L’expérience de l’altérité dans La vie de saint Louis de Joinville : l’Orient, l’ailleurs et la contagion possible de la barbarie

DOI : 10.54563/bdba.910

p. 121-136

Plan

Texte

La plus grande partie de la Vie de saint Louis de Joinville est consacrée à la septième Croisade, du débarquement en Égypte en juin 1249 au ré-embarquement pour la France, à Acre, en avril 1254, ce qui correspond à une période de près de cinq ans, dont quatre passés en Terre sainte (à partir de mai 1250)1. Censé relater les faits et gestes du roi Louis, le récit de la croisade met grandement en scène Joinville lui-même ; le texte reproduit le point de vue de l’auteur sur les événements, et parfois sur leur cadre, faisant ainsi apparaître des notations ou des observations sur ce que Joinville a vu des populations indigènes et de leur monde, ou entendu dire de peuples plus lointains. La critique s’est donc naturellement, et abondamment, intéressée à la représentation de l’Orient et à la perception de l’autre et de l’ailleurs dans la Vie de saint Louis2 ; nous voudrions, pour notre part, limiter strictement le champ d’étude à l’expérience de l’altérité qui se laisse percevoir dans le livre de Joinville, et nous entendons par « expérience de l’altérité » la réaction spontanée et subjective, de l’ordre de l’affect, éprouvée par tout individu quand il est confronté à la différence culturelle. Ce projet conduit à ne pas prendre en compte des matériaux qui apparaissent régulièrement dans la littérature critique consacrée à la représentation des musulmans et de l’Orient dans la Vie de saint Louis ; il convient donc de le préciser et de le justifier.

Comme le rappelle Claude Lévi-Strauss, l’homme ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite ; être de culture, animal culturel en quelque sorte, l’homme réalise ou actualise son humanité dans des gestes ou des pratiques culturels – gestes ou pratiques strictement définis dans un temps et un espace particuliers, et donc nécessairement différents et divers selon les groupes humains socialement constitués3. Ce qui nous intéressera dans ces pages, c’est justement ce que la Vie de saint Louis laisse apparaître ou deviner du rapport qu’entretient Joinville avec les usages et les façons de vivre qui font des peuples qu’il a rencontrés ou dont il a entendu parler des sociétés particulières et spécifiques, culturellement très éloignées de la civilisation occidentale. Disons-le tout de suite, ce rapport de Joinville à ce qu’on appelle communément l’altérité est profondément et radicalement négatif. Il n’y a là rien d’étonnant. La persistance chez l’homme moderne du rejet des formes culturelles les plus éloignées de celles auxquelles il s’identifie témoigne de la profondeur et de la solidité d’un phénomène qui est de nature psychologique, et sur lequel la raison ne peut agir qu’après coup, pour en réprimer les effets, mais pas pour en empêcher le surgissement4. Joinville n’est pas Montaigne, et il serait vain de lui reprocher une réaction instinctivement négative face à la différence des usages et des pratiques, même si on voit poindre, chez certains encyclopédistes du xiiie siècle, les premiers signes de ce relativisme culturel qui présidera à l’écriture de l’essai « Des Cannibales »5. Le témoignage de Joinville fait apparaître un homme nullement affranchi de cet ethnocentrisme qui fait que chacun réagit à la diversité culturelle en fonction de ses propres usages, réaction instinctive qui conduit souvent à rejeter l’autre du côté de la barbarie ou de la sauvagerie. Le caractère banal ou attendu de la réaction de Joinville à l’altérité n’abolit en rien l’intérêt d’en étudier l’expression dans la Vie de saint Louis, d’abord parce que cette réaction est plus uniformément et profondément négative que la critique ne l’a laissé parfois entendre, ensuite parce que la question de l’autre et de l’altérité dans notre texte fait apparaître des problématiques inattendues, en rapport avec le principe même de la croisade et de l’existence d’états chrétiens d’Orient – et en rapport, plus largement, avec l’évolution d’une histoire universelle qui tend de plus en plus à mettre en relation des peuples ou des nations que la géographie avait jusqu’alors tenus éloignés les uns des autres.

Limitation et présentation du corpus d’étude

Le corpus d’étude sera limité aux passages où Joinville évoque des usages et des coutumes – des manières d’agir ou de se comporter ayant une valeur contraignante pour les individus d’un même groupe (elles s’imposent à eux parce qu’ils les ont incorporées) ; c’est ce qui leur confère leur valeur culturelle.

