La licorne, un animal exotique ?

DOI : 10.54563/bdba.909

p. 99-120

Plan

Texte

Parler d’exotisme ou d’exotique pour la période médiévale présente toujours quelque danger. La part essentielle du risque est le péché d’anachronisme ou, pour le moins, celui de confusion. Le latin classique connaît bien l’adjectif exoticus et il n’est pas non plus absent, bien que peu fréquent, du vocabulaire médiolatin. Isidore de Séville, par exemple, l’utilise dans ses Étymologies, et donne une définition d’exoticus à propos de vêtement : Exotica vestis peregrina deforis veniens, ut in Hispania a Græcis1. La citation a ceci d’intéressant qu’elle associe l’adjectif exoticus à un donné géographique, précisé par un exemple.

Cependant, le terme « exotique » n’existe pas dans le français du Moyen Âge – il apparaît pour la première fois chez Rabelais, dans le Quart livre – et l’on peut se demander si le concept est véritablement opérationnel, en particulier en matière de textes écrits en français. Pour souligner cette question, considérons un autre terme latin, qui d’ailleurs n’est pas si éloigné que cela d’exoticus. Il s’agit du substantif mirabilia, que l’ancien français traduit en « merveilles » ou en « diversités ». On constate donc que les auteurs n’ont pas ressenti le besoin de traduire exoticus, alors que mirabilis-e ou mirabilia s’adaptent en français et sont de plus fort utilisés. Il faudrait alors tenter de trouver un équivalent, dans le français du Moyen Âge, d’« exotique », ce qui paraît infructueux, puisque l’on reviendra toujours peu ou prou à « merveilleux ». De fait l’exotique contient du merveilleux, voire du fantastique2, sans pour autant se réduire à ces catégories. Il y a bien évidemment du merveilleux non exotique (voir par exemple chez Gervais de Tilbury) et de l’exotique non merveilleux et non fantastique – au sens moderne de ces termes, définis par exemple par Tzvetan Todorov ; mais « exotique » est toujours digne d’être regardé (de façon livresque) et, en ce sens, l’on revient étymologiquement à mirabilis.

La remarque d’Isidore de Séville peut nous guider dans l’espace flou qu’éclairent faiblement les notions de merveilleux, exotique et fantastique. L’on pourrait en effet partir d’un postulat minimal que l’exotique implique une référence spatiale, explicite ou non. L’exotique renvoie donc à l’autre, c’est-à-dire l’étranger. Le pas est donc assez vite franchi pour passer à l’étrange, ce qui explique que l’écriture médiévale de l’exotique puisse aisément inclure le merveilleux et le fantastique. Mais, comme je l’ai noté plus haut, cet exotique ne se réduit pas au merveilleux. Lorsque nos héros de chansons de geste arrivent à Byzance, les automates qu’ils y contemplent correspondent à une réalité tangible, telle celle du trône du Basileus conçu par le fameux Simon le Magicien. L’automate est étrange, digne d’être regardé, mais il ne peut être classé dans une catégorie de merveilleux3. Je partirai donc du fait que l’exotique, parce qu’il ne se réduit pas au merveilleux, implique une certaine proximité dans la définition de l’espace, cet espace étant systématiquement lointain. L’exotisme médiéval ne saurait donc, selon mon approche, se concevoir en dehors d’une référence au lieu. Le merveilleux peut surgir au sein de ce lieu, dans la mesure où il est nécessairement étranger. Mais son enveloppe reste accessible, ne peut être totalement étrange pour celui qui est confronté à cet espace. Ainsi le pays sarrasin est exotique et l’on y peut effectivement trouver des monstres et des peuples aux étranges coutumes. Mais il est au départ circonscrit par un ensemble d’éléments qui, dans l’écriture, le codifient : traversée maritime, Infidèles à la religion connue (Tervagan, Mahomet, Apolin), techniques de combats similaires ou presque aux chevaliers chrétiens...

La question de l’exotisme se pose donc à propos de nombreux éléments inclus dans un espace géographique donné comme lointain. Parmi ces éléments, les animaux occupent une place de choix et il n’est pas rare de voir apparaître bien des créatures bizarres dans les lointains géographiques qui confinent aussi aux lointains de l’imaginaire.

Mon propos restera partiel et je ne saurais prétendre à définir avec certitude ce qu’il faut entendre par animal exotique. Je me propose modestement, aux extrêmes limites de la thématique de cette rencontre, de souligner quelques problèmes. Pour ce faire, j’ai choisi l’exemple de l’animal le plus célèbre du Bestiaire, la licorne. Pour le moderne, cet animal, popularisé depuis la fin du Moyen Âge par l’iconographie de la Dame à la licorne, appartient de toute évidence au monde du merveilleux. Mais la question qui se pose toujours est le degré de croyance contemporaine en l’existence de la licorne, degré qui peut déterminer la part de fantastique et / ou d’exotisme de l’animal médiéval.

Mon « enquête », qui portera sur le donné livresque pouvant paraître le plus « scientifique », à savoir celui des textes didactiques, reposera essentiellement sur la question de la dénomination, le signifiant et sa place révélant, au moins en partie, le statut de l’objet. Je commencerai en termes de réception contemporaine, puis m’interrogerai sur l’origine et le développement des textes définissant l’animal.

Horizon d’attente et traduction

Dans la traduction en français moderne que Gabriel Bianciotto propose de la partie « bestiaire » du Livre dou tresor de Brunetto Latini4, le lecteur trouvera un chapitre intitulé « De la licorne ». Il pourra ensuite lire la description de l’animal, traditionnelle dans la littérature des bestiaires : « la licorne est une bête redoutable, dont le corps ressemble un peu à celui d’un cheval ; mais elle a le pied de l’éléphant et une queue de cerf, et sa voix est tout à fait épouvantable… » (p. 239). Et c’est le terme « licorne » qui revient dans le paragraphe explicitant les propriétés du mammifère et sa célèbre légende, à l’origine de la plupart des illustrations des manuscrits et des œuvres d’art diverses représentant une licorne. On pourra faire un constat similaire dans la traduction du Bestiaire de Pierre de Beauvais proposée dans le même ouvrage. Le chapitre concerné est intitulé « Des propriétés de la licorne » et le début de la traduction se présente ainsi : « Il existe une bête qui est appelée en grec monocheros, c’est-à-dire en latin unicorne. Physiologue dit que la nature de la licorne est telle qu’elle est de petite taille… » (p. 38). Le traducteur reprend donc ici le terme monocheros, décalque le latin unicornis en français moderne, puis passe au signifiant que le lecteur contemporain reconnaît spontanément, « licorne ». Ce terme en effet permet pour ce lecteur moderne une appréhension du texte plus « dynamique », dans la mesure où une représentation immédiate se formera dans son esprit, grâce à une connaissance, au moins diffuse, d’une image de l’animal, véhiculée par tant de médias – au moins celle de la plus que fameuse tapisserie du Musée de Cluny. Le parti pris du traducteur, au demeurant fort légitime, est donc d’utiliser l’appellation la plus facile à identifier pour le lecteur moderne. Ce choix, motivé par l’horizon d’attente de la traduction, est révélateur de la popularité de la licorne et de sa légende ; mais il a le défaut d’occulter le caractère complexe de la formation de l’image de cet animal fantastique, complexité qui s’inscrit dans le lexique, dans la dénomination de la bête féroce possédant une corne sur le nez.

