Harmonie politique et révolte : nature et fonction de l’amor dans la relation vassalique (Girart de Roussillon, Lancelot en prose)

DOI : 10.54563/bdba.944

p. 163-178

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La littérature médiévale offre un vaste ensemble de conflits opposant un vassal, généralement un grand baron ou un puissant chevalier, et son seigneur légitime, essentiellement un souverain, roi ou empereur. Ces conflits sont violents, terriblement meurtriers, au point de menacer parfois la survie des groupes concernés ; ces conflits peuvent être interminables aussi, sans cesse relancés pour des raisons personnelles, politiques ou juridiques, lesquelles, se superposant, finissent par former un écheveau de causes passablement embrouillé. Cette surdétermination des conflits dans la chanson de geste comme dans le roman doit conduire à situer le nœud du problème ailleurs que dans les causes objectives alléguées : ce qui est véritablement en jeu, et qui traverse une crise (durable et profonde, mais rarement définitive), c’est l’amor censée unir seigneur et vassal dans le lien féodal. Sans rétablissement de cette amor, il n’y a pas de réconciliation ni de paix authentiques ; et c’est ce rétablissement qui marque de façon tangible le retour à l’harmonie sociale et politique1.

Or, le mot amor, ainsi que les termes appartenant à son « paradigme morphologique » : le verbe amer et les substantifs ami et amistié, soulèvent un difficile problème d’interprétation quand ils apparaissent dans le champ des relations féodales2. Dans un contexte féodal en effet, ces mots constituent un des pièges contre lesquels J.-Cl. Schmitt met en garde l’historien « occidentaliste » qui étudie les stades antérieurs de sa propre civilisation : « La continuité apparente, celle de la langue avant tout, entre ce passé de l’Europe et le présent de l’historien, devient une source d’errements si l’on n’y prend garde : les mots […] restent en partie les mêmes, mais leur contexte social et idéologique et, par la suite, leurs sens se transforment dans le cours de l’histoire3. » Il est courant de traduire le vocabulaire de l’amor par celui de l’amitié, alors que ce vocabulaire, dans le cadre de la féodalité, renvoie plus généralement à des relations interpersonnelles dans lesquelles l’affectivité et la sensibilité peuvent être complètement exclues. Pour les textes donnant aux relations qui unissent seigneurs et vassaux un contenu subjectif et affectif fort (comme c’est souvent le cas), cette habitude de traduction ne déforme pas la vérité psychologique de la représentation littéraire, mais elle n’est évidemment pas sans risque quand on l’étend abusivement à des relations vassaliques dans lesquelles le sentiment amical est résolument absent, ou quand on devient aveugle, en y recourant, à la nature véritable d’un lien dont l’existence et le contenu sont en fait fondamentalement commandés par la structure sociale.

Dans des pages consacrées à l’amor dans la Chanson de Roland, G. F. Jones mettait déjà en garde contre la traduction par « amitié »4. Il ressort de ses analyses que le vocabulaire de l’amor possède une forte dimension juridique, qu’il manifeste une conscience aiguë de dépendance réciproque, et qu’il n’exprime, si on se situe sur le plan de la psychologie, qu’une absence d’hostilité5. Dans un contexte féodal, l’amor est ce que nous appellerons un sentiment social ; dans ce cadre-là, si l’amor peut effectivement devenir un sentiment personnel, ce n’est que par surcroît, sans nécessité6.

Nombreuses cependant sont les représentations littéraires qui donnent à ce sentiment social une importante dimension subjective et affective, et qui traitent donc l’amor comme une catégorie psychologique – catégorie psychologique dont le contenu correspond à notre concept d’amitié. Il en va bien sûr de l’intérêt « humain » de récits dont les personnages sont individualisés et engagés dans des relations interpersonnelles fortes ; nous n’avons pas affaire à une littérature désincarnée, et la complexité sociale, très présente, produit de la complexité psychologique. Cela dit, et c’est ce que nous voudrions montrer à travers la confrontation de deux cas de rébellion assez antithétiques (en tant qu’état de crise, la révolte est un moment propice à l’étude de la question de l’amor féodale), l’intensification du sentiment social en sentiment personnel n’est pas réductible à une nécessité poétique ; cette intensification, qui correspond pour ainsi dire à un changement de nature (on passe d’un lien social à une relation subjective et affective), possède en fait, dans certaines œuvres, une signification proprement idéologique : elle participe d’un projet concerté d’enchantement du lien vassalique, et donc de la féodalité comme système d’organisation politique et sociale.

