Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge.

Analyse du mythe dans les versions françaises, italiennes et espagnoles

DOI : 10.54563/bdba.957

p. 39-56

Texte

Si l’imaginaire médiéval s’est largement nourri de légendes de l’Antiquité, la réception du mythe de Médée a été spécialement féconde. La personnalité aux multiples facettes de la princesse de Colchos a inspiré au cours des siècles médiévaux de nombreux écrivains et, sous la plume des différents auteurs, elle a subi de multiples métamorphoses.

Retracer les lignes de ces transformations est un projet certes ambitieux, vu la richesse et la complexité de la tradition du mythe, qui crée un véritable labyrinthe de réécritures, d’interférences et d’entrelacements. Je me limiterai, dans ce bref article, à mettre en évidence quelques aspects de la riche histoire de la Médée médiévale, et je ne peux que renvoyer à une étude ultérieure une analyse plus détaillée du sujet. Je me tiendrai surtout au domaine des lettres françaises, non sans quelques incursions dans les littératures italienne et espagnole1.

L’Antiquité connaît une tradition riche et complexe du mythe de Médée. Il revient à Alain Moreau d’en avoir retracé l’évolution, en parcourant les étapes qui transforment la déesse bénéfique que Médée était à l’âge archaïque, en la femme cruelle et meurtrière d’Euripide au vie siècle2.

Malgré ses nombreuses transformations, Médée a déjà à sa naissance les deux caractères fondamentaux qui l’accompagneront au cours des siècles. Hésiode, dans sa Théogonie, raconte qu’elle était la fille de l’Océanide Eidya, « celle qui sait ». C’est une divinité de la connaissance qui engendre notre héroïne et qui lui confère, dès son origine, son double caractère de femme divine et savante. Ces deux aspects de sa personnalité donnent à Médée un statut bien spécial dans l’univers romanesque, en créant un personnage de femme extraordinairement puissante et, par conséquent, dangereuse. Comme le souligne Alain Moreau, c’est dans les versions les plus récentes qu’elle deviendra la fille d’Hécate et sera ainsi rattachée, par sa généalogie, au monde des ténèbres. Son pouvoir en sera encore accru.

L’histoire de la princesse que la tradition de l’Antiquité transmet, avec beaucoup de variantes dans les différentes versions, se compose de quatre phases, chacune localisée dans une région différente. En Colchide, sa terre natale, Médée est la jeune fille amoureuse, qui, d’abord hésitante et déchirée dans son conflit entre amour et raison, choisit finalement de suivre son désir et d’aider le héros grec dans son entreprise. Pendant sa fuite en Grèce avec Jason, elle commet son premier crime : elle est la responsable, directe ou indirecte, du meurtre de son frère Apsyrte. Une fois en Thessalie, Médée est désormais la puissante magicienne en action : elle rajeunit le vieux roi Éson et, sous prétexte de le rajeunir, tue Pélias, l’usurpateur du trône. Elle se réfugie alors à Corinthe, où aura lieu sa vengeance. Médée apprend ici que Jason prépare ses noces avec Créüse – ou Glauké, selon les auteurs – et elle perpètre alors le meurtre de sa rivale en amour et des ses propres fils. Elle s’enfuit enfin à Athènes, où elle se marie avec le roi Egée et tente d’empoisonner son fils, Thésée. Dans l’Antiquité gréco-latine, mais au Moyen Âge aussi, les différents auteurs se partagent entre ceux qui choisissent de ne raconter qu’une partie du mythe et ceux qui le racontent en entier, en parcourant toute les phases de la vie tourmentée de la magicienne.

La fortune du mythe au Moyen Âge se lie étroitement à celle du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, premier poème qui chante les aventures de Jason dans la France médiévale. L’épisode de la conquête de la Toison d’or s’insère dans la narration de la guerre de Troie pour en expliquer les causes, selon la version que Benoît lit dans le De excidio Troiae de Darès le Phrygien3. L’outrage que subit Jason de la part du roi de Troie Laomédon, au cours de son expédition en Colchide, déchaînera la longue guerre qui portera à la destruction de Troie.

Si Médée n’apparaît pas dans le récit très succinct de Darès de la conquête de la Toison d’or, Benoît connaissait bien notre mythe4 et il aimait probablement trop notre héroïne pour renoncer à en faire un personnage de son roman5. Maître dans l’art de faire fleurir de beaux vers à partir des indications lapidaires de Darès, il donne vie à un long épisode, dans lequel Médée devient l’une des héroïnes les mieux dessinées de son roman.

La Médée du Roman de Troie est une princesse héritière à la beauté remarquable et extraordinairement savante. Mais c’est surtout la magicienne qui intéresse Benoît. Dans le beau portrait de l’héroïne, s’il met en évidence sa beauté et sa courtoisie, c’est sur son savoir et sur sa profonde connaissance des arts magiques qu’il insiste :

Trop ert cele de grant saveir :
Mout sot d’engin e de maistrie,
De conjure e de sorcerie ;
Es arz ot tant s’entente mise
Que trop par ert sage e aprise ;
Astronomie e nigromance
Sot tote par cuer dès enfance ;

(Roman de Troie, v. 1216-1222)6

Son portrait s’enrichit ensuite de l’énumération des pouvoirs magiques de la princesse, dans ces beaux vers où l’on entend l’écho des Métamorphoses d’Ovide :

D’arz saveit tant e de conjure,
De cler jor feïst nuit oscure ;
S’ele vousist, ço fust viaire
Que volisseiz par mi cel aire ;
Les eves faiseit corre ariere :
Scientose ert de grant maniere.

(Roman de Troie, v. 1223-1228)

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à propos de la figure d’Ulysse dans le Roman de Troie7, la magie est pour Benoît la forme suprême du savoir, qui relie l’homme à Dieu. Le clerc tourangeau partageait probablement la fascination pour les sciences occultes qui s’affirmait dans les années où il composait son poème. En tant que magicienne, Médée est la dépositaire d’un savoir inaccessible à la plupart des hommes.