Si l’on regarde en effet les textes de Pierre de Beauvais, de Brunetto Latin et d’autres bestiaires en français d’avant le xive siècle, on verra que le mot « licorne » n’apparaît jamais. On trouve en fait, dans les bestiaires et les encyclopédies de l’époque, les termes « unicorne », « rhinoceros », « monoceros », qui, tous trois, sont tirés des textes latins traitant de cet animal, dont il est bien difficile de dire qu’il ressemble à celui de la « Dame à la licorne ». L’utilisation systématique du mot « licorne » tend donc, d’une façon biaisée, à identifier l’animal comme légendaire et participant du merveilleux. Je voudrais avancer ici que ce statut est le fruit d’une transformation, au demeurant aux contours imprécis, qui conduit de l’exotique au fantastique, puis au merveilleux.

Un animal exotique identifié et nomenclaturé

Deux types de description imposent à mon sens l’idée d’un animal exotique dans le monde ancien, lorsqu’il est question d’un rhinocéros : la description à caractère savant, reposant sur une prétendue observation, et la description de l’animal en démonstration. Dans son Histoire des animaux, Aristote mentionne les bêtes cornues, et il indique qu’il existe certains de ces animaux ne possédant qu’une seule corne : « Un petit nombre d’animaux ont une seule corne et sont solipèdes, par exemple l’âne de l’Inde (Iνδικς όνος). L’oryx (όρυξ) a une seule corne et a les pieds fourchus »5. On trouve dans le texte d’Aristote µονόκερως, ce qui signifie « avec une corne », terme qui sera repris fréquemment dans les textes latins, sous la forme de l’adjectif unicornis, -e. Le terme grec ρινόκερως, de ρις (nez) et κέρας (corne) représente le nom usuel. Au départ, il semble bien que les deux termes rhinoceros et monoceros désignaient deux espèces différentes : le monoceros est le rhinocéros indien à une seule corne (Rhinoceros unicornis), alors que rhinoceros englobe les deux espèces africaines du rhinocéros noir (Diceros bicornus) et du blanc (Ceratotherium simum), espèces à deux cornes. Il semble bien que, chez Pline encore – bien que cela n’apparaisse pas de façon parfaitement claire – rhinoceros et monoceros désignent deux animaux différents. Pour le premier, l’auteur de l’Historia naturalis explique qu’il aiguise sa corne pour mieux tuer son ennemi, l’éléphant : Alter hic genitus hostis elephanto, cornu ad saxa limato præparat se pugnæ, in dimicatione aluum maxime petens, quam scit esse molliorem. Longitudo ei par, crura multo breviora, color buxeus6. Il mentionne le monoceros comme animal vivant en Inde et, selon lui, le plus féroce.

Les Romains connaissaient l’animal, celui venu d’Afrique. Pline témoigne que lors de jeux donnés par Pompée, les spectateurs purent en voir7. Suétone apporte un témoignage de même type, à propos d’Auguste qui aurait fait exposer un rhinocéros dans l’enceinte des élections8. À ce stade, un certain nombre d’écrits attestent donc de la réalité objective de l’animal à corne sur le naseau. Si l’occasion de le voir est impossible pour le lecteur, ce dernier a cependant la conscience de l’existence d’un animal hors de son champ de vie, animal exotique donc. Une telle appréciation peut être corroborée par l’étude des occurrences qui révèle une certaine « banalisation » des dérivés de rhinoceros. Dans la littérature latine, on trouve en effet un certain nombre de références au rhinocéros, avec une déclinaison en –os, –otis, également avec un accusatif en –ta et un accusatif pluriel en –tas, comme il est possible pour des noms directement dérivés du grec. Tel est le cas du Liber de spectaculis de Martial par exemple9. La référence au rhinocéros peut être, par métaphore, une allusion satirique, comme il s’en trouve dans les Épigrammes du même Martial, pour signifier une trop grande curiosité10. Rhinoceros, par métonymie, peut désigner, comme chez Juvénal, un vase en corne de l’animal11. Quinte Curce, dans son Historia Alexandri magni, utilise la forme rhinoceratas12. Indiquant la rareté de l’animal, l’historien mentionne l’origine grecque du nom et marque un certain mépris pour ceux qui ne connaissent pas ce terme et en emploient un autre : rhinocerotes quoque, rarum alibi animal, in isdem montibus erant: ceterum hoc nomen beluis inditum a Græcis; sermonis eius ignari aliud lingua sua usurpant13. Il est dommage que Quinte Curce ne précise pas de quels termes il s’agit : peut-être d’unicornis et dérivés?

Le caractère exotique du rhinocéros ressort donc d’une conscience de connaissance à la fois savante et visuelle de l’animal associé aux pays lointains de l’Inde et de l’Afrique. Or, le lointain géographique, la terra incognita, est souvent le lieu de cristallisation de nombreux fantasmes, l’espace par excellence de l’autre, de l’étranger et donc de l’étrange. Au ve siècle, Ctésias14 nous offre l’une des toutes premières mentions du rhinoceros dans son Indica15: ses assertions sont reprises et amplifiées par Élien, qui parle de corps blanc et de tête pourpre16. Mais c’est Pline qui va populariser un certain nombre de caractéristiques du rhinocéros qui s’imposeront au Moyen Âge. Le discours encyclopédique de Pline a ceci de particulièrement intéressant pour notre propos qu’il est révélateur de l’ambivalence exotisme / fantastique ; il marque un certain tournant dans la description, dans laquelle, en partie du moins, l’animal, par hybridation, autorise des interprétations postérieures fantastiques ou merveilleuses. D’un côté en effet, Pline mentionne le rhinocéros, de couleur jaune, ennemi de l’éléphant. Mais de l’autre, il décrit un monoceros hybride, qui tient du cheval, avec des pieds d’éléphant, une tête de cerf et une queue de sanglier : asperrimam autem candentes feram monocerotem, reliquo corpore equo similem, capite ceruo, pedibus elephanto, cauda apro, mugitu gravi, uno cornu nigro media fronte cubitorum duum eminente17. Cette description inaugure la dérive qui permettra, de nombreux siècles plus tard, d’identifier de façon certaine la licorne comme animal merveilleux.

Où règne la confusion

Il semble que ce soit seulement en 1513 que l’on vit un rhinocéros dans l’Europe médiévale, précisément à Lisbonne où un de ces animaux avait été envoyé, depuis Goa, au roi Manuel le Grand. Au fil du temps, le rhinocéros va perdre en Occident la réalité objective qu’il avait encore dans le monde antique et dominera dans sa dénomination la plus grande confusion.