L’amor comme sentiment social : les suites de la bataille de Vaubeton dans Girart de Roussillon

Terriblement meurtrière, la bataille de Vaubeton, dans laquelle le roi Charles et le comte Girart ont lancé toutes leurs forces, est subitement interrompue par un miracle manifestant sans ambiguïté la réprobation de Dieu7. Effrayés par la colère divine, les adversaires se séparent immédiatement. Les deux camps cherchent alors à restaurer la paix, coûte que coûte. Mais leurs chefs se montrent d’abord réticents, incapables de faire taire leurs ressentiments. Après de nombreuses tractations entre les deux partis, et diverses délibérations à l’intérieur de chacun d’eux, un accord est finalement conclu, et scellé lors d’une cérémonie au cours de laquelle Girart prête hommage à Charles, fait le serment de ne pas lui nuire et échange avec ce dernier un baiser de paix ; on obtient de tous ceux qui ont pris part à la guerre de renoncer à la vengeance des morts, puis on fait délivrer les prisonniers8. À la suite de quoi les deux armées se disloquent, chacun des belligérants rentrant chez soi, Girart sur ses terres de Roussillon et Charles dans son royaume de France.

De l’interruption de la bataille de Vaubeton à la séparation des combattants, le texte décrit un processus de rétablissement de la paix que les esprits du temps devaient en fait immanquablement sentir comme inaccompli ou inachevé. Ce caractère insatisfaisant du rétablissement de la paix entre Charles et Girart pourrait fort bien complètement nous échapper sans les apports d’une science historique qui nous permet désormais de confronter les faits textuels aux usages contemporains et de les appréhender en tenant compte des traits de mentalité spécifiques que ces mêmes usages impliquent et révèlent.

À partir de l’étude de cent quatre-vingts cas de conflit de propriété opposant des laïcs à l’abbaye de Marmoutier ou à des établissements dépendant d’elle, vers la fin du xie et au début du xiie siècle dans une région couvrant les environs de Vendôme, Blois, Tours, Angers, Le Mans et Châteaudun, S. D. White a montré que le règlement de ces différends obéissait à un processus stable dans sa structure et que ce processus était sous-tendu par la prévalence des solutions de compromis sur les décisions de justice prises dans les cours comtales saisies pour régler les querelles9. La résolution d’un conflit relève en fait moins du droit que d’un accord final, discuté et négocié, qui ménage les deux parties, à travers d’une part la reconnaissance de la légitimité des prétentions ou réclamations des uns et des autres, et d’autre part la préservation, même partielle et inégale, de leurs intérêts respectifs. Le compromis ou l’accord amiable ne laisse aucun des opposants sans rien, et si ce type de règlement des conflits prévaut sur la décision de justice, qui est loin d’être nécessaire et qui apparaît rarement comme définitive et vraiment conclusive, c’est qu’il permet l’instauration, ou la restauration de la paix entre les différentes parties. Et la condition de la paix, c’est un compromis qui, à défaut de satisfaire complètement tout le monde, fait en sorte d’atténuer le plus possible les ressentiments des uns et des autres. C’est cette paix en effet qui est principalement recherchée, et non pas la stricte application du droit (droit au demeurant incertain et fluctuant) ; le droit dit peut-être ce qui est juste ou non, il ne permet pas à lui seul d’établir ou de rétablir la concorde. Bref, un compromis amiable qui ménage les intérêts et les susceptibilités des deux parties est préférable à une décision de justice qui peut toujours laisser des germes de querelle dans les relations futures des deux groupes en conflit ; il y a amor quand se trouvent abolies de chaque côté des dispositions intérieures négatives susceptibles de relancer les querelles ; c’est en cela que la notion d’amor est chevillée à celle de paix10.

Dans Girart de Roussillon, entre l’interruption de la guerre sur ordre divin et la cérémonie actualisant l’accord conclu entre les deux camps, les choses se sont déroulées selon le processus décrit par S. D. White : l’accord résulte d’un compromis au cours duquel chacun en a rabattu de ses exigences, sur le mode de la concession et du donnant-donnant11 ; comme dans la réalité, les protagonistes sont l’objet de pressions de la part de leur entourage, et les négociations sont conjointement menées par des tiers, des arbitres, en l’occurrence des évêques et des grands du royaume ; les tractations aboutissent enfin à un accord qui est scellé de façon solennelle, devant des témoins nombreux et importants, avec des paroles consacrées et des gestes rituels. Mais ces paroles et ces gestes ne préjugent en rien des dispositions intérieures des deux anciens ennemis l’un vis-à-vis de l’autre. Dans notre texte, le mot régulièrement utilisé pour désigner l’accord recherché puis conclu est le mot plait, mot qui définit aussi bien le contenu du compromis que la forme officielle, juridique, prise par ce compromis. Le mot plait désigne un accord, mais un accord formel. Cet accord ne satisfait pas dans le fond les personnages concernés, lesquels ne font que plier devant la nécessité de mettre fin aux hostilités et la volonté pressante de leurs entourages respectifs12. Cet accord leur est en fait extorqué ; imposé par la seule raison, il ne provoque pas une adhésion suffisante des cœurs, il est impuissant à réduire le ressentiment et les frustrations de deux hommes auxquels la chanson prête un ego démesuré, et qui cherchent dans le droit des justifications à des aspirations qui sont en fait profondément narcissiques. On le voit donc : par rapport au modèle décrit par S. D. White, le texte décrit un processus inachevé et imparfait en cela que l’accord conclu ne s’accompagne pas d’un rétablissement de l’amor entre les deux anciens ennemis.