Les vers qui concluent sa présentation, au moment où elle fait son apparition dans la salle où le roi et les Grecs l’attendent, ne laissent aucun doute sur la sympathie et l’admiration de Benoît pour sa créature :

Autre parole ne vos faz,
Mais el païs ne el regné
N’aveit dame de sa beauté.
Par mi la sale vint le pas ;
La chiere tint auques en bas,
Plus fine e fresche e coloree
Que la rose quant ele est nee :
Mout fu corteise e bien aprise.

(Roman de Troie, v. 1246-53)

Dans le poème du xiie siècle, Médée sera la jeune fille timide et hésitante dans sa découverte difficile de l’amour, la femme amoureuse et la magicienne bienfaisante qui aide Jason dans sa conquête de la Toison d’or, l’amante craintive qui fait le guet du haut de la tour en attendant le retour du héros de son aventure. De l’ancien mythe, Benoît ne garde que les aspects qui l’intéressent. Il efface complètement la femme furieuse, ses crimes et sa violence vengeresse. En tant qu’enfant unique d’Oëtès (v.1215), Médée est disculpée de son fratricide, comme elle le sera également de tous ses autres crimes, qui ne sont même pas mentionnés. Quelques allusions à un avenir funeste subsistent dans le poème, pour en attribuer toute la faute à Jason. Les dieux réagissent à l’infidélité du héros grec pour venger leur protégée :

Laidement li menti sa fei.
Trestuit li dieu s’en corrocierent,
Qui mout asprement l’en vengierent.

(Roman de Troie, v. 2024-26)

Médée est indéniablement l’une des figures féminines les plus positives de Benoît, probablement son héroïne favorite.

Le Roman de Troie a inspiré, de manière directe ou indirecte, toute la tradition troyenne médiévale, y compris, naturellement, l’épisode de Jason et Médée. Les différents auteurs héritent ainsi du personnage de la belle magicienne bienfaisante de Benoît et ils y réagissent de manière différente, selon leur sensibilité, selon leur culture littéraire et selon les mentalités qui s’affirment dans les différentes époques.

C’est entre la fin du xiiie et le début du xive siècle qu’on assiste à un important phénomène de réécritures du poème. L’atmosphère culturelle a entre-temps profondément changé, et, surtout, pour ce qui concerne notre personnage, un profond changement s’est produit dans l’attitude de l’Église face à la magie et à tout autre phénomène qui toucherait au surnaturel. Déjà à partir de la fin du xiie siècle, l’Église romaine affirme sa suprématie sur toute la Chrétienté, en matière spirituelle comme en matière temporelle. En 1179, le Concile Latran III, et plus encore, en 1215, le Concile Latran IV marquent le début de la lutte contre les hérésies ; en 1233, Grégoire IX institue officiellement la Sainte Inquisition et en 1252 le pape Innocent IV, par la bulle ad extirpanda, établit la légitimité de la torture comme moyen pour découvrir la vérité. Pour finir, vers 1260, le pape Alexandre IV donne ordre aux Inquisiteurs de s’intéresser non seulement aux hérésies traditionnelles, mais aussi aux « sortilèges et divinations ayant saveur d’hérésie »8. C’est alors que commencent les premiers procès aux sorcières.

En même temps, une nouvelle manière de voir l’Antiquité classique s’affirme petit à petit et cela ne sera pas sans influence sur notre personnage.

C’est probablement tout cela qui fait que la vie de la belle princesse de Colchos de Benoît ne sera qu’éphémère. Cette Médée de la renaissance du xiie siècle ne survit que très difficilement à la nouvelle atmosphère culturelle de la fin du siècle suivant, et ce ne sera qu’un petit groupe de textes – notamment les mises en proses classées comme 2, 3 et 4 par Jung9 – qui gardera ce beau portrait de femme savante et amoureuse sans trop de modifications. Les nombreuses autres réécritures du poème tourangeau marquent une profonde transformation de notre personnage. Les différentes versions de cette époque créent un dense réseau d’interférences, qui rend bien difficile d’établir les rapports de filiation d’un texte à l’autre. Non sans approximation, il est possible d’affirmer que le mythe de Médée se développe dans trois directions différentes.

C’est dans la mise en prose la plus ancienne10 – Prose 1 – que la première métamorphose de Médée s’accomplit. Elle est encore une belle et savante princesse, mais le prosateur ne partage pas l’admiration de Benoît pour son héroïne, et en particulier pour ses pouvoirs magiques. Il manifeste alors son malaise par rapport à la riche énumération, d’origine ovidienne, des sortilèges de la princesse et coupe court en disant :

Que vos dirons de ce merveilles ? Assés vos seroient merveillouses a entendre e a moi grevouses de raconter.

(Roman de Troie en prose, §13, 14-16)11

L’ensemble de l’épisode est plutôt fidèle à son modèle en vers, mais juste avant sa conclusion, le prosateur s’acharne sur la belle Médée de Benoît et il dévoile – comme il avait déjà suggéré par de petits signes discrets tout au long de la narration – que sa beauté et sa courtoisie cachent en fait une cruauté sans pareille. Une longue digression, qu’il insère dans son récit après le départ des deux amants de Colchos, raconte le farouche infanticide accompli par notre princesse :

Et en la parfin l’en mena Jason aveuc lui en son païs, dont elle fist grant follie, et mout s’en repenti après, si comme li auctor dit, quar celi lassa sur une ille de mer, et si estoit grosse de dous enfans. Et puis fist elle tant que elle se parti de l’isle et se delivra des enfans, et tant quist Jason qu’ele le trova, et lors tua ses deus enfans, si en prist les cuers et les entrailles et les dona a mangier a Jason qui engendrés les avoit de sa char, et puis après geta devant lui les piés et les mains des enfans et li dist que ce estoient les membres de ses filz que il avoit engendrés, dont il avoit les entrailles mangiees, et qu’ele avoit cen fait en venjance de ce qu’ele l’avoit delivré de mort et il l’en avoit rendu aspre gueredon comme d’elle laissier en une ille sauvage. Por quoi les sages jugent que ceste fu la plus crüel mere qui onques fust.12

(Roman de Troie en prose, §23, 50-65)

Médée est ainsi rattachée à la tradition euripidienne de femme cruelle et meurtrière. Notre auteur écrivait probablement sa prose à Corinthe, et rien d’étonnant s’il a voulu ramener sa Médée à la tradition locale. Mais sa version de la vengeance présente des aspects originels et absolument surprenants. À la différence de l’héroïne d’Euripide, ce n’est pas la jalousie qui déchaîne la fureur vengeresse de cette nouvelle Médée corinthienne. Il n’est pas question d’un mariage socialement plus rentable pour Jason, et Créüse n’y apparaît même pas.