C’est en fait la tradition de la Vulgate qui va populariser pour le Moyen Âge le lexique latin construit autour d’unicornis et de la reprise des termes grecs déclinés selon la morphologie latine, rhinoceros et monoceros, tout en marquant le vocabulaire du sceau de l’ambiguïté, les différentes appellations étant interchangeables. En effet, différents termes apparaissent dans la Vulgate où les occurrences de rhinoceros, unicornis, monoceros et de leurs dérivés sont fréquentes, comme en témoigne le tableau qui suit :

 

Rinoceros acc. en Rinocerota unicornis monoceros monoceroton
Job 39, 9: numquid volet rinoceros servire tibi aut morabitur ad præsepe tuum Num. 23, 22 : Deus eduxit illum de Aegypto cuius fortitudo similis est rinocerotis devorabunt gentes hostes illius ossaque eorum confringent et perforabunt sagittis. Deut. 33, 17 : quasi primogeniti tauri pulchritudo eius cornua rinocerotis cornua illius in ipsis ventilabit gentes usque ad terminos terræ hæ sunt multitudines Ephraim et hæc milia Manasse Ps. 29, 6 : et comminuet eas tamquam vitulum Libani et dilectus quemadmodum filius unicornium et disperget eas quasi vitulus Libani et Sarion quasi filius rinocerotis. Job 39, 10 : numquid alligabis rinocerota ad arandum loro tuo aut confringet glebas vallium post te ? Is. 34, 7 : et descendent unicornes cum eis et tauri cum potentibus inebriabitur terra eorum sanguine et humus eorum adipe pinguium. Ps. 21, 22 :salva me ex ore leonis et a cornibus unicornium humilitatem meam salva me ex ore leonis et de cornibus unicornium exaudi me. Ps. 28, 6 : et comminuet eas tamquam vitulum Libani et dilectus quemadmodum filius unicornium et disperget eas quasi vitulus Libani et Sarion quasi filius rinocerotis. Ps. 77, 69 : et ædificavit sicut unicornium sanctificium suum in terra quam fundavit in sæcula Ps. 91, 11 : et exaltabitur sicut unicornis cornu meum et senectus mea in misericordia uberi Ps. 37, 20 : quia peccatores peribunt inimici vero Domini mox honorificati fuerint et exaltati deficientes quemadmodum fumus defecerunt (var) caph quia impii peribunt et inimici Domini gloriantes ut monocerotes consumentur sicut fumus consumitur. Ps. 91, 11 (var) et exaltabitur quasi monocerotis cornu meum et senecta mea in oleo uberi Ps. 77, 69 : (var.) et ædificavit in similitudinem monoceroton sanctuarium suum quasi terram fundavit illud in sæculum

On voit en particulier dans les variantes que sont associés étroitement unicornis, le plus souvent substantif, et monoceros.

La présence du « rhinocéros / monocéros / unicorne » dans la Bible va imposer la place de l’animal dans les commentaires des Psaumes ou du Livre de Job, comme dans le Physiologos et ses traductions qui, rappelons-le, se proposent de donner une interprétation morale des animaux figurant dans les Écritures.

On ne saurait ici donner tous les exemples de commentaires sur les Écritures. À titre d’exemple, Augustin, sur Job, cite les trois termes, moralisant en symbole de l’orgueil : volet autem monoceros servire tibi ? superbus dignitate huius sæculi; quia et tales subiugavit Christus, et ministros Ecclesiæ constituit : rinoceros enim unicornis est, quod superbiam significat18. Ambroise utilise essentiellement le mot unicornuus19, que l’on trouve aussi chez Tertullien20. Chez Eucher, dans la deuxième moitié du ive siècle, apparaissent le rhinoceros et le monoceros, toujours rattachés à une tradition biblique. Dans son Liber formularum Spiritualis intelligentiæ21, Eucher recueille différents lieux où apparaît l’animal dans la Bible et emploie ainsi plusieurs dénominations :

Monoceron, hoc est unicornis. In psalmo: Et dilectus quemadmodum filius unicornium22, id est, singularis potentiæ, vel sanctorum qui teneant unicum Dei verbum. Et in aliam partem: Et a cornibus unicornium humilitatem meam23. In malam partem ponitur pro quolibet superbo violento, vel unum testamentum tenente, ut Psalmista in persona passuri Domini: Libera me, Domine, a cornibus unicornium. Rhinoceron, fortis quique: vel in bonam vel in malam partem. In libro Job, secundum Hebræum: Numquid volet rhinoceros servire tibi24.

Le même Eucher, dans ses Instructiones ad Salonium, utilise les deux termes rhinoceron et monoceron : rhinoceron, fera terribilis, gemina in naribus gestans cornua. Monoceron, in psalmo, unicornis appellatur25. Un tel discours contribue évidemment à brouiller les pistes menant aux différentes dénominations avec un principe d’unité reposant sur une correspondance transitive de type rhinoceros unicornis monoceros, la propriété identificatrice et « étymologique » de l’animal, rendue par l’adjectif unicornis, -e autorisant une unité. Chez Grégoire le Grand – qui, dans ses Moralia in Job, commente largement la comparaison avec le rhinocéros –, on trouve également cette incertitude sur le vocabulaire. Le passage le plus développé (31, 29) commence ainsi par : rhinoceros iste, qui etiam monoceros in Græcis exemplaribus nominatur26… Lorsque Grégoire explique la comparaison, il en va de même :

Potest ergo per hunc rhinocerotem, vel certe monocerotem, scilicet unicornem, ille populus intelligi qui dum de accepta lege non opera, sed solam inter cunctos homines elationem sumpsit, quasi inter cæteras bestias cornu singulare gestavit. Unde passionem suam Dominus, Propheta canente, pronuntians, ait : Libera me de ore leonis, et de cornibus unicornium humilitatem meam27. Tot quippe in illa gente unicornes, vel certe rhinocerotes exstiterunt, quod contra prædicamenta veritatis de legis operibus, singulari et fatua elatione confusi sunt…28

Le Physiologos offre aussi une moralisation, mais sur des principes légèrement différents. La démarche en est simple : partant d’un exposé « naturaliste », reposant souvent sur des affirmations de Pline ou de Solin, l’auteur offre à son lecteur une équivalence morale et religieuse de l’animal peu ou prou fondée sur ses caractéristiques.

Dans le texte grec29, composé probablement entre le iie et le ive siècle, notre animal apparaît en vingt-deuxième position. Le chapitre Περι µονοκερωτος commence par le rappel du psaume 91, 11, puis le « Physiologue » prend la parole pour indiquer ce qu’est cet animal : tel une petite chèvre, avec une corne sur le front, d’une grande cruauté30. Vient ensuite la façon de chasser l’animal, qui va assurer une célébrité et une longévité extraordinaires au « mythe » de la licorne31 : il faut pour le prendre une jeune vierge sur le giron de laquelle l’animal s’assoupira32. Ce texte va connaître un immense succès en Occident latin grâce à ses traductions latines et leurs multiples récritures33. Il a une influence essentielle sur la représentation de l’« unicorne », puisqu’il la compare à une chèvre et que cette image marquera profondément l’iconographie, les licornes se présentant souvent avec une petite barbiche sous le museau. On pourra ajouter, en matière de représentation, l’influence possible de la tradition des histoires d’Alexandre, avec le cheval Bucéphale portant une corne sur le front34.

