Introduction

Texte

Figure 1.

Figure 1.

The Good Bad Man, Allan Dwan (1916)

®Cinémathèque française

Fantasmes du cinéma américain. Voici le titre que nous avons choisi de donner à ce numéro spécial de la revue Déméter et qui s'incarne par le biais d'une image de hold-up, représentant un cow-boy de passage, interprété par Douglas Fairbanks dans un film d'Allan Dwan, datant de 1916, intitulé The Good-Bad Man. Pourquoi cette image ?

Tout d'abord, en raison de sa date : 1916 est une année décisive qui marque l'intérêt définitif de bon nombre de Français pour le cinéma américain. C'est l'année de découverte de Forfaiture en France qui constituera pour beaucoup « la découverte du cinéma tout court », à l'instar de Louis Delluc.

Ensuite, parce qu’elle présente Douglas Fairbanks comme interprète, le « Doug » de nombreux textes, à qui la presse française consacre de très belles pages dans les années qui suivent. Beaucoup de spectateurs reconnaissent « l'émotion charnelle », transmise par « la leçon d'énergie toute musculaire1 » de cet acteur de cinéma : « Douglas Fairbanks représente aussi complètement que possible, – et même davantage – ce que doit être un comédien de cinéma. Il est américain, bien entendu, comme l'admirable William Hart qui a typé si nettement son Rio Jim et comme Charlie Chaplin dont la falote, mélancolique et satirique silhouette est en marge de toute comparaison2. »

Cette image permet aussi d'interroger le genre auquel est rattaché le film : le western ou film de l'Ouest, emblème du cinéma américain tant vanté par la critique. À titre d'exemple, Alexandre Arnoux admire « Les cow-boys d'Amérique, les Indiens, les chevauchées. Thème éternel de la poursuite, repris par les Iroquois à l'Odyssée3 ». Il ajoute : « les Américains, eux, commençaient par le commencement, photographiaient le ciel, les galopades, les corps en liberté, cherchaient tout bêtement et trouvaient les éléments photographiques et dynamiques du monde4. »

Le titre du film dont cette image est issue, diffusé tel quel en France – the « good-bad man » – démontre par ailleurs l'utilisation récurrente de termes américains non-traduits pour désigner et analyser le cinéma.

Enfin, la nature de la scène représentée qui fait écho au contexte historique : les premiers critiques et théoriciens français démontrent par leurs analyses le véritable tour de force des Américains, qui en quelques années, « volent » à la France la suprématie en matière de cinéma et s'imposent comme la référence cinématographique incontournable.

Cette image permet de formuler une interrogation : symboliquement, à la fin des années 1910, les spectateurs français des films américains n'utilisent‑ils pas les movies d’outre-Atlantique pour penser l’image de cinéma dans sa globalité ? Nous formulons l'hypothèse que le cinéma américain est utilisé pour penser l'image et le cinéma « tout court », soit en dehors de toute nationalité et de tout ancrage géographique et culturel5.

Pour quelle(s) raison(s) ? Comment ce phénomène se décline-t-il ? Où trouve-t-il ses racines et pourquoi ? Autant de questions auxquelles les communications rassemblées dans ce numéro apporteront quelques éléments de réponses.

La pénétration des films américains sur le territoire hexagonal apparaît comme une première explication. Désormais les films français, devenus minoritaires, partagent l'affiche avec leurs homologues étrangers et américains en particulier. Il n'a pas fallu attendre la Première Guerre mondiale pour que le déclin du cinéma français s'amorce, y compris sur les écrans de l'hexagone. En 1914, « les films français présentés en séances corporatives ne constituaient qu'un peu plus de 39% de l'offre générale6 », pour atteindre 33% en 1916. La même année, Ciné-journal intitule un article « Décadence » qui fait état du « placement de l'envahissante production étrangère » sur les écrans français7. Au premier semestre de l'année 1918, 45% des films projetés seraient en provenance des États-Unis et ce chiffre n'aura de cesse de s'accroître pour atteindre les 85% en 19248. Ce déferlement massif de films américains et plus largement, de la culture américaine (musique, littérature, etc.), constituent pour beaucoup de témoins de l'époque, une première approche avec le cinéma américain – films et industrie9 comme on va le voir.

