De la concordia à la convenientia : quelques réflexions sur la rhétorique de la concorde à l’époque ostrogothique à partir des Variae de Cassiodore

  • From concordia to convenientia: some considerations about the rhetoric of concord in the Ostrogothic period based on Cassiodorus’s Variae

DOI : 10.54563/mosaique.2557

Abstracts

Dans l’Italie du vie siècle, les rois ostrogoths recourraient déjà aux outils à leur disposition pour inscrire leur présence dans l’espace public de leur époque et communiquer avec leurs sujets. L’écrit, diffusé et affiché dans les lieux les plus fréquentés, était une des modalités du gouvernement des hommes largement exploitée pour limiter les tensions et appeler à l’unité. Les travaux menés sur l’idéologie à partir des actes de chancellerie conservés dans les Variae de Cassiodore ont mis en évidence la portée de certains mots spécifiques de la parole royale, mais les métaphores et les allégories étaient des procédés rhétoriques tout aussi efficaces, sinon plus, pour exiger la concorde au sein du royaume ostrogothique. Une analyse des images de la concorde dans les Variae de Cassiodore révèle, entre autres choses, un concept clé de l’idéologie des rois goths : l’accordance (convenientia).

In sixth-century Italy, the Ostrogothic kings were already using tools to assert themselves within the public space of their time and communicate with their subjects. The written document, disseminated and displayed in the most frequented places, was one of the means widely employed to alleviate strains and to call for unity. Studies on ideology based on the acts of chancellery preserved in Cassiodorus’ Variae have highlighted the significance of specific words of the royal speech, but metaphors and allegories were equally, if not more, effective rhetorical devices for demanding concord within the kingdom. An analysis of the images of concord in Cassiodorus’ Variae reveals, among other things, a key concept in the ideology of the Gothic kings: convenientia.

Index

Mots-clés

Ostrogoths, Cassiodore, Variae, images, idéologie, rhétorique, concorde, convenientia, Boèce, Augustin, Antiquité tardive, haut Moyen Âge

Keywords

Ostrogoths, Cassiodorus, Variae, images, ideology, rhetoric, concord, convenientia, Boethius, Augustine, Late Antiquity, High Middle Ages

Outline

Text

Introduction

Alors qu’il gouvernait conjointement avec la reine Amalasonthe depuis un an, le roi Théodat condamna sa cousine à l’exil le 30 avril 535. Afin de retrouver la confiance des habitants de la cité de Rome troublés par la disparition d’Amalasonthe, Théodat adressa depuis Ravenne une série de missives « au Sénat » et « au peuple de Rome » à une date incertaine entre mai et octobre 535 (Cassiodore, Variae, X, 13-14 et 16-181). La métaphore de la médecine est filée tout au long de ces cinq épîtres. Dans l’une d’entre elles, le roi interpelle le peuple :

Rendez-vous compte de la bonté qui vous est dédiée lorsque prête serment celui qui ne peut être contraint. Nous savons que nous avons été offerts comme remède pour tous : nous ne répugnions pas à soigner nos sujets ; c’est la raison pour laquelle, bien que cela puisse sembler inconvenant pour notre altesse, nous acceptons de bon gré de faire ce que la communauté a choisi à raison2
(Variae, X, 17, 2)

Les représentations de la concorde, comme celle du roi-médecin capable de soigner les maux de tous ses sujets, n’étaient pas qu’un vernis destiné à l’agrément de quelques lecteurs érudits. Ces images faisaient partie intégrante de la communication politique, écrite et orale, des rois goths.

Ces actes de chancellerie, qui prennent en fait la forme de lettres, furent rédigés à la chancellerie de Ravenne par Cassiodore, fidèle ministre des rois ostrogoths entre 507 et 537, puis compilés au sein d’un recueil par lui-même, vraisemblablement entre 534 et 537 (Porena, 2021). Les recherches portant sur la langue des élites du vie siècle ont connu un nouvel essor sous l’impulsion de Christian Rohr, traducteur de la correspondance d’Ennode de Pavie, ce diacre de l’Église de Milan qui devint l’évêque de Pavie en 521 (Rohr, 1995). Les travaux qui ont suivi ont permis de mieux définir les spécificités et les enjeux de cette langue d’une extrême préciosité (Gioanni, 2009). Les historiens et les philologues se sont particulièrement intéressés à l’engagement des membres de l’élite lettrée, comme Ennode et Cassiodore, au service des souverains ostrogoths et à la dimension idéologique de leurs textes (Fauvinet-Ranson, 2002 ; Giardina, 2006 ; La Rocca, 2010 et 2014 ; Gioanni, 2023). Quelques concepts clés de l’idéologie royale ont ainsi été mis en lumière, et notamment celui de civilitas qui, à lui seul, a donné lieu à un foisonnement de publications (Reydellet, 1995 ; Amory, 1997 : 43-85 ; Ratti, 2002 ; Malaspina, 2005 ; Giardina, 2006 : 36-37 ; Bjornlie, 2013 : 251-253).

Dans un article récent portant sur la concorde dans les Variae, Marco Cristini a signalé que, la plupart du temps, Cassiodore utilise le terme concordia dans le cadre des relations diplomatiques de Ravenne avec Constantinople ou avec les autres royaumes ayant émergé sur les territoires de l’ancienne pars Occidentalis de l’Empire (Cristini, 2019). S’il reprend à son compte la conception traditionnelle des Romains qui voyaient dans la concorde « l’accord au sein des ordres et des factions et la paix civile » (« consensum ordinum factionumque et pacem civilem »), Cristini conclut cependant en expliquant que la concorde était conçue comme une vertu propre aux nobles et aux sénateurs et qu’elle ne concernait pas les sujets du roi à l’époque ostrogothique (« sexto igitur saeculo concordia non erat virtus humiliorum sed nobiliorum, non subiectorum sed senatorum, non regum sed regnorum ») (ibid. : 331).