Les mœurs guerrières et politiques des Sarrasins occupent une place importante dans le récit que fait Joinville de la septième Croisade : ils sont scandaleusement cruels à la guerre, cupides et fourbes, sans fidélité vis-à-vis de leurs princes, prompts à trahir leur parole, incapables de respecter leurs accords et leurs alliances. Leur image est très largement négative. Quand il débarque en Orient, Joinville devait nécessairement partager avec l’ensemble des croisés une représentation du monde musulman dont la négativité était à la fois profonde et ancienne, représentation à peine tempérée par l’imaginaire de richesse et de luxe qui lui était pourtant régulièrement associé, et que le prestige d’un personnage comme Saladin n’avait pas suffi à modifier autrement que de façon partielle et marginale6. Le texte ne laisse guère entendre que les préventions que l’on peut légitimement prêter à Joinville à son arrivée aient pu s’estomper par la suite ; il est même probable qu’elles aient été renforcées par les souffrances éprouvées et les dangers rencontrés par le sénéchal de France, ainsi que ses compagnons, non seulement lors de la calamiteuse campagne d’Égypte, mais aussi en Terre sainte7. Les mœurs guerrières et politiques de ses ennemis sont certainement, dans l’esprit de Joinville, la claire manifestation de leur mauvaise nature ; nous ne les ferons cependant pas entrer dans notre corpus : il s’agit en effet de comportements qui, pour être collectifs, ne sont pas commandés par des usages.

Le texte présente en revanche quelques développements plus ou moins longs sur les Bédouins, que Joinville a vus, ainsi que sur les Mongols et les Comans, qu’il n’a pas rencontrés, mais au sujet desquels il reproduit le témoignage de compatriotes entrés en contact avec eux. C’est seulement dans ces passages que Joinville mentionne des usages ou des pratiques qui sont aujourd’hui sentis comme des catégories anthropologiques : les modes alimentaires, les formes de l’habitat, les rites funéraires ou la répartition des tâches selon les sexes. Ce sont ces pages qui ont fait que Joinville s’est vu parfois crédité par la critique d’un certain intérêt ethnologique pour les us et coutumes des peuples d’Orient ; l’étiquetage ethnologique n’est pas sans danger : il suggère un état d’esprit bienveillant et tolérant qui nous semble en fait totalement étranger à celui de Joinville.

À ces quelques développements qui n’ont d’ethnologique que leurs objets, il convient d’ajouter les rares passages visant explicitement à décrire ce que Joinville appelle un « usage du pays » ou un « usage de la Terre sainte » ; l’expression « les usages du païs » apparaît deux fois (§ 505 et § 511), avec deux variantes : « la coustume du païs » (une fois, § 504) et « une mauvese maniere ou païs en la paiennime » (§ 312) ; on trouve l’expression « usage de la Terre sainte » une fois (§ 507), ainsi que « les bones coustumes de la sainte Terre » (§ 168). Pour désigner le même espace géographique, Joinville utilise donc tantôt le mot « païs », tantôt l’appellation « Terre sainte » ; cette alternance, on le devine, exprime un point de vue, mais l’opposition qu’elle sous-tend ne recouvre pas exactement une opposition entre des usages qui seraient ceux des musulmans d’un côté et ceux des chrétiens d’un autre côté. Parmi les usages en question, trois seulement font l’objet d’un véritable développement de la part de Joinville : ils sont en rapport avec l’exercice de la justice, ou plus précisément ils portent sur la nature des châtiments, domaine qui doit justement intéresser l’ethnologie moderne8.

La fausse neutralité de l’écriture de Joinville

S’il évoque plus ou moins longuement certains usages des Bédouins, des Mongols et des Comans, Joinville ne dit (à peu près) rien en revanche des coutumes des populations indigènes de Terre sainte, en dépit, rappelons-le, d’un séjour de près de quatre ans. Ce silence ne plaide pas a priori en faveur d’une curiosité ethnologique de Joinville pour la diversité culturelle – curiosité qui aurait eu largement de quoi se satisfaire au contact des populations indigènes. Il est toujours délicat, bien sûr, d’interpréter les silences d’un auteur ; il en est de même, dans le cas de Joinville, de sa relation des faits ou des événements. Le lecteur se trouve en effet confronté à une difficulté de taille qui a été parfaitement pointée par Y. Guilcher-Pellat : « Joinville […] n’assortit ses observations d’aucun commentaire, ne juge pas, fait un usage parcimonieux des épithètes. Seul le choix, dans la mémoire, de tel détail, de telle anecdote est signifiant : à nous de déceler le point de vue qui l’a guidé9. » Le phénomène est manifeste pour les mœurs politiques et guerrières des Sarrasins dans le récit de l’expédition en Égypte : on l’a déjà dit, le comportement de ces derniers atteste indéniablement de leur mauvaise nature, mais Joinville n’éprouve pas le besoin de formuler explicitement un commentaire moral ou intellectuel à leur endroit (ou que très rarement). La condamnation est enfermée dans la narration apparemment objective des faits ou des événements, dont le scandale n’a pas besoin d’être explicité. L’absence dans le texte de jugement moral ou intellectuel explicite implique que Joinville prête à son lecteur le même système de valeurs que le sien et qu’il suppose chez lui des réactions semblables aux siennes. L’écriture de Joinville est une écriture de la connivence : elle postule, entre l’auteur et le lecteur, un point de vue partagé sur les choses, une conception commune du monde, un prisme de la conscience identique, car façonné par la même culture.