Les données de l’Antiquité latine (Pline, Solin) et de la tradition exégétique des premiers Pères aboutissent, comme c’est souvent le cas pour beaucoup d’informations encyclopédiques, à Isidore de Séville, le « père » de l’encyclopédisme médiéval35. Voici ce qu’écrit l’évêque de Séville à propos du rhinocéros :

Rhinoceron a Græcis uocatus – latine interpretatur in nare cornu –, idem et monoceron, id est unicornus, eo quod unum cornu in media fronte habeat pedum quattuor ita acutum et ualidum ut, quidquid inpetierit, aut uentilet, aut perforet. Nam et cum elephantis sæpe certamen habet et in uentre uulneratum prosternit. Tantæ autem esse fortitudinis ut nulla uenantium uirtute capiatur ; sed, sicut asserunt qui naturas animalium scripserunt36, uirgo puella proponitur, quæ uenienti sinum aperit, in quo ille omni ferocitate deposita caput ponit, sicque soporatus uelut inermis capitur37.

On peut voir dans le texte d’Isidore, qui fournit la base de toutes les rubriques des encyclopédies concernant le rhinocéros, trois données essentielles : l’appellation, reposant sur l’étymologie, les propriétés de l’animal, la légende de la chasse, à l’origine de ce que l’on pourrait nommer un « mythe » de la licorne. Ce sont effectivement ces trois éléments qui permettent de suivre le « rhinolicorne » dans ses permanences et ses variantes dans toute la littérature du Moyen Âge. Dans cette dernière, les références à l’animal sont marquées par la rencontre, l’entrelacement même, des traditions qui se « syncrétisent » à partir d’Isidore de Séville. Le bestiaire s’enrichit de l’encyclopédisme puisant dans les textes antiques des données « naturalistes » et, en retour, le bestiaire influence les encyclopédies, tout particulièrement les encyclopédies moralisées comme le De naturis rerum de Raban Maur.

Du point de vue des signifiants, Isidore établit donc la parfaite équivalence lexicale entre rhinoceros, monoceros et unicornis en introduisant au passage le substantif unicornus38, que d’ailleurs les successeurs encyclopédistes du Sévillan ne reprendront pas. Par les formules idem, id est, Isidore renforce l’équivalence entre les termes qui va donc s’inscrire de façon forte et durable dans la famille encyclopédique, par le jeu des invariances de compilation. Ainsi Raban Maur reprend dans son De naturis rerum le texte d’Isidore, rétablit la forme en –is pour unicornis, mais utilise curieusement une forme en –ta pour rinoceros : rinocerota Grece uocatus Latine interpretatur in nare cornu, idem et monoceron, id est unicornis eo quod unum cornu in medio fronte habeat…39. Au xiie siècle, Alexandre Neckam consacre deux chapitres de son De naturis rerum au rhinocéros. Il n’utilise que la forme rhinoceros, qu’il conjugue normalement, en rhinoceros, -otis40. Le De Bestiis du Pseudo-Hugues de Saint-Victor révèle bien au xiie siècle comment les différents termes ont acquis pleinement leur équivalence :

De monocerote sive unicorni animali

Est animal quod dicitur monoceros. Monoceros µονόκερως autem Græce, unicornis dicitur Latine, eo quod unum cornu habet in medio capite. Physiologus dicit hanc unicornem habere naturam quod sit pusillum animal, et hædo simile, acerrimumque habet in capite cornu unum, ipsumque nullus venator vi aut prævenire aut capere potest, sed hoc duntaxat commento ac dolo capiunt illud. Puellam virginemque speciosam ducunt in locum illum ubi moratur, et dimittunt eam solam, cum autem ipsa viderit illud, aperit sinum suum, quo viso, omni ferocitate deposita, caput suum in gremium ejus deponit, et sic dormiens deprehenditur ab insidiatoribus et exhibetur in palatium regis41.

Pour Thomas de Cantimpré, auteur au xiiie siècle d’un De natura rerum accordant une large place au monde animal, seule la forme unicornis, substantivée, désigne l’animal à une corne :

De unicorni

Unicornis animal est parvum quidem, ut dicit Ysidorus, secundum fortitudinem42.

Ni Alexandre ni Thomas ne reprennent l’étymologie isidorienne. Vincent de Beauvais, dans son Speculum naturale, avec sa composition juxtaposée, montre bien comment l’appellation est véhiculée : rhinoceros Græce Latine interpretatur in nare cornu. Idem et monoceros, id est unicornis, eo quod unum cornu in media fronte habeat pedum quatuor, ita acutum et validum, ut quicquid impetierit, aut veltilet, aut perforet43.

Ce parcours révèle que, dans la tradition encyclopédique latine, trois termes dominent pour désigner l’animal, avec une évidente incertitude. La consultation des différentes versions du Physiologus latin conduit à des conclusions analogues. Il suffit de considérer les exemples suivants pour s’en convaincre :

De Monoceron

Est animal quod græce dicitur monoceron, latine vero unicornis. Physiologus dicit unicornum hanc habere naturam ; pusillum animal est, simile hædo, acerrimum nimis, unum cornu habens in medio capite ; et quia nullus omnino venator eum caperer potest, hoc argumento capitur : puellam virginem ducunt in illum locum ubi ipse moratur, et dimittunt eam in silva solam. Rinoceros vero, ut viderit illam, insilit in sinum virginis44

Est monoceros monstrum mugitu horrido, equinocorpore elephantis pedibus, cauda similima cervo. Cornu media fronte eius protenditur splendore mirifico, ad magnitudinem pedum quatuor, ita acutum ut quicquid impetrat [A: impetat] facile ictu eius foretur. Vivus nonvenit in hominum potestatem, et interimi quidem potest,capi non potest45.

Unicornis qui et rinoceros a grecis dicitur. Hanc habet naturam pusillum animal est, simile hedo ; acerrimum nimis, unum cornu habens medio capite46

Lorsque les auteurs sont désireux de mentionner ou d’utiliser le rhinoceros / unicornis en langue vulgaire, ils ont donc à leur disposition un vocabulaire particulièrement imprécis dans sa relation signifiant / signifié, structuré par le tripode lexical rhinoceros / monoceros / unicornis.

Le premier bestiaire en français connu est celui de Philippe de Thaon, écrit en anglo-normand entre 1121 et 1135 pour la reine Adèle, veuve de Henri Ier d’Angleterre47. Pour Philippe, seul le mot « monoceros » apparaît. Il explique d’abord le nom par la présence de la corne : « Monoceros est beste, / Un cor at en la teste, / Por ce issi at num »48. Plus loin, il avance une étymologie française en décalquant la traduction d’unicornis : « Monoceros griu est, / En franceis un cors est ». Cette volonté d’explication étymologique du mot, nous la retrouvons également chez Gervaise, qui indique que « por ce que ele n’a que .i. corne / Est apelee unicorne »49. Pour Guillaume le Clerc de Normandie, c’est aussi le mot « unicorne » qui désigne l’animal qui se capture grâce à une vierge50. Pierre de Beauvais mentionne le « monoceros » et l’« unicorne », en indiquant que les termes sont équivalents : « une beste est qui est apelee en grieu monoceros, c’est en latin unicorne »51. Et c’est ce terme, qui sonne plus français que « monoceros » ou « rhinoceros », qui va l’emporter, pour désigner la licorne telle que l’iconographie des manuscrits la montre, quasi systématiquement percée d’une lance dans le corps et le museau reposant sur le sein d’une jeune fille. Témoin de l’adoption du mot, le célèbre poème de Thibaud de Champagne « Aussi com unicorne sui ». Témoins également, les réinterprétations courtoises du bestiaire, le Bestiaire d’amour rimé52 et le Bestiaire d’Amour de Richard de Fournival53. Un bestiaire allemand du xie siècle confirme, en langue germanique, les mêmes tendances qu’en français :

So heizzit ein andir tier rinocerus, daz ist einhurno, un ist uile lucil un ist so gezal, daz imo niman geuolgen nemag, noh ez nemag ze neheinero uuis geuanen uuerdin. So sezzet min ein magitin dar tes tiris uard ist. So ez si gesihit, so lofet ez ziro. Ist siu denne uuarhafto magit, so sprinet ez in iro parm unde spilit mit iro. So chumit der iagere unde uait ez54.