Pourtant, on peut faire l’hypothèse que les espoirs de concorde des rois ostrogoths se portaient à la fois sur leurs relations avec les puissances voisines et sur la paix sociale à l’intérieur du royaume. Une « idéologie de la concorde » semble avoir été diffusée dans toutes les strates de la société y compris auprès des populations les plus humbles, ce qui a peut-être été justement facilité par le recours aux images. Mais peut-on vraiment parler d’« idéologie » pour une période reculée comme le vie siècle ? Dans leur introduction à Empires and communities in the post-Roman and Islamic world, c. 400-1000 CE, Walter Pohl et Rutger Kramer envisagent l’idéologie comme un ensemble de discours au sens de Michel Foucault, c’est‑à‑dire comme des énoncés façonnés à partir des ressources culturelles disponibles. Ils soulignent, en outre, la nécessité de réfléchir au contenu de ces discours, à leur cohérence et à la responsabilité des autorités politiques dans leur élaboration, car les productions idéologiques d’une époque sont en partie un héritage du passé (Pohl et Kramer, 2021).

Plusieurs spécialistes des Variae ont justement souligné que les nombreuses images qui parsèment cette œuvre sont issues de l’histoire naturelle. Elles prennent la forme de métaphores et d’allégories dans des excursus dont la taille dépasse parfois celle des prescriptions royales (dispositiones) à l’intérieur de l’acte (Giardina, 2012 ; Gioanni, 2023). Le recours à ce vaste patrimoine symbolique est un témoignage des transferts qui eurent lieu à cette époque entre les correspondances épistolaires des aristocrates et la rhétorique des chancelleries altimédiévales (Gioanni, 2013). Si elles ont longtemps été jugées comme la marque d’une langue ornementale voire ampoulée, on examine aujourd’hui avec plus d’attention ces digressions, souvent porteuses d’un discours éminemment politique, comme l’a souligné Andrea Giardina (2012 : 53). Les biais de la documentation disponible font qu’il est difficile d’estimer les effets de ces discours sur les personnes auxquelles ils étaient destinés. On peut en revanche essayer de préciser les conditions de la diffusion et de la réception de l’idéologie royale.

L’écrit constitua dès le Bas Empire un medium majeur de la communication impériale. Sa diffusion prenait alors trois formes : la correspondance, l’affichage public et la délivrance de copies. La communication écrite publique renforça le pouvoir de l’empereur sur ses sujets ainsi que sur les administrateurs de l’Empire, mais elle imposa aussi l’idée que l’empereur était capable de répondre à tout. Les provinciaux finirent par se laisser convaincre que l’empereur était leur bienfaiteur et que la communication impériale était l’un de ses bienfaits (Moatti, 2007). La fonction persuasive de la rhétorique impériale perdura dans l’Antiquité tardive. Certes, l’écrit était le vecteur d’un pouvoir désormais ouvertement autoritaire, en particulier dans le domaine fiscal. Mais la recherche du consensus resta de mise au sein de l’élite : la collecte de l’impôt dans les cités requérait la collaboration des élites locales, lesquelles, en retour, maniaient la langue du pouvoir dans l’espoir de fléchir les membres de l’administration. C’est ainsi qu’une culture commune se constitua, partagée autant par les notables des cités que par le personnel du gouvernement impérial (Brown, 1998).

Les Variae de Cassiodore témoignent du maintien d’une intense communication écrite à l’époque ostrogothique. Un service de postes était toujours en fonctionnement (V, 32 ; XI, 14) ; Théodat fit afficher et proclamer certaines de ses missives à Rome (X, 14) ; Athalaric demanda même à ce que l’on fasse lire sa lettre devant le peuple à la suite d’un incident dans une cité de la province de Lucania et Bruttii (VIII, 33) ; les actes produits à la chancellerie de Ravenne étaient parfois placardés dans toutes les provinces du royaume (IX, 18 ; XI, 9) ; quant aux épîtres que les aristocrates s’adressaient les uns aux autres, on sait aujourd’hui qu’elles circulaient en fait dans des cénacles aristocratiques (Callu, 2006).

Prenant acte de l’appel de Giardina pour une attention plus grande aux excursus de Cassiodore (cf. supra), la présente contribution entend mettre en lumière l’intérêt méthodologique d’une étude de l’idéologie de la concorde à partir de ces passages. On peut faire l’hypothèse que les comparaisons, les métaphores et les allégories développées par Cassiodore sont elles-mêmes le terreau à partir duquel fleurissent les concepts de l’idéologie de la concorde. On cherchera aussi à déterminer dans quelle mesure cette idéologie variait en fonction de ces deux principaux canaux de diffusion que sont la circulation dans les cénacles aristocratiques et l’affichage public, laissant pour l’instant de côté le troisième aspect de la communication publique mentionné par Claudia Moatti, l’archivage et sa consultation (cf. supra). Parmi toutes les images choisies par Cassiodore pour exprimer l’exigence de concorde des rois goths, deux sont particulièrement instructives : la vie collective des oiseaux et l’harmonie des notes de musique. Les excursus où sont développées ces métaphores d’une société harmonieuse laissent entrevoir une langue du consensus commune aux élites de l’Italie ostrogothique. De la métaphore musicale émerge un concept clé de l’idéologie de la concorde développée à Ravenne : l’accordance (convenientia3).

