Hélène, entre beau et sublime : vecteur de paix ou de guerre ?

Étude sur La Guerre de Troie n’aura pas lieu (Jean Giraudoux) et L’Exil d’Hélène (Albert Camus)

DOI : 10.54563/revue-k.1488

Plan

Texte

La figure d’Hélène, l’une des plus célèbres de la mythologie grecque, a toujours suscité l’intérêt des artistes et des philosophes1. Bien que sa fortune ne puisse rivaliser avec celle d’autres figures (Backès, 1984, p. 5), la quantité de réécritures et de lectures la concernant, parfois radicalement divergentes, est tout à fait impressionnante. Si nous souhaitions dégager la véritable identité de ce personnage, ne serait-ce qu’au cours de l’Antiquité, nous nous retrouverions face à une tâche téméraire. Hélène est un spectre, une image changeante et capricieuse, une apparence exceptionnellement malléable. Pourtant, malgré cette fluidité la caractérisant, un aspect en particulier demeure stable : par sa beauté, Hélène est incontestablement et sans cesse l’élément déclencheur de la guerre la plus légendaire qui soit : « What makes the Trojan War story distinctive, despite its countless permutations over time, is the fact that it is always caused, somehow, by Helen as the embodiment of female beauty » (Blondell, 2013, pp. 27-28). Ainsi, au-delà de toute barrière temporelle, cette héroïne devient par la suite un point de départ pour entamer un discours tant sur des questions politiques, comme celles de la guerre et de la paix, que sur des questions esthétiques, comme celles du beau et du sublime.

Dans le cadre de notre étude comparatiste, nous nous pencherons sur deux réécritures qui reflètent bien cette complexité, cette double possibilité : celle de Jean Giraudoux, dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu (1935), et celle d’Albert Camus, dans L’Exil d’Hélène (1948). Tout en partageant une même admiration pour la pensée2 et la mythologie grecques3, les représentations des deux auteurs présentent des différences. Giraudoux, profitant de toute la richesse de la tradition, donne vie à une Hélène sublime4, à une créature miroir qui, otage du destin et de la stupidité humaine, finit par déclencher une guerre : « ULYSSE : Elle [Hélène] est une des rares créatures que le destin met en circulation sur la terre pour son usage personnel » (Giraudoux, 1982,p. 547). Camus, optant pour une tradition qui remonte jusqu’à Gorgias et Isocrate, fait d’Hélène le symbole de la beauté et de la mesure5 : « Nous avons exilé la beauté, les Grecs ont pris les armes pour elle » (Camus, 2008a, p. 597). 

Cette distance s’explique par un contexte historique et politique qui, malgré le faible écart temporel, est tout à fait distinct : entre La Guerre de Troie n’aura pas lieu et L’Exil d’Hélène, la Seconde Guerre mondiale a eu lieu. Giraudoux conçoit et écrit sa pièce avant la catastrophe, dans un moment de turbulence politique (le pouvoir d’Hitler est en plein essor, Mussolini tente de lancer son plan colonial, les autres nations sont prises au dépourvu) et avec l’intention de conjurer un conflit qui, à défaut d’une diplomatie efficace et pacifique (Giraudoux souligne déjà, et à plusieurs reprises, l’échec de Versailles6), semble de plus en plus inéluctable. Camus écrit son essai après la catastrophe, dans une volonté de reconstruction et de réorientation (les menaces du communisme stalinien et, donc, d’une nouvelle guerre mondiale sont bien réelles), sous le signe de la beauté et de la lumière grecque : « Dans la renaissance civilisationnelle à laquelle l’écrivain aspire à cette période, ce texte fait de la beauté naturelle, célébrée par les Grecs, une valeur originelle, une source à laquelle puiser pour “rebâtir” l’homme » (Lager, 2022, p. 271).

Outre illustrer les particularités des deux Hélène (d’une part la sublime Hélène de Giraudoux et d’autre part la belle Hélène de Camus), les pages qui suivent veulent aussi montrer comment ces auteurs finissent tout de même par se rejoindre et par faire de l’héroïne grecque un véritable vecteur de paix. Si l’interprétation de l’Hélène camusienne se révèle claire et sans ambiguïté (le choix du genre de l’essai y joue un rôle évident), celle de Giraudoux apparaît plus complexe : à travers la mobilisation du sublime, provoquant dans la pièce l’éclat de la guerre, le dramaturge semble inviter ses contemporains à une dialectique de la conciliation. Ainsi, Giraudoux se tourne vers une politisation du sublime ou vers une esthétique du sublime exerçant une influence sur la sphère politique : dans ce cas une sphère politique hantée par les intérêts particuliers et par la soif de totalité.

1. La sublime Hélène 

Pour qu’il soit possible de saisir toute la singularité de l’Hélène de Giraudoux, il est donc fondamental de faire appel à une notion comme celle de sublime7.

