi, mais que tout le monde avait oublié.

* *
*

J’entre dans une troisième partie de la conférence, 3 - un état de thèse, celle où je veux exposer les outils nouveaux créés depuis le début de ma recherche en thèse.

Je vous disais tout à l’heure que j’avais obtenu une bourse de recherche pour aller étudier les archives de Deborah Hay. Or, l’organisme qui fournit cette bourse, le Centre National de la Danse, à Pantin, demande à chacun des allocataires de présenter in fine, les résultats de sa recherche en public. Et en tant que chorégraphe, en février 2016, je décide donc de tenter de « performer » ma restitution en m’appuyant sur des outils que la recherche en train de se faire avaient mis à jour. Plusieurs outils que je suis en train d’utiliser ce soir sont d’ailleurs issus de cette conférence performée originelle.

Il faut savoir que lorsque je suis arrivé à Austin lors de mes premiers séjours en archives, je n’avais aucune méthodologie. Je n’avais jamais étudié d’archives, et donc pour m’aider, pour soutenir cette pratique inconnue qui s’ouvrait, je me suis inventé un outil : le journal de bord. Et ce journal de bord, instinctivement, je l’ai créé de la sorte : en ouvrant un document Word sur mon ordinateur, dans un format Paysage comme l’on dit, assez large pour faire alterner trois types de prises de notes différentes qu’il me semblait important de mettre à jour et de faire co-exister : le réel de ce que j’étudiais au jour le jour en ouvrant les boites des archives, le réflexif qui apparaissait au fur et à mesure, l’intime que je vivais et qui était bousculé par cette recherche nouvelle et par la situation géographique dans une société américaine que je ne connaissais que trop peu.

Jour après jour, en même temps que j’ouvrais les contenants des archives, je prenais ainsi des notes en trois colonnes dans mon document :

(Je fais des gestes avec les mains pour faire visualiser aux spectateurs ce que j’explique)
À gauche, la liste des documents que je découvrais, leur description et autres observations factuelles : une forme d’inventaire spontané, carton après carton, dossier après dossier, feuillet après feuillet.

 

Plus au centre, les premières interprétations qui apparaissaient vis-à-vis des documents ou vis-à-vis des savoirs que je découvrais ou que je convoquais. Je connaissais Deborah Hay depuis 8 ans alors, et je me rendais compte qu’il fallait commencer à croiser les informations reçues avec celles trouvées dans les archives.

 

Et à droite, le journal intime de mes séjours à Austin ou aux usa : ce que je voyais, ce que je ressentais, des détails parfois infimes, qu’ils aient un rapport évident ou distant avec ma recherche. Peu importe. Vous avez compris que je suis assez perecquien, et donc l’infra-ordinaire m’intéressait. Noter ce que je vois mais que je n’ai pas l’habitude d’observer.
Ce à quoi s’ajoutait la stimulation par le doute – pratiquer et mettre à jour ce qui m’échappait, ce que je ne comprenais pas, ou au contraire ce à quoi je me raccrochais, m’agrippais même, culturellement, socialement, personnellement.
Façon de dire que le personnel n’est jamais loin et que peut-être, je pouvais être « pris ou affecté » sans m’en rendre compte…

 

Et ainsi de suite, au jour le jour, selon ce que je découvrais,

 

pensais

 

ou vivais.

C’est en m’appuyant sur cette spatialité mise en place sur la « page » de mon ordinateur et qui rendait mon journal de bord dynamique, que j’ai eu l’idée, pour ma restitution performée, de transposer cette spatialisation dans la salle de conférence où avaient lieu les présentations publiques. Vous m’avez déjà vu me déplacer dans différentes zones, ou à côté des deux panneaux artiste et chercheur jusqu’à présent, et bien je vais accentuer cette circulation entre les zones pour vous restituer, ici, comment j’avais débuté cette conférence performée originelle.

Lorsque je parlerai ici, sur ce tabouret ou autour, à côté de mon sac à dos personnel que j’ai disposé ici pour l’occasion, je parlerai en tant que « Laurent intime ».

 

Quand je viendrai au centre de l’espace, devant le panneau chercheur, ce sera pour activer le « réflexif » de ma recherche en cours.

 

Et quand je viendrai plus ou moins devant le panneau artiste, ce sera pour parler de questionnements ou de « potentiels artistiques ».

