Le Plan national de Réduction des Émissions de Polluants Atmosphériques (PREPA) est instauré par l’article 64 de la Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV). Cette loi prévoit une plus grande cohérence des politiques énergétiques et de lutte contre la pollution de l’air ; elle vise à intégrer l’objectif de réduction de l’exposition des citoyens à la pollution de l’air dans les objectifs de la transition énergétique (art. L.100-1-4 du code de l’énergie). À ce titre, elle énonce plusieurs mesures phares en faveur de la qualité de l’air. L’article 64 de la loi rappelle que la politique énergétique devra notamment contribuer à l’atteinte des objectifs du Plan national de Réduction des Émissions de Polluants Atmosphériques (PREPA).
Le PREPA a donc vocation à être un programme d’actions prévu pour 5 ans ; il s’appuie sur des mesures déjà mises en place ou très récemment mises en place, dont les impacts sur les niveaux d’émissions de polluants vont s’étaler depuis les années actuelles jusqu’au-delà de 2020, voire 2030 et sur des mesures complémentaires pour aller plus loin dans la réduction des émissions, condition nécessaire pour abaisser les niveaux de concentration des polluants dans l’air ambiant. Son objectif consiste à réduire les émissions et les concentrations de polluants atmosphériques, grâce au respect des exigences européennes en matière de réduction des émissions de polluants (directive (EU 2016/2284) adoptée le 14 décembre 2016). Un des objectifs est de ne plus avoir de dépassements des valeurs limites de polluants dans l’air ambiant (directive QA 2008/50/CE).
Le projet de décret PREPA fixe les réductions suivantes de certains polluants, conformes à la directive 2016/2284 :
% de réduction / 2005 |
2020 |
2025 |
2030 |
SO2 |
- 55 % |
- 66 % |
- 77 % |
NOx |
- 50 % |
- 60 % |
- 69 % |
COVNM |
- 43 % |
- 47 % |
- 52 % |
NH3 |
- 4 % |
- 8 % |
- 13 % |
PM2,5 |
- 27 % |
- 42 % |
- 57 % |
Tableau 1. Réductions des émissions de polluants atmosphériques du projet de décret PREPA, exprimés en pourcentage de réduction des émissions une année cible par rapport aux émissions de 2005.
Ce ne sont pas uniquement les objectifs poursuivis qui confèrent à ce plan son originalité mais la méthode utilisée pour son élaboration. En effet, il ne propose pas un simple empilement des dispositifs qui n’ont pas donné les résultats escomptés mais il a pour ambition de proposer des mesures dont l’efficacité a été testée préalablement, sans oublier de mentionner, à l’intention des différentes échelles de la gouvernance, quels doivent être les efforts à accomplir pour augmenter l’acceptabilité juridique et sociale des mesures proposées.
1. Quelles sont les caractéristiques principales de ce projet ?
Il s’inscrit dans la stratégie thématique Air de l’UE, qui évolue constamment en raison des changements rapides effectués dans le contexte européen de la qualité de l’air.
1.1. La stratégie thématique Air de l’UE a été révisée en 2005
Cette révision a notamment débouché sur une révision des directives « qualité de l’air » en 2008. La Commission a entièrement revu sa stratégie concernant l’air en 2013, après avoir réalisé un état des lieux précis de la situation. Elle a proposé le « Paquet Air » en décembre 2013. Il s’agit d’un nouveau Programme Air Pur pour l’Europe avec de nouveaux objectifs de réduction des émissions pour la période allant jusqu’en 2030. Le « Paquet Air » est basé sur un objectif de réduction de 52 % de la mortalité liée à la pollution atmosphérique entre 2005 et 2030. Il a été en négociation sur une longue période pour finalement produire deux nouvelles directives : la directive installations de combustion de taille moyenne, qui couvre les installations de 1 à 50 MW qui n’étaient pas encore couvertes par une directive européenne, et la directive 2016/2284 relative à la réduction des émissions de certains polluants (SO2, NOx, COVNM, PM2.5, NH3). Dans ce paquet législatif, figure aussi un texte de ratification du protocole de Göteborg amendé en 2012, que la Commission devrait ratifier en 2017.