La femme vengeresse que nous dessine le prosateur est une étonnante synthèse d’au moins quatre femmes mythiques de l’Antiquité, toutes des femmes trahies ou abandonnées. Dans la prose, Médée est à la fois Ariane, Ysiphile, Procné et naturellement elle-même. Ces quatre figures de femme présentent des aspects communs, ce qui fait que la superposition accomplie par notre auteur est assez immédiate. Ariane, de même que Médée, joue le rôle structural de la femme qui aide le héros étranger à réussir son entreprise. Amoureuses d’un Grec, les deux femmes sont dépositaires d’un savoir qui lui est indispensable, elles le sauvent de la mort et, pour toute récompense, elles sont abandonnées. Nouvelle Ariane, la Médée de la prose est abandonnée sur une île déserte. Mais l’abandon sur l’île évoque aussi la figure d’Ysiphile, la reine de l’île de Lemnos, que Jason a aimée avant d’arriver à Colchos, et qui, comme Médée, engendrera deux enfants, selon l’épître VI des Héroïdes d’Ovide. Comme on le verra, le contenu de cette épître s’insérera solidement dans le récit de l’histoire de notre Médée médiévale. Enfin, la cruauté de l’infanticide s’accroît ici d’un repas anthropophage que Médée prépare à Jason, en empruntant à Procné, autre mère cruelle, son stratagème vengeur.

La Médée de la prose, syncrétisme de ces femmes mythiques ovidiennes, non seulement réacquiert, mais amplifie les traits terrifiants que Benoît avait voulu effacer. Le prosateur, qui réécrit le Roman de Troie dans une perspective chrétienne et moralisante, réagit de manière violente à la rédemption de l’héroïne païenne voulue par Benoît et il ne peut que conclure l’épisode par son sévère jugement, qui ne laisse aucune place à la pitié pour la femme abandonnée : ceste fu la plus crüel mere qui onques fust.

Si Médée perd la stature morale qu’elle avait chez Benoît, sa personnalité ne s’en trouve pas pour autant amoindrie : le personnage acquiert la force tragique de sa violence et de sa cruauté, qui se déchaînent comme réaction extrême à l’abandon.

Cette version de l’histoire de Médée passe de Morée en Italie – ou le contraire – et on la retrouve dans un texte qu’Egidio Gorra appelle Versione d’anonimo13. Cet ouvrage développe avec une grande richesse de détails cette version de l’abandon de notre princesse et de sa vengeance, au point qu’on a presque l’impression de lire la source de la digression du prosateur corinthien :

Partito Gianson e gli altri suoi conpangni dalla isola di Colcos sanza aconmiatarsi dallo re Ottes fortivamente con Medea, avendo buono vento, in poco tenpo furono arivati a una isola disabitata, in sulla quale ismontarono per prendere rinfrescamento, perciò che erano turbati dal mare, e feciono porre in terra molti begli padiglioni e dimorarono nella detta isola alcuno giorno. E uno giorno, sendo Medea addormentata sotto uno padiglione, Gianson pensa dislealtade verso Medea di volerla lasciare in su questa isola, acciò che niuna persona potesse dire chella detta vettoria avesse auta per lei e non per sua prodezza.

(Versione d’anonimo, chap. XV)14

La Versione d’anonimo explique ainsi la motivation de l’abandon, en attribuant à Jason ce qui avait poussé Thésée à abandonner Ariane.

Le repas anthropophage de Jason est ici minutieusement raconté. La version italienne raconte que Médée, abandonnée, pleure et se désespère, mais Dieu eut pitié d’elle et il l’aida. Elle survécut sur cette île en se nourrissant d’herbes, accoucha de ses deux enfants et resta dans la solitude et dans la douleur trois ans encore. Un jour, elle fut sauvée par un navire de marchands, qui l’emmena en Thessalie. Pélias y régnait et Jason jouissait de la gloire que la conquête de la Toison d’or lui avait donnée. Médée vécut dans le royaume quelque temps sans se faire reconnaître. Un jour, Jason tomba malade et elle se présenta à la cour de Pélias, déguisée en homme, en se faisant passer pour médecin. Elle guérit Jason et lui prépara ensuite un banquet pour fêter sa guérison. Elle tua ses deux enfants et, comme on le lit dans le texte :

[…] puose gli cuori de’ figlioli fatti a modo di battuto innuna iscodella dinanzi a Gianson : « Mangia, però ch’è vivanda datte, per confortarti, chè se’ istato malato ». E Gianson il mangiò tutto.

(Versione d’anonimo, cap. XXII)15

Une nouvelle profonde transformation touche notre personnage, et surtout en ce qui concerne sa psychologie. Euripide avait dépeint une femme passionnelle, déchirée entre Eros et maternité, qui réagit de manière furieuse, excessive et immédiate à l’abandon et à la jalousie. La Médée de la Versione d’anonimo est froide et lucide. Après l’abandon, elle passe trois ans dans une île déserte en luttant pour sa survie et celle de ses deux enfants. Elle couve ainsi sa haine et sa rancune pendant des années, dans l’attente du moment favorable où accomplir sa vengeance. Son infanticide pourrait alors sembler encore plus cruel et atroce. Mais, au contraire, aucune cruauté ne transparaît. L’auteur de la version italienne reprend la trame narrative de la prose française, mais il n’en partage pas du tout le jugement sur Médée. Il défend son héroïne de manière acharnée, en lui assurant la protection de Dieu et l’approbation des hommes. La conclusion de l’histoire cette fois-ci est moins satisfaisante pour Jason. À la fin du repas, Médée dévoile son identité et elle adresse au roi Pélias un touchant discours, dans lequel elle révèle la conduite ignoble de Jason et explique ainsi les raisons de son horrible crime. La cruauté de sa vengeance trouve l’appui des anciens philosophes, qui affirment qu’un mal est toujours suivi d’un mal plus grand. Elle se défend alors ainsi :

Ma siccome io dissi inprima che d’ongni male n’escie peggio, ch’egli essendo stato crudele anme e io sono fatta contro allui crudelissima […]

(Versione d’anonimo, cap. XXIII)16

Après avoir jeté les membres des corps des deux enfants dans la salle, elle part sans laisser aucune trace. Tout le monde jugea que Médée avait bien raison et Jason mourut dans la honte et le déshonneur. Le jugement final de la prose 1 est complètement renversé.