Les fantasmes du cinéma américain sont aussi alimentés par différents transferts de personnes, notamment lorsque plusieurs acteurs et réalisateurs arrivent des États-Unis pour séjourner à Paris et sur la côte d'Azur, comme nous l’explique Myriam Juan dans son article intitulé « “Gloire, amour et cinéma”. Les voyages des stars américaines en France dans les années 1920 ».

Si les acteurs américains se déplacent en France, les transferts de personnes s'effectuent aussi en sens inverse. Ainsi, les artistes et techniciens français eux-mêmes sont nombreux à aller aux États-Unis pendant la Première Guerre mondiale pour poursuivre leur activité, à l'image des metteurs en scène Maurice Tourneur dès 1914 ou Albert Capellani en 1915. Des témoignages de leur expérience sont diffusés dans la presse où ils observent les différences entre l'industrie française et l'industrie américaine10. Plusieurs acteurs américains racontent également leur expérience de tournage avec des metteurs en scène français11.

L’expérience se poursuit au-delà de cette décennie comme le démontre Nicolas Boscher dans son article « Hollywood revisité : Marcel Achard et le cinéma américain au cours de la première moitié des années 1930 ». Ici, le cinéma américain et ses fantasmes sont mis en scène à travers des conférences, des scénarios, des pièces et un film d’Achard, qui fit un bref voyage à Hollywood avant de travailler pour la branche française de la Paramount.

Ce ne sont pas seulement des réalisateurs français qui vont aux États-Unis, mais aussi des acteurs comme le signale le titre du premier film américain de Max Linder, Max comes across (Max part en Amérique, 1917). Les producteurs ne sont pas en reste : Charles Pathé par exemple se rend aux États-Unis pour les besoins de « sa maison américaine » et en profite pour réfléchir, étudier le modèle américain12 à l'heure où ce dernier semble affirmer son hégémonie mondiale. Car la crise qui secoue le cinéma français avant la fin de la Grande Guerre, incite ainsi les producteurs et réalisateurs français à lorgner du côté du modèle américain comme le révèle une première enquête parue dans La Renaissance en 1916, intitulée « D'où vient cette crise de l'industrie cinématographique. Et quels problèmes soulève‑t‑elle ?13 ». Elle est suivie d'une nouvelle enquête parue dans Le Film de mars à mai 1917, intitulée « La Crise du cinéma français » où interviennent notamment Charles Pathé, Louis Nalpas, Camille de Morlhon, etc. pour vanter les méthodes américaines de production et la division du travail. La même revue réitère en 1919 avec une dernière enquête au titre éloquent : « Pour sauver le film français. Ce qu'il faut connaître de l'Amérique pour faire pénétrer nos films14 ». Ce sont donc tous les corps de la profession qui s’intéressent au cinéma américain avec l'envie de s'en inspirer. À travers ces trois enquêtes, un relatif consensus s'établit autour du double « découpage » américain : on admire tout d'abord le découpage industriel, soit l'organisation du travail et la division des tâches (à titre d'exemple le scénariste, aux États-Unis, est une personne différente du « metteur en scène », contrairement à ce qui se passe en France)15 ; on vante aussi le découpage en tant qu'outil technique, et par son intermédiaire la professionnalisation, la reconnaissance des métiers du cinéma et de leurs spécificités (les termes de picturizer, de scénario editor, ou encore de Photoplay sont ainsi utilisés pour parler de scénario à l'heure où en France, le modèle théâtral – et sa terminologie – prédomine16).

Cette américanophilie ne va cependant pas sans « clivage entre des cinéphiles17 » qui s'accordent souvent sur la qualité – artistique et/ou industrielle – du cinéma américain mais pas nécessairement sur les outils ou méthodes à importer, ni sur les raisons pour lesquelles il faut s'intéresser au cinéma américain. Il n'est qu'à observer les conceptions divergentes de l'écriture scénaristique chez Louis Delluc ou Léon Moussinac pour s'en convaincre18.