Du côté des encyclopédies en langue vulgaire, le Livre dou Tresor offre un exemple également significatif de ce que l’on peut appeler la « vulgate » du « rhinoceros / monoceros / unicorne » :

Unicorne est une fiere beste auques ressemblable a cheval, de cors ; mais il a piez d’olyfant, coue de cerf, et sa voix est fierement espoentable ; et enmi sa teste a une corne, sans plus, de merveillouse resplendor, et a bien .iiii. piez de lonc, mais il est si forz et aguz que il perce legierement quantque il ataint. Et sachez que unicor est si aspres et si fiers que nul ne la puet attaindre ne prendre par nul laz dou monde : bien puet estre qu’il soit occis, mais vif ne le puet avoir. Et neporquant li veneor envoient une vierge pucele cele part ou li unicor converssent ; car c’est sa nature que maintenant s’en vait a la pucele tout droit et depose toute fierté, et se dort souef en son sain et en ses bras. En cetse maniere le deçoivent li veneor55.

Cependant, apparaît un hiatus entre la littérature des bestiaires et les encyclopédies, concernant la comparaison de l’unicorne à la chèvre56. On pourra également enregistrer le passage de la tête de cerf à la queue de cet animal dans la description hybride de l’unicorne.

On peut donc avancer que, au cours du Moyen Âge et tout particulièrement avec le développement de la littérature encyclopédique naturaliste, s’impose une image de notre animal, ce que j’ai nommé précédemment une « vulgate ». Cette « vulgate » a ceci de particulier qu’elle « lisse » la confusion première de l’exégèse biblique en dessinant un animal qui devient un stéréotype et qu’en outre elle associe étroitement l’animal à un rite de chasse. De plus, et c’est essentiel, toute localisation géographique disparaît, retirant implicitement un caractère exotique à notre unicorne qui, décrit, évoqué et invariant d’une certaine littérature, gagne une véritable familiarité, sans pour autant que l’ambiguïté de la dénomination disparaisse totalement.

Vers plus de précision… ?

Pour terminer ce parcours dans le lexique de l’unicorne, je me pencherai sur une encyclopédie essentielle du xiiie siècle, le De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais. Ce texte a un avantage sur le Speculum naturale, à savoir que Barthélemy pratique beaucoup moins que Vincent la juxtaposition des sources et offre un texte plus syncrétique que celui du dominicain. Le chapitre sur le rhinocéros offre ici une des meilleures synthèses de tout ce que l’on pouvait connaître, au xiiie siècle, en matière d’unicorne :

Ρινοχερωσ Grece, latine animal cornu in nare habens interpretatur, idem est µονοχεροσ, id est unicornis, bestia sevissima appellata, eo quod unum cornu in media fronte habeat, quatuorpedum, ita acutum et validum, ut quicquid impetierit, aut ventilet aut perforet, ut dicit Isidorus libro 12. Nam cum elephante sepe certamen habet, quem vulneratum in ventre prosternit. Tante autem est fortitudinis, ut nulla venantium virtute capiatur. Sed sicut asserunt, qui de naturis rerum scripserunt, virgo puella proponitur, que venienti sinum aperit, in quo ille omni ferocitate deposita, caput ponit sicque soporatus velut inermis, capitur et interimitur iaculis venatoris. Hucusque Isidorus lib. 12. Gregorius super Iob. addit in moralibus ad iam dicta. Rhinoceros, inquit, fera est nature omnino indomite, et si quo modo capta fuerit, teneri nullatenus possit, impatiens, quia, ut dicitur, illico moritur. De Rhinocerote dicit Plinius lib. 8. cap. 20. Rhinoceros in nare habens cornu, id est, in media fronte supra nares. Hostia est elephantis, unde suum cornu limat ad saxa et acuit, et sic se preparat pugne, et in dimicatione alvum impetit elephantis, quam scit partem corporis esse molliorem. Longitudo par inest ei ut equo, sed crura multum breviora. Color eius buxeus. Et sicut innuit idem lib. 8. cap. 22. Huius fere multe sunt species, scilicet Rhinoceros, Monoceros, Egoceros. Est autem µονοχεροσ, ut dicit idem, fera asperrima, similis equo in corpore, et cervo in capite, pedibus elephanti, cauda apro. Mugitum emittit gravem, unum cornu magnum emittens in media fronte habet duorum cubitorum. Hanc feram vivam negant capi. Αιγοχοπροσ[?] species dicitur esse unicornis, et dicitur Latine capricornus, ab αιξ[?] quod est capra, et νεροσ quod est cornu, animal est pusillum, simile hedo, acerrimum nimis, in media fronte unum gerens cornu. Item dicit Plin. ibidem , quod in India sunt unicornes boves, habentes candidas maculas et solidas ungulas sicut equi. Sunt et asini quidem Indici unicornes, ut dicit Aristo. Avicen. et Plinius, qui sic dicti sunt, eo quod unum in fronte habent cornu inter aures. Residuum autem corporis ipsorum. Sed talis µονοχεροσ a µονοσ quod est unum, et κεροσ quod est cornu, quasi in capite gestans cornu unum. Et declinatur Rhinoceros, otis, sicut Monoceros, otis. Et sic de aliis57.

Barthélemy se veut particulièrement précis, en donnant de nombreux détails, y compris sur le vocabulaire et la déclinaison des termes gréco-latins. Il est cependant remarquable que, à la différence de ces prédécesseurs, il marque bien une différenciation entre les espèces. Albert le Grand, dans son De animalibus (lib. XXV), distingue bien le monoceros – que d’ailleurs il décline selon monoceron, -onis – de l’unicornis, chacun des deux animaux ayant sa propre rubrique. Le monoceros est seulement décrit de façon naturaliste, et c’est un animal explicitement hybride qui est présenté58. C’est l’unicornis, de la couleur du buis, qui a une corne qu’elle aiguise sur la pierre pour tuer l’éléphant, qui fut vue aux jeux de Pompée et dont certains disent aussi (dicunt autem) – ce qui marque aussi le scepticisme de l’auteur59 – qu’on peut la capturer avec une vierge. Albert reprend donc différents morceaux de textes encyclopédiques pour les assembler d’une autre façon, en distinguant deux espèces.

Barthélemy est moins net, mais il fait bien, lui aussi, une distinction entre différentes espèces : on remarquera dans sa typologie le retour d’un caprin dans la famille encyclopédique des rhinocéros, avec le capricorne60, qui opère ainsi, à travers l’image de la chèvre, une jonction entre les données encyclopédiques communes de tradition plinienne et le Physiologus.