Cette version du mythe sera encore transmise, non sans variantes, au xive siècle en Espagne, dans la Grant Crónica de Espanya de Fernández de Heredia 17.

Un deuxième groupe de textes trouve son origine dans un ouvrage qui marque une étape très importante dans la circulation de la matière troyenne au Moyen Âge : l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne18, juge de Messine. En s’inspirant largement de l’œuvre de Benoît, Guido écrit son Historia en prose latine en 1287 et son texte connaîtra un succès extraordinaire, comme le témoignent les 240 manuscrits que Jung déclare connaître19. L’Historia se diffusera dans l’Europe entière et elle donnera lieu à son tour à de nombreuses traductions et réadaptations en langue vernaculaire20. Médée est une fois de plus une jeune femme extraordinairement savante, surtout en illa ars mathematica21, ce que Guido exemplifie, comme d’habitude et selon la tradition ovidienne, en énumérant ses pouvoirs de magicienne. Mais aussitôt après, il procède à une impitoyable mutilation de la personnalité de notre princesse : en s’appuyant sur les théories de Ptolémée et de Denys l’Aréopagite, il affirme, par une longue dissertation, l’impossibilité d’intervenir sur le parcours des astres, pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu, pour conclure que les pouvoirs magiques de Médée ne sont qu’une croyance païenne. Il est aisé de retrouver dans ce discours de Guido, une attitude rationaliste qui a ses racines dans la pensée de Saint Augustin, et qui trouvera son expression la plus connue à propos des sorcières dans le Canon Episcopi, qui en niait inflexiblement l’existence, qui n’aurait été qu’illusoire. Médée perd ainsi tous ses pouvoirs et sa puissance.

L’Historia de Guido a été l’objet de nombreuses réécritures en langue vernaculaire et une riche palette de variantes intervient dans la partie qui concerne l’histoire de Médée. L’analyse de ces œuvres dépasserait mon propos dans cet article et je m’arrêterai seulement sur une traduction en vulgaire napolitain du xive siècle, premier document connu de ce dialecte, que je trouve particulièrement délectable : le Libro de la destructione de Troya22. Un important changement de ton caractérise cette version napolitaine : le traducteur élimine les passages savants et il introduit en revanche des commentaires qui ont un goût marqué de sagesse populaire. L’auteur reproche par exemple au roi Aiétès, le père de Médée, de ne pas avoir su bien protéger sa fille de la présence d’un étranger : il n’aurait pas dû l’exposer au risque de la faire asseoir à côté de Jason au banquet, car on sait bien qu’il ne faut pas « miscitare lo fuoco co la paglya »23, c’est-à-dire mélanger le feu et la paille, parce que toutes les femmes désirent ardemment les hommes et il continue avec de longs commentaires sur la dangereuse conduite féminine.

C’est probablement ce goût pour la sagesse populaire qui fait que l’auteur du Libro ne renonce pas aux pouvoirs magiques de la princesse. Dans sa traduction, il omet tout simplement la longue réfutation de Guido, en restituant à Médée tous ses pouvoirs surnaturels et sa capacité d’intervenir sur les lois de la nature.

 

Un troisième groupe de textes marque encore un changement important : en rattachant plus fidèlement notre mythe à la tradition ovidienne, ces œuvres le racontent en entier, en parcourant toutes les phases de l’histoire de la princesse.

Le premier de ce groupe est la mise en prose du roman de Troie contenue dans la deuxième et la troisième rédaction de l’Histoire ancienne jusqu’à César, Prose 5 dans le classement de Jung. C’est un texte composé à la cour angevine de Naples, que la récente étude d’Anne Rochebouet date de fin du xiiie siècle24. Dans l’attente de l’édition complète de l’œuvre, je me réfère ici à la version que je lis dans le manuscrit de Londres, British Library, Royal 20 D I25.

Jason acquiert – au moins dans ce manuscrit – un statut spécial parce qu’une généalogie surprenante en fait le père de Charles d’Anjou : au retour de la conquête de la Toison, il aurait engendré le roi de Naples, ce qu’on lit au f° 28 v°. Si cela ouvre des possibilités d’identification historique des personnages de notre épisode, c’est encore à explorer.

L’épisode débute par la légende de Phrixos et Hellé, qui explique l’origine de la Toison d’or, et il continue selon la trame du poème de Benoît, jusqu’au retour de Jason en Grèce26. Une nouveauté importante est l’insertion du contenu de la VIe épître des Heroïdes d’Ovide. La prose raconte ainsi l’étape de Jason à Lemnos, sa relation avec la reine Ysiphile qui verra naître deux enfants et sa promesse de retour et de mariage après la conquête de la Toison. Jason ne tiendra pas sa promesse et Ysiphile, au retour du héros en Grèce, lui envoie une épître dans laquelle elle le maudit en lui souhaitant une mort atroce, ainsi qu’à Médée et à ses enfants.