Enfin, les spectateurs français, simples témoins, critiques et/ou écrivains, sont les premiers à parler du cinéma américain. Il en est ainsi des écrivains de la revue Les Nouvelles Littéraires, comme l’analyse Karine Abadie dans son article intitulé « L’horizon américain : les écrivains et le cinéma dans Les Nouvelles littéraires entre 1924 et 1928 ». Ils prennent alors leur plume pour émettre des hypothèses sur la nature du cinéma et bien souvent prendre le cinéma américain en exemple pour améliorer le cinéma français. Louis Delluc avance ainsi en prenant pour modèle le cinéma américain que « le cinéma français » n'existe pas en 191819. Plusieurs critiques s’accordent pour blâmer par exemple l’absence de films comiques français en comparaison des films burlesques américains. Ainsi l’écrivain Antonin Artaud écrit-il :

Le cinéma français, qui manque de films de toutes sortes, manque surtout de films comiques. Il y a, dans le comique, une veine qui n’a pour ainsi dire jamais été utilisée ici, et qui pourrait fournir à des scénaristes français de multiples occasions de se produire. Il est certain que le public serait très friand de ce genre de films et qu’il aimerait trouver dans la production française des équivalents des comédies américaines du genre Mack Sennett. Il y a une qualité d’humour spécifiquement française qui existe dans la littérature et au théâtre, et dont le cinéma est totalement dépourvu20.

Qu’il s’agisse de genre, de rythme, d’action, de jeu, d’images, le cinéma américain semble toujours l’emporter par rapport au cinéma du vieux continent. Chez de nombreux critiques, il semble que « en matière de Cinéma, tout vient d’Amérique » pour reprendre l’expression du poète Blaise Cendrars21.

Notons aussi que ces mêmes auteurs français, écrivains pour la plupart, rédigent leurs textes à la première personne et engagent leur subjectivité, en amateur22. Ils écrivent sur la base des souvenirs des films davantage qu'à partir des films eux-mêmes23. C'est dans cet écart entre le souvenir et le film, l'écriture et la réalité que se situe précisément le fantasme – voire les fantasmes puisqu'il en existe presque autant qu'il y a de regards portés vers l'Amérique. Ainsi, le montage à l’américaine crée de nombreux fantasmes (passés et présents) que Laurent Le Forestier se propose de déconstruire à travers certains textes de presse et surtout deux adaptations (française et américaine) des Trois Mousquetaires, sorties en 1921 : celle de Fred Niblo et celle d'Henri Diamant-Berger dans son article intitulé « Le fantasme (?) du montage à l’américaine en France, au début des années 1920 ». Mélissa Gignac, quant à elle, analyse dans son article « La Nature morte cinématographique de Thomas Ince à Louis Delluc » l’intérêt suscité par une forme filmique telle que le gros plan, dont on attribue quasi systématiquement l'invention aux Américains. Le but, dans un cas comme dans l'autre et moins de prouver l'exactitude du fantasme conformément à la réalité (du montage ou du gros plan, à l'américaine) que de démontrer qu'ils constituent des prétextes pour penser l'image et le cinéma. Autour de ces fantasmes, s'élabore une pensée de l'image qui nourrit et alimente aujourd'hui la recherche.

L'importation d'un vocabulaire que l'on reprend, que l'on questionne... et que l'on cherche progressivement à traduire est un autre symptôme des transferts culturels des États-Unis vers la France. Ces termes concernent aussi bien les films et leurs formes (shot, close-shot, close-up), que leurs personnages (old-timer, girls, good-bad man, etc.) ou encore l'aspect industriel du cinéma (supervisor, scénario editor, etc.). On le voit, ces termes permettent de penser le « fait filmique » autant que le « fait cinématographique » pour reprendre Gilbert Cohen-Séat24. C’est cet « alphabet visuel » universel que questionne Marion Polirsztok. Le détour par la sémantique historique s'avère être nécessaire pour comprendre la complexité des discours qui accompagnent l'invention d'un art – le cinéma – et la dialectique qui anime tout commentaire le concernant : la référence au cinéma américain est un moyen, en France, d'échapper à l'héritage terminologique théâtral à l'heure de la quête essentialiste25. D'abord plébiscitées, ces références américaines vont progressivement être critiquées et on va chercher à les remplacer par des termes français26.