Quelques images de la concorde : le vol des oiseaux et l’harmonie des notes de musique

Deux couples d’actes de chancellerie développent la thématique de la concorde à travers des images similaires. Cassiodore recourt à une métaphore aviaire dans une épître adressée par le roi Athalaric à un certain Severus (VIII, 31) et dans un édit d’Athalaric (IX, 2), tandis que dans deux autres missives envoyées au peuple de Rome (I, 31) et à Boèce (II, 40), la paix sociale est comparée à l’harmonie musicale.

Le destinataire de la Varia VIII, 31, Severus, était un sénateur de rang spectable. Ce personnage doit probablement être identifié avec le gouverneur de la province de Lucania et Bruttii (corrector Lucaniae et Bruttiorum) et il est possible qu’il ait été un ancien employé des bureaux du préfet du prétoire (Martindale, 1980 : 1004). Cassiodore écrit à Severus au sujet des membres des conseils municipaux (curiales) et des propriétaires (possessores), qui fuient leurs responsabilités pour partir s’installer dans leurs villas à la campagne. Le ministre se réfère alors au vol des oiseaux pour revendiquer les bienfaits de la vie en communauté : « Les oiseaux eux-mêmes volent en groupes, adoucis par de pacifiques dispositions4 » (Variae, VIII, 31, 2). Cette comparaison avec les oiseaux est mobilisée à plusieurs reprises au cours de la lettre pour condamner l’isolement de ceux qui refusent de se mêler à leurs concitoyens. L’épître en question aurait été envoyée en 527, mais la date précise a peu d’importance : le problème du désengagement des élites urbaines n’était pas propre à la fin des années 520 (Lepelley, 1990 : 33-34).

On retrouve une comparaison de la vie civique avec le compagnonnage des oiseaux dans l’édit du roi Athalaric (Variae, IX, 2) publié également aux alentours de 527. Cet édit concerne à nouveau la situation des curiales. Recourant à la métaphore du vol des grues, le roi encourage les membres des conseils civiques à continuer de collaborer pour le bien de la communauté :

Les grues ont appris à pratiquer la concorde (concordia) dans leurs mœurs […]. Ainsi rassemblées en une sorte de communauté, elles se soumettent à elles-mêmes sans avoir de rois […]. En observant leurs mœurs, ceux qui ont écrit sur l’histoire naturelle rappellent qu'il existe parmi elles une sorte de république (politia)5 […]
(Variae, IX, 2, 5)

On reviendra plus loin sur le terme politia. À cette époque, les curiales étaient victimes d’individus plus puissants qu’eux (potentes) et certains subissaient même l’oppression de leurs collègues. Comme l’explique Ignazio Tantillo, le problème était alors moins, comme aux ive et ve siècles, de freiner les prétentions de ces exacteurs de l’impôt, que de limiter les divisions au sein des curies, lesquelles risquaient de mettre en danger le contrôle exercé par le pouvoir central sur les cités et leur territoire. Les inégalités entre les curiales s’étaient accentuées et elles étaient encore renforcées par l’influence des potentes (Tantillo, 2016 : 294-295).

L’édit d’Athalaric était destiné à une large diffusion. L’expression « edictali programmate » présente dans cet édit et ailleurs dans le recueil a en effet été interprétée comme désignant l’affichage d’un document à valeur normative par le fonctionnaire qui la recevait (Fridh, 1956 : 83-86). Ce texte fut donc affiché dans plusieurs cités. Il parvint non seulement aux notables mais également à tous ceux qui étaient en mesure de le lire et de le comprendre. La lettre à Severus, quant à elle, ne circula probablement pas au-delà de l’entourage du gouverneur. Et pourtant, on constate que la même image est employée dans les deux cas.

Deux autres missives, rédigées par Cassiodore alors qu’il était questeur (507-511), développent une métaphore similaire pour des destinataires différents : de même que dans la lettre à Boèce (II, 40), on trouve dans l’épître de Théodoric au peuple de Rome (I, 31) un parallèle entre la concorde des hommes et l’harmonie musicale. On reviendra plus tard sur le contexte particulier de la rédaction de la Varia II, 40 et sur ses multiples destinataires6. Dans sa lettre, Théodoric se dit émerveillé par la musique de la cithare : « [Dans la cithare], une si grande concorde des sons a été obtenue sous le règne de la diversité, que la corde qui a été frappée fait trembler spontanément sa voisine, alors que personne ne l’a touchée7 » (Variae, II, 40, 12). C’est à nouveau par cette image de la musique que Théodoric exhorte les Romains à cesser toute agression à l’endroit des sénateurs et à se divertir dans le calme lorsqu’ils assistent aux jeux : « Vous émettez des sons plus doux que l’orgue, la conque du théâtre retentit comme sous l’effet d’une cithare harmonieuse, si bien que l’on pourrait croire à des notes plutôt qu’à des acclamations » (Variae, I, 31, 48).

La métaphore de l’harmonie des notes de musique pouvait donc être autant employée pour engager un sénateur de haut rang dans une entreprise diplomatique que pour admonester le peuple de Rome. Quant à celle du compagnonnage des oiseaux, elle convenait aussi bien pour s’adresser à un gouverneur de province qu’aux notables d’une cité. La rhétorique des épîtres royale était-elle pour autant identique d’une affaire à l’autre ?