Cette absence dommageable de l’amor dans la restauration de la paix est confirmée par la suite du récit. Profitant de l’affaiblissement militaire du royaume consécutif à la bataille de Vaubeton, les Sarrasins l’attaquent sur plusieurs fronts ; Charles se trouve dans l’incapacité de répondre à l’invasion sans devoir recourir à l’aide de Girart, ce qui lui crève le cœur, mais ce qu’il fait quand même pour ne pas perdre l’appui de ses barons13. Le texte, qui ne dit rien en revanche des états d’âme du comte de Roussillon, fait clairement du roi de France un personnage qui continue de nourrir à l’endroit de son ancien ennemi un profond ressentiment, que l’obéissance de ce dernier – Girart répond à la convocation – n’atténue en rien14. Ce n’est qu’après la victoire contre les Sarrasins que Charles promet une véritable réconciliation au comte de Roussillon :

« Per itau cors de conte serai preizaz
E cremuz e tensuz et redotaz ;
E amerai vos mais que ome naz,
Si ne reste en vos la mauvaistaz.
E eu vos15, dis Girart, don, se vos plaz. »
Ja ne partire mais lor amistaz,
Cant Bos d’Escarpion les a sevraz. (vv. 3315-21)

Le rétablissement de l’amor a lieu à ce moment-là, et pas avant ; il est différé par rapport à la cérémonie de paix, et la condition de ce rétablissement, c’est l’absence partagée de mauvaise disposition à l’égard de l’autre : il faut impérativement qu’il ne reste rien des mauvais sentiments qui animaient précédemment les deux personnages.

Le revirement moral de Charles n’a rien d’artificiel ; le texte le motive, mais de façon implicite. Les propos du personnage montrent certes un souverain conscient du profit personnel qu’il pourrait retirer du service d’un vassal aussi vaillant à la guerre que Girart, mais il n’est pas certain que l’on doive faire porter l’explication du changement d’attitude de Charles sur l’importance de Girart dans la victoire contre l’ennemi. Ce qui rétablit en fait le dialogue entre les deux protagonistes, c’est un geste de Girart, symboliquement fort : le geste de remettre à Charles la totalité du butin qu’il a amassé lors de la bataille : c’est même la première chose qu’il fait une fois avoir quitté le champ de bataille16. Charles en accepte le don, mais le rend aussitôt à Girart, l’invitant à redistribuer le butin à ceux de ses hommes qu’il aime le plus, et c’est dans le prolongement à ces paroles-là qu’il propose à ce dernier son amor. Ce geste – remettre le butin au souverain qui le rend à son vassal – constitue un motif fréquent dans la chanson de geste. Sa signification est sociale et politique, le motif représentant une forme simplifiée d’un système de circulation des biens parfaitement identifiée par l’anthropologie sociale : la « redistribution » – système caractéristique, dans les sociétés primitives ou traditionnelles, des échanges économiques entre celui qui détient l’autorité et ceux qui lui sont soumis ; la redistribution met en jeu un rapport de pouvoir, le chef possédant un droit tacite de préemption sur les richesses de la collectivité, richesses qui remontent jusqu’à lui sous formes de dons, qu’il thésaurise un moment et qu’il redistribue ensuite, manifestant ainsi sa grande largesse17. Neutre d’un point de vue économique, l’opération ne remplit de fonction que symbolique : elle distingue le chef à l’intérieur du groupe, manifeste sa position supérieure et perpétue son pouvoir de domination18. En remettant son butin à Charles, Girart fait un geste par lequel il se reconnaît comme son vassal et par lequel il reconnaît donc en même temps ce dernier comme son suzerain. C’est cette reconnaissance par le héros de sa place et de celle de Charles dans la structure sociale et politique qui met fin au ressentiment d’un souverain dont la prééminence ne souffre ni l’égalité de puissance ni l’absence de dépendance vassalique.

Qualifiée en intensité par une tournure superlative, l’amor que Charles propose à Girart ne se réduit sans doute pas à un simple sentiment social d’alliance et de non-hostilité. Le court dialogue cité plus haut illustre bien le fait que l’œuvre littéraire n’aime guère la neutralité affective quand il s’agit des héros19. Mais le vocabulaire de l’amor, très présent dans la partie que nous étudions, ne suppose jamais de relations à contenu nécessairement subjectif et affectif. Le mot amor apparaît trois fois dans le sens de paix ou de bonne entente20 ; amor et amer peuvent être directement associés au mot fei et / ou à celui d’hommage, et renvoient ainsi à une réalité de type juridique21 ; le mot amistat apparaît deux fois dans le sens de « entourage, cercle des intimes »22 ; dans une de ses occurrences, le mot amor désigne même par métonymie le lien d’alliance et de dépendance constitué par la condition de vassal23 ; enfin, quand Girart répond par une fausse question à la demande qu’on lui fait de reconnaître Charles pour suzerain, juste après la première proposition de paix :

