Introduction
Très peu d'études en proximité automobile ont été effectuées en France dans le but de caractériser et de quantifier les sources véhiculaires à l'échappement et hors échappement. Ces dernières incluent des processus comme l’abrasion des freins, des pneus et de la route, ou encore la remise en suspension des poussières de la chaussée due au déplacement des véhicules. La plupart du temps, seules les émissions à l'échappement sont considérées, ce qui peut largement sous-estimer la contribution des émissions véhiculaires aux PM10. Beaucoup de résultats présentés dans la littérature ne mentionnent pas si ces deux types de sources sont pris en compte mais, très majoritairement, les méthodologies utilisées ne permettent d’accéder qu’aux émissions à l'échappement. Ainsi, une étude à Marseille a montré qu'environ 17 % des PM2.5 étaient attribuées aux émissions véhiculaires (El Haddad et al., 2010). Plus généralement, les valeurs des contributions des sources "trafic" aux PM10 en Europe sont entre 15 et 39 % (Belis et al., 2013a), les protocoles utilisés attribuant majoritairement ces émissions aux émissions à l'échappement.
Cette étude présente la synthèse d'une partie des résultats principaux obtenus dans le cadre du projet PM-DRIVE (Particulate Matter Direct and Indirect On-Road Vehicular Emissions) financé par l'ADEME (Belis et al., 2013b). Elle a pour objectif d’exposer une méthodologie de déconvolution des sources en proximité automobile basée sur la caractérisation chimique détaillée des PM10 prélevées sur une base temporelle restreinte de 4h, ce qui n'a encore jamais été fait en France.
Prélèvements et analyses
Sites de mesure et protocole d'échantillonnage
Une campagne de mesure sur site a eu lieu du vendredi 9 septembre 2011 à 19h30 au vendredi 23 septembre 2011 à 15h30. Elle a été réalisée en concertation avec celle proposée dans le cadre du projet MOCoPo (Mesures et mOdélisation de la COngestion et de la POllution du trafic, financé par le PREDIT) (http://mocopo.ifsttar.fr/) qui inclut des mesures fines du trafic et des polluants atmosphériques réglementés, ces dernières étant réalisées par Air Rhône-Alpes. Deux sites particuliers de prélèvements ont été instrumentés pour notre étude : Grenoble-Échirolles, représentatif d'un site trafic, et Grenoble-Les Frênes, représentatif des conditions de fond urbain. Le site non permanent d’Échirolles est placé à une dizaine de mètres du bord de la rocade sud de Grenoble. Cette rocade contourne Grenoble du sud-ouest au nord-est, reliant l’A80 en direction de Lyon ou Marseille et l’A41 en direction de Chambéry. En semaine, environ 95 000 véhicules/jour y circulent dans les deux sens, contre 65 000 véhicules le dimanche. Le trafic circulant sur cette route est donc particulièrement dense. La station des Frênes est une station fixe du réseau d’Air Rhône-Alpes, caractéristique du fond urbain. Elle est placée dans une zone urbanisée, sur le toit d’une école maternelle située dans un parc. Les deux sites sont éloignés de 2,5 km l’un de l’autre à vol d’oiseau.
Sur les deux sites, les mesures des polluants réglementés en continu ont été effectuées simultanément, de même que les prélèvements de la matière particulaire sur filtres par un appareil DA80 (High Volume Aerosol Sampler) équipé d’une tête PM10. Les pas de temps choisis pour les prélèvements des filtres sont de 4h (7h30-11h30 et ainsi de suite), découpant ainsi la journée en 6 créneaux horaires. Ceux-ci ont été choisis de façon à distinguer l'évolution du trafic durant les périodes "chargées" et "creuses" de la journée. Un important parc instrumental a été mis en œuvre sur le site d’Échirolles dans le cadre de cette campagne. La plate-forme mobile MASSALYA (http://lce.univ-amu.fr/massalya.htm) a été mise en place par le LCE (Laboratoire Chimie Environnement, Marseille), contenant des instruments pour des mesures on-line, tels que HR-ToF-AMS (High-Resolution Time-of-Flight Aerosol Mass Spectrometer), MAAP (Multi Angle Aerosol Photometer), SMPS (Scanning Mobility Particle Sizer), PTR-ToF-MS (Proton-Transfer-Reaction Time-of-Flight Mass Spectrometer) (Haddad, 2011 ; Platt et al., 2013). Sur ce même site, des caméras (permettant la reconnaissance de plaques d'immatriculations, non utilisée dans cette étude) et des boucles électromagnétiques (donnant les comptages des véhicules par classes de taille) étaient également disponibles, afin d’obtenir des informations détaillées sur le trafic.
