Monsieur André Dalinval nous a quittés le 12 Avril 2015 (Fig. 1). Membre de la Société Géologique du Nord, il fut l'un des acteurs de l'équipe des géologues houillers qui, après la Seconde Guerre Mondiale, ont contribué à gagner la « bataille du charbon » dans le Bassin houiller du Nord - Pas-de-Calais. Le présent portrait va tenter de retracer brièvement la vie et le parcours professionnel et scientifique de cet éminent collègue.
I. — Le contexte familial
La famille de Monsieur André Dalinval était au départ localisée dans le Dunkerquois. Son grand-père paternel, Edmond, est employé à la mairie de Dunkerque dont il deviendra le chef du bureau militaire. Son père, René, dernier d'une fratrie de quatre enfants, est né en 1884. Après des études brillantes à Lille à l'IDN (Institut Industriel du Nord) dont il sortira en 1908, il entre comme Ingénieur à la Compagnie de Lille-Fives, puis ensuite, en 1921, aux Etablissements de construction mécanique Meunier et Cie à Lille. Il y deviendra en 1935 Ingénieur Chef des Services techniques et des Etudes. Entre-temps, à l'issue de la Première Guerre Mondiale, il avait épousé Mademoiselle Germaine Thouvenin. Leur fils unique, André, naît le 11 Avril 1920. Le père, de santé fragile, décède prématurément début 1943 et n'aura donc pas connu le reste de sa descendance. André Dalinval épouse le 17 Juillet 1945 à Lens Mademoiselle Madeleine Mulard (Fig. 2), fille de Monsieur Paul Mulard, Docteur en droit et Chef du Contentieux de la Société des Mines de Lens. De cette union naîtront trois enfants, deux filles et un garçon (Bernadette, Patrick et Martine).
II. — Le parcours scolaire et professionnel
Dès l'âge de sept ans (Fig. 3), André Dalinval est pensionnaire au collège puis au lycée de Marcq-en-Barœul, près de Lille. Après l'obtention du Baccalauréat Sciences Expérimentales, il s'inscrit à la Faculté des Sciences de l'Université de Lille en 1940. La réussite successivement aux certificats de Botanique Générale, Zoologie, Minéralogie, Hydrogéologie et Géologie lui confère en Juillet 1943 la Licence ès Sciences, préparatoire au Doctorat (suite à ses résultats brillants en Géologie, il se verra décerner en 1944 la médaille Gosselet par la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille). Mais, dans ces temps troublés, il est requis à l'été 1943 par le service du travail obligatoire (STO). Il échappe toutefois à un transfert en Allemagne en étant embauché comme ‘hercheur' (autrement dit pelleteur) aux fosses Notre-Dame (de Juin 1943 à Juin 1944), Déjardin (de Juin 1944 à Juillet 1944) et Vuillemin (de Juillet 1944 à Septembre 1944), toutes localisées dans la région de Douai/Aniche.
Il est bon de rappeler qu'à cette époque les concessions houillères du Nord - Pas-de-Calais appartenaient à un certain nombre de compagnies privées. Mais, de fait, les installations minières étaient aux mains de l'occupant qui les gérait sans souci de leur entretien à long terme, et elles étaient en partie détériorées. A la Libération il va donc falloir redresser la situation. Les compagnies sont nationalisées par ordonnance fin 1944, et huit groupes d'exploitation se substituent aux anciennes concessions privées. Parallèlement, un Service Central de Géologie est créé et il est prévu d'affecter un géologue à chacun des nouveaux groupes.
Compte tenu de son bagage universitaire et de sa localisation à l'époque, c'est donc tout naturellement qu'André Dalinval est engagé en Novembre 1944 en tant que géologue au Service ‘Fond’ à la Compagnie des Mines d'Aniche (qui va devenir le Groupe de Douai). Il y est nommé Ingénieur-Géologue en Juillet 1945. A partir de là sa carrière va se dérouler normalement. Il est promu Ingénieur Divisionnaire en 1959, menant son travail aux Houillères conjointement avec la préparation de son Doctorat de l'Université de Lille, soutenu le 24 Juin 1960. Avec la réduction progressive de l'extraction houillère dans le Nord de la France et la fermeture d'un certain nombre de sièges, les besoins en information géologique vont aussi aller en diminuant. C'est ainsi qu'au début 1970 André Dalinval est rattaché à la Direction des Services Généraux, en charge des problèmes relatifs aux eaux de surface. Il est ensuite muté au Département Infrastructures et Bâtiments, Service Eaux et Assainissement en Septembre 1970. Il fait valoir ses droits à la retraite le 1er Juillet 1980.