– Eu coment amerai rei tant felon ? (v. 2997)

ce n’est pas, vu les circonstances et l’état d’esprit des protagonistes à ce moment-là du récit, la possibilité d’un sentiment positif d’amitié qui est envisagée, mais l’impossibilité de sentiments autres que négatifs vis-à-vis d’un souverain dont la fausseté engendre nécessairement l’hostilité. L’amor n’est pas l’amitié, mais elle en est bien évidemment la condition première, le sentiment personnel ne pouvant naître et s’épanouir sur le terreau d’une relation sociale et politique minée par l’hostilité.

Les emplois du vocabulaire de l’amor et les modalités de la réconciliation entre les deux protagonistes du récit à la suite de la bataille de Vaubeton sont convergents dans leur signification ; ils disent que ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de la structure sociale et politique que constitue la monarchie féodale, c’est, chez ses acteurs, la conscience d’un état de solidarité (au sens de dépendance partagée, l’alliance dans le sens d’être objectivement liés) et l’absence de volonté de se nuire les uns les autres ; le rétablissement de l’amor entre Girart et Charles montre aussi qu’en plus du strict respect des droits et des devoirs réciproques (obligation juridique), il faut que ceux qui les observent s’en acquittent sans ressentiment ; amer, c’est ne pas être dans la malveillance, et l’une des conditions de l’amor, c’est la reconnaissance mutuelle du statut social et politique de l’autre. C’est suffisant pour que règnent l’ordre et l’harmonie. Il en va autrement dans d’autres textes.

L’amor comme sentiment personnel : la révolte de Pharien contre Claudas dans le Lancelot en prose

Parmi les nombreux exemples susceptibles d’éclairer la place et la fonction de l’amor dans la relation vassalique, il y a le récit donné par le Lancelot en prose du conflit larvé, puis déclaré, entre Pharien et Claudas, son seigneur légitime – récit entrelacé avec celui des enfances du héros chez la Dame du Lac. Claudas est un homme d’une grande duplicité, mais ses mauvais penchants sont tempérés par un certain sens de l’honneur et un solide pragmatisme qui l’obligent parfois à se comporter avec justice. Pharien est cependant conduit à se révolter, alors qu’il apparaît incarner tout au long du texte une sorte d’idéal du vassal par son respect scrupuleux du devoir de fidélité auquel doivent normalement se soumettre les hommes de sa condition.

Les circonstances de la rupture entre les deux hommes sont les suivantes. Claudas assiège la cité de Gaunes dans le but de se venger de ses habitants, qui se sont révoltés contre lui à la suite de la disparition des deux jeunes fils de leur ancien roi, Bohort de Gaunes. Pharien soutient la cause des deux garçons qu’il considère comme les héritiers naturels d’un homme dont il a été lui-même anciennement le vassal, et qu’il protège, depuis la mort de leur père, de la menace que représentent pour eux l’avidité et le cynisme de Claudas. Pharien plaide donc pour la paix et pour un compromis honorable, mais Claudas ne l’écoute pas, s’entêtant dans son projet de vengeance. Victime à diverses reprises de mauvais agissements de la part de Claudas, Pharien nourrit depuis longtemps des sentiments hostiles à l’égard de son seigneur, mais il lui est jusqu’alors resté fidèle. Le personnage trouve dans le refus de Claudas de suivre ses conseils l’occasion de rompre avec un individu qu’il n’a jamais servi que par obligation – rupture unilatérale que Pharien, contrairement à bien d’autres vassaux révoltés, ne rattache pas directement à quelque grave forfaiture commise à son endroit par son seigneur (il n’avait pourtant que l’embarras du choix), mais à l’insuffisance de l’amor dans leurs relations. Pharien présente en effet le refus d’entendre son conseil comme le signe manifeste d’un manque d’amitié et de confiance :

« Ge vos rant vostre homage ci, puis que vos mon consoil ne volez croire ne ma proiere escouter, car des ores mais me seroit il avis que vos avriez envers moi petit d’amor, et en moi avriez et sospeçon et mescreance. Si irai en tel leu ou l’en me crera et amera24. »

Pharien projette en fait sur Claudas sa propre absence d’amor, comme le montre, un peu plus loin dans le récit, l’argument qu’il avance pour justifier son refus de rentrer dans l’hommage qu’il a précédemment rompu :

« Tu as (c’est Claudas qui parle) mon homage a tort guerpi, si te requier sor ta leiauté que tu lo recives si com tu doiz, car ge ne t’ai forfait por quoi tu lo doies laissier. »

Et cil dit que nel fera, « car ge ne vos porroie amer, fait il, si seroie traïtres et desleiaus25. »

Pour condamner le geste de Pharien, Claudas se réfère au droit féodal qui n’autorise le déguerpissement de l’hommage qu’en cas de faute grave du seigneur vis-à-vis du vassal. À cet argument juridique bien attesté, Pharien oppose un argument – éthique, mais pas seulement – qui fait de l’amor la condition même de la fidélité et de la loyauté du vassal. À en croire le personnage, l’impossibilité pour le vassal d’amer son seigneur constitue de facto une traîtrise et une forfaiture.