Selon Jean-François Lyotard, qui entreprend sa réflexion esthétique à partir de l’esthétique kantienne, le sublime, un mélange ambivalent de plaisir et de souffrance (ou de plaisir qui suit à un moment de souffrance) est, contrairement au beau, issu du contact subjectif avec l’imprésentable (ce qui est privé de forme, de limite), avec quelque chose (ou mieux un évènement) qui peut aboutir sur un concept sans pour autant impliquer les capacités, l’imagination nous permettant de l’exemplifier, de l’expliquer : « Ce qui éveille […] le sentiment sublime […][c’est] de la grandeur, de la force, de la quantité à l’état pur, une “présence” qui excède ce que la pensée imaginante peut saisir, d’un coup, en une forme – ce qu’elle peut former. […] La violence sublime est comme la foudre. Elle court-circuite la pensée avec elle-même » (Lyotard, 2015, pp. 56-57). Le sublime correspond au refus de l’unité et de la simplification : il se range plutôt du côté du désaccord, de la révolution : « Le sentiment sublime n’est, à cet égard, que l’irruption, dans et à la pensée, de ce sourd désir d’illimitation. La pensée “passe à l’acte”, elle “acte” l’impossible, elle “réalise”, subjectivement, sa toute-puissance » (p. 58). Le sublime joue aussi un rôle dans le monde politique : en tant que politique du sublime, vouée à la terreur et au totalitarisme (Lyotard, 1986a, pp. 112-113), ou en tant qu’esthétique du sublime en politique8.

L’Hélène de Giraudoux est une véritable enseigne du sublime, du sans forme, de l’imprésentable. Cette créature, dont l’auteur diffère l’apparition au maximum (Acte 1, Scène 7), échappe à toute tentative de définition. L’excès (et donc échec) herméneutique qui frappe les personnages de la pièce, chacun avec sa propre vision unique et inconciliable, manifeste toutes les limites de l’imagination humaine. Le désaccord qui plane sur la figure d’Hélène fait parfaitement écho à Lyotard, car le sublime, en contraste avec le beau, ne se fonde pas sur un consensus : « une esthétique de la dénaturation, vient briser le bon ordre de l’esthétique naturelle et suspendre la fonction qu’elle assume dans le projet d’unification (Lyotard, 2015, pp. 56) ».

Ainsi, Pâris considère Hélène comme une « une très gentille personne » (Giraudoux, 1982, p. 490) et, plus tard, comme « une gentille petite gazelle9 » (ib.). Pour Hector, il s’agit d’une femme comme une autre, « une femme jeune qui rajuste sa sandale » (p. 95) et qui a « deux fesses charmantes » (p. 496). Pour Priam, c’est « une espèce d’absolution » (p. 497), c’est celle qui a réintroduit à Troie le pardon, la revanche, l’avenir. Pour le Géomètre, il s’agit de l’image de la mesure, de celle qui a donné au paysage « son sens et sa fermeté » (ib.). Selon Demokos, le démagogue et le propagandiste de la ville10, Hélène est un symbole de la beauté et de l’amour, un symbole qui semble aussi faire écho à « l’intelligence, l’harmonie, la douceur » (p. 496). Pour les vieux débauchés de la ville11, qui assistent à son passage comme des animaux congestionnés, Hélène correspond plutôt au désir luxurieux de la chair : « CASSANDRE : Beau spectacle. Les barbes sont blanches et les visages rouges. […] Les voilà qui se penchent tout d’un coup, comme les cigognes quand passe un rat » (p. 493). Pour les femmes de Troie, plus lucides que les hommes, Hélène est une petite femme, « une blonde » (p. 496), un reflet de la stupidité et de l’ignorance masculine : « HÉCUBE : Je vais vous le dire, moi, ce qu’est la femme. […] C’est très simple. Voilà cinquante ans que je suis une femme et je n’ai jamais pu encore savoir au juste ce que j’étais » (p. 499). Avec les Grecs aux portes de la ville, Démokos et Hécube, pourtant si différents, semblent enfin s’accorder sur une interprétation ultérieure et presque définitive : le visage d’Hélène est celui de la guerre. Faire d’Hélène le symbole de la guerre revient à relancer, une fois de plus, sa puissance sublime : de ce point de vue, dans Critique de la faculté de juger, Emmanuel Kant considère que la guerre a en soi quelque chose de sublime, notamment « lorsqu’elle est conduite avec ordre et dans le respect sacré des droits civils » (Kant, 1985, p. 1033). Une telle richesse d’interprétations et de lectures font de La Guerre de Troie n’aura pas lieu « un texte polyphonique » (Body, 2015, p. 15), un texte qui s’ouvre aussi à une tradition de réécritures et de lectures différentes : Hélène se prophétisant elle-même « avachie, édentée, suçotant accroupie quelque confiture dans sa cuisine ! » (Giraudoux, 1982, p. 532) est un clin d’œil évident à l’Hélène de Pierre de Ronsard.