L’histoire de Médée reprend après la narration de la première destruction de Troie, pour introduire encore du nouveau dans la tradition troyenne. Tendre épouse, Médée est touchée par les prières que Jason et ses sœurs lui adressent de rajeunir leur vieux père Éson et elle procède donc à un rituel qui, malgré Ovide, n’a rien de sanguinaire : il n’est pas nécessaire de vider le corps du vieux roi de son sang ni de l’immerger dans un chaudron, et, surtout, nous n’assistons à aucune invocation des dieux des ténèbres. Tout symbole de sorcellerie est dûment évité et Médée, plutôt qu’en magicienne, agit en savant médecin :

[elle] fist .I. oignement molt precieus et par sotil art, puis le dona à Jason son mari et li dist que il en oignit le cors de son pere, puis aprés le feïst reposer en lieu chaut et moiste27.

(ms. Londres, British Library, 20 D.I., f°36 v°-37 r°)

Encore attendrie par les prières des filles de Pélias, elle répète l’opération pour le vieil usurpateur. Cependant l’onguent qu’elle prépare n’est pas assez puissant cette fois-ci et il n’atteint pas le résultat espéré. Pélias, après le rituel, est toujours vieux, mais vivant.

Ce n’est que quand elle apprend l’amour de Jason et Créüse, que sa cruauté se déchaîne. La trahison et la jalousie transforment la magicienne bienfaisante en sorcière maléfique : elle prépare une ceinture empoisonnée pour sa rivale en amour, et quant Creüsa la cinst, si fu maintenant si esbrasee de si grant chaleur que elle fu tantost toute arse (f°37 r°).

Jason n’a désormais plus aucun pouvoir sur Médée furieuse. La punition qu’il lui inflige, en la faisant enfermer dans une prison, ne pourra pas arrêter sa fureur vengeresse. Grâce à ses pouvoirs magiques, elle s’enfuit en s’envolant sur un char et procède à son terrible meurtre et au dépeçage de ses enfants. Comme nous avons déjà lu dans la Versione d’anonimo, quand elle jette les morceaux des cadavres sur la table où Jason est assis pour le dîner, elle adresse ses violentes accusations à Jason :

« Ha, cuvers, faus traiteur ! Coment puet estre si grant trahison en cuer d’omme comme il a el tien, qui la raine Ysiphiles enguennasti si fausement, que tu li prometis à prendre à fame et mener en ton païs et engendras .ii. enfans, puis laissas lie et tes enfans ? Et moi meismes, qui t’ai eschapé et de mort et de peril, et te fis la toison d’or conquester et me promeïs, par ta mauvese foi, de porter moi foi et loiauté. Et or m’as laissié pour une autre, et outre tout ce, m’as emprisonnee et mes enfans m’avoies tolus. Mes je, doulereuse mere, ai fet de tes enfans comme se doit faire à hoir de traiteur ! » 28

(ms. Londres, British Library, 20 D.I., f°37 v°)

Une fin tragique attend les deux héros. Médée ne survit pas à ses remords et, par vergone de lie meïsmes et par desperation, se noia en la mer (f°37 v°). Quant à Jason, son infidélité ne restera pas impunie. Un atroce châtiment l’attend :

Aprés ne demeura pas granment que à Jason une maladie le prist si merveilleuse que nul mire ne le savoit aidier, car toute la char li chäoit du cors piece à piece et en ceste douleur fini sa vie. Si que bien li avint et à Medea ausint ce que Ysiphiles leur ot mandé.

(ms. Londres, British Library, 20 D.I., f°37 v°)

L’épilogue sanctionne la conduite des deux héros : l’excès meurtrier de Médée, mais surtout les infidélités aux conséquences néfastes de Jason. Seule Ysiphile, qui avant Médée aurait eu droit à être épouse légitime, pourra savourer sa vengeance.

L’influence que cette prose a eue sur les versions successives de la légende de Troie n’est pas encore étudiée comme on le souhaiterait. On en entend l’écho dans une oeuvre espagnole, les Sumas de Historia Troyana de Leomarte29, qui aura, à son tour, son influence sur des œuvres françaises ultérieures30. Leomarte a recours à un ingénieux procédé narratif, qui lui permet de jouer sur un double point de vue : l’auteur présente Médée comme magicienne bienfaisante et il laisse à Ysiphile, dans ses lettres, la tâche de dévoiler tous ses crimes et ses sorcelleries. Je ne signalerai de ce texte qu’une très intéressante étymologie, éloge indéniable au savoir de Médée :

[Medea] tanto conosçio de las fuerças de las yeruas que del su nonbre tomo nombre la çiençia de la fysica, ca de Medea pusieron nonbre medeçina.31

Elle était tellement savante dans l’art de guérir à travers les propriétés des herbes, que le mot médecine dériverait de son nom.

Mais la synthèse la plus complète et détaillée de l’histoire de notre Médée médiévale se lit dans l’Ovide moralisé32. La version qu’il nous transmet est, naturellement, fort fidèle aux Métamorphoses, mais nous y retrouvons les mêmes insertions de la Prose 5 : le récit de l’origine de la Toison d’or et l’étape de Jason chez Ysiphile, selon les Heroïdes. Au fur et à mesure que le lecteur avance dans les 2000 vers que l’Ovide consacre à la vie de notre princesse colchidienne, la Médée timide et hésitante du monologue de son conflit entre Amour et Raison, la femme amoureuse et la magicienne bienfaisante qui aide Jason à réussir dans son entreprise, laissent la place à une farouche sorcière. À partir des vers de la fuite de Médée en Grèce, les crimes et les atrocités de la princesse se multiplient, en commençant par le meurtre de son frère Apsyrte – premier récit médiéval du fratricide de Médée – pour continuer par celui de Pélias, de Creüsa, de ses fils et enfin sa tentative d’empoisonnement du fils d’Égée, Thésée.

Comme Ovide avant lui, l’auteur révèle son plaisir de décrire la sorcière en action dans les vers du rituel qui prélude au rajeunissement d’Eson. Mi-nue et échevelée, Médée aboie à la lune, elle invoque Hécate et les dieux des ténèbres, en énumérant tous ses pouvoirs qui bouleversent les lois de la nature, jusqu’à aux lois de la vie et de la mort. L’humanisation du personnage faite par Apollonios de Rhodes, par Valerius Flaccus et enfin par Benoît, trouve ici son parfait contraire. La belle et courtoise princesse, plus fine et fresche e coloree que la rose, selon l’analogie qu’elle suggérait au clerc tourangeau, devient, dans l’Ovide moralisé, la Médée la plus terrifiante de tout le Moyen Âge.