La relation vassalique sans amor partagée serait donc une imposture. Mais quelle est la nature véritable de cette « amitié » que le texte place au cœur de la rupture entre les deux personnages ? Le mot a incontestablement un contenu juridique fort : il est associé à la notion de fidélité (leiauté, traïtres, desleiaus) quand il renvoie au vassal : on retrouve ici l’habituel binôme amor et fei. Quand il s’applique au seigneur, il est en revanche associé à la notion de confiance (sospeçon, mescreance, croire) ; c’est le mépris affiché par Claudas pour son vassal en train de remplir son devoir de conseil qui autorise Pharien à rompre l’hommage, mépris qui suppose une coupable absence chez son seigneur de creance et d’amor à son égard. Tel que le pacte vassalique est présenté par le personnage, la confiance du seigneur semble être l’exact symétrique de la fidélité du vassal26.

Catégorie juridique, l’amor n’en est pas moins dans le Lancelot en prose bien davantage qu’un sentiment social. Les commentaires de Pharien s’inscrivent dans une réflexion générale sur la nature des rapports féodaux ; ils participent d’une conception idéale de la féodalité selon laquelle il n’y aurait pas d’exercice plein et entier du pouvoir féodal sans amitié des vassaux pour leur seigneur – amitié au sens subjectif, psychologique et affectif du terme.

Que l’amor soit un sentiment personnel, un bref dialogue entre Claudas et Pharien le montre ; par un geste de magnanimité que personne n’attendait de lui (il épargne Lambègue, le neveu de Pharien, qui s’était livré à lui en échange de la vie des habitants de Gaunes), on voit en effet Claudas obtenir de son ancien vassal ce qu’il n’avait jamais pu obtenir de lui auparavant : un début d’amitié qui laisse ouverte la possibilité d’un futur retour de Pharien dans son hommage.

« Ge sai bien, fait Claudas, por quoi vos ne volez estre mi home, vos ne Lambegues. Vos me deïtes ja que vos ne m’aviez onques amé, ne amer ne me porriez. »

« Sire, sire, fait Phariens, se gel vos dis, ge ne vos en dis se voir non, car onques amé ne vos avoie ; mais vos avez ore plus fait por moi que tuit li servise ne montent que ge onques vos feïsse, et c’est la chose par qoi vos porriez plus noz cuers avoir […]27. »

Dans la balance, les services rendus par Pharien, par obligation vassalique, comptent moins qu’un geste qui suscite chez lui un sentiment de reconnaissance qui ouvre la possibilité d’un sentiment subjectif et affectif d’amitié, l’expression « avoir le cœur », qui glose le verbe amer, donnant sans ambiguïté un contenu positif à une notion d’amor qui ne peut se réduire dès lors à la conscience d’une alliance objective et au fait de ne pas nourrir de sentiments hostiles.

Un autre exemple le montre encore mieux, quand on voit Claudas tirer des leçons morales et politiques de la révolte des gens de Benoïc et de Gaunes, qui sont restés fidèles au souvenir de leurs anciens souverains :

« Tant fait grant folie, avocques lo grant pechié qui i est, cil qui autrui desherite et tost sa terre, car ja aseür une seule ore, ne par nuit ne par jor, n’i dormira. Et moult a petit seignorie sus son pueple cil qui les cuers n’en puet avoir. Voirement est nature dome et commenderresse sor toz establissemenz, car ele fait amer son droiturier seignor desor toz autres28. »

Il n’y a pas de véritable pouvoir sans l’adhésion des cœurs. C’est la nature qui commanderait l’amitié des vassaux pour leur seigneur légitime, et non pas les différentes institutions créées par les hommes pour régler leurs diverses relations sociales. Le mot establissement, employé au pluriel et sans aucune caractérisation particulière, inclut nécessairement l’institution vassalique. Ce que commente Claudas, c’est son échec ; et rapportés à la situation du personnage, ce qu’on comprend en effet de ses propos, c’est que l’hommage des gens de Benoïc et de Gaunes s’est avéré insuffisant pour brider le sentiment naturel d’amitié qui les liait à leurs anciens seigneurs légitimes.

À travers le monologue de Claudas, l’auteur anonyme du Lancelot en prose met donc aussi en place, tout en les opposant, deux formes de rapport de domination : l’un fondé sur la soumission contrainte, soumission commandée par les institutions, lesquelles peuvent être contraignantes sans être parfaitement opératoires ; l’autre fondé sur l’adhésion volontaire, adhésion commandée par un sentiment naturel d’amitié, laquelle se manifeste en dehors de toute contrainte et de façon pleinement opératoire. Ce que les relations conflictuelles entre Pharien et Claudas font apparaître en creux, c’est une conception idéale de la féodalité dans laquelle l’amor vivifie proprement la structure sociale et politique, lui donnant ainsi une véritable pérennité et une réelle efficience29.