Seuls les résultats des analyses et mesures non continues en phase particulaire obtenues avec les collecteurs à haut débit seront discutés ici. Les particules PM10 ont été collectées sur des filtres en quartz préalablement conditionnés à 500 °C pendant huit heures (PallflexTM, diamètre 150 mm) avec des volumes d'échantillonnage d’environ 120 m3 par filtre. Suite aux prélèvements, les échantillons ont été conservés au congélateur à -18 °C dans des enveloppes de papier d’aluminium elles-mêmes dans des gaines plastiques hermétiquement fermées. Un blanc de terrain a été réalisé pour chaque série de 10 filtres. La même procédure a été mise en place pour les deux sites de prélèvements.
Analyses de la phase particulaire
Les filtres issus de la deuxième semaine (17/09-23/09) de la campagne ont été analysés pour les deux sites permettant de quantifier les espèces carbonées (carbone élémentaire EC et carbone organique OC), des ions majeurs, des alcanes linéaires, des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), un monosaccharide anhydre (lévoglucosan) et des métaux en trace. Un complément d'analyses (du 11/09 au 16/09) concernant les métaux, EC/OC, n-alcanes, hopanes, HAP et lévoglucosan, a été fait sur les filtres du site trafic de manière à avoir une base de données suffisante pour la discrimination des sources par analyse PMF sur ce site. Les analyses chimiques ont été réalisées selon des protocoles bien définis au laboratoire et déjà largement utilisés dans d’autres études (Jaffrezo et al., 2005 ; Piot et al., 2012 ; Waked et al., 2013), en particulier celles menées en partenariat avec des AASQA (ADEME-Particul’Air (http://lgge.osug.fr/article566.html).
Modèle récepteur : Positive Matrix Factorization (PMF)
Le modèle récepteur utilisé dans ce travail pour identifier et quantifier les différentes sources sur chaque site est le modèle par Positive Matrix Factorization (EPA PMF v3.0). Il s'agit d'une analyse multivariée permettant la réduction des variables en facteurs (Hopke, 2003 ; Paatero et Tapper, 1994). Aucune connaissance relative aux profils chimiques des sources influençant le site de mesure n'est requise a priori, ce qui constitue l'un des grands avantages de cette approche. Le modèle PMF prend en compte l'évolution de la concentration de chaque espèce mesurée et rassemble dans un même facteur les fractions des espèces évoluant de manière similaire. Une matrice d'incertitudes pour chaque espèce est également une des variables d’entrée du modèle, ce qui permet de préciser les solutions données pour les facteurs en attribuant un certain degré de liberté aux concentrations de chaque espèce.
Une des difficultés de l’interprétation des solutions fournies par ce calcul réside dans l’attribution des facteurs à une source géochimique bien définie. En effet, il est nécessaire de bien connaître cette géochimie des émissions pour les éventuelles sources présentes sur le site de mesure, afin de valider et d'attribuer correctement les profils chimiques des facteurs proposés par le modèle. On retiendra, d’une part, que l’analyse PMF nécessite l'utilisation d'un nombre d'échantillons relativement élevé afin de minimiser les incertitudes en apportant un jeu de contraintes élevées, et, d’autre part, qu’il est nécessaire de disposer de traceurs pertinents des sources a priori présentes sur le site, afin de les discriminer correctement.