De même que chez Ovide, une métamorphose singulière attend Médée à la fin de l’histoire : en s’envolant sur un char, elle disparaît et personne ne la verra plus. Aucune forme de la nature ne permet la survie de cette femme puissante et redoutable et elle finit ses jours dans un ailleurs inaccessible aux hommes. Les moralisations qui suivent mériteraient d’être analysées longuement. Je soulignerai juste que, contrairement à ce qu’on pourrait attendre, elles ne condamnent pas notre héroïne, qui est vue comme une allégorie de la Vierge.

Je ne pourrais pas conclure sur ce groupe de textes, sans citer Boccace, pour qui Médée ne représente qu’un exemple des dangers du féminin. Dans le De casibus virorum illustrium, il l’insère dans son catalogue de femmes redoutables, en ne citant que ses crimes :

Medea patrem spoliavit, fratrem discerpsit, propriis filiis non pepercit33

Dans le De mulieribus claris, traduit au Moyen Âge en beaucoup de langues, et en français par Laurent de Premierfait, Médée est peinte comme sevissimum veteris perfidie documentum et formosa satis et malefitiorum longe doctissima34. Incarnation du crime au sein de la famille, la Médée de Boccace donne à son auteur l’occasion de mettre le lecteur en garde contre les risques de la séduction et spécialement du danger qui vient des yeux. Si Médée les avait fermé, sans regarder Jason, conclut Boccace,

stetisset diutius potentia patris, vita fratris et sue verginitatis decus infranctum : que omnia horum impudicitia periere35.

Au xive siècle Médée intervient encore dans le Roman de la Rose de Jean de Meun36, comme exemple pour mettre en garde les jeunes filles contre la trahison en amour. L’infidélité de Jason transforma Médée en marastre amere (v.13266), dit la Vieille.

Le xve siècle est probablement encore plus riche de portraits de notre magicienne. C’est Christine de Pizan, qui nous restitue une image positive de Médée, qui apparaît dans bon nombre de ses œuvres : le Livre de Mutacion de Fortune, La Cité des Dames, le Livre du débat de deux amants, l’Epistre au dieu d’amours, l’Epistre Othea. Dans la Cité des dames37, en renversant complètement le point de vue masculin en littérature, Christine loue les qualités des femmes célèbres. Alors que Boccace, dont elle s’inspire38, n’avait vu dans Médée que la femme meurtrière, Christine en exalte les vertus intellectuelles et morales, et cela à deux reprises. Dans le premier livre, Médée est la femme savante : de savoir elle passa et exceda toutes femmes39, dit Christine. Dans le deuxième livre40, Médée est la femme amoureuse. Contre ceux qui accusent les femmes d’infidélité et inconstance en amour, Christine dessine ce portrait exemplaire de princesse qui aime jusqu’à sa perdition. Son amour sincère et loyal s’oppose à la déloyauté et à l’infidélité de Jason. Les nombreuses facettes que la Médée de Christine acquiert dans ses différentes œuvres mériteraient d’être plus longuement analysées, mais je ne peux que renvoyer aux belles pages que Patrizia Caraffi y a consacrées.41.

Mais c’est à la cour des ducs de Bourgogne, quand Jason devient le héros tutélaire de l’Ordre chevaleresque de la Toison d’or, que Philippe le Bon fonde en 1430, que les réécritures du mythe se multiplient, et non sans y apporter encore des nouveautés. L’Abrègement du siège de Troie42, malgré son étonnante fidélité aux vers de Benoît, ajoute dans l’épilogue de l’histoire de Médée, un trait bien plus macabre :

La belle son enfant menga
Par droitte raige et devora,
(Abrègement du siège de Troie, v.1059-1061)

dit son auteur. Sorte d’hyperbole de la Médée de la Prose 1, la cruauté de la mère infanticide s’aggrave d’un acte de cannibalisme, qui la rapproche encore plus à l’image d’une sorcière. Cependant, l’auteur juge que c’est à juste titre que Médée réagit par ce geste féroce : la trahison méprisable du héros grec aura d’horribles conséquences.

Jason ne jouissait pas en effet d’une réputation à la hauteur du rôle qu’on lui a attribué à la cour, précisément à cause de sa mauvaise conduite par rapport à Médée, à tel point que l’évêque de Nevers proposa de le remplacer par Gédéon. Mais Philippe aimait trop le héros de la Toison d’or pour s’en débarrasser et c’est ainsi que Raoul Lefèvre, dans son Histoire de Jason43, accomplit une extraordinaire opération de réhabilitation. Dans la captivante introduction du texte, Lefèvre navigue dans la mer des anciennes histoires, quand un navire s’approche et que l’homme qui le conduit s’adresse à lui :

Je suis Jason, cellui qui le veaurre d’or conquesta en Colcos et qui journellement laboure en douleur, enrachiné en tristesse pour le deshonneur dont aucuns frapent ma gloire, moy imposans non avoir tenu ma promesse envers Medee, ce dont tu as leu la verité. Si te prie que tu faces un livre ou ceulz que ma gloire quierent flappir puissent congnoistre leur indiscret jugement.44

(Raoul Lefèvre, Histoire de Jason, p. 125)

Toute l’œuvre est une surprenante réécriture de l’histoire du héros, qui ressemble de plus en plus à Philippe. Lefèvre souligne généreusement les mérites de notre princesse et son rôle indéniable dans la conquête de la Toison d’or, mais la réaction de Jason se déchaîne inévitablement face aux exagérations meurtrières de sa femme. Il n’a d’autre choix que de la répudier pour rejoindre la reine Mirro, qu’il avait connue avant elle et qui l’attendait depuis longtemps. Mais l’histoire se termine par un happy end à surprise : la reine Mirro meurt, Jason et Médée se réconcilient et le roi Eson proclame Jason roi des Mirmidons. L’auteur conclut alors :

Et par ainsy, Jason et Medee regnerent et gouvernerent le royaulme et vesquirent ensamble en amour, et eurent de beaulx enfans qui regnerent aprez eulz, [...]45

Voici que Médée, sous la plume de notre écrivain bourguignon, est complètement rédimée. Son éternel conflit entre Eros et maternité s’apaise enfin et elle devient reine et mère amoureuse de deux magnifiques enfants, l’épouse idéale d’un roi idéal.