Si ce que l’on sait des mentalités médiévales, occidentales et chrétiennes, permet de deviner assez aisément la nature du point de vue de Joinville sur la plupart des usages étrangers qu’il décrit ou évoque, l’entreprise est plus difficile pour quelques développements particuliers ; c’est le cas en ce qui concerne le point de vue de Joinville sur les Mongols et sur les châtiments qu’on inflige aux coupables de certains délits dans le royaume (en principe chrétien) de Jérusalem.

Bédouins, Mongols et Comans : quand la simple description vaut condamnation

Les développements consacrés aux Bédouins, aux Mongols et aux Comans ne sont accompagnés d’aucun jugement de valeur explicite de la part de Joinville.

Ce qui est dit des Bédouins ne laisse néanmoins guère de doute sur son sentiment. Il en brosse un bref portrait que nous résumons en respectant l’ordre du texte : les Bédouins croient à ce que nous appelons la métempsycose ; ce sont des nomades : les femmes et les enfants dorment sous des tentes sommaires ; les hommes couchent dehors, aux pieds de leurs chevaux, enroulés dans les peaux qui leur servent de manteau ; les Bédouins sont fatalistes et, parce qu’ils croient l’heure de leur mort de toute façon arrêtée, ils ne portent pas d’armes de protection quand ils font la guerre ; ce sont de « laides gens et hideuses » qui se nourrissent du lait de leurs bêtes et qu’on peut rencontrer dans les royaumes d’Égypte et de Jérusalem. Rapportée à ce que l’on sait des mentalités occidentales contemporaines, l’image donnée des Bédouins est sous-tendue par un rejet sans faille : rejet physique, culturel (un nomadisme qui confine à l’animalité) et religieux (Joinville ne fait pas de commentaire sur la métempsycose, fondamentalement incompatible avec la foi chrétienne ; il fait en revanche un commentaire sur le fatalisme des Bédouins, qui a séduit, dit-il, quelques chrétiens hérétiques ; il rappelle que Dieu a le pouvoir d’intervenir sur le cours des vies humaines ; Joinville tient visiblement à empêcher un rapprochement possible entre le fatalisme des Bédouins et la conception chrétienne de la prédestination et de la providence)10.

Au sujet des Comans, Joinville reproduit le témoignage d’un certain Narjot de Toucy. Ce personnage a été le témoin de l’alliance conclue entre l’empereur de Constantinople et le roi des Comans contre Jean Vatatzés, empereur de Nicée ; Joinville décrit les rites d’alliance que les Comans imposèrent à leurs nouveaux alliés lors de la cérémonie : sang des contractants versé et mélangé dans une coupe, et bu ensuite par ces derniers qui deviennent des « frères de sang » ; massacre collectif d’un animal dont le sort figure symboliquement celui de l’éventuel traître à l’alliance conclue. Narjot de Toucy a rapporté aussi, et de façon détaillée, ce qu’il a vu des funérailles d’un grand seigneur coman ; Joinville parle de grande « merveille ». Le défunt est enseveli dans la chambre d’un vaste tumulus, assis sur un fauteuil et richement vêtu ; on l’enterre avec son meilleur cheval et son serviteur le plus fidèle, l’un et l’autre vivants. Le serviteur, avant d’être enseveli, reçoit d’importantes sommes d’argent des seigneurs comans qui lui confient leur or afin qu’il le leur rende une fois qu’ils seront eux-mêmes dans l’autre monde11. Joinville, une fois de plus, ne fait aucun commentaire. Le seul élément du texte ayant une valeur modale, et exprimant ainsi la subjectivité de l’auteur, c’est la répétition de l’information « tout vif » associée à l’inhumation du cheval et du serviteur : l’ensevelissement vivant est en soi un scandale qu’il n’est pas besoin de gloser12. L’orgueil social et l’attachement aux biens terrestres que révèle le rituel païen devaient être des causes supplémentaires de rejet pour la conscience chrétienne de l’auteur. Si Joinville n’éprouve pas le besoin de dire explicitement sa stupéfaction horrifiée, c’est que le strict récit des faits vaut à ses yeux claire condamnation.

Le retour des messagers du roi Louis auprès des Mongols, alors que le roi séjourne à Césarée, est l’occasion d’un long développement qui mériterait sans doute une étude à part entière (§ 470-492). C’est un texte d’une difficulté redoutable si l’on cherche à définir quel pouvait être le point de vue exact de Joinville sur ce qu’on lui a rapporté des Mongols dont certains pensaient à l’époque qu’ils pouvaient se convertir au christianisme et devenir ainsi des alliés dans la lutte contre les musulmans13. « La narration, selon Henriette Benveniste, oscille entre une image exotique et maudite qui tire son origine de l’hésitation entre la peur et l’espoir que représentent les Mongols14. » Si le texte reproduit indéniablement la croyance en une christianisation partielle ou possible des Mongols, il n’est pas certain pour autant que Joinville fût parfaitement et intimement convaincu de la réalité de cette conversion ; il nous semble que l’éloignement culturel des Mongols et leur réputation de guerriers semant la mort et la désolation (fait rappelé à diverses reprises) rendaient plutôt inconcevable pour Joinville qu’ils fussent chrétiens, et même qu’ils pussent le devenir. Quoi qu’il en soit de cette question, le développement s’achève sur des éléments « ethnologiques » : les jeunes femmes font la guerre comme les hommes ; les Mongols ne connaissent pas le pain, mangent de la viande crue et la conservent dans des sacs de cuir d’où sort, quand ils les ouvrent, une insupportable puanteur (§ 488-489). Là encore il n’est pas besoin que Joinville formule de jugement.