La traduction française que Jean Corbechon effectue en 1372, sous la commandite du roi Charles V, est particulièrement intéressante. Le frère augustin présente en effet dans son Livre des proprietés des choses un animal (des animaux ?) dont le nom générique est « licorne » :

La licorne est en latin appellee (l)<r>inoceron, et pour ce est elle ci mise entre les bestes dont les noms se commancent par .r. La licorne est une beste tres cruelle qui ou milieu du front a une corne de .iiii. piez de lonc, si forte et si agüe qu’elle perce tout ce que elle fiert, sicomme dit Ysidore ou .xiie. livre. La licorne se combat souvent contre l’elephant et le tue de sa corne que elle lui boute ou ventre. Ceste beste est si forte que elle ne puet estre prinse par la vertu des veneurs, mes on met une pucelle ou lieu ou la beste repaire ; et, quant elle vient, elle se va couchier ou giron de la pucelle. Et quant elle est endormie, les veneurs la tuent ou giron de la fillete, sicomme dit Ysidore ou .xiie. livre. La licorne est si fiere que se elle est prinse on ne la puet tenir ne garder, mais elle se laisse mourir de dueil, sicomme dit saint Gregoire sus le livre de Job. De ceste beste, dit Plinius ou .xxie. chapitre de son .viiie. livre, que elle a une corne ou front, laquelle elle lime et aguise contre les pierres. Quant elle se vuelt combatre contre l’elephant qu’elle het, elle le fiert de sa corne contre le ventre, car elle scet bien que c’est la plus mole partie. La licorne est de la longueur d’un cheval, mais elle a les jambes plus courtes et a la couleur jaune comme le bois de quoy on fait les tables a escripre. Il est trois manieres de licornes, dont l’une a le corps de cheval et la teste de cerf et les piez d’elephant et la queue d’un sanglier, et a une corne noire ou front de deux coutes de lonc ; et ne la puet on prandre vive et est appellee ceste beste monoceron. L’autre est appellee egliceron, qui est a dire « chievre cornue » ; et est une petite beste semblable a un chevrel, et a une corne ou front tres agüe. L’autre est semblable a un buef et est tachee de blanches taiches, et a les ongles fermes comme un cheval et une corne ou front. Derechief dit Plinius que en Inde il a des asnes qui ont une corne ou front, mais ilz ne sont pas si fors ne si fiers comme sont les licornes, sicomme dient Aristote et Avicene61.

La traduction suit le texte latin, tout en le résumant, ce qui est dans la pratique coutumière de Corbechon62 et, pour l’encyclopédiste du xive siècle, le signifiant « licorne » est bien l’équivalent français de rhinoceros. Mais, de plus, « licorne » est le nom générique de la famille des rhinocéros qui, pour Barthélemy, outre le rhinoceros plinien de type « cheval à corne », comprend – on l’a vu – trois espèces, le rhinoceros, le monoceros et l’egoceros. Corbechon cite aussi trois catégories, mais ne reprend chez Barthélemy que deux appellations de ces dernières (il omet rhinoceros), et il les regroupe sous le genre « licorne ».

Cependant, avant de découper le genre en différentes espèces, Corbechon offre une description qui rapproche l’animal de la traditionnelle licorne de l’iconographie médiévale : telle un cheval, aux pattes plus courtes, de couleur claire. On notera au passage la précision technique ajoutée par le traducteur pour mieux faire comprendre à son lecteur ce que représente la couleur buxeus. On assiste donc à une contradiction, « licorne » désignant à la fois un animal, ressemblant à un cheval « unicornu » et le genre de bêtes cornues à caractère hybride.

Cette contradiction est emblématique d’une hésitation : l’ambiguïté sur l’animal qui se trouve déjà chez Barthélemy résulte d’une erreur de lecture ou d’une interpolation du texte de Pline, pourtant repris quasiment mot à mot. L’encyclopédiste antique avait en effet écrit : alter hic genitus hostis elephanto, cornu ad saxa limato præparat se pugnæ, in dimicatione aluum maxime petens, quam scit esse molliorem. Longitudo ei par, crura multo breviora, color buxeus63. Il me paraît que la modification avec l’ajout de ut equo est significative de la prégnance de la représentation de la licorne qui vient perturber celle du rhinocéros, perturbation rendue aisée par le fait que Pline, dans un autre passage où il est question du monoceros64, parle de corps de cheval, avec cependant une hybridation, d’ailleurs reprise par l’encyclopédiste médiéval dans la phrase suivante.

Cette variante de Barthélemy, que je n’ai pas rencontrée dans d’autres textes, me paraît significative de la pression du légendaire sur le donné « naturaliste » encyclopédique. Lorsque Barthélemy l’Anglais compose son encyclopédie au xiiie siècle, il est l’héritier d’un réseau multiple autour des termes rhinoceros, monoceros et unicornis, réseau que Corbechon tend à simplifier pour le réduire à « licorne ». L’emploi du terme par Corbechon atteste d’une certaine familiarité, mais son emploi générique, ici original, montre que le signifiant n’a pas encore acquis de stabilité de dénomination en rapport avec le signifié. L’origine du terme qu’utilise notre encyclopédiste est assez floue : il est souvent admis, dans les dictionnaires étymologiques, qu’il vient de l’italien « alicorno ». Mais, dans l’italien médiéval, on trouve trois termes : « alicorno », « lunicorno 65 », « leocorno ». Le dernier vient de la concaténation de leo et d’unicornus, la licorne étant souvent le symbole d’une bête féroce66. Ce qu’il y a de certain est l’existence du terme en français dès le premier quart du xive siècle, comme en témoigne sa présence dans Renart le Contrefait67 : dans son long discours didactique à Noble, Renart, citant l’exemple de Jules César, mentionne la licorne apparaissant dans un songe. Les devins de Rome, interprétant le rêve, annoncent que celui qui « ce cheval aroit » dominerait le monde. La Dame a la lycorne et le beau chevalier au lyon68, dont la rédaction se situerait aux alentours de 135069, offre encore un témoignage, et de l’utilisation de l’animal dans un texte fictionnel, et de sa dénomination en français. Si, dans la tradition de Chrétien de Troyes, le héros est accompagné d’un lion, le pendant féminin est le couple dame / licorne, l’animal, sous l’égide de Dieu et d’Amour, étant attribué à la dame comme marque de sa pureté. Ces exemples toutefois sont assez suffisamment rares pour que l’on puisse supposer que l’abandon d’« unicorne » pour « licorne » se soit fait très progressivement au cours du xive siècle et que l’encyclopédiste Jean Corbechon hérite d’une tradition de dénomination encore fragile.

