La langue brisée (1) est le nom d’un solo qui a marqué officiellement le début de mon travail de recherche-création. En 2013, j’obtiens un contrat doctoral au département Danse de Paris 8 et esquisse quelques gestes performatifs avec une amie et collègue Violeta Salvatierra. Au début de l’été 2015, je suis invitée à venir présenter une forme n’excédant pas les 20 minutes pour une soirée partagée à la Ménagerie de Verre qui aura lieu en septembre 2015. J’ai tout l’été pour préparer cela.
Travaillant sur la notion de réception en danse et sur l’émergence de discours autour des œuvres chorégraphiques, je convoque, dans ma recherche, une multitude de pièces de danse. À ce moment-là, celle qui me parle le plus c’est le solo de Jennifer Lacey1, Two discussions of an anterior event (2004), dont j’ai une captation et qui me suit partout dans mon ordinateur. Je fais une description minutieuse de la pièce, j’apprends des séquences parlées et gestuelles. Certains de ses mouvements me sont impossibles à reproduire, alors je tords ses propositions à ma guise. Je prends un certain plaisir à réécrire une partition pour mon propre corps. Dans cette pièce, l’artiste revient sur un solo qu’elle a dansé dans les années 1990 et qu’elle décide de projeter en fond de scène simultanément à d’autres actions au plateau. Un commentaire est rajouté à la vidéo avec un texte auto-critique et humoristique. Son auto-dérision me touche.
Passant de plus en plus de temps à regarder cette vidéo que j’ai dans mon ordinateur, elle devient une sorte de confidente, une amie. Je la personnifie naturellement et me mets à lui parler. Je lui confie mes doutes et mes excès. Je traverse au même moment un épisode amoureux difficile et un questionnement existentiel profond. La vidéo du solo de J. Lacey devient une bouée à laquelle je m’accroche. Mon travail « théorique » semble au plus bas. Mes productions textuelles pour la thèse sont éclatées. J’écris beaucoup et des couches de matériaux textuels viennent se superposer dans le travail. Elles répondent à ma perception de cette pièce cet été-là, dans cet état-là. Le texte projeté employé par J. Lacey devient un outil que je fais mien afin de faire entendre une voix intérieure. Le texte projeté devient un support pour faire advenir une danse, la mienne, en réponse à une autre danse. Le texte projeté me permet de mettre une certaine distance avec cette parole écrite, et paradoxalement m’autorise à employer un vocabulaire érotique, charnel, polysémique, ambigu, que je ne pourrai peut-être pas employer à l’oral. À force de regarder la pièce, c’est à présent elle qui me regarde. Je ne sais plus qui agit l’autre.
Je crois qu’il y a des œuvres qui peuvent sauver des existences, qui nous redonnent du désir, qui nous font surmonter des épreuves, qui colmatent des brèches. Celle de Jennifer Lacey m’a sortie d’une mauvaise passe. Je suis tombée amoureuse de Two discussions of an anterior event.
Pour La langue brisée (1), le texte qui suit était projeté en fond de scène2.
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