L’image des Bédouins, des Comans et des Mongols présente une continuité et une complémentarité évidentes. Si l’on confronte les différents éléments constituant cette image à ce que l’on peut légitimement reconstituer des mentalités d’un occidental du xiiie siècle : son système de valeurs, ses aspirations et ses répulsions, son idéal et ses peurs profondes, il est bien évident que cette image est subjectivement porteuse de rejet et d’aversion, quand bien même elle a toute l’apparence de l’objectivité descriptive. Il n’y a aucune curiosité ethnologique de la part de Joinville vis-à-vis de l’autre ; et si l’autre est présenté à travers des catégories ethnologiques comme l’alimentation ou l’habitat, ou comme les rites d’alliance ou les cérémonies funéraires, c’est justement parce que c’est là que s’exprime une différence culturelle irréductible – parce que c’est là que se cristallisent le dégoût et l’horreur de l’autre. On remarquera que les trois peuples qui ont les honneurs de l’intérêt pseudo-ethnologique de Joinville ont encore en commun d’appartenir à un ailleurs dont l’éloignement géographique tend à se restreindre, voire à s’effacer. Joinville est entré en contact avec des Bédouins, Narjot de Toucy avec des Comans, André de Lonjumeau, le frère prêcheur envoyé en ambassade par le roi Louis, avec des Mongols. L’histoire du xiiie siècle, dans son évolution, fait se rencontrer ou tend à faire se rencontrer des groupes qui se déplacent les uns vers les autres. Or ce contact, il semble bien que Joinville le craigne profondément, non pas seulement parce qu’il est physiquement dangereux voire mortel, mais parce qu’il existe pour lui – on va le voir – une véritable contagion possible du mal ou de la barbarie.

Les « usages du pays » et la contagion possible de la barbarie

Au § 505, Joinville annonce à ses lecteurs qu’il va leur parler des « justices et des jugements » dont il fut le témoin le temps de son séjour à Césarée ; ces jugements sont au nombre de quatre :

  1. La condamnation d’un chevalier qui, dit-il, « fut surpris au bordel » (§ 505) ;
  2. la punition de quelques frères de l’Hôpital coupables d’avoir bousculé rudement des chevaliers au service de Joinville lors d’une chasse à la gazelle (§ 507-508) ;
  3. le châtiment, non appliqué, d’un sergent du roi ayant porté la main sur un autre chevalier de Joinville (§ 509-510) ;
  4. le jugement rendu par le roi Louis à l’encontre de Hugues de Jouy, « maréchal du Temple », coupable d’avoir conclu un accord avec le sultan de Damas sans l’aval de son souverain, et que le roi Louis condamne publiquement au bannissement (§ 511-514).

Nous ne retiendrons pas ce dernier exemple : il n’est pas de la même nature que les trois autres jugements, jugements qui relèvent de la justice commune et, surtout, obéissent à des usages locaux. Joinville – là comme ailleurs – ne fait pas de commentaire explicite à propos de ce qu’il rapporte.

Le chevalier pris en aimable compagnie se voit, « selon les usages du pays », proposer le choix suivant : ou bien traverser le camp en chemise, les parties génitales attachées à une corde tenue par la prostituée avec qui il a été surpris ; ou bien abandonner l’armée, en laissant armes et cheval ; le coupable fait le choix de quitter l’armée. Les frères de l’Hôpital sont punis par le maître de l’ordre conformément, cette fois-ci, à « l’usage de la Terre sainte » : ils mangeront assis par terre aussi longtemps que leurs victimes ne viendront pas eux-mêmes les relever de leur punition ; Joinville et ses chevaliers font cette démarche si rapidement que le maître de l’ordre hésite à donner son accord. Le sergent brutal, après hésitation du roi Louis, est envoyé auprès de sa victime pour y subir sa punition. Ce dernier, « selon les usages du pays », se présente pieds nus et en chemise, s’agenouille devant celui qu’il a rudoyé, lui présente son épée par la poignée et lui demande de lui trancher le poing : « Sire, je vous amende de ce que je mis ma main a vous, et vous ai aportee ceste espee pour ce que vous me copez le poing, se il vous plet » (§ 509). Le chevalier de Joinville n’en fait évidemment rien.

Les usages locaux en matière de justice sont donc répartis en deux groupes, d’un côté ceux qui relèvent d’un esprit senti comme chrétien et qui sont ainsi en conformité avec la sainteté du lieu (les usages de la Terre sainte) ; d’un autre côté ceux qui, infamants ou cruels, contraires à l’honneur ou à l’équité, sont incompréhensibles dans une juridiction sous domination chrétienne et occidentale, usages que Joinville appelle « usages du pays », usages qu’il perçoit donc comme imprégnés d’un esprit indigène sur lequel il fait visiblement porter leur négativité.