En guise de conclusion…

On connaît la drastique révision que Marco Polo opère, par son observation, des données encyclopédiques dont il avait l’esprit empli à son départ pour l’Orient. Mais le rétablissement d’un réel ou, pour le moins, le doute du voyageur ne tarit pas pour autant le légendaire cristallisé par une longue tradition autorisée. Comme le propos d’Albert le Grand le prouve, la licorne prend un tour explicitement légendaire dès le xiiie siècle et gagne le terrain du merveilleux, au moins dans l’interrogation et le doute de certains auteurs. À travers la littérature encyclopédique, elle a en outre perdu tout exotisme pour être au rang, avec d’autres animaux, d’un catalogue zoologique devenu familier. D’autant plus familier que l’animal est le support de métaphores poétiques et d’une abondante iconographie. On ne saurait cependant conclure que la licorne a acquis une réalité véritable. La prétendue naïveté des auteurs médiévaux est à mesurer avec la plus grande prudence. J’avancerai l’hypothèse que la licorne, fruit de la transformation progressive du rhinocéros, passe de façon non linéaire de l’exotique au familier, mais dans un espace de l’étrange. Elle finit par perdre tout caractère exotique, non seulement parce que les textes la décrivant occultent pour la plupart toute référence à son lieu de vie, mais aussi parce qu’elle prend une dimension abstraite au sens où, par le symbolisme constant qu’elle supporte et par son caractère de plus en plus esthétique, l’animal en lui-même disparaît pour se réduire au seul squelette de la légende de sa capture, à un système de représentation directement lisible et compréhensible à l’aune d’un habitus qui, au fil des siècles, deviendra reconnaissance pure et simple d’une légende confinant au mythe.

Notes

1 Étymologies, 19, 22, 21. Retour au texte

2 Si l’on admet que ce concept est opérationnel pour le Moyen Âge ; voir F. Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale (xiie-xiiie siècles), 2 vol., Paris, Champion, 1991. Retour au texte

3 C’est pourquoi j’aurais tendance à nuancer la catégorie de « merveilleux technologique » énoncée par J. Le Goff (« Le merveilleux dans l’Occident médiéval », L’imaginaire médiéval, Paris, Gallimard, 1985, pp. 17-39). Retour au texte

4 Bestiaires du Moyen Âge, Paris, Stock, 1980. Retour au texte

5 Hist. an., 2, 1, 499b ; éd. trad. P. Louis, Paris, Belles lettres, 1964, p. 40. Retour au texte

6 Hist. nat., 8, 71, éd. cit., p. 48. La couleur buxeus prêche pour le Ceratotherium simum. Retour au texte

7 Isdem ludis et rhinoceros unius in nare cornus, qualis sæpe, uisus (Hist. nat., 8, 71, éd. A. Ernout, Paris, Belles lettres, 1952, p. 48). Solin, dans son De mirabilibus mundi, 31 reprend l’information : Ante ludos Cneii Pompeii rhinocerotem Romana spectacula nesciebant. Thomas de Cantimpré recopiera la phrase au xiiie siècle, par pure pratique de la compilation (éd. H. Boese, Berlin / New York, de Gruyter, 1973, p. 168). Retour au texte

8 Vie des douze Césars, Vie d’Auguste, 43 : Solebat etiam citra spectaculorum dies, si quando quid invisitatum dignumque cognitu advectum esset, id extra ordinem quolibet loco publicare, ut rhinocerotem apud Sæpta, tigrim in scæna, anguem quin quaginta cubitorum pro Comitio. Retour au texte

9 Liber de spectaculis, 22, 1 et Ep. apoph., 14, 52 : Gestavit modo fronte me iuvencus: Verum rhinocerota me putabas. Retour au texte

10 Martial, Ep., 1, 3 : Maiores nusquam rhonchi: iuvenesque senesque et pueri rhinocerotis habent. Retour au texte

11 Satires, 7, 130 : …Tongilii, magno cum rhinocerote lavari qui solet et vexat lutulenta balnea turba… éd. P. de Labriolle, F. Villeneuve, aug. J. Gérard, Paris, Belles lettres, 1983. Retour au texte

12 Eadem terra rhinocerotas alit, non generat (Hist. Alex. mag., 8, 9, 2 ). On retrouvera cette forme chez Vincent de Beauvais, Spec. hist., 5, 51 et 5, 59, à propos, justement, de l’histoire d’Alexandre. Retour au texte

13 Ibid., 9, 1, 1. Retour au texte

14 Il fut le médecin de Darius II, roi de Perse et a pu voir un rhinocéros d’Inde : il le décrit en effet comme âne d’Inde, à la tête pourpre. Retour au texte

15 Indica, éd., trad. J. Auberger, Paris, Belles lettres, 1991, p. 126. Retour au texte

16 De natura animalium, IV, 52 : Sylvestres asinos equis magnitudine non inferiores apud Indos masci accepi; eosque reliquo corpore albos, capite vero purpureo, oculisque cyaneis esse; cornuque in fronte gerere sesquicubiti longitudine, cujus inferius album, superius autem puniceum, medium vero plane nigrum sit. Texte disponible en ligne sur http://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Roman/Texts/Aelian/. Retour au texte

17 Hist. nat., 8, 76, éd. cit., p. 50. Retour au texte

18 Ann. in Job, 39. Retour au texte

19 Voir, entre autres, De Paradiso, 12, 56 (P.L. 14, c.692a) ; in Psalmo enn., ibid., c. 1009 sq. Retour au texte

20 Adv. Judæos, 10, P.L. 2, c. 629b. Retour au texte

21 P.L. 50, c. 751d. Retour au texte

22 Ps. 28, 6. Retour au texte

23 Ps. 21, 22. Retour au texte

24 Job, 39, 9. Retour au texte

25 P.L., 50, c 820d. On remarquera la forme en –on, que reprendra plus tard Isidore de Séville. Retour au texte

26 P.L. 76, c. 589d. Retour au texte

27 Ps. 21, 22. Retour au texte

28 P.L. 76, c. 590a. Retour au texte

29 Éd. F. Sbordone, Milano, 1936. Une traduction récente en français moderne a été publiée sour le titre Physiologos. Le bestiaire des bestiaires (trad. A. Zucker, Grenoble, J. Milon, 2004). Au moment de la rédaction du présent travail, je n’ai pu encore consulter cet ouvrage. Retour au texte

30 ο ψαλµος λεγει και υψωθησεται ως µονοκερωτος το κερας µου. ο Φυσιολογος ελεξε περι του µονοκερωτος οτι τοιαυτην φυσιν εχει. µικρον ζωιον εστιν οµοιον εριφωι δριµυτατον δε σφοδρα. ου δυναται κυνηγος εγγισαι αυτο δια το ισχυειν αυτο πολυ. εν δε κερας εχει µεσον της κεφαλης αυτου. Dans le Bestiaire de Gervaise, l’animal est comparé à un bouc : « une beste est, ço n’est pas fable ,/ Qui auques est a boc sanblable » (vv. 240-41), éd. P. Meyer, Romania, I, 1872, pp. 420-443. Retour au texte

31 Pour une approche, pas toujours très rigoureuse, des légendes sur la licorne, mais avec une iconographie riche et intéressante, voir la thèse de B. Faidutti, Paris XII, 1996, disponible sur le site http://faidutti.free.fr/licornes/these/these.html. On consultera avec intérêt, sur la légende de la licorne, l’ouvrage de J.W. Einhorn, Spiritualis Unicornis. Das Einhorn als Bedeutungsträger in Literatur und Kunst des Mittelalters, Munich, 1976. Retour au texte

32 L’origine de la légende n’est pas, à ma connaissance, fermement établie. La dimension érotique, dont l’auteur du Physiologos est très probablement inconscient (!!!) et le fait que le texte apparaisse dans le monde grec font raisonnablement penser à une origine orientale, surtout si l’on songe qu’à époque très ancienne, la corne de rhinocéros jouit d’une grande réputation en Orient. Dans une version arabe, la connotation sexuelle est fortement appuyée : voir J. P. N. Land, « Scholia in Physiologum Leidensem », Anecdota Syriaca, 4, 1875, p. 147. Retour au texte