L’Hélène de Giraudoux est une créature double et insaisissable, une créature présente seulement si distante ; pour citer Pâris : « l’absence d’Hélène dans sa présence vaut tout » (p. 491). Cette distance serait-elle la prémisse du sublime qu’elle dégage ? Hélène créerait-elle le même effet (d’imagination débordée) qu’un observateur peut éprouver lorsqu’il regarde l’arête de la pyramide ou l’intérieur de Saint-Pierre ? « Comme le regard sur l’arête de la pyramide ou l’intérieur de Saint-Pierre peut l’être s’il se trouve à une distance telle qu’il ne peut pas “comprendre” d’un coup ce qu’il peut “composer” par la suite » (Lyotard, 2015, p. 104). L’absence d’Hélène est aussi une absence intellectuelle et émotionnelle : du moins initialement12, elle semblerait être un simple récipient vide, un monstre de passivité, un être réifié. Sa première apparition est tout à fait révélatrice : en plus d’adapter son discours à la volonté de son interlocuteur (Pâris et Hector dans ce cas13), l’héroïne fait preuve d’une carence de curiosité, de sentiments, d’empathie. Chez elle la Grèce se résume à « beaucoup de rois et de chèvres éparpillés sur du marbre » (Giraudoux, 1982, p. 505). Non seulement elle n’a jamais bien vu Ménélas, mais Pâris aussi lui est quasiment indifférent (elle l’adore, elle ne l’aime pas) : ce qu’elle préfère c’est d’avoir des hommes à « frotter contre soi comme des grands savons » (p. 507). Bien qu’elle puisse voir dans l’avenir le bain de sang provoqué par le guerre imminente, Hélène ne ressent aucun type compassion pour les troyens : ses yeux sont aveugles à la souffrance (p. 508). La cécité attribuée à Hélène, qui se répand ensuite sur autrui, ne fait que l’éloigner de tout ce qui est humain, que renforcer son caractère particulier, sublime.

L’insaisissabilité et la duplicité d’Hélène sont corroborées par l’apparition du motif du miroir : Hélène porte avec soi le miroir du monde, du destin, de la force des choses : « HECTOR : Par quelle divagation le monde a-t-il été placer son miroir dans cette tête obtuse ? » (p. 510). La plume de Giraudoux arrive à créer une Hélène moderniste (pour Lyotard le modernisme participe au sublime), une figure caractérisée par une identité fragmentée et conditionnée par le regard d’autrui. Pour utiliser une terminologie pirandellienne, que Giraudoux a certainement pu croiser14, la personne cohérente, que les écrivains et les dramaturges s’amusaient auparavant à mettre en scène, laisse la place au masque, au personnage incohérent et incomplet de la modernité post-freudienne ou post-nietzschéenne (Luperini, 2015, p. 66). Ce ne pas un hasard si, malgré les nombreuses divagations sur la beauté d’Hélène, il est impossible de repérer dans le texte des détails précis sur son apparence.

La Guerre de Troie n’aura pas lieu, que certains critiques ont pu interpréter comme une œuvre pessimiste ou désespérée (Giraudoux, 1982, p. 1498), est dans son essence profondément humaniste : « – Je m’attache à dénombrer ces forces obscures et à leur enlever ce qu’elles ont d’obscur, à les montrer en pleine clarté. Je fais mon métier : aux hommes qui m’écoutent, si je les ai convaincus, d’agir contre elles, de les briser » (Giraudoux, 1935). Avec la montée au pouvoir d’Hitler et le début de la campagne de Mussolini en Éthiopie, Giraudoux, en 1935 (année de conception et de sortie de la pièce), tente aussi de conjurer la déflagration de la Seconde Guerre mondiale, désormais dans l’air du temps. La richesse d’allusions anachroniques à l’actualité politique rend ce dessein plus que manifeste : l’intervention du juriste Busiris (Acte II, Scène V15), qui dans la pièce représente une diplomatie inepte et incapable de prendre le parti de la paix, rappelle la conférence de Stresa (1935) et, dans la même année, la désignation de M. Nicolas Politis (les deux noms manifestent une ressemblance évidente) comme expert neutre afin de résoudre les tensions entre l’Italie et l’Abyssinie (Graumann, 1978, pp. 29-34) ; en train de dialoguer avec Hector pour la paix, Ulysse fait aussi une allusion évidente à la théorie hitlérienne de l’espace vital (Lebensraum) : « Les autres Grecs pensent que Troie est riche, ses entrepôts magnifiques, sa banlieue fertile. Ils pensent qu’ils sont à l’étroit sur du roc » (Giraudoux, 1982, p. 546).