Les punitions susceptibles d’être infligées au chevalier luxurieux et au sergent brutal prennent une résonance particulière à être mises en perspective avec d’autres châtiments évoqués dans le texte de Joinville. Pendant leur séjour dans la cité de Sayette, les croisés apprennent par des marchands la prise de Bagdad par les Mongols. Le récit n’est guère favorable à ces derniers en général et à leur chef en particulier, qui a conquis la cité grâce à la ruse et au mensonge, se montrant dans l’affaire particulièrement fourbe et cruel. Joinville rapporte un fait étonnant : Bagdad une fois prise, le chef mongol aurait fait enfermer le calife dans une cage et l’aurait affamé ; au bout d’un certain temps, il lui aurait proposé pour toute nourriture des bijoux chargés de pierres précieuses et contenus dans un plat d’or, bijoux que le calife reconnaît pour avoir été les siens. C’est là que l’anecdote vire au récit exemplaire : le chef mongol condamne le calife à se nourrir de l’or et des joyaux qu’ils auraient dû dépenser précédemment dans l’entretien de son armée, à travers une largesse qui au final l’aurait rendu plus fort contre les Mongols eux-mêmes (§ 584-587). On le devine : le vice à l’origine de la défaite du calife, c’est l’avarice et par un étrange retournement, c’est le chef mongol qui en fait la leçon au vaincu et le châtie de sa faute.

Les châtiments qui auraient pu être infligés au chevalier luxurieux et au sergent brutal, et celui auquel est condamné le calife avaricieux forment un ensemble d’une remarquable homogénéité : à chaque fois le châtiment est en rapport direct avec la faute condamnée : la luxure, avec les parties génitales attachées ; la brutalité, avec la main coupée ; l’avarice, ou l’amour des richesses, avec l’absorption des bijoux et des pierres précieuses. Il est remarquable que ces châtiments, dans leur forme et par leur principe, ne sont pas sans rappeler, et très étroitement, ceux que l’on trouve reproduits dans l’iconographie médiévale de l’enfer. L’imaginaire des supplices infernaux, comme l’a montré Jérôme Baschet, évolue avec le temps dans le sens d’une différenciation des peines corporelles et d’une adaptation de ses peines à la nature des fautes des damnés15 ; cette évolution, « qui a pour fonction de légitimer les tortures infernales et pour effet de transformer la peine en allégorie16 » commence dès le xiie siècle, où parmi les réprouvés, on peut reconnaître les avares et les luxurieux, par des symboles de leur faute ou des châtiments spécifiques (bourse pendue au cou ; sexe mordu par un démon ou un monstre). L’imaginaire des supplices infernaux est riche et varié ; toutes les peines représentées dans l’iconographie ne sont pas susceptibles d’être réduites à un seul principe de figuration ; mais il est indéniable qu’un nombre important de supplices reposent sur l’idée d’une punition des réprouvés par où ils ont péché (luxurieux pendus par le sexe, avares gavés d’or fondu, coléreux aux membres mutilés) : c’est bien à ce principe-là qu’obéissent les deux châtiments selon les « usages du pays » évoqués par Joinville, et celui du calife de Bagdad rapporté par la rumeur.

Or, pour finir, alors qu’il évoque l’œuvre de bonne justice et de bonne administration du royaume par le roi Louis une fois de retour en France, Joinville se souvient soudain du châtiment d’un blasphémateur ordonné par celui-ci à Césarée. Le roi Louis fit mettre au pilori un orfèvre, en chemise et en caleçon, le cou enroulé de boyaux et de viscères de porc qui lui montaient jusqu’au nez. Cette aversion de Louis IX pour le blasphème est encore illustrée par un autre jugement, celui d’un bourgeois de Paris à qui le bon roi Louis fit appliquer un fer rouge sur la bouche. Le texte ne semble pas être a priori défavorable à saint Louis, Joinville mettant en effet la sévérité du roi sur le compte de son amour pour Dieu et sur sa dévotion (le roi aurait accepté lui-même le fer s’il avait pu ainsi purifier le royaume de tous les blasphèmes)17. Pourtant, tout juste après, Joinville indique comment il fait lui-même punir le juron et le blasphème dans sa maison : par une gifle (« bufe ») ou un coup de baguette sur la paume de la main (« paumelle »). Dans les années qui suivirent son retour de Terre sainte, Louis IX, comme le note Jacques Le Goff, n’a pas toujours montré, en matière de jugements personnels, l’indulgence et la miséricorde que les traités politiques réclamaient du prince ; le châtiment du bourgeois de Paris blasphémateur rapporté par Joinville (bourgeois de condition sociale moyenne) avait fortement frappé les esprits des contemporains et soulevé l’indignation publique – on murmura, parmi les gens de bien, contre la cruauté du roi18.