Car cette cinéphilie américanophile n’a pas été unanime ni constante. Lorsque l’écrivain George Duhamel fait le récit en 1930 de son séjour aux États-Unis dans son ouvrage Scènes de la vie future, il mène une critique acerbe contre le cinéma américain qui se révèle être un réquisitoire contre le cinéma tout court. Il est intéressant de remarquer que les cinéphobes des années 1920 partagent avec les cinéphiles de la même époque cette même identification entre cinéma américain et cinéma. Ce sont les mêmes critiques et théoriciens, écrivains et spectateurs cinéphiles qui vont faire preuve d'anti-américanisme, lorsqu'il s'agira de dénoncer les dérives du star-system dans le fonctionnement de l'industrie filmique. Ainsi Delluc, tout comme Lionel Landry, critiqueront les « grosses têtes » et la « dangereuse incontinence de gros “plans américains” » sur les stars qui vampirisent inutilement les films et leur nuisent27. Quelques années plus tard, ce sont aussi des notions dépréciatives qui seront convoquées pour dénoncer l'infériorité du cinéma américain en matière de couleur, comme nous l'explique Jessie Martin dans son article « De vulgaires chromos ? Le cinéma américain en couleurs vu par la critique française entre 1930 et 1960 ». Notons à ce propos que la critique n'est pas nouvelle puisqu'elle est émise dès le début du cinéma, dans différentes sources, et qu'elle concerne des films français28. Elle va simplement permettre, quelques décennies plus tard, de “prendre en otage” la couleur pour critiquer le cinéma américain, de façon quasi-unanime. Selon une logique inversée, la couleur devient ainsi un prétexte pour critiquer le cinéma américain : ironique retournement de situation.

La position du poète Philippe Soupault illustre bien ce mouvement : il écrit en 1924 un article dithyrambique intitulé « Le Cinéma u.s.a. » qui s’achève par la phrase suivante : « Le cinéma u.s.a. reste et restera longtemps the biggest in the world, selon une expression bien française ». En 1931 il écrit un article intitulé « Le règne du cinéma américain est-il fini ?29 » où on peut lire :

En relisant mes notes, en rassemblant mes souvenirs, je suis bien obligé de constater que le cinéma américain ne représente plus une véritable force, qu'il perdra peu à peu son prestige et sa diffusion et pour cette raison assez simple qu'il est incapable de se renouveler. Il perd le souffle. Au point de vue technique, photographie, sons, découpages, luxe, interprétation, les Américains sont encore très puissants et ils perfectionnent encore tous ces moyens, qui, il faut le souligner, ont, sans aucun doute, une très grande importance pour la production d'un film. Mais cette perfection technique, ils la mettent au service de metteurs en scène qui ne peuvent les utiliser avec plus ou moins de talent que pour des films sans grandeur, sans inspiration et sans véritable valeur artistique30.