Choisir de représenter tout ce qui est à l’origine de la guerre de Troie – en particulier l’impuissance de l’Homme par rapport au destin et par rapport au sublime d’Hélène – revient à pointer du doigt un phénomène qui risque de se reproduire dans le présent, à réaliser un portait d’une civilisation au bord du gouffre, à faire de son mieux pour redresser le chemin de l’Histoire ou pour briser sa circularité. Si dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu il y a du désespoir, il s’agit d’un désespoir engagé, responsable. Dans cette même optique, Henri Gouhier parle d’un « regard désespéré » comme « suprême ressource contre le désespoir » : « On veut se demander si ce regard désespéré sur le monde actuel n’est pas une suprême ressource contre le désespoir. Faire de la lucidité une puissance magique, prévenir la catastrophe en détruisant d’avance son mystère, détraquer les jouets du destin en essayant d’être des hommes » (Gouhier, 1935). Un tel exercice de lucidité passe par Hélène et par l’emploi d’une véritable esthétique du sublime, une esthétique qui, de manière révolutionnaire, vise à créer dans le spectateur un soupçon, une remise en cause des modèles dominants ainsi qu’un refus de l’égoïsme se cachant dans l’univers politique (Lyotard, 1988, p. 71).

2. La belle Hélène

L’Exil d’Hélène constitue une prise de position contre les dérives de la civilisation moderne, une civilisation qui aurait choisi de chasser la beauté au profit de la « totalité » et de la « démesure » : « Notre Europe […], lancée à la conquête de la totalité, est fille de la démesure » (Camus, 2008a, p. 597). Avant d’arriver à un lyrisme s’éloignant de l’abstraction du simple pamphlet (Lager, 2022, p. 284), l’essai de Camus aborde la diffusion massive (en France comme en Europe) d’un rationalisme historiciste qui, en faisant coïncider la morale avec le devenir de l’histoire, aurait débouché sur le nihilisme et « l’élargissement de la terreur » (Camus, 2008a, p. 177). Lorsqu’il parle d’historicisme, Camus vise surtout l’utopie communiste, de plus en plus puissante depuis le succès soviétique dans la Seconde Guerre mondiale. En effet, Camus, influencé par la déclinaison russe du communisme, voit dans l’idéologie communiste une idéologie légitimant la violence, le mensonge et l’utilisation de la terreur :

Car la terreur ne se légitime que si l’on admet le principe : “La fin justifie les moyens.” Et ce principe ne peut s’admettre que si l’efficacité d’une action est posée en but absolu, comme c’est le cas dans les idéologies nihilistes […] ou dans les philosophies qui font de l’histoire un absolu (Hegel, puis Marx : le but étant la société sans classes, tout est bon qui y conduit) (Camus, 2006b, p. 441).

Repérant une logique dans l’histoire et prophétisant l’arrivée d’un paradis sans classes ni conflits, la pensée de Marx, que Camus examine dans L’Homme révolté (1951), justifierait aussi le réalisme politique et la formation d’un état terroriste comme celui de Staline. La poursuite de l’unité se transformerait en imposition de la totalité.

Dans le cadre de ce discours, Hélène devient métaphore d’une beauté pure (en particulier celle de la nature et des paysages16) qui nous ramène directement à la Grèce et à une conception faisant de celle-ci un principe indispensable à la vie : « Aucun peuple ne peut vivre en dehors de la beauté. Il peut quelque temps se survivre et c’est tout » (Camus, 2006b, p. 993). D’autant plus que pour une esthétique si sensible à l’influence de la philosophie platonicienne comme celle de Camus (Barilier, 1985), la beauté est indissociable de la morale et de la vérité. C’est pourquoi L’Exil d’Hélène consacre beaucoup d’espace à des questions telles que celles de la justice, de la mesure et de la limite : « La pensée grecque s’est toujours retranchée sur l’idée de limite. Elle n’a rien poussé au bout, ni le sacré, ni la raison, parce qu’elle n’a rien nié, ni le sacré, ni la raison » (Camus, 2008a, p. 597). Platon est aussi mentionné de façon explicite : Camus le perçoit comme le « vrai rival » de Hegel, comme celui qui, contrairement à ce dernier (mauvais demiurge de la civilisation moderne ainsi que source d’inspiration de la pensée communiste17), a réussi à se placer entre le oui et le non, à ne pas se cantonner à un extrême : « Platon contenait tout, le non-sens la raison et le mythe (p. 599) ». 

Étant donné la réputation équivoque qui est rattachée à Hélène, Pierre-Louis Rey se demande justement pourquoi le choix de Camus est tombé, parmi tant d’autres possibilités, sur cette figure particulière de la mythologie grecque. L’écrivain fonde-t-il son appel à la beauté sur la simple beauté physique d’Hélène (p. 1327) ?