 

Je me lève du tabouret, retire mes deux gants colorés et m’appuie au mur. Je me force à prendre mon temps car j’ai l’impression que je parle trop, et je force donc le passage pour qu’un silence provoqué laisse des traces.
Et puis aussi, je sais que je viens d’inverser une certaine relation avec les spectateurs : je viens d’expliquer un code de lecture de ce qui va suivre, je ne laisse plus les spectateurs faire leur propre cheminement de compréhension.
M’appuyer au mur est aussi un réflexe que j’assume : puisque je vais parler d’abord dans la zone intime, j’ai besoin de respecter une pudeur qui fait des choix corporels – mes mains se glissent dans le dos, ma voix change de ton, mes yeux se baissent. Ce n’est pas tant que je suis timide au sujet de ce que je vais dire, c’est que ces choix corporels me prédisposent à changer ma manière de parler. Ils m’aident à être timide. Un autre ton, un autre vocabulaire, une autre adresse.

 

Alors voilà, cela fait une grosse demi-heure que je parle devant vous maintenant, et sans doute certains d’entre vous se sont faits cette réflexion… car il s’avère que souvent, face à un groupe de personnes devant qui je parle pour la première fois, à un moment donné quelqu’un me demande : « En fait Laurent, de quelle origine es-tu ? Il y a une forme d’accent dans ta voix… ». Et quand je demande de préciser quelle pourrait être l’origine de cet accent, les réponses varient entre : anglo-saxon, ou légèrement nordique, flamand ?
C’est toujours une surprise pour moi, même si c’est assez récurrent, et j’explique toujours que je suis pourtant né en banlieue parisienne, que j’ai déménagé dans le sud de la France à cinq ans et que c’est vrai, je n’ai pas vraiment l’accent du sud.
Et puis, il y a sept-huit ans, j’étais à Strasbourg, en tournée, et un homme avec qui je parlais me demande tout à coup : « De quelle origine êtes-vous ? ». Je lui fais mon petit topo historico-géographique, on parle accents, et puis on passe à autre chose. Cinq minutes plus tard, il revient sur cette question : « non, ce n’est pas l’accent, c’est votre vocabulaire. Vous utilisez parfois des drôles de mots pour dire certaines choses… des sens métaphoriques ou peu usités… un peu comme le font certains francophones… »

 

À ma grande surprise,
au moment
où il me
dit cela,
je lui donne
entièrement raison. Et cela me surprend.
C’est presque comme une révélation. Oui, par timidité, par manque d’habitude ou par excès d’excitation, je sais qu’il m’arrive de me lancer dans des prises de paroles plus ou moins longues, qui m’échappent un peu. Comme si la vitesse de ma pensée n’était pas synchronisée avec la vitesse de ma voix et que des mots m’échappaient, comme en retard ou en avance sur ce que je suis en train de penser ou de sentir. Ces mots sont un peu flous, mais je les accepte parce que ce sont eux qui adviennent.

 

Quelques jours après
cette réflexion, je vais
me dire que sans doute, cette dé-synchronisation, cette utilisation littéralement hasardeuse de mon vocabulaire à l’oral, avait sans doute à voir avec le fait d’être danseur.
Que lorsque je danse en effet, je suis traversé par des états de conscience ou d’imaginaire variés qui m’échappent beaucoup, et c’est quelque chose que je stimule même, et que cet état perceptif mouvant est le fondement même de ma pratique de danseur. Être traversé par des états, les accueillir et jouer avec. S’appuyer sur eux pour générer du mouvement ou des situations chorégraphiques. Et du coup, mon utilisation d’un vocabulaire oral parfois incertain est peut-être le résultat de cette mouvance que j’entretiens.
Sans doute aussi, je suis peut-être gêné par la « définition » du vocabulaire que je maîtrise mal, par le côté « définitif » de leur « définition ». Peut-être que je sens une opposition entre la fixité d’une « définition définitive » et le mouvement des sens que les mots déplacent en moi…
Toujours est-il
que je vais faire de cette
réflexion un nouveau postulat,
je vais appeler cela : parler en danseur.
Un postulat ou une formule sur laquelle réfléchir, avec laquelle j’accepte de dériver intellectuellement. C’était la première fois que je me posais une telle question : c’est quoi la manière de parler d’un danseur ? Est-elle liée à sa pratique corporelle ? Existerait-il un langage propre à l’état d’être danseur ?