Ainsi, dans les analyses proposées dans ce numéro, il ne s'agira pas « de donner à voir une représentation figée » du cinéma américain, « mais de considérer celle-ci comme un principe actif, une structure dynamique » pour reprendre la proposition d'Alexis Buffet31 formulée à propos des relations entre les écrivains et la culture américaine dans son récent ouvrage Imaginaires de l'Amérique. Les écrivains français et les États-Unis dans l'entre-deux-guerres. Ce sont les déclinaisons de la perception du cinéma américain en France et ses modalités évolutives, au fil du temps, que nous souhaitons étudier. Si le terme d’« imagination » permet de décrire un processus dynamique et évolutif, celui d'« imaginaire » est davantage rattaché à un lieu, autrement dit à une construction sociale, une représentation culturelle, collective, à un moment donné. On le définira, à la suite de Dominique Kalifa, comme « un système cohérent, dynamique, des représentations du monde social, une sorte de répertoire des figures et des identités collectives dont se dote chaque société à des moments donnés de son histoire32 ». Le fantasme, par contraste, présente l'avantage de décliner des approches et représentations ou visions personnelles, dans leur singularité, et non plus à l'échelle englobante de la société. Il permet de ré‑introduire la notion de subjectivité comme une alternative au réel perçu mais aussi comme une alternative aux représentations collectives, car émanant de textes singuliers. La notion de « fantasme » permet de ne pas s'en tenir à l'histoire culturelle – convoquée par certaines approches qui analysent les processus de création et de réception de la culture américaine dans le contexte français des années 1920 à 1960. Nous avons aussi souhaité proposer d'autres approches, complémentaires, plus esthétiques, tenant compte des singularités d'une pensée, d'une œuvre entendue aussi comme films et surtout, comme images à interpréter dans leurs singularités. À l'appréhension du phénomène global, engagé par l'Histoire culturelle, sont proposées en complément des analyses et interprétations d'œuvres singulières, propres à l'Esthétique.

Ce numéro part du constat que certains films et textes critiques, théoriques ou fictionnels, portent davantage la mémoire du cinéma américain de l'époque qu'ils ne charrient son Histoire33. Ils émanent de cinéphiles, de spectateurs passionnés qui sitôt sortis de la salle où les images les ont bouleversés, prennent leur plume pour écrire. Écrire quoi ? Écrire, pourquoi ? Pour encenser, pour légitimer, pour défendre, pour penser. Rarement pour écrire l'Histoire du cinéma. Ces auteurs sont des hommes de plume, des écrivains, des poètes, des romanciers qui ont une maîtrise du verbe redoutable et dont l'imagination est au cœur de la création. Or, c'est à la fois ce qui plaît dans ces textes – ils ont une valeur littéraire – et ce qui interpelle : que fait un historien du cinéma avec ces textes s'il ne se contente pas d'en établir la chronologie ou d'en proposer une analyse rhétorique ? Il peut restituer ces propos dans toute l'épaisseur et la complexité de leur contexte, ce que propose l'histoire culturelle.

Mais le but est moins de restituer l'épaisseur historique du réel – en expliquant par exemple en quoi ces textes s'éloigneraient d'une réalité factuelle – par opposition à la subjectivité de ces riches sources (textes et films), que de questionner la part de fiction contenu dans le fantasme en opposition au réel perçu. Le terme de fiction est à entendre au sens premier, littéral, de création imaginaire, d'œuvres de fiction. Il renvoie également à une définition donnée par Philippe Azoury qui l'entend « au sens de liberté d'écriture due à l'élaboration d'un savoir en l'absence de certaines sources. C'est-à-dire une dérive inévitable entre la source (l'archive – les images […]), le dispositif d'écriture (la méthode) et le regard (conditionné par ces manques) » pour reprendre son beau texte intitulé « Que faire avec les images ? Notes sur un nouveau regard historien34 ». Nous souhaitons pour notre part faire dialoguer Histoire, images et théorie et questionner le rapport fécond que toute trois entretiennent à la réalité comme à la fiction, à l'émotion comme à l'intellection. C'est donc bien le rôle des discours sur l'image qui sera interrogé à travers la question des « Fantasmes du cinéma américain en France », qu'ils relèvent de critiques et théoriciens de l'époque, comme des historiens que nous sommes aujourd'hui.

1 Ricciotto Canudo, « Robin des bois par Douglas Fairbanks », Les Nouvelles littéraires, ii, 20, 3 mars 1923, p. 4. Repris dans Jean-Paul Morel (éd. 