Plusieurs explications sont envisageables. Une première piste est celle de la tradition : effectivement, Camus semble avoir été influencé par toute une tradition qui fait d’Hélène la fille de Zeus et de Némésis, déesse de la justice et de la mesure sous l’égide de laquelle Camus espérait accomplir son dernier cycle (le cycle de Némésis) : « Le troisième étage, c’est l’amour : le Premier Homme, Don Faust. Le mythe de Némésis » (Camus, 2008b, p. 1245). Le représentant principal de cette tradition est Pausanias (Description de la Grèce) : « Je dirai d’abord pour en faciliter l’intelligence, qu’Hélène était, suivant les Grecs, fille de Némésis, et que Léda fut sa nourrice et l’éleva. Mais ils s'accordent tous à lui donner pour père Jupiter (Zeus) et non Tyndare » (Pausanias, 1814). Ainsi, l’écrivain, en plus de “blanchir” la figure d’Hélène, affirme une fois de plus la connexion entre beauté et justice, beauté et morale.

Le fait que le mythe d’Hélène reconduise inévitablement au problème de la guerre constitue un autre facteur pouvant expliquer la décision de Camus. L’année de rédaction de L’Exil d’Hélène, 1948, est une année cruciale : si la Seconde Guerre mondiale vient de s’achever, l’éventualité d’un nouveau conflit (nucléaire cette fois-ci), étant donné la tension croissante entre le bloc occidental et le bloc soviétique, n’est pas si invraisemblable. Dans Ni victime ni bourreaux, conscient du grand progrès technologique des dernières années, Camus prévoit l’éventuel déroulement d’une telle guerre : « J’accorderai encore, ce que je ne crois pas, que la guerre puisse ne pas être atomique. Il n’en reste pas moins que la guerre de demain laisserait l’humanité si mutilée et si appauvrie que l’idée même d’un ordre y deviendrait définitivement anachronique » (Camus, 2006b, p. 447).  La tragédie qui en découlerait pousse Camus à exiger la paix, une renaissance permettant à l’Occident de sortir, par le biais de la beauté, du nihilisme ayant marqué sa génération18.

La représentation camusienne de la figure Hélène, étant celle-ci le symbole parfait de la beauté et de la mesure, ne peut que rappeler celle de certains personnages de La Guerre de Troie n’aura pas lieu : notamment Priam, le Géomètre et Démokos. En réalité, si nous adoptons un regard plus attentif, les ressemblances ne sont que partielles. Quoiqu’ils chantent les louanges de tout ce qui est idéal (la beauté au-dessus de tout), ces personnages manifestent d’autres prédilections : celle de la guerre, surtout. En d’autres termes, le concept de beauté subit une déformation : au lieu d’être fin, elle devient moyen. Lors de la grande scène collective où Hector tente de convaincre son père de laisser partir Hélène, l’éloge que Priam fait de la guerre dépasse celui sur la beauté (la guerre serait même cause de la beauté, sinon de tout sens) :

PRIAM : Mais savez-vous pourquoi vous êtes là, toutes si belles et si vaillantes ? C’est parce que vos maris et vos pères et vos aïeux furent des guerriers. S’ils avaient été paresseux aux armes, s’ils n’avaient pas su que cette occupation terne et stupide qu’est la vie se justifie soudain et s’illumine par le mépris que les hommes ont d’elle, c’est vous qui seriez lâches et réclameriez la guerre. Il n’y a pas deux façons de se rendre immortel ici-bas, c’est d’oublier qu’on est mortel (Giraudoux, 1982, p. 501).

Le discours de Camus, tout en invitant à prendre les armes en faveur de la beauté (comme les Grecs l’ont déjà fait pour Hélène), aspire à la paix et à la conciliation ; c’est pourquoi les dernières lignes de L’Exil d’Hélène, citant Eschyle, se placent sous le signe du calme et de la sérénité : « “âme sereine comme le calme des mers”, la beauté d’Hélène (Camus, 2008a, p. 601). » Sans se dédouaner de ses responsabilités en tant que citoyen en temps de conflit, Camus considère la guerre comme quelque chose de tout à fait inexcusable : « Rien n’est moins excusable que la guerre et l’appel aux haines nationales » (Camus, 2006b, p. 888). L’idée de la beauté vient constituer un bouclier contre la guerre et contre ces idéaux qui, au lieu de défendre la paix, favorisent la poursuite de la guerre. Dans L’Homme révolté, Camus fait de la beauté un fondement de la révolte et de tout révolution positive : « La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle » (Camus, 2008a, p. 299). Camus se place donc dans la lignée de Gorgias (Éloge d’Hélène19) et d’Isocrate (Éloge d’Hélène20), qu’il cite aussi dans ses Carnets21. L’Exil d’Hélène aborde l’héroïne grecque à l’instar d’une créature sans tâche, innocente : « Hélène n’est pas coupable mais victime des dieux. Après la catastrophe elle reprend le cours de sa vie » (Camus, 2006b, p. 1083). 