33 Sur la tradition, voir le classique F. McCulloch, Mediæval Latin and French Bestiaries, Chapel Hill, The Univ. of North Carolina Press, 1960. Mais le rhinocéros ne figure pas dans toutes les versions : il n’est pas par exemple dans le texte d’Épiphanus, ni dans le Bestiaire de Theobaldus. Retour au texte

34 Les représentations médiévales de la licorne sont multiples, en particulier avec une hésitation sur la corne : concave, convexe ou droite. Certaines représentations, plus rares, se veulent proches de l’hybridation donnée par Pline et les encyclopédies. Voir l’iconographie dans la thèse de B. Faidutti, site web cit. Retour au texte

35 Voir mon ouvrage Les Origines des encyclopédies médiévales. D’Isidore de Séville aux Carolingiens, Paris, Champion, 2001. Retour au texte

36 Faut-il voir dans cette précision un certain scepticisme d’Isidore devant la façon de capturer l’animal ? Retour au texte

37 Éd. J. André, Paris, Belles lettres, 1986, p. 97. Voir les notes savantes p. 96 sur les différents sens et étymologies des termes employés par Isidore. Retour au texte

38 Unicornus et non unicornuus ; la plupart des manuscrits offrent la leçon en –us. Seuls les ms. T1 et B donnent unicornis. Retour au texte

39 Texte disponible en ligne sur http://www.intratext.com/IXT/LAT0385/ Retour au texte

40 Éd. Th. Wright, London, 1863, pp. 186-7. Retour au texte

41 P.L. 177, c. 59c. Retour au texte

42 Éd. H. Boese, De Gruyter, Berlin, New York, 1973, p. 168. Retour au texte

43 Spec. nat., 19, 104, éd. des Bénédictins de Douai. Retour au texte

44 Ms. A (Bruxelles 10074) et B (Berne, 233), éd. Ch. Cahier, Mélanges d’Archéologie, d’Histoire et de Littérature, Paris, 1852-56, pp. 221-2. Retour au texte

45 Bestiaire latin d’Aberdeen, disponible en ligne sur http://www.abdn.ac.uk/bestiary/. Retour au texte

46 Ms. Kongelige Bibliotek, GKS 1433 4°, fol. 5v. Retour au texte

47 Une autre version fut faite pour Aliénor d’Aquitaine (V. X. Muratova « Problèmes de l’origine et des sources des cycles d’illustrations des MSS des bestiaires », Actes du IVe Colloque International « Épopée Animale », Fable et Fabliau, Rouen 1984, pp. 383-408. Retour au texte

48 Éd. E. Walberg, Lund, 1900, vv. 393-5. Retour au texte

49 Éd. cit., vv. 243-44. Retour au texte

50 Éd. Cl. Hippeau, Caen, Paris, 1852-1877 (Slatkine rep., 1970), pp. 235-6. Retour au texte

51 Éd. cit., p. 220. Retour au texte

52 Éd. A. Thordstein, Lund, 1941. Retour au texte

53 Éd. C. Segre, Milano, 1957. Retour au texte

54 Disponible en ligne sur le site http://www.fh-augsburg.de/%7Eharsch/germanica/Chronologie/11Jh/Physiologus/ Retour au texte

55 Éd. F. J. Carmody, Berkeley, Univ. of California Press, 1948, p. 170. Une édition récente du ms. de l’Escorial ne présente que des variantes orthographiques (éd. S. Baldwin, P. Barrette, Tempe, Arizona, 2003, p. 149). Retour au texte

56 On verra plus loin que cette variante favorise peut-être l’intrusion du capricorne dans la liste des unicornes. Retour au texte

57 Tel que le donne l’édition de Francfort de 1601. Retour au texte

58 Monoceronem vocant ex multis compositum, mugitum horridum, equino corpore, capite ceruino, in media fronte cornu gestans, spledore miro pulchrum, longitudinis quatuor pedum, adeo acutum quod facili ictu perforat omne, quod impegit. Vix autem aut nunquam domari potest, et vix viuum venit in potestatem hominis : vinci enime se videns, occidit furore seipsum. Retour au texte

59 On se souvient que Marco Polo, qui ne connaît lui aussi que le terme « unicorne », avait remis en cause la légende de la chasse à la licorne : « il n’est point du tout comme nous, d’ici, disons et décrivons, quand nous prétendons qu’il se laisse attraper par le poitrail par une pucelle » (La Description du monde, trad. L. Hambis, Paris, Klincksieck, 1955, p. 243). Retour au texte

60 Le terme ægoceros est le terme employé pour le signe du zodiaque ; voir par exemple Lucrèce, De nat. rer., 6, 615. Retour au texte

61 BNF fr. 16993, fol. 318-318v. Retour au texte

62 Voir mon article, « Jean Corbechon, traducteur encyclopédiste au XIVe siècle », Cahiers de Recherches Médiévales, 6, 1999, pp. 75-98. Également, J. Ducos, « Le Lexique de Jean Corbechon : quelques remarques à propos des livres IV et XI », Bartholomæus Anglicus De proprietatibus rerum. Texte latin et réception vernaculaire, éd. B. Van des Abeele, H. Meyer, Turnhout, Brépols, 2005, pp. 101-15. Retour au texte

63 Hist. nat., 8, XXIX (20), éd. cit., p. 48. Retour au texte

64 Voir infra dans le présent travail. Retour au texte

65 Utilisé par exemple par l’ami de Dante, Guido Calvacant qui, dans un de ses sonnets à Guido Orlandi (Rime, XLIX), parle de « lunicorno » d’Inde. Retour au texte

66 On pourra à ce sujet noter que l’une des miniatures du Manuscrit BNF 22531 (fol. 324) du Livre des propriétés des choses représente, ensemble, le lion et la licorne. À propos de la férocité de l’animal, on notera le jeu sur cette caractéristique dans la tradition de Barlaam et Josaphat, où l’animal est une bête horrible jetant d’effrayants cris ; voir A. Planche, « La double licorne ou le chasseur chassé », Mélanges Foulon, Marche Romane, Mediaevalia, 80, t. 30, 3-4, 1980, pp. 237-46, article repris dans Des Plantes, des bêtes et des couleurs, Orléans, Paradigme, pp. 205-20. Retour au texte

67 Éd. G. Raynaud et H. Lemaitre, Paris, Champion, 1914, t. 1, p. 219, v. 21493 : je remercie Catherine Gaullier-Bougassas qui a signalé ce texte à mon attention. Retour au texte

68 Éd. F. Gennrich, Dresde, 1908. Retour au texte

69 A. Fourrier, « Le Destinataire de la Dame a la Licorne », Mélanges Le Gentil, Paris, SEDES, 1973, pp. 265-76. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Bernard Ribémont, « La licorne, un animal exotique ? », Bien Dire et Bien Aprandre, 26 | 2008, 99-120.

Référence électronique

Bernard Ribémont, « La licorne, un animal exotique ? », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 26 | 2008, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/909

Auteur

Bernard Ribémont

C.E.M. Orléans – T.AM. Paris-VII

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