La rhétorique de la concorde : un patrimoine commun ?

Les excursus des épîtres royales concentrent en eux la diversité des processus rhétoriques mis en œuvre par Cassiodore. Ces passages apparaissent donc comme un terrain d’enquête privilégié pour examiner la langue du pouvoir royal et saisir les enjeux de l’idéologie de la concorde élaborée à la cour de Ravenne.

L’impératif de concorde se manifeste, en premier lieu, par une myriade de termes renvoyant à la vie collective. Dans l’épître à Severus (VIII, 31) par exemple, ce lexique de la communauté est composé de plusieurs mots de la famille de conventus. Le roi Athalaric rappelle au gouverneur que les plus belles cités sont celles « où l’on voit l’assemblée d’une population nombreuse9 » (Varia, VIII, 31, 1). Plus loin, le comportement des aigles et des éperviers est présenté comme un mauvais exemple : ce sont des oiseaux solitaires « car les embûches rapaces ne réclament pas les rassemblements pacifiques10 » (ibid. : 3). Puis Athalaric condamne les retombées des choix irresponsables des notables sur leur progéniture : « Les enfants recherchent l’assemblée des écoles d’arts libéraux, et bientôt ils pourraient être dignes du forum, mais voilà qu’ils deviennent ignorants parce qu'ils habitent la campagne11 » (ibid. : 4).

Un deuxième aspect de cette rhétorique de la concorde est peut-être, au-delà de ces termes qui expriment l’union et la cohabitation, un vocabulaire d’une plus grande densité sémantique. On repère en effet dans ces représentations musicales et animalières un faisceau de concepts qui renvoient tous, de manière plus ou moins explicite, à l’idée de concorde (cf. Tableau 2).

Troisièmement, Cassiodore entreprend aussi de rendre compte des bienfaits de l’entente cordiale par l’expression des émotions. Il déclare en effet qu’à la différence des bêtes sauvages, il a été donné aux hommes « d’aimer par-dessus tout les foyers de leur patrie12 » (Variae, VIII, 31, 1). De même,

les grives au chant mélodieux aiment le rassemblement de leurs congénères, les bruyants étourneaux suivent sans relâche les armées de leurs semblables, les pigeons roucoulants affectionnent leurs propres troupes, et tout ce qui recherche une vie simple ne refuse pas l'agrément de la communauté13
(ibid. : 2)

Quant aux grues, « c’est en s’aimant les unes les autres qu’elles se défendent14 » (Variae, IX, 2, 5) et « ceux qui ont écrit sur l’histoire naturelle… ont reconnu qu’elles vivaient animées de sentiments civiques15 » (ibid.).

Enfin, les textes de Cassiodore sont souvent construits à partir de jeux d’oppositions. Dans les excursus sur les notes et les oiseaux, c’est le contraste entre l’unité du groupe et la diversité dont il est composé qui met en valeur le miracle de la concorde – in varietate concordia. Le meilleur exemple de ce cinquième outil rhétorique se trouve à nouveau dans la lettre à Boèce (cf. Tableau 1). On notera l’image du diadème, fréquente dans la littérature tardo-antique et choisie ici comme allégorie de la concorde.

13a. Hinc diversaeb veniunt sine lingua vocesc: hinc variis sonisd efficitur quidam suavissimus choruse, illa acuta nimia tensione, ista gravis aliqua laxitate, haec media tergo blandissime temperato, ut homines se ad tantam perducere non praevaleant unitatemf, in quantam ad socialem convenientiam ratione carentia pervenerunt. Ibi enim quicquid excellenter, quicquid ponderatim, quicquid rauce, quicquid purissime aliasque distantias sonat, quasi in unum ornatumg constat esse collectumh, et ut diademai oculis varia luce gemmarumj, sic citharak diversitate sonil blanditur auditui. 13a. De là proviennent, sans qu’il y ait de langue, des voixc diversesb, de là est créé un chœure très doux à partir de sons variésd : celle-ci est rendue aiguë par une très forte tension, celle-là grave par un certain relâchement, une autre médiane par une cheville réglée avec beaucoup de soin, si bien que les hommes ne sont pas capables d’atteindre une unitéf aussi achevée que l’accordance sociale à laquelle ces êtres privés de raison sont parvenus. C’est un fait que tous les sons, qu’ils soient perçants, modérés, rauques ou très clairs ou d’une autre hauteur sont rassemblés làh comme en un seul ornementg, et de même que le diadèmei flatte les yeux par l’éclat varié de ses gemmesj, la citharek charme l’ouïe par la diversité des sonsl qu’elle produit.

Les quatre actes étudiés nous donnent un aperçu de ce qu’était devenue au visiècle la culture (paideia) des élites de l’Empire romain tardif (Brown, 1998 : 58). Dans l’Italie ostrogothique, le patrimoine intellectuel commun était une langue du consensus élaborée à partir de références issues de l’histoire naturelle, de procédés rhétoriques et d’un vocabulaire précieux. Cette langue était partagée par une élite littéraire et politique qui incluait les hauts dignitaires de la cour de Ravenne, les gouverneurs des provinces mais également les notables locaux à la tête des cités de Lucanie. On continuait d’y recourir pour persuader et obtenir le soutien loyal de son interlocuteur, sa devotio (Brown, 1998 : 52). Le terme politia que l’on trouve dans l’édit d’Athalaric (Var., IX, 2) témoigne bien de ces stratégies. Repris, de même que la métaphore du vol des grues, à Ambroise de Milan (Hexameron, V, 50-52), ce mot construit à partir du grec πόλις désignant la cité, presque un hapax dans la littérature latine17, contribuait certes à la sacralisation du pouvoir royal. Mais cette « langue de pourpre » pouvait à la fois exclure et rassembler – elle était un facteur de distinction sociale (Giaonni, 2009). Un mot comme politia était donc probablement employé à la fois pour éblouir et pour flatter un auditoire tel que les curiales qui faisaient face à de nombreuses difficultés dans leur cité, mais dont le consensus était indispensable aux rois pour le prélèvement des ressources fiscales.