Le châtiment infligé au blasphémateur par le roi Louis – l’application du fer rouge sur la bouche – obéit au même principe que les supplices infernaux (les portails des cathédrales de Bourges et du Mans font apparaître des représentations approchantes du châtiment des péchés de parole : langue mordue par des reptiles ou torturée par des démons19). On reconnaît, dans la forme du supplice, dans sa logique et dans sa cruauté, les caractéristiques de ce que Joinville appelle, on l’a vu, les « usages du pays » quand il s’agit de la justice dans le royaume – chrétien en principe – de Jérusalem. La continuité entre les châtiments (appliqués ou simplement envisagés, peu importe) du chevalier luxurieux, du sergent brutal, du calife avaricieux et du bourgeois blasphémateur est évidente, et cette continuité ne plaide pas en faveur du roi Louis. Certains éléments du texte de Joinville laissent d’ailleurs entendre la possibilité d’une propagation ou d’une contagion de l’esprit mauvais que renferment l’autre et l’ailleurs.

Joinville se voit confier le commandement d’un bataillon de cinquante chevaliers qui, « selonc la coustume du païs », mangent les uns en face des autres, assis par terre sur des nattes (§ 504); Joinville donne l’information en précisant que ses chevaliers et lui-même mangent à table ; on a vu de plus que manger par terre était une punition en usage chez les frères de l’Hôpital ; il nous semble bien certain que Joinville désapprouvait ce phénomène d’acculturation (sans éprouver le besoin d’un jugement explicite de sa part). Il condamne comme une « mauvese maniere ou païs en la paiennime » le fait que les messagers du roi ou du sultan sont retenus prisonniers par leurs hôtes si entre-temps leur souverain venait à décéder ; cet usage païen, donc scandaleux, est appliqué et par les Sarrasins et par les chrétiens (§ 312). Joinville revient sur le problème un peu plus loin : « Or est tele la coustume entre les crestiens et les Sarrazins que, quant le roy ou le soudanc meurt, cil qui sont en messagerie, soit en paennime ou en crestienté, sont prison et esclave » (§ 364). Les chrétiens ont ici clairement emprunté aux païens leurs mauvaises mœurs – il s’agit là encore d’un exemple d’acculturation négative.

On l’a vu, la justice du roi Louis semble elle aussi marquée par les mauvais principes qui président aux jugements et aux châtiments au-delà du monde chrétien, vers l’Orient, qu’il soit sarrasin ou mongol. Comme l’indique en note J. Monfrin20, la forme de la punition de l’orfèvre de Césarée s’explique probablement parce qu’on jurait fréquemment à l’époque « par les boyaux et la fressure de Dieu, de la Vierge, etc. » Le choix du porc n’est cependant pas innocent dans un espace dont la culture est profondément musulmane. Une fois la ville de Damiette rendue aux Sarrasins, ces derniers, contre leurs promesses, massacrent les croisés malades qui s’y trouvaient en convalescence et détruisent les stocks de porc salé : ils empilent ensuite les cadavres sur la viande salée, érigeant ainsi un grand bûcher ; le feu, dit Joinville, dura trois jours (§ 369). La violence impie des Sarrasins et la justice impitoyable de Louis ne sont certes pas semblables et encore moins équivalentes, mais elles ne sont pas non plus sans résonances communes.

Revenons, une ultime fois, aux Comans et aux Mongols. Après avant entendu le rapport des messagers qu’il avait envoyés auprès des Mongols, le roi Louis reconnut avoir fait une grave erreur (« Et sachiés qu’il se repenti fort quant il y envoia », § 492). Non seulement il n’y a rien à gagner à la rencontre de l’autre, mais il y a tout à y perdre, comme le montre le récit de Narjot de Toucy rapportant comment l’empereur de Constantinople et son entourage durent participer aux rites d’alliance que leur imposèrent les Comans : ces derniers, selon Joinville, « mellerent leur sanc avec le sanc de nostre gent et tremperent en vin et en yaue, et en burent et nostre gent aussi », puis ils « firent passer un chien entre nos gens et la leur, et descoperent le chien de leur espees, et nostre gent aussi » (§ 496) ; Joinville utilise la première personne du pluriel : « nos gens », « nostre gent », exprimant ainsi son identification avec ceux de Constantinople, dans lesquels, face à l’altérité inquiétante des Comans, il reconnaît spontanément des semblables, mais des semblables que les circonstances ont contraints à sacrifier à des rites barbares et répugnants, ont contraints à renier leurs propres lois et leur propre culture : la rencontre avec l’autre – c’est ici une absolue évidence – se fait au prix d’un reniement et d’une perte de soi.

Quand on lui proposa de participer à la croisade de 1267, Joinville refusa. On l’entend condamner sans ambiguïté cette entreprise du roi Louis, vouée de toute façon à l’échec en raison de l’état de santé du monarque à ce moment-là. En restant sur ses terres pour les administrer, pour défendre et protéger ses gens, et en évitant de s’exposer, lui et ses chevaliers, aux périls de la croisade, Joinville pense obéir à ce qu’il perçoit être la volonté de Dieu (§ 735). Les raisons de Joinville – on le devine bien – auraient dû être celles du roi Louis : leur exposé vaut claire condamnation du projet royal.