Conclusions

Comme nous avons pu le constater, les deux réécritures ici abordées présentent des différences et des analogies très importantes. L’Hélène de Giraudoux, avec son identité fluctuante et ses facultés dépassant les limites de l’imagination, rejoint la notion de sublime : elle constitue « une “présence” qui excède ce que la pensée imaginante peut saisir, d’un coup, en une forme – ce qu’elle peut former » (Lyotard, 2015, p. 56). L’Hélène de Camus, avec son identité fixe et avec son caractère à la portée humaine, rejoint la notion d’une beauté qui, comme chez Platon, se lie au bien, à la proportion et à la vérité. La puissance sublime de l’Hélène giralducienne, mise dramaturgiquement en situation, contribue à l’éclat de la guerre ; la beauté de l’Hélène camusienne, insérée dans un essai lyrique ainsi que philosophique et politique, se révèle un modèle contribuant à la paix et au bonheur. En apparence si opposées, ces deux récritures se rejoignent dans leur finalité : Giraudoux et Camus, plus pacifiques que pacifistes, prennent position contre la guerre et contre ces idéologies la provoquant, l’incitant. Une finalité qui est atteinte à travers des moyens différents : Camus opte pour une esthétique de la beauté, Giraudoux opte pour une esthétique du sublime. Tout en refusant l’idée d’art engagé, l’esthétique adoptée par Giraudoux, notamment en lien avec le personnage d’Hélène, touche et veut toucher au politique. La réflexion de Lyotard, qui distingue de manière nette esthétique du sublime et sublime en politique, nous aide à comprendre le double mouvement de Giraudoux : « Quant à une politique du sublime, il n’y en a pas. Elle est seulement la Terreur. Mais dans la politique, il y a une esthétique du sublime. Les acteurs, les héros, du drame politique sont toujours suspects et devront toujours être suspectés d’obéir à des motifs particuliers et intéressés » (Lyotard, 1986a, pp. 112-113).

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Raimond, M., 2002, Sur trois pièces de Jean Giraudoux, Saint-Genouph, Nizet.

Rencontres Méditerranéennes Albert Camus (dir.), 2007, Albert Camus et la Grèce, Marseille, Les Écritures du Sud.

Viggiani, C., Notes pour le futur biographe d’Albert Camus, in Fitch, B. T. (dir.), 1968, Albert Camus 1 : “Autour de L’Étranger”, La Revue des lettres modernes, n°1.

Notes

1 Pour ne citer que quelques noms : Homère, Eschyle, Euripide, Gorgias, Isocrate, Ovide, Ronsard, Shakespeare, Racine, Goethe, Tennyson, Lang, D’Annunzio, Yeats, Hofmannsthal, Valery, Claudel, Mandelstamm, Tsvetaieva. Retour au texte

2 Giraudoux, normalien et helléniste, met le monde grec au centre de son parcours moral, esthétique et stylistique. De cette antiquité il tire l’importance du contact avec la nature, à opposer à une technique poussant l’homme vers « la perdition physique et morale » (Giraudoux, 2022, p. 1140), son humanisme de la modestie et de la mesure, plaçant l’homme à sa juste place (ni trop haut ni trop bas), son platonisme, supposant l’unité de beauté, bien et vérité ainsi que l’existence d’un monde des idées (pp. 856-857), son goût pour la parole, pour lui propre à la civilisation française et à la civilisation grecque. Camus aussi, un grec « vivant dans un monde chrétien » (Viggiani, 1968, pp. 212-213), manifeste des dettes énormes envers la Grèce. Il dénonce l’éloignement de la nature (humaine aussi), que les Grecs respectaient, l’abandon de la beauté, sans laquelle « aucun peuple ne peut vivre » (Camus, 2006b, p. 993), une pensée contemporaine qui s’est vouée à la démesure, que les Grecs craignaient ; il poursuit une stylistique apollinienne et, comme Étienne Barilier l’a bien remarqué, une esthétique marquée par l’influence platonicienne : « Le seul espoir de surmonter l’horreur, ou d’empêcher qu’elle se renouvelle, c’est de donner à l’homme une image ontologique de lui-même, d’une évidence irrécusable, à laquelle il puisse non point se conformer, mais s’ordonner » (Barilier, 1985, p. 140).  Retour au texte