Jeté au milieu de la métaphore des grues, ce substantif ne fait cependant que rappeler le vague souvenir de la cité grecque. Il s’agit davantage d’un mot savant visant à attirer l’attention du lecteur que d’un concept précis, à la différence de convenientia.

Destinataire direct Milieu social Images de la concorde Mots de la concorde Nb de mots
VIII, 31 : le roi Athalaric au spectable Severus – Severus : sénateur de rang spectable ; gouverneur de la province de Lucania-Bruttium – Noblesse (provinciale) – Les oiseaux : grives, étourneaux, pigeons, aigles, faucons – res publica
– libertas
– frequentia (2 occ.)
– frequentatio (2 occ.)
532
IX, 2 : Édit du roi Athalaric – Les curiales
– La population alphabétisée des cités méridionales
– La population non alphabétisée des cités méridionales ?
– Notables locaux – Le corps et les membres – L’arbre et ses racines
– Les oiseaux : les grues
– convenientia

– concordia
– politia
555
II, 40 : Le roi Théodoric au patrice Boèce – Boèce : patrice ; membre de la famille des Anicii ; philosophe
– Le cénacle des Anicii
– Noblesse (romaine) – Les notes produites par la cithare – convenientia (2 occ.)
– 
harmonia (3 occ.)
– 
concordia
– 
unitas
1094
I, 31 : Le roi Théodoric au peuple de Rome – La population alphabétisée de Rome
– La population non alphabétisée de Rome ?
– Citoyens de Rome – Les notes produites par la cithare – harmonia 216

L’accordance (convenientia) : un concept clé de l’idéologie de la concorde

Si la rhétorique de la concorde constituait un patrimoine commun partagé par toute une élite lettrée au visiècle, son maniement différait en fonction des interlocuteurs et le terme convenientia nous donne des indices sur ces variations. L’accordance (convenientia18) nous apparaît, en outre, comme un concept particulièrement éclairant pour saisir les enjeux de l’idéologie des rois goths et qui mériterait une enquête plus approfondie de la part des spécialistes de l’Antiquité tardive19.

C’est justement dans deux des actes susmentionnés (II, 40 ; IX, 2) qu’apparaissent les quatre occurrences de ce terme dans les Variae (cf. Tableau 3). Trois d’entre elles se trouvent dans l’épître à Boèce sur laquelle il importe à présent de s’arrêter. Que signifiait ce terme pour Cassiodore ?

Variae, IX, 2 : (1) […] iniuria unius loci compago tota concutitur et tanta convenientiae vis esta, ut unum vulnus ubique credas accipi, quando illa coeperit condolere. Res publica siquidem non est unius civitatis cura, sed totius regni provisa custodia […]. 1. […] Tout l’assemblage est ébranlé par l’injustice subie en un seul lieu, et la force de l’accordancea est telle qu’on pourrait croire qu’une seule blessure est ressentie partout, dès qu’il a commencé à souffrir. En fait, l’État n’est pas le soin d’une seule cité, mais la protection prévoyante de tout le royaume […].
Variae, II, 40 : (2) Quid enim illa praestantius, quae caeli machinam sonora dulcedine modulatur et naturae convenientiamb ubique dispersam virtutis suae gratia comprehendit ? 2. En effet, qu’y a-t-il de supérieur à cette chose qui régule la machine du ciel par la douceur des sons et qui, par sa vertu, renferme l’accordance de la natureb dispersée de toute part ?
(12) Ubi tanta vocum collecta est sub diversitate concordia, ut vicina chorda pulsata alteram faciat sponte contremiscere, quam nullum contigit attigisse. Tanta enim visc est convenientiaec, ut rem insensualem sponte se movere faciat, quia eius sociam constat agitatam. 12. Là [Dans la cithare], une si grande concorde des sons a été obtenue sous le règne de la diversité, que la corde qui a été frappée fait trembler spontanément sa voisine, alors que personne ne l’a touchée. Si grande est en effet la force de l’accordancec, qu’elle fait se mouvoir un être privé de sens, parce que sa compagne a bougé.
(13) […] ut homines se ad tantam perducere non praevaleant unitatem, in quantam ad socialem convenientiamd ratione carentia pervenerunt. 13. […] si bien que les hommes ne sont pas capables d’atteindre une unité aussi achevée que l’accordance socialed à laquelle ces choses privées de raison sont parvenues.

La lettre de Théodoric à Boèce (II, 40) est d’une grande complexité à la fois en raison de la diversité des thématiques qu’elle aborde – la musique, la philosophie, la théologie – et des enjeux – éminemment politiques – qu’elle revêt. Ce n’est pas ici le lieu d’en proposer un commentaire détaillé21. L’objectif est plutôt de comprendre le sens de cette notion qui, dans le giron de la métaphore musicale, passe du registre de la nature (naturae convenientia ; vis convenientiae) à celui des relations sociales (socialis convenientia).