Le raisonnement de Joinville est symptomatique d’une évolution des sensibilités au sujet de la croisade – croisade sentie désormais comme d’une utilité douteuse pour la propagation de la foi chrétienne et peut-être même nuisible pour l’avenir des différents états d’Occident en proie à d’autres problèmes que celui posé par la perte de Jérusalem21. Il n’y a pas lieu de douter de la sincérité de Joinville à ce sujet. Mais le texte fait apparaître, en filigrane, une autre raison, peut-être tout aussi efficiente que celles alléguées, quand bien même elle reste à l’état pré-conscient.

L’ailleurs est en effet le lieu d’une altérité inquiétante et menaçante. Pour Joinville, comme pour les autres croisés du Moyen Âge, la rencontre avec le monde arabo-musulman n’a pas eu lieu22, ou du moins elle semble ne pas avoir eu d’autre forme que celle du conflit, de la haine et de l’incompréhension23. La Terre sainte est en fait une « périlleuse terre », selon l’expression même de Joinville, mais elle n’est probablement pas la plus périlleuse de toutes – au-delà d’elle et non loin d’elle vivent ou apparaissent des peuples (les Comans, les Mongols) d’une altérité manifestement plus grande et plus dangereuse que celle des Sarrasins, déjà bien redoutables pourtant. S’il y a péril à rencontrer l’autre, ce péril n’est pas simplement physique, et le risque de mort n’est peut-être pas le pire. Rencontrer l’autre, c’est risquer de se laisser happer par lui, de se faire aspirer par sa barbarie et finir par lui ressembler. Il nous semble voir dans le témoignage de Joinville l’expression d’une crainte très particulière – non pas tant celle de l’altérité en elle-même que de son pouvoir d’attraction ou de captation. Il faut rester loin de l’autre, parce que son inhumanité est contagieuse.

Notes

1 Joinville, Vie de saint Louis, éd. trad. J. Monfrin, Paris, Dunod, « Classiques Garnier », 1995 (notre édition de référence). Le récit de la septième Croisade représente plus de soixante-dix pour cent du livre (§ 146-617). Retour au texte

2 Voir par exemple Ph. Ménard, « L’esprit de croisade chez Joinville. Étude des mentalités médiévales », Les Champenois et la croisade, Paris, 1989, pp. 131-147 ; J. Monfrin, « Joinville et l’Orient », L’Écrit dans la société médiévale. Textes en hommage à Lucie Fossier, éd. C. Bourlet et A. Dufour, Paris, 1991, pp. 259-267 ; H. Benveniste, « Joinville et les autres : les procédés de représentation dans l’Histoire de saint Louis », Le Moyen Âge, t. 102, 1996, pp. 24-55 ; Y. Guilcher-Pellat, « Joinville en « paennime », l’autre, l’ailleurs », Jean de Joinville : de la Champagne aux royaumes d’Outre-mer, dir. D. Queruel, Paris, Klincksieck, 1998, pp. 193-206 ; H. Legros, « Images et représentations de l’Orient dans la Vie de saint Louis de Joinville : de l’Orient peint dans l’historiographie à l’Orient évoqué dans les chansons de geste », L’épopée romane, Actes du XVe Congrès International Rencesvals (Poitiers, 21-27 août 2000), 2002, t. II, pp. 705-714. Retour au texte

3 Cette conception est au cœur du relativisme culturel de Claude Lévi-Strauss ; voir par exemple Race et histoire, dans Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, pp. 382-387. Selon lui, l’erreur du discours humaniste sur l’égalité et la fraternité, et la source de son échec ou de son inefficacité face au racisme par exemple, est de faire la promotion d’une humanité une et indivisible, transcendant toutes les diversités et située dans un au-delà des différences culturelles. Les individus et les sociétés exprimant leur humanité dans des gestes ou des pratiques culturels par lesquels ils se définissent justement comme humains, la confrontation avec la différence culturelle suscite instinctivement incompréhension ou dégoût, voire rejet horrifié – elle suscite une disqualification de l’autre qui peut se manifester à travers le vocabulaire de la barbarie ou de la sauvagerie, le barbare et le sauvage n’étant jamais que des formes, à peine atténuées parfois, du non-humain. Lévi-Strauss évoque cette anecdote, qu’il qualifie de tragique et de baroque (ibid., p. 384) : « Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d’enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre était, ou non, sujet à la putréfaction. » Victimes de leur ethnocentrisme respectif, les deux groupes mis subitement en contact par les aléas de l’Histoire se posent exactement la même question (est-ce que ce sont des hommes ?) – question qu’ils posent en fonction de postulats différents et à laquelle ils répondent selon des procédures et avec des moyens qui leur sont propres. Ce cas de figure est moins extrême qu’exemplaire : l’altérité véritable commence avec le surgissement d’un doute sur l’humanité de l’autre. Retour au texte