La procédure suivante est suivie pour tenter d’aboutir à une solution que nous considérons comme la plus robuste possible et la plus pertinente géochimiquement : 1) sélection des espèces et détection des valeurs potentiellement aberrantes (valeurs extrêmes isolées), 2) calcul des incertitudes pour chaque espèce, 3) itération des calculs pour aboutir au choix du nombre de facteurs solutions, 4) attribution des profils obtenus à des sources, 5) évaluation de la qualité de la solution proposée par divers critères, 6) contribution de ces profils aux PM10, et évolutions temporelles. Une telle procédure est discutée en détail dans une étude précédente faite sur un jeu de données obtenu à Lens (Waked et al., 2013), ainsi que, très récemment, dans un document de synthèse européen (Belis et al., 2013b).
Identification et quantification des sources par méthode PMF
Composés indicateurs des sources du trafic
Les données obtenues par caméras et comptages par boucles électromagnétiques nous ont permis de valider que le flux maximal des véhicules légers se situe entre 7h30 et 11h30 et entre 15h30 et 19h30, créneaux correspondant aux trajets domicile-travail, et que le flux minimal se situe entre 23h30 et 3h30.
La comparaison des concentrations entre le site trafic d'Échirolles et le site de fond urbain des Frênes pour le créneau de trafic maximal nous a permis d'identifier les polluants majoritairement émis par la source trafic (Polo Rehn, 2013). La figure 1 présente un exemple de l'évolution, pour les deux sites, des concentrations d'une espèce indicatrice du trafic et notamment des émissions à l'échappement, le carbone élémentaire (EC). L'incrément moyen de concentration (calculé entre les deux sites) est de près de 80 % (tableau I). De plus, les concentrations à Échirolles présentent un signal périodique en relation avec le trafic, avec des pics de concentrations aux heures de pointe, et une évolution différente le weekend, pour lequel aucun pic matinal n'est observé.
Le tableau I présente les concentrations moyennes sur la période de mesures communes, obtenues pour les deux sites pour les espèces analysées dans les PM10, ainsi que leur incrément (ou enrichissement) entre les deux sites. Une discussion détaillée est présentée dans un autre document (Polo Rehn, 2013) incluant, entre autres, les corrélations observées entre espèces et une étude bibliographique sur les concentrations et les sources des éléments en trace mesurés, et des mesures directes à l’échappement réalisées dans le cadre du projet PM-Drive. Le test de Wilcoxon Signé est un test non paramétrique pour des échantillons appariés qui sert à tester si une population tend à avoir des valeurs plus grandes que celles d'une autre population (dans ce cas, avec p < 0.05).
Figure 1 : Évolution temporelle du carbone élémentaire (EC) à Grenoble.
Temporal evolution of elemental carbon (EC) in Grenoble.
On retiendra de ces résultats que les métaux Cu, Fe, Sn, Sb et Mn seraient de très bons indicateurs du trafic à l'échappement. Une fraction prédominante de Sb pourrait cependant être émise par des émissions hors échappement (Polo Rehn, 2013). Le calcium pourrait aussi être un bon indicateur des émissions hors échappement sur notre site de mesures trafic. Plus de détails sont disponibles dans Polo Rehn (2013).
Tableau 1 : Concentrations moyennes, écart types et médianes ; enrichissements moyens en %, et test de Wilcoxon Signé des espèces chimiques à Échirolles par rapport aux Frênes. OC, EC, PM10, PM2.5 et NOx sont en µg/m3, et les métaux, lévoglucosan et ions, sont en ng/m3. Les espèces ayant un enrichissement de plus de 50 % sont grisées.
Arithmetic means, medians and standard deviations, and average increments in %, Wilcoxon Signed-rank test of species in Échirolles related to Les Frênes. OC, EC, PM10, PM2.5 and NOx are in µg/m3 and metals and ions are in ng/m3. Species with an increment greater than 50% are highlighted.