Fondé sur des liens interpersonnels forts et des rapports de domination et de dépendance souvent complexes, le système féodal impose à ses acteurs, quelles que soient leurs positions hiérarchiques respectives, un certain nombre d’obligations ; ces obligations sont définies par le droit mais dans leur réalisation entre une donnée psychologique : l’amor, nécessaire au bon fonctionnement de l’institution vassalique, et plus largement au maintien de l’harmonie sociale et politique. C’est ce que montrent, chacune à leur manière, la réconciliation de Girart et de Charles dans Girart de Roussillon et la rupture de Pharien et de Claudas dans le Lancelot en prose, textes qui donnent cependant deux contenus différents à cette notion d’amor – disposition intérieure à l’égard d’autrui dont la nature est indubitablement positive, sans être obligatoirement de nature subjective et affective, c’est-à-dire sans constituer nécessairement ce sentiment personnel que l’on appelle communément l’amitié.

Une étude, même rapide, du vocabulaire de l’amor dans Girart de Roussillon confirme les analyses déjà faites par certains spécialistes au sujet de son emploi et de son sens en contexte féodal. Si l’on peut parler, comme nous l’avons fait jusqu’alors, de sentiment social, c’est que l’amor, en tant que disposition intérieure d’un sujet à l’égard d’un autre, est en fait commandée par la structure sociale (en l’occurrence le système féodal et vassalique). La restauration de la paix entre Girart et Charles fait apparaître un long processus de négociations et de renonciations sous-tendu par une nécessité psychologique qui est l’assèchement de la rancœur ou l’effacement du ressentiment chez les protagonistes du conflit ; il y a rétablissement de l’amor dès lors que la relation à l’autre n’est plus entachée d’hostilité ou de désir de nuire (même réprimé), l’abolition des sentiments mauvais marquant une ère relationnelle nouvelle, fondée cette fois-ci sur une disposition intérieure favorable à l’autre, a priori bienveillante, mais n’impliquant pas pour autant l’attachement ou l’affection. Sur cette question difficile, un complément d’enquête serait sans doute nécessaire, mais nous disposons de suffisamment d’éléments pour avancer ceci : l’amor, en contexte féodal, c’est le sentiment social attaché à la conscience d’être lié à l’autre par une réalité objective qui est le système vassalique (le lien institutionnel seigneur-vassal, avec ses ramifications) ; ce lien impose des droits et des devoirs, il implique des obligations partagées, lesquelles ne sont pleinement réalisées que dans la mesure où les acteurs du système sont véritablement disposés à le faire, dans la mesure donc où ils ne nourrissent pas de mauvais sentiments les uns à l’égard des autres. C’est suffisant, répétons-le une dernière fois, pour que le système fonctionne.

Le Lancelot en prose donne en revanche un contenu subjectif et affectif fort à la notion d’amor, laquelle apparaît clairement, dans un même contexte féodal pourtant, comme un sentiment personnel. L’amor, c’est l’adhésion des cœurs, une affection forte et durable, présentée comme commandée par la nature dans le cas où le seigneur est légitime, c’est-à-dire dans le cas où la relation vassalique s’exerce dans un cadre conforme au droit et à la justice. Si, comme l’illustrent parfaitement les relations de Claudas et de Pharien avant leur rupture, la vassalité peut devenir une tyrannie dans le cas d’un seigneur ou d’un suzerain faisant un mauvais usage de son pouvoir, c’est que nous avons affaire à un système où la libre puissance de ce dernier se construit sur – et se trouve garantie par – la servitude involontaire de vassaux liés fermement par l’hommage et ce que l’institution implique en terme de fidélité et de service. En sommant l’amor d’être un sentiment personnel, le Lancelot en prose, comme d’autres textes contemporains, opère un travail d’élaboration idéologique – élaboration au terme de laquelle le lien interpersonnel entre le seigneur et le vassal n’apparaît plus fondé sur la contrainte du droit ou la menace de la violence, mais sur un sentiment subjectif et affectif d’amitié, voile enchanteur posé sur une relation politique qui, comme en témoignent fatalement tous les cas de rébellion, se développe objectivement sur un rapport de domination et de soumission.