Dans ce texte, Théodoric charge Boèce de lui trouver un joueur de cithare à envoyer à Clovis. Le roi des Francs avait en effet sollicité son voisin et beau-frère afin qu’il daigne lui envoyer un citharède. Le document en question fut donc rédigé entre le début de la questure de Cassiodore (en 507 ou au plus tôt à la fin de l’année 506) et la bataille de Vouillé qui opposa les Francs aux Wisigoths, alliés des Ostrogoths, au printemps ou à l’été 507, alors que Clovis commençait à remettre en question la politique de conciliation engagée par Théodoric avec tous ses voisins (Mommsen, 1894 : xxxii-xxxiv ; Krautschick, 1983 : 53-54). La question se pose de savoir ce que représentait ce don dans le cadre des rapports diplomatiques entre Francs et Goths. Cependant, on se focalisera ici sur la relation entre Boèce et Théodoric.

Boèce fut l’une des principales figures politiques et intellectuelles de l’Italie ostrogothique (Pietri et Pietri, 1999-2000 : 312-316). Adopté par Symmaque qui lui donna pour épouse sa fille Rusticiana, il appartenait à la vieille famille romaine des Anicii comme Olybrius, éphémère empereur en 472. Il fut en outre l’un des quatre ministres qui entouraient le roi au consistoire, pendant les quelques années (du début des années 520 à 523) où il occupa le poste de maître des offices (Delmaire : 29-46 ; Puech, 2023 : 68-69). Mais Boèce fut aussi un passeur de culture qui s’évertua à acclimater la pensée grecque en Italie. Il traduisit et commenta nombre d’œuvres de philosophes classiques et néoplatoniciens (comme Aristote et Porphyre de Tyr) et rédigea lui-même plusieurs traités dont une Institution musicale et une Institution arithmétique qui nous intéressent plus particulièrement ici.

Il semble que Boèce fut peu enclin à s’engager politiquement au côté des rois goths jusqu’à ce qu’il acceptât ce poste de ministre palatin (Momigliano, 1960). Comme au moins une partie de la noblesse implantée à Rome depuis des générations, il fut dans un premier temps, sinon opposé, du moins sceptique concernant la collaboration avec les Goths, à la différence d’une autre frange de la noblesse d’origine plus provinciale qui avait pris part au gouvernement de l’Italie dès l’arrivée des Ostrogoths et pour certains déjà sous Odoacre, à l’instar de la famille des Cassiodore (Cracco Ruggini, 1981 ; Cracco Ruggini, 1984).

Si l’épître à Boèce s’inscrit incontestablement dans le contexte des relations tendues entre les royaumes franc et gothique et que Théodoric avait tout à gagner à exhiber la collaboration d’un membre de l’une des plus anciennes et prestigieuses familles romaines, la concorde dont il est question dans cette lettre concernait donc également les rapports entre les élites à l’intérieur du royaume et sans doute autant entre les élites romaine et gothique qu’entre les différentes composantes de l’élite romaine elle-même22. Les intérêts de Théodoric et de Cassiodore se rejoignaient donc sur ce point – impliquer les grandes familles romaines dans la politique intérieure et extérieure du royaume. Or, il y a fort à parier que le recours au concept de convenientia n’était pas sans rapport avec cette entreprise de persuasion. Déjà employé par Cicéron à la fois dans des lettres, des ouvrages politiques ou des traités de divination, le mot renvoyait en latin classique à l’idée d’accord parfait, d’harmonie et de sympathie23.

Quoiqu’il importe de rester prudent, les ouvrages de l’Antiquité n’ayant pas été conservés selon les mêmes proportions d’un auteur à l’autre, l’usage de ce mot semble s’être répandu à l’époque tardo-antique. Convenientia est fréquemment employé par Augustin (61 occ.), puis par Boèce (20 occ.) et Cassiodore (21 occ.), et ce notamment dans des ouvrages relatifs à la musique, à l’arithmétique ou à la religion.

Auteur Ouvrage Occ.
Aug. De musica 8/61
Aug. De vera religio 8/61
Aug. De civitate dei 5/61
Boeth. De institutione arithmetica 4/20
Boeth. De institutione musica 1/20
Cass. Variarum libri duodecim 4/21
Cass. De anima 4/21
Cass. Expositio psalmorum 13/21

Dans son De musica, Augustin confère une origine divine aux rapports de proportions qui existent entre tous les êtres : « Car il y a je ne sais quel principe de jugement qui manifeste l’action de Dieu dans la créature : car il faut faire remonter jusqu’à lui toute proportion (convenientia) et toute harmonie (concordia)24 » (Aug., De mus., VI, 8, 20). Dieu est pour Augustin le grand ordonnateur des êtres. Il est ce qui a mis en ordre le monde et attribué une place à chaque chose25. Or, la vie en société n’est pas sans rapport avec cet ordre institué par Dieu : « la paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée », « la paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre », « l’ordre, c’est la disposition des êtres égaux et inégaux, désignant à chacun la place qui lui convient26 » (Aug., De civ., XIX, 13). Dans la perspective du néoplatonisme chrétien qui le caractérise, Augustin interprète donc toute forme d’harmonie comme la manifestation de l’ordre institué par Dieu.