 

Un jour que je dérivais dans cette formule, j’ai fait un autre pas de côté, car j’ai vu apparaître un impensé : cette réflexion, ce nouveau postulat qui venait dynamiser ma réflexion n’était pas arrivé par hasard, ni n’importe où.
J’étais à Austin, chez Deborah Hay quand je me suis souvenu de cette anecdote de Strasbourg et, c’est aussi à Austin au moment où revenait ce souvenir que j’ai posé ce nouveau postulat. À l’époque j’étais tellement pris par cette « trouvaille » et toutes les associations d’idées qu’elle ouvrait en moi, que je ne voyais pas à quel point le contexte géographique de cette « trouvaille » était partie prenante de son émergence.
J’avais oublié que si j’étais à Austin, c’était expressément pour trouver les partitions textuelles d’une chorégraphe qui « écrit » justement.
J’avais oublié que j’étais venu à Austin pour trouver des partitions textuelles anciennes ou récentes pour m’aider à contextualiser les partitions que nous avions du mal à traduire.
Et que si parler en danseur pouvait émerger poétiquement et dynamiquement en moi, c’est parce que cette formule était le miroir du pourquoi de ma présence chez Deborah Hay : mon parler en danseur faisait face à un écrire en chorégraphe qui me posait question et qui me mettait au travail.

 

Je me dirige alors vers mon ordinateur, je chausse mes lunettes, cherche le fichier que j’avais préparé et reviens me placer entre les deux panneaux :

 

Voici un texte, issu du site internet de Deborah Hay et que je traduis pour vous ce soir :
« Ce que j’entends par ma Chorégraphie est la transmission à un danseur de la même série de questions que je me pose pendant que j’exécute une séquence de mouvements spécifique qui façonne une danse. Je ne parlerai pas ici de la qualité de ces mouvements, excepté pour dire que, en tant qu’aspect de ma chorégraphie, ils tombent à peu près exclusivement dans trois catégories, ils sont : 1) impossibles à réaliser, 2) incommodes à faire, ou, stupides à regarder, 3) exaspérément simples. Ces mouvements ne sont pas très éloignés de mes questions 1) auxquelles on ne peut pas répondre, 2) qui sont impossibles à comprendre véritablement, et, au même moment, 3) immédiates à en pleurer. »

 

Voici le programme d’une chorégraphe pour mettre en mouvement, en état de mouvement, des danseurs. Elle le dit très simplement dans un autre texte : « Je crois que toute mon expérience en tant qu’enseignante et chorégraphe a été́ une quête... je pourrais presque résumer mon travail à la quête d’un langage capable de communiquer sans effort, de manière aussi simple, facile et rapide que possible, des consignes pour se mettre en mouvement. »

 

Écrire en chorégraphe.
Parler en danseur.

 

Je pars vers la gauche, je pars vers la droite.
Je pars poser mon ordinateur sur son socle. Je fais tableau, sur fond blanc.
J’esquisse un mouvement de bras, je l’arrête aussitôt. J’ai trop plié les genoux. À l’apparition d’une intuition, succède une déglutition.
Je regarde dans une direction, puis reviens vers les spectateurs qui, à l’instant où je les regarde, n’en sont plus. Je ne leur dis pas ce que je vois. J’ai besoin de nettoyer l’espace de ce qui vient d’être dit.

Je ne vais pas entrer ce soir dans les écrits de Deborah Hay, même si ce serait fascinant à faire. Le point sur lequel je veux avancer c’est cette série de formulations qui m’advient et qui me met au travail. Écrire en chorégraphe. Parler en danseur.

J’avais été très heureux d’inventer ce dispositif spatial en trois zones à l’époque de la restitution au cnd. Heureux qu’une idée issue de ma recherche en archives, via le journal de bord, puisse trouver un équivalent scénique. La scène pensée comme une page. Cela me rappelait une interview de Jacques Rancière où il précisait que Mallarmé avait eu l’idée de mettre en page graphiquement ses poèmes du fait des déplacements des danseuses dans les spectacles de Music-Hall où il allait régulièrement.