2 Louis Delluc, « Douglas Fairbanks », Paris-Midi, 1er juin 1918. Repris dans Pierre Lherminier (éd. établie et présentée par), Écrits

3 Alexandre Arnoux, Du muet au parlant : mémoires d'un témoin, Paris, La Nouvelle édition, 1946, p. 16‑17.

4 Ibid., p. 68.

5 La jeune nation américaine est réputée pour être vierge de toute tradition culturelle, à la différence de la vieille Europe, ce qui favorise les

6 Thierry Lefebvre, « La désunion sacrée : le marché français du film face à la prévalence étrangère », dans Cinéma sans frontière, 1896-1918 :

7 Paul Féval fils, « Décadence », Ciné-Journal, n° 340, 19 février 1916, p. 6-10.

8 Ibid.

9 Pour reprendre la distinction entre le fait filmique et le fait cinématographique proposée par Albert Cohen-Séat dans Essai sur les principes d'une

10 À titre d'exemple citons l'article de Robert Florey, « Ce que Maurice Tourneur a dit à “Cinéa” », Cinéa, n° 43, 3 mars 1922, p. 10. Voir aussi

11 Fanny Ward, « Mes metteurs en scène », Le Journal du Ciné-club, 28 janvier 1920, n° 3. L'expérience de Sessue Hayakawa avec Roger Lion est aussi

12 « Une Enquête. La crise du cinéma français », Le Film, n° 51, 5 mars 1917. Charles Pathé, interrogé, dit avoir « traverser six fois l'Atlantique

13 Henri Rigal coordonne cette enquête sur trois livraisons : La Renaissance, politique, littéraire, artistique, n° 17, 19 août 1916 ; n° 19, 16 

14 Henri Diamant-Berger coordonne cette enquête : Le Film, du n° 150, 29 janvier 1919, au n° 159, 15 avril 1919.

15 À propos de la notion de « découpage », voir l'article de Laurent Le Forestier, « Ar-chaos-logie du découpage », art. cit.

16 La série d'articles de Léon Demachy intitulée « Technique du scénario » en témoigne : Léon Demachy, « Technique du scénario », le Courrier

17 Laurent Le Forestier, « Ar-chaos-logie du découpage », op. cit. p. 29.

18 Ibid., p. 29.

19 Louis Delluc, à propos du Secret de l'Orpheline de Camille de Morlhon, « Notes pour moi », Le Film, n° 135-136, 21 octobre 1918. Repris dans Louis

20 Ibid., p. 75.

21 Blaise Cendrars, « Interview de Blaise Cendrars sur le cinéma », François et André Berge, Cahiers du mois, « Cinémas », Paris, Emile-Paul Frères

22 Philippe Gauthier, « L'histoire amateur et l'histoire universitaire : paradigmes de l'historiographie du cinéma », Cinémas, vol. 21, n° 2-3

23 La journée d’études organisée par Myriam Juan le 6 avril 2018 à l’université de Caen : « A Film to Remember. Le souvenir des films dans les récits

24 Cité par Christian Metz, op. cit., p. 7.

25 Ainsi on cherche à se détourner de termes français trop liés au théâtre comme « metteur en scène », « régisseur », « pièce » ou encore « tableau »

26 J. Pascal, « Le vocabulaire du cinéma », Cinémagazine, 2e année, n° 5, 3 février 1922, p.  147-148.

27 Voir à ce propos Louis Delluc, « L'Atlantide », Cinéa, n° 18, 9 septembre 1921, p. 8. Voir encore Louis Delluc, rubrique « Amériques », à propos d

28 Fred Laurent, « La Mise en scène des films historiques », Le Cinéma et l'écho du cinéma réunis, n° 11, 10 mai 1912, en une. L'auteur affirme à

29 Philippe Soupault, « Courrier de New York – Le règne du cinéma américain est-il fini ? », Revue du cinéma, nº 28, novembre 1931.

30 Ibid., p. 58.

31 Alexis Buffet, Imaginaires de l'Amérique. Les écrivains français et les États-Unis dans l'entre‑deux‑guerres, Nanterre, Presses universitaires de

32 Dominique Kalifa, Les Bas-fonds. Histoire d'un imaginaire, Paris, Éditions du Seuil, 2013, p. 20.

33 En ce sens, leurs écrits ont pour base leurs souvenirs des films davantage que la réalité historique de ces films.

34 Philippe Azoury, « Que faire avec les images ? Notes sur un nouveau regard historien », 1895, Revue d’Histoire du cinéma, n° 21, p. 4-15.