1.2. Le PREPA s’inscrit dans une démarche globale d’amélioration de la qualité de l’air
Au-delà de son obligation réglementaire voulue par les autorités, le PREPA a donc vocation à être un programme d’actions pour la réduction des émissions de polluants et l’amélioration de la qualité de l’air.
Son inscription au sein de la LTECV indique clairement la volonté d’intégrer l’approche Climat, Air, Énergie.
Ce texte fait aussi le lien avec les différents schémas locaux, puisque les objectifs du PREPA doivent être pris en compte (art. 17) dans les SRCAE, ainsi que dans les plans de protection de l’atmosphère. « Les objectifs et les actions du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques sont pris en compte dans les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (code de l’environnement, article L. 222-1) et dans les plans de protection de l’atmosphère (code de l’environnement, article L. 222-4) ». Le PREPA pourra venir en appui aux plans locaux existants pour en faciliter la mise en œuvre et l’efficacité. Pour certaines actions de réduction, en effet, qui pourraient être mises en place au plan local, une mesure nationale peut être nécessaire. À l’inverse, le PREPA se nourrit aussi des PPA, en étendant certaines mesures locales au niveau national.
L’intérêt de ce plan réside, certes, dans son intégration dans une démarche globale mais aussi dans la manière dont il est élaboré avec une méthodologie qui souhaite tirer parti des expériences déjà réalisées pour évaluer quelle a été l’efficacité des réglementations antérieures. Il s’appuie sur la caractérisation des mesures de réduction proposées au regard de leur efficacité, coûts, bénéfices, faisabilité sociétale.
2. Méthode d’évaluation des mesures antérieures
L’étude « Aide à la décision pour l’élaboration du PREPA », menée par un groupement1, analyse la faisabilité et l’efficacité des mesures de réduction des émissions de polluants engagées récemment.
Le travail a consisté à sélectionner et analyser différentes mesures potentiellement efficaces pour réduire les émissions de polluants atmosphériques afin de les hiérarchiser au regard d’une approche multicritères. Une cinquantaine d’actions dans les différents secteurs d’activités ont été sélectionnées et ont fait l’objet d’une évaluation sur 7 critères différents (figure 1), notamment leur effet sur la réduction des émissions, la diminution des concentrations, le coût/bénéfice, le coût/efficacité ou encore l’éco-bénéfice. Un travail sur l’acceptabilité sociale des mesures, ainsi que sur leur faisabilité juridique, a également été mené.
Grâce à ces différentes évaluations, il a été possible de hiérarchiser les mesures en fonction de leur efficacité sur les réductions d’émissions.
Sur les 50 mesures testées, le projet d’arrêté relatif au PREPA en a retenu une vingtaine.
Figure 1. Les 7 critères d’évaluation des mesures examinées.
2.1. Une première difficulté consiste à évaluer les mesures à prendre en considération
Une cinquantaine de mesures ont été testées, mais certaines sont difficilement évaluables au niveau national de par leur nature, par exemple. Ainsi, il est difficile d’estimer l’impact en termes de réduction des émissions de mesures au caractère incitatif et pédagogique destiné à favoriser l’engagement du public ou d’acteurs des transports.
Les mesures couvrent l’ensemble des secteurs émetteurs et des territoires situés à des échelles très variées puisque les concentrations observées dans l’air ambiant peuvent avoir des origines transfrontières, nationales ou locales.
Un ensemble de mesures visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, par exemple dans le bâtiment, impacte aussi l’évolution des émissions de polluants. Leur succès est essentiel pour conforter les dispositions du PREPA.