Notes

1 D. Boutet, Charlemagne et Arthur, ou le roi imaginaire, Paris, Champion, 1991, pp. 376-378.  Return to text

2 La mise en valeur du mot amor par rapport à celui d’amistié n’est pas de notre fait : ce sont les textes médiévaux eux-mêmes qui utilisent très prioritairement le mot amor quand il s’agit de désigner le lien qui unit ou devrait unir les différents acteurs du système féodal. Return to text

3 J.-Cl. Schmitt, Le Corps, les rites, les rêves, le temps. Essais d’anthropologie médiévale, Paris, Gallimard, 2001, p. 11. Return to text

4 G. F. Jones, The Ethos of the Song of Roland, Baltimore, John Hopkins Press, 1963, pp. 36-46 et p. 115. Return to text

5 Voir aussi G. S. Burges, Contribution à l’étude du vocabulaire pré-courtois, Genève, Droz, 1970, pp. 141-158 ; l’auteur répartit les emplois du mot amor en ancien français selon trois grands domaines, religieux (« amour de Dieu »), amoureux (« amour de la Dame ») et féodal (« amour du seigneur ») ; pour ce qui est de l’emploi du vocabulaire de l’amor dans le champ des relations féodales, Burges se montre en complet accord avec Jones, qu’il cite, tout en élargissant son corpus au roman antique (Roman de Thèbes, Eneas). Return to text

6 Les analyses de Jones et de Burges mériteraient sans doute un complément d’enquête, qu’il n’est pas possible de faire ici. Disons seulement que les amis, ce sont des individus dont les destins sociaux et politiques sont objectivement solidaires ; ce sont des alliés engagés dans un ensemble de services ou de bons offices réciproques dont l’exécution n’implique pas de lien affectif. Dans le cadre plus spécifique de la relation vassalique, l’amor est une obligation partagée, elle possède en cela une forte dimension juridique ; pour le vassal, l’amor est explicitement associée à la fidélité, l’expression par amor et par fei constituant un stéréotype récurrent ; pour le seigneur, l’amor semble plutôt associée à la confiance ou à l’absence de défiance (voir infra n. 22). Amer, ce n’est pas être lié d’amitié avec quelqu’un, c’est simplement ne pas nourrir de sentiments d’hostilité envers lui ; une occurrence du Roman de Thèbes, citée par Burges (op. cit., p. 149), le montre exemplairement :

Hon qui aime un autre par fei
Ne li vuet mal plus que a sei.

Occurrence exemplaire en effet qui lie, une fois de plus, amor et fei, et qui, significativement, ne définit pas l’amor de façon positive mais de façon négative, c’est-à-dire comme une absence – une absence de malveillance, au sens étymologique du terme, à l’égard de celui auquel on est lié par la loyauté. On le comprend : c’est parce que le mot renvoie à une absence de sentiments hostiles que la notion d’amor est si régulièrement liée dans les textes à l’état de paix, que cette paix soit recherchée ou établie.

On peut rappeler que l’amicitia romaine connaît un clivage comparable : à côté de l’idéal de vie célébré par Cicéron, l’amicitia est aussi, et surtout, une notion politique, dont le contenu dépend de la nature des contractants. Quant il s’agit du lien établi entre Rome et une nation étrangère, amicitia et pax sont étroitement associées : il s’agit d’un pacte de bon voisinage. Entre Romains, l’amicitia recouvre deux types de relation. Entre égaux, elle est fondée sur la fides, la confiance réciproque ; elle lie des intimes, mais aussi des alliés de circonstance, momentanément soudés par un intérêt commun, notamment politique. Entre inégaux, la notion d’amicitia recouvre en fait, par euphémisme, celle de clientèle : les amici sont tributaires de leur bienfaiteur, et le servent dans ses ambitions. Pour les puissants, l’amicitia est ainsi un instrument politique qu’ils utilisent sans se lier aucunement par des considérations morales ou affectives. Voir J. Hellegouarc’h, Le Vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République, Paris, Les Belles lettres, 1972, pp. 41-56. Return to text

7 Girart de Roussillon, texte de W. M. Hackett (Girart de Roussillon, 3 vol., Paris, SATF, 1953-1955), traduction, présentation et notes de M. de Combarieu du Grès et de G. Gouiran, Paris, Librairie Générale Française, « Lettres Gothiques », 1993. Notre étude porte sur un extrait qui va du v. 2880 au v. 3332. Return to text

8 Tant meinent la razon li bibe el par
Que ferent les compaignes senz desarmar
E dant Girart de peiz au rei annar ;
E font li son omage ar afiar,
Gerpir malevoilance loc e baisar ;
E la feide des mors fant pardonar,
E les vis qui sunt pres funt deliurar. (vv. 3175-81) Return to text

9 S. D. White, « Pactum… Legem Vincit et Amor Judicium : the Settlement of Disputes by Compromise in Eleventh-Century Western France », The American Journal of Legal History, vol. 22, 1978, pp. 281-308 (repris dans Feuding and Peace-Making in Eleventh-Century France, 2005). Voir aussi P. J. Geary, « Vivre en conflit dans une France sans État : typologie des mécanismes de règlement des conflits (1050-1200) », Annales E. S. C., 1986, pp. 1107-33. Return to text

10 On peut rappeler que dans l’article AMOR de son Glossarium mediae et infimae latinitatis, Du Cange signale l’expression dies amoris : « Ubi Diem Amoris capere, est quod Galli dicunt, prendre jour pour l’accommodement d’une affaire, d’un procès ». Return to text