Choix de la solution PMF
Au final, le nombre d'échantillons inclus dans l'analyse PMF est de 52. Ce nombre d’échantillons est relativement faible par rapport au nombre maintenant préconisé pour ce type d’analyses multivariées. Toutes les espèces mesurées ne sont pas utilisées pour l’analyse PMF. Les espèces choisies ont été sélectionnées, d’une part, suite aux travaux mentionnés dans la section ci-dessus, d’autre part, en fonction de l’expérience acquise dans des études précédentes, et enfin avec un travail itératif pour la recherche d’une solution stable et pertinente d’un point de vue géochimique. Ainsi, nous avons conservé des indicateurs du trafic tels que Cu et Fe, et d'autres métaux dont les incréments significatifs suggèrent une forte contribution de la source trafic à leurs concentrations, comme Cr, Mn, Ca, Sr et Sb. Sn a également été ajouté à la liste des indicateurs du trafic (malgré le résultat du test de Wilcoxon Signé indiquant une différence non significative des concentrations entre les deux sites) en raison de la présence de certains pics de concentrations aux mêmes horaires, entre 7h30 et 11h30 à Échirolles et aux Frênes. Cette espèce est aussi généralement considérée comme un bon indicateur du trafic dans la littérature (Amato et al., 2011).
V, Rb et Zn ont également été inclus, les deux premiers pour leur spécificité par rapport aux émissions industrielles et à la combustion de la biomasse, et le dernier pour sa corrélation avec les données de trafic, malgré le fait que les concentrations ne soient pas non plus significativement différentes entre le site trafic et le site de fond urbain. Al est aussi dans la base de données, en raison de son caractère crustal. Finalement, la présence du lévoglucosan dans le jeu de données utilisé est nécessaire pour l’obtention d’une solution stable. EC, OC et les ions majeurs font, bien sûr, également partie du jeu de données utilisées pour cette analyse PMF, comme éléments majeurs constitutifs des PM.
A contrario, As, Cd, Co et Ba n'ont pas été inclus dans l’analyse PMF pour des raisons d’instabilité des solutions qu’ils induisent. De plus, aucun incrément de concentration n'est visible entre Échirolles et Les Frênes pour As et Cd (pour lesquels on peut sans doute donc dire que la source trafic est négligeable), et les concentrations ne sont pas significativement différentes pour Ba en raison de quelques événements de fortes concentrations aux Frênes.
Des solutions variant entre 5 et 8 facteurs ont été testées afin d’identifier la solution la plus fiable possible. Une solution à 7 facteurs a finalement été retenue. L'évaluation du choix de ces facteurs se fait en particulier en considérant différents indicateurs statistiques, ainsi que la vraisemblance géochimique des profils des facteurs. Cette validation géochimique passe par l'observation des profils chimiques des facteurs et de la variabilité temporelle de leurs contributions aux PM10. Ces figures sont présentées en détail par ailleurs (Polo Rehn, 2013). La solution optimale proposée dans ce travail présente de ce point de vue une cohérence avec des données objectives (profils chimiques connus, cycles du trafic, etc.) ou subjectives (augmentation des espèces secondaires après l'épisode pluvieux, etc.) qui permettent de lui apporter une certaine confiance.
Les profils chimiques des facteurs "solutions" donnés par le modèle PMF pour le site d'Échirolles permettent de proposer les différentes sources suivantes, qui seront discutées dans la section 4.3 :
les émissions à l'échappement (traffic exhaust),
les émissions hors échappement (traffic non-exhaust),
l’usure des pièces métalliques (metals processing),
la combustion de biomasse et d'énergie fossile (bio and fossil fuel combustion),
les « sels » (salt),
le sulfate secondaire (sulfate-rich),
le nitrate secondaire (nitrate-rich).
On retiendra que la reconstruction des concentrations de la plupart des espèces majeures et mineures est bonne avec ce choix de solution (figure 2), avec des coefficients de corrélation entre concentrations mesurées et concentrations reconstruites très significatifs (Polo Rehn, 2013).
Figure 2. Concentrations mesurées et reconstruites avec la solution retenue pour le modèle PMF, pour quelques espèces importantes des PM10.
Reconstructed concentrations with the PMF solution vs. measured concentrations for some important chemical species of PM10.