3 Giraudoux perçoit le mythe comme un moyen d’apprivoiser le quotidien, notamment pendant son adolescence, et, comme ses pièces peuvent l’attester (le sujet de départ est toujours un mythe), une manière de décortiquer les grandes questions de la modernité. Michel Raimond a justement mis en évidence comment les héros de Giraudoux sont pourvus d’« une modernité de langage, de préoccupation, et parfois même d’idéologie » (Raimond, 2002, p. 77). Le potentiel polysémique du mythe est saisi par Camus aussi, qui le considère comme le monde où il est « le plus à l’aise »(Camus, 2008b, p. 1085). Les cycles marquant son parcours littéraire et philosophique se déroulent sous le signe de trois mythes (celui de Sisyphe pour le premier, celui de Prométhée pour le deuxième, celui de Némésis pour le troisième, inachevé), car le vrai créateur de mythe est celui qui « les inscrit dans l’épaisseur de la réalité » (Camus, 2008a, p. 899). Retour au texte

4 Comme plusieurs œuvres peuvent en attester, Giraudoux n’est pas étranger à une notion comme celle de sublime. Tout en préférant l’absolu du génie, Giraudoux ne manque pas de manifester sa fascination pour ce sentiment : dans le premier chapitre de Simon le pathétique, initialement intitulé « L’École du sublime », le protagoniste se penche sur une éducation marquée par le sublime, « qui a je ne sais quoi de bestial, d’impitoyable » (Giraudoux, 1926, p. 32), et par « ces sentiments qu’on éprouve au centre d’un bois sacré, d’une nuit en Écosse, d’une assemblée de rois, – à l’effusion, à l’horreur, à l’enthousiasme » (p. 31). Giraudoux, notamment avec sa participation à la Première Guerre mondiale, se retrouve aussi à constater la “pervertibilité” du sublime, notamment lorsqu’il se mélange à la guerre ou à une volonté guerrière. Pour plus d’informations sur la question : Allègre, C., El Himani, A., 2010, Arcadie ou utopie, Cahiers Jean Giraudoux, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand. Retour au texte

5 Chez Camus, le concept de mesure s’oppose à celui d’hybris et à celui de démesure, une des traductions les plus répandus du mot grec, même à l’époque de l’écrivain (Mathieu, 2004, p. 15). Retour au texte

6 « Le traité de notre plus grande victoire, au contraire, celui de Versailles, a été forgé sur cette devise : notre sécurité. C’est au nom de notre sécurité que nous l’avons, depuis, défendu morceau par morceau, comme on défend sa dernière forteresse ; au nom de notre sécurité que nous avons édifié un système d’alliances souvent incompréhensibles l’une à l’autre. […] Il s’agissait d’une sécurité éternelle […] On conçoit que ni nos alliés ni nos anciens adversaires n’aient voulu croire à la sincérité d’une pareille formule, en soi tellement contradictoire. Les uns et les autres n’ont pas douté une minute de l’hypocrisie de notre attitude. Qu’une nation victorieuse exerçant sur l’Europe une hégémonie absolue, disposant de la plus forte armée qui ait existé, abrite chacun de ses gestes, motive chacune de ses résolutions par l’invocation aux nécessités de sa sécurité, on ne pouvait guère l’interpréter que par le désir de vouloir maintenir par la force, non pas l’état de paix du continent, mais sa hiérarchie provisoire, mais sa division en nations victorieuses et vaincues : c’est-à-dire par l’égoïsme et l’ambition » (Giraudoux, 2022, pp. 872-873).  Retour au texte

7 Analysé pour la première fois dans Traité du sublime, attribué au Pseudo-Longin, le concept de sublime – du latin sublimis (sub-limis, sous la limite) – a attiré l’attention de nombreux philosophes et écrivains : Edmund Burke, Emmanuel Kant et les romantiques anglais sont parmi les principaux. Fortement conditionné par le post-modernisme, l’approche de Jean-François Lyotard, qui explique sa présence dans notre exploration de la pièce giralducienne, ajoute une couche politique tout à fait originale à ce concept. Retour au texte

8 Lyotard pense probablement à l’enthousiasme (modalité du sublime) positif déclenché par Révolution française dans son public (Lyotard, 1986b) et aux effets favorables des avant-gardes artistiques (en opposition à l’hégémonie des modèles uniques). Retour au texte

9 Giraudoux semble ici jouer avec les codes du roman courtois. Retour au texte

10 Avec le personnage de Démokos, qui produit aussi des chants de guerre pour les soldats, Giraudoux veut mettre en avant les dangers d’une poésie qui parfois, à travers ses ambitions personnelles et ses mécanismes d’idéalisation, finit par soutenir la violence et la cruauté : « DÉMOKOS : Tu as l’air de détester autant la poésie que la guerre. / HECTOR : Va ! Ces sont les deux sœurs » (Giraudoux, 1982, p. 504). Il est intéressant de constater comment Camus, notamment dans Caligula, aspire au même objectif : « CHEREA : Tout est venu, chère Caesonia, de ce que nous discutions sur le point de savoir si la poésie doit être meurtrière ou non » (Camus, 2006a, p. 348). Retour au texte