2.2. Un exemple : les ZCR (Zones à Circulation Restreinte)
Cette mesure, selon l’expérience réalisée par les LEZ (Low Emissions Zones), apporte un fort potentiel de réduction en 2020, du fait de la part importante de véhicules inférieurs à la norme Euro 4 (considérée ici comme une norme minimale pour l’autorisation de circulation) encore en circulation. Ce seuil a été relevé à la norme Euro 5 minimum pour l’année 2030, mais la plupart des véhicules auront déjà dépassé ce stade. À moins d’un renforcement des limitations, on peut donc s’attendre à un moindre impact de la mesure en 2030, comme le montre l’estimation effectuée dans le tableau ci-dessous. Celui-ci quantifie la réduction des émissions qui serait observée sur les NOx, les PM et les COV. Elle a été évaluée dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants, les plus susceptibles de mettre en place une ZCR.
Tableau 2. Réductions des émissions obtenues pour 2020 et 2030 par une mesure ZCR dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants.
Figure 2. Nombre de dépassements des seuils d’information journaliers et horaires évités par la mesure ZCR, dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants.
Le modèle CHIMERE a permis d’évaluer l’impact sur la qualité de l’air des mesures, et notamment la réduction du nombre de dépassements qui serait obtenue par cette mesure. Cependant, surtout en région parisienne, le nombre de pics d’ozone peut avoir tendance à augmenter, puisque les émissions de monoxyde d’azote diminuent (figure 2).
En dépit du caractère local de cette mesure, qui s’exerce uniquement dans les villes, son effet sur la santé est significatif car elle cible une amélioration de la qualité de l’air dans les zones les plus peuplées. En plus des bénéfices sanitaires importants, cette mesure conduit à des économies de carburant qui excèdent les coûts de renouvellement des véhicules et les coûts de mise en œuvre de ce dispositif par les collectivités, et qui rendent le coût total négatif. La mise en place des ZCR permettrait l’économie de 107 millions d’euros par an (en 2020).
Si les obstacles juridiques ont été levés par la LTE, les controverses restent vives ; elles portent sur la réglementation jugée contraignante pour les plus modestes et pour les utilisateurs professionnels du transport.
Néanmoins, on peut imaginer que des dispositifs d’accompagnement des populations concernées (système d’identification des véhicules simple et lisible, offre alternative de transport au véhicule personnel, aides financières pour les populations en mobilité précaire…) puissent améliorer l’acceptation sociale de cette mesure pourtant très efficace.
Conclusions
La méthodologie adoptée pour sélectionner les mesures repose sur de nombreuses hypothèses et sur un travail important de simulations d’émissions et de concentrations, qui n’est pas détaillé ici mais dont les rapports2 rendent compte. Il est permis de penser que cet investissement lourd, effectué à l’amont de la prise de décision, se traduira par une efficacité du dispositif qui permettra à la France d’honorer ses engagements en améliorant la qualité de l’air respiré par les habitants.
Ce document reflète les préoccupations de la société actuelle, cristallisées principalement sur la réduction des particules. Le précédent document, établi en 2003, était plus orienté vers la question de l’ozone au lendemain de la canicule estivale. En quinze ans, l’évolution des connaissances a beaucoup mis l’accent sur les effets sanitaires néfastes des particules ; ainsi, la législation au cours de ces années a principalement concentré son action sur les particules, sans toutefois négliger les autres polluants.
Les parties prenantes consultées ont souligné les difficultés que l’articulation entre les niveaux nationaux et locaux peut poser, en raison de la diversité des contextes locaux. Par exemple, le PPA d’Ile de France, en cours de révision et élaboré avec la même méthodologie, met en évidence les incertitudes occasionnées par l’imbrication des compétences aux différents échelons administratifs. L’enjeu consiste donc à organiser une gouvernance qui puisse fonctionner simultanément à différentes échelles. En outre, l’analyse de l’exemple des ZCR met l’accent sur l’importance qui doit être accordée à l’accompagnement de ces mesures pour en augmenter leur acceptabilité sociale ; il s’agit donc, à l’échelle locale, d’organiser un maillage territorial au plus près des habitants, pour prendre en compte les difficultés rencontrées localement et permettre que ces mesures soient appropriées par le plus grand nombre.