Cependant, certains des indicateurs de qualité ne sont pas totalement satisfaisants. Ainsi, la valeur minimale de bootstrap obtenue avec cette solution est de 66 (Polo Rehn, 2013), alors que des valeurs supérieures à 90 sont maintenant considérées comme nécessaires (Belis et al., 2013b). La technique du bootstrap permet d'estimer la variabilité, et donc la stabilité, d'une solution PMF en générant une nouvelle matrice de données X avec les données initiales. Chaque nouvelle solution obtenue à partir de cette nouvelle matrice est comparée à la solution initiale. On notera que peu d’études de la littérature proposent une discussion critique des valeurs de bootstrap obtenues, ce qui rend difficiles les évaluations des solutions proposées ainsi que les comparaisons avec cette étude. En particulier, nous ne pouvons pas juger si nos solutions sont ou pas dans la moyenne de qualité des études précédentes sur ce sujet.
Plusieurs raisons pourraient être invoquées pour ces indices de qualité non totalement satisfaisants, comme par exemple le nombre relativement faible d’échantillons utilisés ou le manque de certains traceurs chimiques pertinents. Cela dit, on retiendra que sur la période de mesure, on a pu observer, d’une part, un épisode pluvieux intense (les 18 et 19 septembre), ainsi qu’une seconde semaine avec un accroissement très net des processus de formation d’aérosols secondaires. Ces deux processus peuvent perturber la stabilité dans le temps des profils des facteurs, induisant des difficultés dans la définition d’une solution de très grande qualité.
Géochimie et quantification des sources
La figure 3 présente les contributions moyennes aux PM10 et à l'EC des différents facteurs obtenus sur le site trafic d’Échirolles, sur la période de mesure. On peut remarquer en premier lieu la forte contribution du facteur sulfate-rich, avec 25 % de la masse totale des PM10 qui est associée à cette fraction secondaire. La contribution importante de cette composante peut être attribuée au transport à longues distances mais aussi aux jours ensoleillés durant la campagne, conduisant aussi à la formation d’une fraction organique secondaire via des réactions photochimiques (Cusack et al., 2013), dont une partie est inclue dans ce facteur, composé à 40 % environ de carbone organique (OC). Les concentrations de sulfate sont quasiment identiques sur les sites d’Échirolles et des Frênes, indiquant que ce facteur est associé à une influence à plus grande échelle.
La source nitrate-rich, d'origine secondaire, est aussi importante pour la composition des PM, avec une contribution moyenne de 14 % sur la période. Les concentrations de nitrate sur les sites trafic et urbain ne sont pas aussi bien corrélées que celles du sulfate, avec des concentrations supérieures en moyenne de 25 % pour le site trafic. Avec l’état de l’art actuel, il n’est pas possible de dire si les émissions véhiculaires directes (de NOx) ou indirectes (de nitrate de calcium, par exemple) issues du trafic de la Rocade sont en jeu : la présence de métaux en trace dans ce facteur pourrait l’indiquer, malgré des corrélations faibles avec les mesures de trafic. On y retrouve là aussi une composante organique marquée (Polo Rehn, 2013).
Figure 3. Contribution des sources identifiées (%) à la masse totale de PM10 (a) et à l’EC (b) à Échirolles.
Contribution of identified sources (%) to the total PM10 mass and to EC in Échirolles.
Le facteur « trafic à l'échappement » contribue à 17 % de la masse des PM10 en moyenne sur la période de mesure. Une telle contribution aux PM10 est en accord avec les contributions répertoriées en Europe, allant de 15 à 39 % sur des sites trafic (Belis et al., 2013a). Ce facteur est caractérisé par les larges fractions de Cu, Fe, Mn, Sn et Zn qui y sont inclues. La contribution du carbone organique y est faible (environ 10 % en masse) (Polo Rehn, 2013). La contribution majeure de cette même source à l'EC (36 %) est également nettement visible. Cependant, cette contribution à l'EC paraît faible, compte tenu de l'enrichissement moyen observé de près de 80 % entre Les Frênes et Échirolles pour cette espèce. Des résultats similaires ont été observés dans d'autres études (Shrivastava et al., 2007 ; Bernardoni et al., 2011 ; Moreno et al., 2013), où, bien que la majeure partie de l'EC se trouve dans le facteur des émissions du trafic à l'échappement, on observe également que le reste de l'EC est distribué dans les autres facteurs.