Si l’adaptabilité d’un mythe aux différentes époques est une preuve de sa richesse et de sa fécondité, Médée occupe une place de choix parmi les personnages de l’Antiquité grecque dont le Moyen Âge a hérités. Par ses multiples et extraordinaires métamorphoses, elle a su garder sa modernité au cours de tous les siècles médiévaux.

Notes

1 Le mythe de Jason et Médée au Moyen Âge a fait l’objet de précédentes études, dont je signale P. Caraffi, « Medea medievale », dans Studi mediolatini e volgari XLVII (2001), p. 223-237 ; D. Quéruel, « Le personnage de Jason : de la mythologie au roman », dans Le banquet du Faisan (1454): l’Occident face au défi de l’empire ottoman. Etudes publiées par M.-T. Caron et D. Clauzel, Arras : Presses de l’Université d’Artois, 1997, p. 145-162 et, sur la vengeance de Médée, mon étude : « Mes en nostre matiere n’apartient pas : la vengeance de Médée dans le Roman de Troie et sa mouvance » dans La digression dans la littérature et l’art du Moyen Age. Etudes réunies par C. Connochie-Bourgne, Aix-en-Provence : PUP, 2005, p. 99-113. Pour le domaine anglophone, qui n’est sans liens avec la Romania, cf. R. Morse, The medieval Medea, Cambridge : Brewer, 1996. Retour au texte

2 A. Moreau, Le Mythe de Jason et Médée. Le va-nu-pied et la sorcière, Paris : Les Belles Lettres, 1994. Retour au texte

3 Éd. F. Meister, Leipzig : Teubner, 1873. Diodore de Sicile, Valerius Flaccus et Hygin déjà avaient raconté la malheureuse étape à Troie de Jason. Retour au texte

4 S’il nous est impossible de dire exactement quelle a été la source de Benoît pour notre épisode, sans doute plusieurs auteurs latins étaient à la base de sa culture littéraire. Naturellement le clerc connaissait Ovide, mais on peut faire l’hypothèse qu’il ait lu Valerius Flaccus, Sénèque ou une des versions aujourd’hui perdues, celle de Quintus Ennius, ou la Médée d’Ovide. Retour au texte

5 Sur l’épisode de Jason et Médée dans le Roman de Troie, cf. R.M. Lumiansky, « Structural unity in Benoît’s Roman de Troie », dans Romania, LXXIX (1958), p. 410-424 et A. Petit, Naissances du roman. Les techniques littéraires dans les romans antiques du xiiesiècle, Lille : Atelier national reproduction des thèses- Université Lille III, Paris-Genève : Champion-Slatkine, 1985, vol. I, p.464-466. Retour au texte

6 Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie éd. L. Constans, vol.1, Paris : Firmin Didot, 1904. Toutes les citations de ce roman sont tirées de cette édition. Retour au texte

7 Cf. « La mer dans le Roman de Troie : les aventures d’Ulysse au Moyen Âge » dans Mondes marins du Moyen Âge. Études réunies par C. Connochie-Bourgne, Aix-en-Provence : PUP, 2006, p. 79-94. Retour au texte

8 Dans l’article « Sorcellerie » de J.-P. Boudet, dans Encyclopédie du Moyen Âge, Paris : PUF, 2002, p. 1347. Cf. aussi F. Gingras, « Préhistoire de la sorcière d’après quelques récits français des xiie et xiiie siècles » dans Florilegium XVIII.1 (2001), p. 31-50. Retour au texte

9 Pour le classement des différentes mises en prose, cf. M.-R. Jung, La légende de Troie en France au moyen âge. Analyse des versions françaises et bibliographie des manuscrits, Tübingen et Basel : Francke Verlag, 1996 (désormais La légende), p. 440-562. On ne dispose aujourd’hui que de l’édition de la prose 4, Le Roman de Troie en prose (version du Cod. Bodmer 147), éd. F. Vielliard, Cologny-Genève : Fondation Martin Bodmer, 1979 et de quelques études sur les proses 2 et 3. À la bibliographie citée par Jung dans La légende, il faut ajouter F. Costantini, « Prosa 3 di Roman de Troie : analisi sinottica fra tradizione e traduzione » dans Critica del testo VII/3 (2004), p. 1045-1089. Retour au texte

10 La datation de cette mise en prose est incertaine. Etablir une chronologie comparée des mises en proses du Roman de Troie, aussi bien que des autres réfections de la légende troyenne au Moyen Âge dont il est question ici, est assez délicat. Il s’agit de textes encore peu étudiés, pour la plupart encore inédits, et les recherches récentes réfutent souvent les anciennes hypothèses de datation. Retour au texte

11 Éd. L. Constans et E. Faral, Paris : Champion, 1922, t. I. Toutes les citations de cette mise en prose sont tirées de cette édition. Retour au texte

12 J’ai traité de cette digression dans « Mes en nostre matiere n’apartient pas : la vengeance de Médée dans le Roman de Troie et sa mouvance », déjà cité. Retour au texte

13 E. Gorra, Testi inediti di storia troiana, Torino : C. Triverio, 1887, p. 174-184 et 458-480 et A. Punzi, « Les metamorfosi di Darete Frigio : la materia troiana in Italia » dans Critica del testo VII/1 (2004), p. 163-211. La Versione d’anonimo, encore inédite, a des liens évidents non seulement avec la Prose 1, mais aussi avec Guido delle Colonne et, probablement, l’Histoire ancienne. Retour au texte