Notes

1 Ricciotto Canudo, « Robin des bois par Douglas Fairbanks », Les Nouvelles littéraires, ii, 20, 3 mars 1923, p. 4. Repris dans Jean-Paul Morel (éd. intégrale établie par), L'Usine aux images, Paris, Séguier, Arte, 1995, p. 203-204.

2 Louis Delluc, « Douglas Fairbanks », Paris-Midi, 1er juin 1918. Repris dans Pierre Lherminier (éd. établie et présentée par), Écrits cinématographiques II, Cinéma et Cie, Paris, La Cinémathèque française, 1986, p. 81.

3 Alexandre Arnoux, Du muet au parlant : mémoires d'un témoin, Paris, La Nouvelle édition, 1946, p. 16‑17.

4 Ibid., p. 68.

5 La jeune nation américaine est réputée pour être vierge de toute tradition culturelle, à la différence de la vieille Europe, ce qui favorise les expérimentations artistiques selon bien des commentateurs de l'époque.

6 Thierry Lefebvre, « La désunion sacrée : le marché français du film face à la prévalence étrangère », dans Cinéma sans frontière, 1896-1918 : aspects de l'internationalisation dans le cinéma mondial : représentations, marchés, influences et réception, F. Albera, R. Cosandey (dir.), Lausanne/Québec, Payot/Nuit blanche, 1995, p. 250.

7 Paul Féval fils, « Décadence », Ciné-Journal, n° 340, 19 février 1916, p. 6-10.

8 Ibid.

9 Pour reprendre la distinction entre le fait filmique et le fait cinématographique proposée par Albert Cohen-Séat dans Essai sur les principes d'une philosophie du cinéma, Paris, p.u.f., 1946, p. 53. Repris par Christian Metz dans Langage et cinéma, Paris, Larousse, 1971, p. 7.

10 À titre d'exemple citons l'article de Robert Florey, « Ce que Maurice Tourneur a dit à “Cinéa” », Cinéa, n° 43, 3 mars 1922, p. 10. Voir aussi Albert Bonneau, « Les pionniers du cinéma français. Un entretien avec Albert Capellani », Cinémagazine, n° 16, 20 avril 1923, p. 111-114.

11 Fanny Ward, « Mes metteurs en scène », Le Journal du Ciné-club, 28 janvier 1920, n° 3. L'expérience de Sessue Hayakawa avec Roger Lion est aussi précisée dans l'article de Laurent Le Forestier, « Ar-chaos-logie du découpage », V. Amiel, G. Mouëllic, J. Moure (dir.), Le Découpage au cinéma, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 30.

12 « Une Enquête. La crise du cinéma français », Le Film, n° 51, 5 mars 1917. Charles Pathé, interrogé, dit avoir « traverser six fois l'Atlantique pour aller à New-York » depuis la guerre. p. 4.

13 Henri Rigal coordonne cette enquête sur trois livraisons : La Renaissance, politique, littéraire, artistique, n° 17, 19 août 1916 ; n° 19, 16 septembre 1916 et n° 21, 14 octobre 1916.

14 Henri Diamant-Berger coordonne cette enquête : Le Film, du n° 150, 29 janvier 1919, au n° 159, 15 avril 1919.

15 À propos de la notion de « découpage », voir l'article de Laurent Le Forestier, « Ar-chaos-logie du découpage », art. cit.

16 La série d'articles de Léon Demachy intitulée « Technique du scénario » en témoigne : Léon Demachy, « Technique du scénario », le Courrier cinématographique, 4e année, n° 2-8, 10 janvier-21 février 1914. Il revient à Alain Carou d'avoir identifié Léon Demachy derrière le pseudonyme d'Americanus qui prouve une fois de plus l'origine géographique et culturelle de l'inspiration. Alain Carou, « Le scénario français en quête d’auteurs (1908-1918) », in 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 65 | 2011, mis en ligne le 01 décembre 2014. URL : http://journals.openedition.org/1895/4432 ; DOI : 10.4000/1895.4432 [consulté le 12 juin 2019].