La contribution moyenne aux PM10 de la source « trafic hors échappement » est de 13 %. Cette contribution se trouve bien dans la gamme de 9-37 % observée dans d'autres études en Europe (Belis et al., 2013a). La contribution de la source « trafic hors échappement » à Échirolles est par exemple identique à celle reportée en Suisse (13 %) (Gianini et al., 2012). Ce facteur est déterminé par la présence de Cu et Sb, très fortement corrélés (r2=0.8), qui suggère la contribution de poussières issues de l'usure des freins (Sternbeck et al., 2002). Ces émissions d'usure des freins sont considérées comme l'une des sources les plus importantes des sources hors échappement (Harrison et al., 2012). Les présences de Ca et Sr indiquent aussi une origine crustale (remise en suspension des poussières du sol) mais aussi mécanique (usure des pièces mécaniques des véhicules), en accord avec une étude faite à Marylebone Road à Londres (Charron et Harrison, 2005).
La source dénommée « metals processing » qui se dégage à Échirolles ne contribue que pour 4 % en moyenne aux PM10. Ce facteur est dominé par la présence de Cr, Zn, Fe, Mn, Sn. Cette source pourrait être attribuée à l'usure des pièces métalliques des véhicules (Dall’Osto et al., 2012), mais cette signature est aussi potentiellement celle de processus industriels métallurgiques (Bernardoni et al., 2011). Sur notre campagne, le profil temporel obtenu (avec des pics de contribution pendant les périodes de congestion de trafic) laisse penser que l’influence du trafic est largement dominante pour ce facteur. Il s’agit donc très probablement d’une autre contribution indirecte du trafic.
La source « bio and fuel combustion » déterminée contribue à 17 % aux PM10. Il s'agit très probablement d’un mélange de sources de combustions, car la contribution à l'EC est relativement importante (17 %). Le lévoglucosan, traceur de la combustion de la biomasse, est très majoritairement associé à ce facteur, mais les faibles concentrations de ce composé à cette époque de l’année (au plus quelques dizaines de ng/m3) indiquent que la source « biomasse » n’y prend qu’une faible contribution.
Finalement, la source dénommée « salt » rassemble, pour 10 % de la masse des PM10 en moyenne, une part prédominante des ions Na+, Cl- et Mg2+, ainsi qu’une proportion du fer mesuré dans les PM. De telles signatures sont associées avec une composante crustale, mais elle est accompagnée ici d’une forte proportion d’EC (représentant environ 40 % de la masse du facteur). Il serait nécessaire, dans une étude future, de tester les conditions qui permettraient de conduire à la meilleure distinction possible entre un facteur « poussières du sol remises en suspension par le trafic » avec un facteur « fond crustal régional », ces deux facteurs ayant tous les deux par nature des signatures chimiques assez proches.
En conclusion, la contribution majeure à l'EC est la source de trafic à l'échappement, celle aux PM10 reste sur cette période, la source secondaire des aérosols (avec une différenciation marquée entre sulfate et nitrate). Mais on retrouve bien sur ce site trafic des contributions élevées des sources véhiculaires, comprenant à la fois les sources à l'échappement et hors échappement. Un des chiffres à retenir est certainement celui de la contribution totale aux PM10 par l’ensemble des émissions véhiculaires à l'échappement et hors échappement : elle est a minima de 34 % en moyenne sur la période. Des indications obtenues dans cette étude montrent qu’il est sans doute nécessaire de rajouter à ces 34 % une part du facteur « nitrate-rich » et une part du facteur « salt », mais des études supplémentaires seraient nécessaires pour réaliser de telles quantifications.