11 Charles propose à Girart de garder Roussillon mais en devenant son vassal ; Girart accepte la proposition de Charles mais à condition que ce dernier reconnaisse publiquement ses torts envers lui ; on lui fait comprendre que c’est trop demander ; il renonce à cette prétention mais exige alors que Thierry, qui a tué son père dans la bataille, soit banni de la cour de Charles, alors que c’est un proche du roi ; Charles refuse, mais c’est Thierry lui-même qui prend l’initiative de s’exiler.  Return to text

12 Girart de Roussillon, éd. cit., voir les pressions sur Girart : vv. 3060-64, v. 3079, et sur Charles : vv. 3165-67. Return to text

13 Ibid., vv. 3247, 3256, 3270, 3279-80. Return to text

14 Le spectacle de Girart affrontant l’ennemi suscite chez Charles colère et douleur :
Ainc ne vistes nul rei qu’aisi rancur
Quant Girarz s’ajostet, li cons, a lur. (vv. 3296-97) Return to text

15 C’est nous qui soulignons. Il en sera de même pour toutes les italiques dans les citations qui suivent. Return to text

16 Girart agit sur le conseil de Fouque, personnage qui incarne la sagesse et qui joue auprès du héros un rôle assez comparable à celui du duc Naimes auprès de Charlemagne dans nombre de chansons de geste ; voir M. de Combarieu du Grès, « Sapientia et fortitudo : étude sur le personnage de Fouque dans Girart de Roussillon », PRIS-MA, IX, 2, 1993, pp. 177-188, et X, 1, 1994, pp. 7-26. Return to text

17 M. Salhins, Âge de pierre, âge d’abondance, Paris, Gallimard, 1976, pp. 242-243 (pour la traduction française). Return to text

18 P. Bourdieu, Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980, pp. 216-217. Return to text

19 Dans la laisse suivante Girart est devenu le favori de Charles qui le comble de bienfaits. Return to text

20 Girart de Roussillon, éd. cit., vv. 2965, 3039 et 3050. Return to text

21 Ibid., vv. 3054, 3073 et 3140 ; voir aussi l’expression amis pleviz, en apposition à barons, v. 2925. Return to text

22 Ibid., vv. 3086 et 3118. Return to text

23 Ibid., v. 3249. Return to text

24 Lancelot du Lac, texte présenté, traduit et annoté par F. Mosès, d’après l’édition d’E. Kennedy (Lancelot du Lac, The Non-Cycle Old French Prose Romance, Oxford, 1980), Paris, Librairie Générale Française, « Lettres Gothiques », 1991, p. 332. Return to text

25 Ibid., p. 346. Return to text

26 Dans Girart de Roussillon, la réconciliation entre les deux anciens ennemis une fois faite, Girart devient l’homme de confiance de Charles, au sujet duquel le texte dit : « Toz li dis ses consels, tant l’aime e crei » (v. 3327 ; Charles est le sujet des verbes, et Girart leur objet). On retrouve donc le binôme creance et amor décelable dans les propos de Pharien. Return to text

27 Ibid., p. 366. Return to text

28 Ibid., p. 244. Return to text

29 On peut rappeler ici la leçon de gouvernement que donne au roi Arthur, plus loin dans le Lancelot en prose, un anonyme preudome après la défection de ses vassaux au moment de la guerre contre Galehaut ; selon le sage personnage, la grande faute d’Arthur est d’avoir, en raison de son injustice, « perdu le cœur » de ceux qui auraient dû lui apporter son soutien pour résister contre l’invasion du roi étranger ; nombreux sont les vassaux à n’avoir pas répondu au service d’ost, mais ceux qui étaient présents se sont montrés pour la plupart défaillants, car venus par pure obligation – phénomène psychologique que le preudome décrit dans les termes suivants : « Mais cil qui par force i vienent ne te valent rien plus que se il estoient mort, car tu n’as mie lor cuers. Et cors sen cuer n’a nul pooir. Or te pran garde que puet valoir escuz ne auberz n’espee ne force de chevaus ; sanz cuer d’ome rien ne puet valoir » (ibid., p. 752). C’est en regagnant l’amor de ses gens qu’Arthur pourra exercer sa pleine souveraineté, non par la contrainte, mais par le service volontaire de ses vassaux. Return to text

References

Bibliographical reference

Philippe Haugeard, « Harmonie politique et révolte : nature et fonction de l’amor dans la relation vassalique (Girart de Roussillon, Lancelot en prose) », Bien Dire et Bien Aprandre, 25 | 2007, 163-178.

Electronic reference

Philippe Haugeard, « Harmonie politique et révolte : nature et fonction de l’amor dans la relation vassalique (Girart de Roussillon, Lancelot en prose) », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 25 | 2007, Online since 01 mars 2022, connection on 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/944

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Philippe Haugeard

Université de Haute-Alsace, Mulhouse

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