Et puis m’est venu un doute : pourquoi croire que cette « bonne idée » était finalement celle du chercheur ? Pourquoi ne pas se dire aussi que la disposition de la page en trois colonnes entremêlées utilisée « instinctivement » n’était tout simplement pas la conséquence de mon utilisation de l’espace pour construire des chorégraphies ? Alors ?

La poule ou l’œuf ?

Le chorégraphe ou le méthodologiste ?

L’artiste ou le conférencier ?

Où ?

Je fais semblant de me pencher comme pour m’asseoir ou pour ramasser un feutre derrière le panneau chercheur.
Je pars poser mes lunettes à côté de mon ordinateur, en toute décision. Je sais où je veux en venir, mais je ne savais pas le chemin. J’insiste pour faire des actions quotidiennes qui occupent le vide : non pas pour l’effacer, mais pour le mettre en valeur justement.
Je me permets un seul mouvement ‘autre’ : je recule dans l’espace et marche avec le dos de mon ventre vers le panneau
artiste.
Je me ressaisis,
du marqueur rouge,
et complète l’inscription :

 

 

Toutes les idées qui m’agitent et que j’essaie de mettre en partage ce soir sont à la fois le résultat et la conséquence de mon envie de thèse. Ayant besoin de me situer quelque part pour continuer de me déplacer dans mes propres pratiques, le lieu-contexte que j’ai décidé d’investir sur cette question artiste/chercheur est celui d’une thèse universitaire, dite thèse de création. Je viens d’un art où je me suis construit des processus de travail, je rencontre des méthodologies nouvelles d’un autre champ, et j’expérimente avec et parmi tout ce que cet espace émancipé permet.

La conférence de ce soir n’est pas sur le sujet de ma thèse, même si vous pouvez déduire qu’elle a à voir avec l’œuvre de Deborah Hay. J’en suis trop au début pour émettre des hypothèses un peu mûres. Ce dont je peux témoigner, par contre, c’est comment l’état d’être en thèse me travaille en tant qu’artiste, et ce que, en tant qu’artiste, je découvre sur mes propres pratiques. S’inscrire en thèse, ce n’est pas devenir universitaire, c’est apprécier que les méthodologies universitaires puissent perturber, généreusement, positivement, mes outils d’artiste. La question est de s’apposer maintenant, et non plus de s’opposer. Ce que tout cela va offrir à mon travail artistique, je ne le sais pas encore, et je ne veux pas le savoir. Cette thèse est une nouvelle expérimentation. Faire des conférences performées est une des premières réponses aux enjeux de cette expérimentation, puisqu’y sont convoqués autant des outils artistiques que des gestes issus de la maturation de la recherche. Des gestes de savoirs et de transmission de savoirs.

Et tout cela me met en réflexion, à tous les sens du terme : je réfléchis et je suis réfléchi par. Comme l’on parle d’un reflet dans un miroir, ou d’une lumière qui se réfléchit sur un mur pour apporter dans la pièce une lumière indirecte. Qui éclaire autrement.

* *
*

Le début de la fin. Conclusion. La fin qui attire, qui attise une prédisposition chez chacun de nous dans la salle. Il y a toujours cette sensualité spécifique lorsque l’on pressent que cela va finir.
Parfois c’est vécu comme un clin d’œil aux spectateurs : « je sais que vous savez que la fin approche. »
Parfois c’est vécu comme un au revoir : il faut se préparer à quitter l’état dans lequel chacun s’est plongé.
Parfois c’est juste une question de politesse dramaturgique : laisser la place au silence, dans le seul vis-à-vis des corps.

 

On peut le construire comme une conclusion, une fin ouverte, suspendue, ou comme une ouverture. Les choix dramaturgiques sont variés.

Je vous remercie d’être venus. Et suis ouvert à vos questions.

Ou à vos réponses.

Annexe

 

Par ordre d’apparition :

C’est le chorégraphe Rémy Héritier qui m’a invité à l’esacm pour cette conférence dans le cadre du cycle : Danse contemporaine / Panorama en six vues. Et c’est Philippe Eydieu, chargé des projets extérieurs et des expositions à l’esacm, qui m’a accueilli ce soir-là et qui a lancé la conférence.