Boèce s’écarte d’Augustin pour puiser directement à Platon :

Ainsi peut-on comprendre ce que Platon a dit, non sans raison – que l’âme du monde a été formée par une concorde musicale (musica convenientia). En effet, lorsqu’en vertu de ce qui est rassemblé en nous et harmonieusement agencé, nous recevons ce qui dans les sons est justement et harmonieusement assemblé, et que nous en sommes charmés, nous comprenons alors que nous-mêmes sommes constitués à sa ressemblance27
(Boèce, De instit. mus., I, 1).

Citant le Timée, Boèce reprend ici à son compte la théorie de l’harmonie cosmique développée par Platon et selon laquelle les mondes lunaires et sublunaires seraient gouvernés par les mêmes rapports harmoniques (Platon, Timée, 35b-36a). L’accordance des notes de musique est pour Boèce cette harmonie des sons qui trouve des correspondances avec la composition du corps et de l’âme des hommes.

La pensée de Cassiodore fait davantage écho à celle de l’évêque d’Hippone. Dans le chapitre sur « Le siècle futur » de son traité De l’âme, Cassiodore annonce que l’harmonie musicale sera révélée aux élus après la mort :

Là, le nombre aussi grand qu’il soit connu est obtenu, là, le discernement des lignes est perçu dans l’absolu, là, l’harmonie musicale se révèle (ibi convenientia musicae patet), là, le mouvement des astres est appréhendé dans tous ses détails par la connaissance visuelle, là, la vérité d’en haut est vue et connue ; nous contemplerons avec quelle majesté la sagesse de Dieu dispose une à une chaque chose en particulier28
(Cassiodore, De an., XV)

La convenientia dont parle Cassiodore a donc pour arrière-plan cet ordre établi par Dieu dans les cieux et dans le siècle qu’évoquait Augustin avant lui. Mais tandis que chez Augustin ou chez Boèce, l’étude de la musique est davantage considérée, dans une démarche spéculative et spirituelle, comme un moyen de parvenir à la connaissance de cet ordre divin et donc de se rapprocher de Dieu, elle apparaît chez l’auteur des Variae, dans une perspective plus politique, non seulement comme un objet de contemplation mais également comme un modèle à imiter. De fait, dans la lettre à Boèce, Cassiodore insiste sur la merveilleuse « accordance sociale » (voir supra, Tableau 4) des notes de musique. L’interpellation du peuple de Rome par Théodoric est encore plus explicite : « Vous émettez des sons plus doux que l’orgue, la conque du théâtre retentit comme sous l’effet d’une cithare harmonieuse, si bien que l’on pourrait croire à des notes plutôt qu’à des acclamations29 » (Variae, I, 31, 4). L’accordance des choses de la nature était donc digne d’être prise comme exemple par les hommes dans leurs relations sociales. C’était la volonté de Dieu que la concorde sociale soit établie parmi les hommes, de même que l’association de Boèce à la politique royale.

Conclusion

En définitive, aborder les Variae de Cassiodore à partir des images constitue une approche fructueuse pour enquêter sur l’idéologie royale. Les comparaisons, les métaphores et les allégories qui parsèment les Variae ne doivent pas être réduites à de pures créations littéraires. Souvent issues de l’histoire naturelle, ces images faisaient partie d’un patrimoine commun dans lequel Cassidore et ses contemporains puisaient pour élaborer leurs textes et leurs discours. Les excursus dans lesquels s’insèrent ces images nous montrent que ce patrimoine incluait aussi un ensemble de procédés rhétoriques et un faisceau de concepts. C’est finalement une véritable langue du consensus qui transparaît de ces documents. Une langue que partageaient toujours les élites de l’administration centrale, celles des provinces et celles des cités et que chacun continuait à manier dans l’espoir de persuader ses supérieurs ou ses subalternes. La rhétorique de la concorde variait néanmoins selon les interlocuteurs, comme en témoigne l’épître à Boèce où Cassiodore mobilise le concept de convenientia issu des traités musicaux et théologiques de l’Antiquité tardive.

L’emploi de ce terme n’est bien sûr qu’une manière parmi d’autres de rendre compte du projet des rois goths. Il résume néanmoins l’entreprise idéologique et politique de Ravenne : établir un ordre social et international fondé sur le droit, la morale et l’entente cordiale entre les habitants du royaume, un ordre qui soit à l’image de l’harmonie régissant les éléments naturels et qui s’inscrive dans le plan de la Providence divine. Car pour un homme comme Cassiodore, Dieu, grand ordonnateur de la nature, est à l’origine de tout ordre ici-bas.

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Notes

1 L’édition des Variae de Cassiodore utilisée dans l’économie de cet article est celle de Théodor Mommsen (1894). La source de la traduction est précisée en note après le texte latin. Return to text

2 « Aestimate quid vobis benignitatis videatur impendi, quando ille iurat qui non potest cogi. Scimus enim pro remedio nos datos esse cunctorum : non despicimus sanare subiectos et ideo, licet culmini nostro videretur incongruum, libenter adquievimus facere quod generalitatem probamus optasse » (nous traduisons). Return to text

3 Le mot « convenance » ayant pris une connotation morale en français dans le langage courant, nous choisissons de traduire convenientia par « accordance ». Le Trésor de la langue française indique simplement « synonyme de accord » puis cite L’Art moderne de Joris-Karl Huysmans : « Et c’est même là un des grands torts des paysagistes contemporains qui, arrivant devant une rivière avec une formule convenue d’avance, n’établissent pas entre elle, le ciel qui s’y mire, la situation des rives qui la bordent, l’heure et la saison qui existent au moment où ils peignent, l’accordance forcée que la nature établit toujours » (CNRTL, s. v. « Accordance » (en ligne). Consulté le 6 septembre 2023. URL : https://www.cnrtl.fr/definition/accordance.). Return to text