La contribution des sources aux PM10 à Échirolles, durant les heures de pointe et durant la nuit, est présentée sur la figure 4. Les différences de contribution aux PM10 des facteurs liés aux émissions du trafic sont saisissantes. Celles des émissions directes ne sont que de 1 % la nuit, alors qu'elles sont de 39 % durant les heures de pointe du trafic. La contribution des émissions indirectes est par contre plus forte la nuit que la journée : on sait que la remise en suspension des poussières du sol dépend de la vitesse des véhicules, qui est bien sûr plus forte la nuit que lors des périodes de congestion. À l’inverse, la source « metals processing » voit sa contribution relative varier de 12 % à 3 % entre les deux créneaux, en accord avec des moteurs plus chauds et un nombre de véhicules plus grand durant les périodes de trafic dense. Ainsi, la contribution totale des sources trafic aux PM10 passe de 57 % durant les heures de pointe, à 14 % durant la nuit. Ces pourcentages sont obtenus pour des concentrations en PM ne variant pas significativement entre les 2 périodes (21 µg/m3 environ le jour, et 20 µg/m3 environ la nuit).
Figure 4. Contributions moyennes des sources aux PM10 de 7h30 à 11h30 (a) et de 23h30 à 3h30 (b) pour le site trafic d’Échirolles.
Average contributions of the identified sources (%) to PM10 between 7.30 and 11.30 (a) and between 23.30 and 3.30 (b) in Échirolles.
Conclusions
Cette étude est un premier pas vers la mise en place de méthodologies pour la caractérisation et la quantification des différentes sources des émissions directes et indirectes issues du trafic, à l'échappement des véhicules et hors échappement. Les points forts de cette étude sont la résolution temporelle choisie basée sur des créneaux horaires de quatre heures, une caractérisation chimique détaillée incluant de nombreux traceurs, ainsi que la comparaison des évolutions des concentrations sur deux sites proches, un site trafic et un site de fond urbain.
Ainsi, cette comparaison des évolutions des concentrations des espèces chimiques sur ces deux sites durant le créneau d'heure de pointe du trafic a permis de mettre en évidence de très bons indicateurs des émissions véhiculaires tels que Cu, Fe, Sb, Mn et Sn. Le modèle source-récepteur utilisé pour identifier et quantifier les différentes sources contribuant aux PM10 sur le site trafic est le modèle PMF. Une solution à 7 facteurs a été retenue comme solution la plus pertinente, qui permette une bonne reconstruction des concentrations de la plupart des espèces chimiques. Ces facteurs sont : les émissions à l'échappement, les émissions hors échappement, l'usure des pièces métalliques, la combustion de la biomasse et d'énergie fossile, un facteur secondaire dominé par le sulfate secondaire, un autre par le nitrate secondaire, et enfin un facteur caractérisé par des sels.
Deux points sont importants à souligner parmi les résultats obtenus : le premier concerne la somme des contributions aux PM10 des sources à l'échappement et hors échappement, qui est de 34 % en moyenne sur la période d’étude, alors que la seule contribution des émissions véhiculaires à l'échappement est de 17 %. Le second point concerne la différence marquante de la contribution aux PM10 des émissions véhiculaires totales entre la période de pointe du trafic (57 %) et la période « creuse » de la nuit (14 %). Les résultats obtenus sont donc particulièrement intéressants, mais ils demanderaient à être confirmés par d’autres études du même type, en particulier en améliorant les paramètres statistiques de validation du modèle PMF dont certains restent d’une qualité moyenne pour cette étude.
Remerciements :
Nous remercions particulièrement les personnels d’Air Rhône-Alpes qui ont participé très activement à cette étude lors de la campagne de terrain. L’allocation de recherche de Lucie Polo a été financée par la Région Rhône-Alpes, que nous tenons vivement à remercier ici. Nous remercions également l’ADEME et le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire pour les financements des projets PM-DRIVE (convention n° 1162C0002) et MOCoPo. Nous remercions finalement aussi chaleureusement Christine Buisson, coordinatrice du projet MOCoPo, de nous avoir permis de nous joindre à la campagne de septembre 2011.