Pour celles et ceux qui voudraient comparer la conférence telle qu’elle a été donnée le 22 octobre 2018 et cette transcription fortement retravaillée, la conférence est en ligne : https://vimeo.com/415449114?ref=fb-share&1&fbclid=IwAR0Tvo6B1dMTHxRLmm1_4yAjl72MKKHIY8j4Iv9oK0EwGdCFWxtT74YCx7A

C’est Antoine Beaucourt, étudiant à l’école, qui a filmé la conférence.

J’active mes projets chorégraphiques au sein de l’association x-sud art/site : www.x-sud.info.

Je suis inscrit en thèse-création au département Danse de l’université Paris 8 depuis la rentrée 2018. L’intitulé de cette thèse est pour l’instant : Faire de l’in situ dans l’œuvre d’une autre artiste : Laurent Pichaud / Deborah Hay

Ma première chorégraphie date de 1996, elle s’intitulait : viva,

Le site internet de Deborah Hay : www.deborahhay.com

C’est par la pièce de groupe “O,O“ que j’ai rencontré Deborah Hay en tant qu’interprète en 2006.

C’est son livre My body, the Buddhist (2000) que j’ai co-traduit avec Lucie Perineau : Mon corps, ce bouddhiste, traduit par Laurent Pichaud et Lucie Perineau, coll. « Nouvelles scènes / La Manufacture », Les Presses du Réel, Dijon, 2017.

Pour prolonger l’aparté sur l’usage du terme écriture plutôt que composition chorégraphique en France, voir l’introduction par la chercheuse en danse Julie Perrin de Composer en danse – Un vocabulaire des opérations et des pratiques, coll. Nouvelles scènes / La Manufacture, Les Presses du Réel, Dijon, 2019, pp. 13-24.

La bourse obtenue pour aller dans les archives de Deborah Hay à Austin en 2015 : Traduire Deborah Hay, bourse d’Aide à l’écriture et au Patrimoine en danse, Centre national de la danse, Pantin : https://www.cnd.fr/fr/file/file/145/inline/Laurent%20Pichaud.pdf

Serge André, Flac, suivi de L’écriture commence où finit la psychanalyse, Éditions Que, Marseille, 2001. L’enquête que Serge André fait à partir des textes de Sigmund Freud sur l’art se prolongera dans un autre de ses ouvrages : Le symptôme et la création, coll. La muette, Éditions Le Bord de l’Eau, Lormont, 2010.

Les visites guidées par la danse ont commencé pour moi au Carré d’art - Musée d’art contemporain de Nîmes en 2003. C’est suite à une visite guidée chorégraphiée au Musée Fabre de Montpellier que j’ai rencontré des médiatrices intéressées à mettre partage nos outils respectifs en 2006-2007.

L’article de Jeanne Favret-Saada, « Être affecté » est publié dans son livre : Désorceler, coll. penser/rêver, Éditions de l’Olivier, Paris, 2009, p. 145-161.

L’interview de Jacques Rancière sur Mallarmé : Thierry Briault, Entretien avec Jacques Rancière sur la Plastique et le Sens Commun, novembre 2015 : https://blogs.mediapart.fr/thierry-briault/blog/251115/entretien-avec-jacques-ranciere-sur-la-plastique-et-le-sens-commun

Illustrations

Figure 1.

Figure 1.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

Figure 2.

Figure 2.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

Figure 3.

Figure 3.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

Figure 4.

Figure 4.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

Figure 5.

Figure 5.

Capture d’écran de la vidéo de la conférence du 22 octobre 2018.

© Image : Antoine Beaucourt pour l’esacm.

 

Citer cet article

Référence électronique

Laurent Pichaud, « Artiste chercheur : une conférence performée », Déméter [En ligne], 5 | Été | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/102

Auteur

Laurent Pichaud

Laurent Pichaud est chorégraphe et interprète de danse, directeur artistique de l’association x-sud art/site et artiste chercheur associé au département Danse de l’université Paris 8. À l’intérieur de son travail de création, de recherche ou de pédagogie, il privilégie l’inscription d’un geste chorégraphique dans des champs non spécifiquement artistiques (projets in situ, de territoire, formats chorégraphiques non spectaculaires...) ou à l’intersection entre le processus de création artistique et d’autres méthodologies de terrain (anthropologie, recherche universitaire...). Il est actuellement inscrit en « création-thèse » au département Danse de l’université Paris 8.

Droits d'auteur

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