4 « Aves ipsae gregatim volant quae innoxia voluntate mitescunt. » (Lepelley, 1990 : 35). Return to text

5 « Grues moralem noverunt exercere concordiam […]. Sic quadam communione sociatae sibi sine regibus obsequuntur […]. Quarum morem scriptores rerum naturalium contuentes politiam quandam inter ipsas esse commemorant. » (Lepelley, 1990 : 83). Return to text

6 Cf. infra : « L’accordance (convenientia) : un concept clé de l’idéologie de la concorde ». Return to text

7 Nous traduisons. Return to text

8 Pour plus de détails sur cette épître, nous renvoyons au commentaire de sa traductrice Valérie Fauvinet-Ranson (2016 : 316-319). Return to text

9 « quae populorum probantur habere conventum » (Lepelley, 1990 : 35). Return to text

10 « quia rapaces insidiae innoxia conventicula non requirunt » (ibid. : 36). Return to text

11 « pueri liberalium scholarum conventum quaerunt et mox foro potuerint esse digni, statim incipiunt agresti habitatione nesciri » (nous traduisons). Return to text

12 « feris datum est agros silvasque quaerere, hominibus autem focos patrios supra cuncta diligere » (Lepelley, 1990 : 35). Return to text

13 « canori turdi amant sui generis densitatem: strepentes sturni compares sequuntur indesinenter exercitus: murmurantes palumbi proprias diligunt cohortes et quicquid ad simplicem pertinet vitam, adunationis gratiam non refutat » (ibid.). Return to text

14 « invicem se diligendo muniuntur » (Lepelley, 1996 : 83). Return to text

15 « scriptores rerum naturalium… quas civico affectu vivere cognoverunt » (ibid.). Return to text

17 Cf. Thesaurus Linguae Latinae, s. v. « politia, ae » (en ligne). Consulté le 16 février 2023. URL : https://publikationen.badw.de/de/000094372. Return to text

18 Sur le choix de la traduction de convenientia par « accordance », cf. l’introduction. Return to text

19 Aucune communication ne fut consacrée aux penseurs de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen Âge lors du colloque Il concetto di “convenientia” tra Medioevo ed Età Moderna organisé par l’Université de Trente les 27 et 28 octobre 2022. Return to text

21 Le lecteur curieux trouvera bientôt un commentaire approfondi de cette épître dans le dernier volume de l’édition italienne (Giardina, Cecconi et Tantillo (éd.), 2014-[à paraître]). Return to text

22 Une analyse des relations diplomatiques entre les royaumes franc et goth a été proposée par Gioanni à partir de cette épître et d’autres (2023). Return to text

23 Cf. Thesaurus Linguae Latinae, s. v. : « convenientia, ae » (en ligne), Consulté le 16 février 2023. URL : https://publikationen.badw.de/de/000924307. Return to text

24 « iudiciale nescio quid, quod conditorem animalis insinuat deum, quem certe decet credere auctorem omnis conuenientiae atque concordiae » (Augustin, 2006 : 214). Return to text

25 « Deus ergo naturarum omnium sapientissimus conditor et iustissimus ordinator » (Aug., De civ., XIX, 13). Return to text

26 « ordo est parium dispariumque rerum sua cuique loca tribuens dispositio » (Augustin, 1960 : 108-111). Return to text

27 « Hinc etiam internosci potest, quod non frustra a Platone dictum sit, mundi animam musica convenientia fuisse coniunctam. Cum enim eo, quod in nobis est iunctum convenienterque coaptatum, illud excipimus, quod in sonis apte convenienterque coniunctum est, eoque delectamur, nos quoque ipsos eadem similitudine compactos esse cognoscimus » (Boèce, 2004 : 22-23). Return to text

28 « Ibi numerus quantus est notus efficitur, ibi linearum discretio absolute conspicitur, ibi convenientia musicae patet, ibi astrorum motus visuali cognitione certissimus est, ibi veritas superna videndo nota est ; Dei sapientiam contuebimur, qua maiestate singula quaeque disponat » (Cassiodore, 2017 : 368-369). Return to text

29 (Fauvinet-Ranson, 2006 : 316). Return to text

References

Electronic reference

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Author

Virgile Mayo

Virgile Mayo est doctorant en histoire de l’Antiquité, rattaché au laboratoire Dynamiques patrimoniales et culturelles (DYPAC) de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ/Paris-Saclay). Sa thèse s’intitule : « In varietate concordia. Étude de la société de l’Italie ostrogothique au prisme des conflits (489-537) ». Il bénéficie d’une cotutelle entre l’Université Paris-Saclay et l’Université de Padoue (en Italie) et travaille sous la direction de Vincent Puech (maître de conférences en histoire ancienne, UVSQ), Maria Cristina La Rocca (professeure d’histoire médiévale à l’Université de Padoue) et Sylvie Joye (professeure d’histoire médiévale à l’Université de Lorraine). Ses recherches portent sur les sociétés post-romaines (ive-xe siècles) et en particulier l’Italie ostrogothique (489-554). Il s’intéresse à la question de la conflictualité sociale, aux discours idéologiques et à la rhétorique latine tardive. Il mobilise des outils méthodologiques et conceptuels issus à la fois de l’histoire sociale, de l’anthropologie et de la philologie.

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