4 Ibid., p. 383. Retour au texte

5 Ch. Connochie-Bourgne, « L’exemple des peuples d’ailleurs », En quête d’utopies, dir. C. Thomasset et D. James-Raoul, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, Paris, 2005, pp. 188-189. Retour au texte

6 P. Sénac, L’Image de l’autre : L’Occident médiéval face à l’islam, Paris, Flammarion, 1983. Retour au texte

7 Joinville et le roi Louis quittent la Terre sainte le jour de la Saint-Marc, qui était le jour même de la naissance du roi ; la coïncidence conduit Joinville à voir dans le départ du roi une forme de « renaissance » pour lui, ce dernier échappant en effet à une « périlleuse terre » (§ 617). Retour au texte

8 C. Lévi-Straus, Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955, p. 464. Retour au texte

9 Y. Guilcher-Pellat, art. cit., p. 194. Retour au texte

10 Éd. cit., § 249-253. Retour au texte

11 Ibid., § 495-498. Les Comans (appelés ainsi par les Occidentaux, du hongrois Kum) étaient des nomades vivant au nord de la Mer Noire et dans les steppes environnant la Mer Caspienne et l’Irtych. Retour au texte

12 À la hantise de l’enterrement « tout vif », se greffait probablement une autre angoisse, liée cette fois-ci à la présence physique d’un mort. C. Lecouteux et Ph. Marc, dans Les Esprits et les Morts, Croyances médiévales, Paris, Champion, 1990, pp. 185-186, illustrent la croyance à la survie maléfique des morts par un récit tiré des Gesta Danorum de Saxo Grammaticus : Asmund, par amitié, se fait enterrer vivant dans le tumulus d’Asvit, avec son chien et son cheval ; on l’en fait ressortir trois après, l’air horrifié et le visage en sang : c’est que le cadavre d’Asvit, après avoir dévoré le cheval (1ère nuit), puis le chien (2e nuit), s’est jeté sur Asmund pour le manger à son tour et lui a arraché l’oreille gauche avec les dents (3ème nuit). Retour au texte

13 J. Le Goff, Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996, pp. 43-50. Retour au texte

14 H. Benveniste, art. cit., p. 54. Retour au texte

15 J. Baschet, Les Justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (xiie-xve siècles), Paris-Rome, École Française de Rome, 1993. Retour au texte

16 Ibid., p. 132. Retour au texte

17 « Le roy ama tant Dieu et sa douce Mere que touz ceulz que il pooit atteindre qui disoient de Dieu ne de sa Mere chose deshoneste ne vilein serement, que il les fesoit punir griefment. Dont je vi que il fist mettre un orfevre en l’eschiele, a Cezaire, en braies et en chemise, les boiaus et la fressure d’un porc entour le col, et a si grant foison que elles li avenoient jeusques au nez. Je oÿ dire que, puis que je reving d’outre mer, que il en fist cuire le nez et le balevre a un bourjois de Paris, mes je ne le vi pas. Et dist le saint roy qu’il vourroit estre seigné d’un fer chaut par tel couvenant que touz vileins seremens feussent ostez de son royaume. » (§ 685) Retour au texte

18 J. Le Goff, Saint Louis, op. cit., p. 239 et p. 491 (J. Le Goff, qui remarque l’attitude plus modérée de Joinville, définit saint Louis comme un « justicier maniaque et pathologique, [qui] fit montre de dureté et même de cruauté, en particulier dans le châtiment des blasphémateurs »). Retour au texte

19 J. Baschet, « Les sept péchés capitaux et leurs châtiments dans l’iconographie médiévale », Histoire des péchés capitaux au Moyen Âge, dir. C. Casagrande et S. Vecchio, Paris, Aubier, 2003, p. 356 (trad. française). Retour au texte

20 Éd. cit., p. 436. Retour au texte

21 J. Richard, Histoire des croisades, Paris, Fayard, 1996, pp. 375-376. Retour au texte

22 J. Le Goff, Saint Louis, op. cit., pp. 204-205. Retour au texte

23 D. Norman, Islam et Occident, Paris, Les Éditions du Cerf, 1993, pp. 348-349 (pour la traduction française) : l’auteur juge le témoignage de Joinville représentatif du climat général de méfiance des croisés et des chrétiens d’Orient vis-à-vis des musulmans, l’attitude la plus répandue étant la haine, pure et simple. Cet état de fait est la conséquence inévitable d’une politique locale qui vise à empêcher les contacts entre les deux communautés qui vivent l’une à côté de l’autre dans la plus grande ignorance mutuelle. Retour au texte

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Référence papier

Philippe Haugeard, « L’expérience de l’altérité dans La vie de saint Louis de Joinville : l’Orient, l’ailleurs et la contagion possible de la barbarie », Bien Dire et Bien Aprandre, 26 | 2008, 121-136.

Référence électronique

Philippe Haugeard, « L’expérience de l’altérité dans La vie de saint Louis de Joinville : l’Orient, l’ailleurs et la contagion possible de la barbarie », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 26 | 2008, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/910

Auteur

Philippe Haugeard

Université de Haute-Alsace, Mulhouse

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