11 L’association vieillesse-idéalisation traverse toute la pièce. Retour au texte

12 En vérité, Hélène se prête au jeu : l’exemple de « la ronde de la beauté » en est une preuve. Sommes-nous face à un sujet qui, par choix, se fait objectifier ? Retour au texte

13 Hélène ne connaît pas de contradiction, de paradoxe : « PÂRIS : Dis-moi qu’elle était belle, la vague qui t’emporta de Grèce ! / HÉLÈNE : Magnifique ! Une vague magnifique !… Où as-tu vu une vague ? La mer était si calme… / PÂRIS : Dis-moi que tu hais Ménélas… / HÉLÈNE : Ménélas ? Je le hais. / […] HECTOR : […] Vous ne le [Ménélas] haïssez pas ? / HÉLÈNE : Pourquoi le haïrais-je ? » (Giraudoux, 1982, pp. 504-505). Retour au texte

14 En plus d’être ami et collaborateur de Louis Jouvet et Benjamin Crémieux, deux estimateurs du théâtre de Luigi Pirandello, Giraudoux laisse transparaître dans certaines de ses déclarations une connaissance directe de l’œuvre de Pirandello : « Comme au temps de la Renaissance, comme au temps de l’Encyclopédie, les grands sujets sont si nombreux et si forts, ils emplissent tellement les yeux et les oreilles, leur quête d’auteur aussi est si ardente, qu’ils doivent atteindre bientôt spectacles, conseils et assemblées, tous les théâtres ? » (Giraudoux, 1969, p. 131) ; « Telle est l’indépendance de votre tragédie, de votre comédie, de votre drame, tandis que votre sonnet, votre rondeau, votre maxime ou votre conte vous suit partout en vous appelant père, et les milles personnages en quête d’auteur ne l’ont atteint jamais que pour l’abandonner » (Giraudoux, 2022, p. 388). Pour plus d’informations sur la question : Nier, C., Le théâtre, « pavillon de résonnance et d’aération », in Nier, C., Mase, Y., 2011, Le théâtre de Giraudoux, un mégaphone pour les vivants et les morts, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal pp. 67-129. Retour au texte

15 Selon le témoignage de Jean-Pierre Giraudoux et Marthe Herlin-Besson, cette partie de la pièce est introduite lors des répétitions, entre le 14 septembre et le 22 novembre 1935. Retour au texte

16 Le texte commence en effet avec une description paysagiste : « Certains soirs, sur la mer, aux pieds des montagnes, la nuit tombe sur la courbe parfaite d’une petite baie et, des eaux silencieuses, monte alors une plénitude angoissée » (Camus, 2008a, p. 597). Retour au texte

17 À tel propos, L’Homme révolte est tout à fait explicite « Ce que Hegel affirmait de la réalité en marche vers l’esprit, Marx l’affirme de l’économie en marche vers la société sans classes ; toute chose est à la fois elle-même et son contraire, et cette contradiction la force à devenir autre chose » (p. 230). Retour au texte

18 « Beaucoup parmi nous, en effet, ont été portés par le nihilisme de l’entre-deux-guerres. Les hommes de mon âge en France et en Europe, par exemple, sont nés jute avant ou pendant la première grande guerre, sont arrivés à l’adolescence au moment de la crise économique mondiale et ont eu vingt ans l’année de la prise de pouvoir de Hitler. Pour compléter leur éducation, on leur a offert ensuite la guerre d’Espagne, Munich, la guerre de 1939, la défaite et quatre années d’occupation et luttes clandestines » (Camus, 2008a, p. 353).  Retour au texte

19 Que ce soit par une passion amoureuse, par un beau langage, par un rapt ou par une volonté divine, le départ d’Hélène, et ainsi la guerre de Troie, est pour Gorgias fruit d’une constriction externe. Retour au texte

20 Cet éloge a comme prémisse celui de Thésée, lui aussi subjugué par la beauté d’Hélène. Thésée, doué d’intelligence et de vertu complète, n’aurait pu tomber pour Hélène sans que celle-ci ne soit l’apogée de la beauté. La fascination pour Hélène, frappant dieux et demi-dieux et les poussant même vers la mort, ne peut donc s’expliquer que par la présence d’une haute valeur. Retour au texte

21 « Isocrate : Il n’est rien dans l’univers de plus divin, de plus auguste, de plus noble que la beauté » (p. 1082).  Retour au texte

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Référence électronique

David Nicolai, « Hélène, entre beau et sublime : vecteur de paix ou de guerre ?  », K [En ligne], 13 | 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 06 février 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/revue-k/1488

Auteur

David Nicolai