14 Je cite d’après la transcription d’E. Gorra, op. cit., p. 474, avec quelques retouches en ce qui concerne la ponctuation. Je traduis en résumant : Quand Jason et Médée partent de l’île de Colchos, ils arrivent dans une île déserte et y restent quelques jours. Un jour, pendant que Médée était endormie, Jason décide de l’abandonner sur cette île, afin que personne ne dise qu’il a obtenu sa victoire grâce à elle plutôt que grâce à sa vaillance. Retour au texte

15 E. Gorra, op. cit., p. 478. Je traduis : elle mis les cœurs des deux enfants, préparés comme un hachis, dans un bol et le donna à Jason : « Mange, c’est un plat qui t’aidera à guérir, puisque tu as été malade ». Jason mangea tout. Retour au texte

16 E. Gorra, op. cit., p. 480. Retour au texte

17 Éd. R. af Geijertstam, Uppsala : Almqvist, 1964. Sur les liens avec la tradition troyenne, cf. F. Dominguez, « Fernandez de Heredia’s Grant Cronica de Espanya, the Roman de Troie en prose and the Versione d’Anonimo», dans Hispanófila LXVI (1979), p. 1-7 et A. Punzi, art. cit., p. 192-193. Retour au texte

18 On ne dispose que de l’édition N. E. Griffin, Cambridge, 1936, réimpression New York : The Mediaeval Academy of America (n°26), 1970, qui ne tient pas du tout compte de la richesse de la traduction manuscrite. Retour au texte

19 M.-R. Jung, La légende, p. 565. Retour au texte

20 Bon nombre de ces traductions sont encore inédites. Cf. Jung, La Légende, p. 570-613 et, pour les versions bourguignonnes, A. Bayot, La Légende de Troie à la cour de Bourgogne. Étude d’histoire littéraire et de bibliographie, Bruges : L. de Planche, 1908. Retour au texte

21 Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, éd. citée, Livre II, p. 15. Retour au texte

22 Éd. N. De Blasi, Roma : Bonacci editore, 1984. Retour au texte

23 Éd. citée, p. 57. Retour au texte

24 La Cinquième mise en prose du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure Édition partielle et commentaire. Thèse de l’École nationale des Chartes préparée sous la direction de Mme Françoise Vielliard et soutenue en 2005. Retour au texte

25 Considéré par François Avril, dans son étude « Trois manuscrits napolitains des collections de Charles V et de Jean de Berry » dans Bibliothèque de l’École des Chartes CXXVII (1969), p. 291-328, comme l’archétype de l’œuvre, ce manuscrit n’est, d’après l’étude de Mme Rochebouet, qu’une bonne copie et le témoin le plus ancien dont on dispose aujourd’hui. Retour au texte

26 Prose 5 a comme sources principales le roman de Benoît et les proses 1 et 3. Retour au texte

27 Dans ma transcription, j’ai introduit une ponctuation moderne, des majuscules de position et initiales de noms propres, des accents et le tréma ; j’ai développé les abréviations, en indiquant en italique les mots ou les parties de mot développées. Le développement de ml’t en molt est arbitraire, car aucune occurrence du mot en clair n’apparaît dans les passages analysés. Retour au texte

28 On pourra comparer ce passage avec la version transmise par le ms. BnF, fr.301, dans la transcription d’A. Punzi, art. cit., p. 192. Retour au texte

29 Leomarte, Sumas de Historia Troyana, éd. A. Rey, Madrid : s.e., 1931. Retour au texte

30 C’est l’opinion de Gert Pinkernell, qui affirme que Raoul Lefèvre s’en servira pour écrire son Recueil des Histoires de Troie. Cf. l’article «Lefèvre, Raoul », Dizionario critico della letteratura francese, Torino : UTET, 1972, vol. I, p.654-655. Retour au texte

31 Éd. citée, p. 94. Retour au texte

32 Éd. C. De Boer, M. De Boer et J. Th.M. Van ‘T Sant, Amsterdam : Noord-Hollandsche Uitg.,1931-1938, t. III, p. 15-55, v. 1-2270. Retour au texte

33 § XVIII, In mulierem, dans Tutte le opere di Giovanni Boccaccio, vol. IX, éd. V. Zaccaria, Milano : Mondadori, 1967, p. 98. Retour au texte

34 § XVII, De Medea regina Colcorum, dans Tutte le opere di Giovanni Boccaccio, vol. X, éd. V. Zaccaria, Milano : Mondadori, 1967, p. 84. Retour au texte

35 Éd. cit., p. 88. Retour au texte

36 V.13233-13266, éd. A. Strubel, Paris : Librairie Générale Française, 1992, p. 704. Retour au texte

37 Éd. E. J. Richards et trad. en italien de P. Caraffi, Roma : Carocci, 2004. La citation et les références qui suivent sont relatives à cet ouvrage. Retour au texte

38 De nombreuses études ont été consacrées aux liens avec Boccace. Je ne citerai que A. Jeanroy, « Boccace et Christine de Pizan : le De claris mulieribus principale source du Livre de la cité des dames », dans Romania, XLVIII (1922), p. 93-105. Retour au texte

39 Ci dit de Medee et d’une autre royne nommee Circes, § XXXII, p. 162. Retour au texte

40 De Medee amante, § LVI, p. 380-383. Retour au texte

41 Cf. P. Caraffi, « Medea medievale », cité, p. 234-237, et Figure femminili del sapere, Roma : Carocci, 2003, p. 53-61. Retour au texte

42 Cf. S. Cerrito, Contribution à l’étude de la mouvance troyenne, avec édition et commentaire de l’Abbregement du siege de Troyes. Thèse préparée sous la direction de Mme May Plouzeau et soutenue en 2005 à l’Université de Provence. Retour au texte

43 Éd G. Pinkernell, Francfort : Athenaüm Verlag, 1971. Retour au texte

44 Éd. citée, p. 125. Retour au texte

45 Éd. citée, p. 240, §21.5. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Stefania Cerrito, « Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge. », Bien Dire et Bien Aprandre, 24 | 2006, 39-56.

Référence électronique

Stefania Cerrito, « Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge. », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 24 | 2006, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/957

Auteur

Stefania Cerrito

Université de Naples « l’Orientale » (Italie)

Droits d'auteur

CC-BY-NC-ND