17 Laurent Le Forestier, « Ar-chaos-logie du découpage », op. cit. p. 29.

18 Ibid., p. 29.

19 Louis Delluc, à propos du Secret de l'Orpheline de Camille de Morlhon, « Notes pour moi », Le Film, n° 135-136, 21 octobre 1918. Repris dans Louis Delluc, Écrits cinématographiques ii/1. Cinéma et Cie., édition établie et présentée par Pierre Lherminier, Paris, Cinémathèque française, 1986, p. 193-196.

20 Ibid., p. 75.

21 Blaise Cendrars, « Interview de Blaise Cendrars sur le cinéma », François et André Berge, Cahiers du mois, « Cinémas », Paris, Emile-Paul Frères, 1925.

22 Philippe Gauthier, « L'histoire amateur et l'histoire universitaire : paradigmes de l'historiographie du cinéma », Cinémas, vol. 21, n° 2-3, printemps 2011, p. 87-105.

23 La journée d’études organisée par Myriam Juan le 6 avril 2018 à l’université de Caen : « A Film to Remember. Le souvenir des films dans les récits de spectateurs de cinéma » traitait précisément de cette question.

24 Cité par Christian Metz, op. cit., p. 7.

25 Ainsi on cherche à se détourner de termes français trop liés au théâtre comme « metteur en scène », « régisseur », « pièce » ou encore « tableau ». On choisit donc des termes américains qui ont la spécificité – croit-on – de ne désigner que le cinéma. À propos de la quête essentialiste, on peut se référer notamment à l'ouvrage de Marguerite Chabrol et Tiphaine Karsenti, Théâtre/cinéma : le croisement des imaginaires, Rennes, pur, 2013.

26 J. Pascal, « Le vocabulaire du cinéma », Cinémagazine, 2e année, n° 5, 3 février 1922, p.  147-148.

27 Voir à ce propos Louis Delluc, « L'Atlantide », Cinéa, n° 18, 9 septembre 1921, p. 8. Voir encore Louis Delluc, rubrique « Amériques », à propos d'Alla Nazimova, Cinéa, n° 31, 9 décembre 1921, p. 12. Voir aussi Lionel Landry, « Le Cœur magnifique », Cinéa, n° 38, 27 janvier 1922, p. 8.

28 Fred Laurent, « La Mise en scène des films historiques », Le Cinéma et l'écho du cinéma réunis, n° 11, 10 mai 1912, en une. L'auteur affirme à propos de la couleur dans les films historiques : « un autre grave défaut de ces films, c'est l'affreux coloris dont quelques maisons d'éditions teintent leurs produits, ce qui les fait ressembler à de vulgaires images d'Épinal. De plus, ces mauvaises couleurs suintent, hors du dessin. Le vert des arbres déteint sur le rouge des toits, et le corsage bleu de l'ingénu sur le plastron du jeune premier. [...] Ce sont les vivantes illustrations de tous ces vieux bouquins de collège qui nous ont paru si laides et poussiéreuses. »

29 Philippe Soupault, « Courrier de New York – Le règne du cinéma américain est-il fini ? », Revue du cinéma, nº 28, novembre 1931.

30 Ibid., p. 58.

31 Alexis Buffet, Imaginaires de l'Amérique. Les écrivains français et les États-Unis dans l'entre‑deux‑guerres, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018, p. 13. En italique dans le texte original.

32 Dominique Kalifa, Les Bas-fonds. Histoire d'un imaginaire, Paris, Éditions du Seuil, 2013, p. 20.

33 En ce sens, leurs écrits ont pour base leurs souvenirs des films davantage que la réalité historique de ces films.

34 Philippe Azoury, « Que faire avec les images ? Notes sur un nouveau regard historien », 1895, Revue d’Histoire du cinéma, n° 21, p. 4-15.

Illustrations

Figure 1.

Figure 1.

The Good Bad Man, Allan Dwan (1916)

®Cinémathèque française

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Référence électronique

Melissa Gignac et Charlotte Servel, « Introduction », Déméter [En ligne], 4 | Hiver | 2020, mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 26 avril 2024. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/134

Auteurs

Melissa Gignac

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Charlotte Servel

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