III. — L'activité scientifique
Comme ses collègues du Service Géologique nouvellement créé, André Dalinval va contribuer à gagner la ‘bataille du charbon' qui représente à l'époque 85% de l'énergie utilisée en France, et pour cela la géologie ne pouvait être absente du débat. Certes, grâce aux travaux des ‘grands anciens' de l'Université de Lille, le Professeur Charles Barrois et ses élèves et collaborateurs les Professeurs Pierre Pruvost et Paul Bertrand, les principales structures du bassin houiller étaient assez bien identifiées, en s'appuyant notamment sur la reconnaissance et la localisation des niveaux marins et la distribution des faunes et flores fossiles. Mais, en 1945, le contexte général change. Alors que du temps des compagnies privées la concurrence et par voie de conséquence le goût du secret régnaient, ne serait-ce par exemple que sur la succession des veines dans les diverses concessions, la nationalisation va imposer une rationalisation des moyens et des informations. C'est ainsi qu'il devient impératif d'établir un tableau de concordance des veines pour l'ensemble du bassin. Ceci va passer obligatoirement par une amélioration des coupes stratigraphiques normales pour chaque siège, ce qui représente un travail considérable dans un bassin aussi tectonisé que le bassin du Nord - Pas-de-Calais. Qui plus est, avec la modernisation des installations minières et la mécanisation de l'exploitation, la superficie des panneaux d'exploitation augmente grandement et, par voie de conséquence, le coût de préparation d'un chantier augmente dans les mêmes proportions. Les exploitants, c'est-à-dire les chefs de siège, ont besoin de connaître la localisation précise et les caractéristiques de la veine qu'ils vont mettre en exploitation, ce qui va conditionner la rentabilité du siège dont ils ont la charge. Le degré de précision (et de responsabilité) demandé aux géologues houillers change donc d'échelle. Il va falloir par conséquent trouver des niveaux- repères supplémentaires pour répondre aux exigences de l'exploitation. Ces niveaux-repères sont essentiellement d'ordre paléontologique, lithologique et sédimentologique. Leur mise en évidence va exiger une discipline rigoureuse, et l'accumulation de données récoltées pas à pas. Une fois ce travail fondamental réalisé, des corrélations plus fines deviennent possibles qui, à leur tour, permettent une amélioration des interprétations structurales. André Dalinval, comme tous ses collègues du Service Géologique (et la liste bibliographique ci-jointe en fait foi), aura donc à mener conjointement des recherches de paléontologie, de sédimentologie, de stratigraphie et de géologie structurale.
Dans le domaine paléontologique, tous les géologues du bassin houiller ont été par la force des choses des ‘généralistes' de haut niveau. Comment aurait-il pu en être autrement ? Quand on a la responsabilité de suivre l'avancée de sondages ou le creusement de nouvelles galeries souterraines (= bowettes) et de localiser la séquence recoupée dans l'échelle stratigraphique générale, aucun type de données ne peut être négligé et il est impératif de relever tous les niveaux fossilifères (et autres) susceptibles d'avoir une certaine extension horizontale pour asseoir les corrélations entre les secteurs. Le ton est donné à ce sujet dès le paragraphe introductif de sa première note en 1947, faisant état d'investigations à la Fosse n°1 de L'Escarpelle, en vue d'assimiler son gisement avec celui des Sièges Bernard et Déjardin, ses voisins à l'est, pour y trouver le niveau repère à Leaia minima (petit crustacé d'eau douce), connu par ailleurs pour être situé à environ 75 m en stampe normale au mur du niveau marin de Poissonnière. Tous les ingrédients sont donc là énoncés : les niveaux repères de tous ordres, les caractéristiques des dépôts (d'eau douce ou marins), le problème des corrélations, etc. Des notes ultérieures traiteront de problèmes similaires : en 1953, découverte du niveau marin de Rimbert (qui marque la limite entre le Westphalien B et le Westphalien C) dans le synclinal de Dorignies à la Fosse Notre-Dame; en 1960, découverte, pour la première fois en France, de Reticuloceras metabilingue et R. wrighti (Céphalopodes Ammonoïdés, Goniatitidés), caractéristiques du Namurien supérieur, au Siège De Sessevalle du Groupe de Douai. Ces quelques informations attestent de la ‘polyvalence paléontologique' d'André Dalinval. Toutefois, son domaine d'expertise est la flore fossile, et tout particulièrement, le groupe des Pécoptéridées, un groupe de fougères fossiles particulièrement abondantes au Carbonifère, mais difficiles à cerner précisément. Elles feront le sujet de sa thèse de Doctorat, supervisée par Monsieur Paul Corsin, Professeur de Paléobotanique à l'Université de Lille, et soutenue avec succès en Juin 1960. Ce travail monumental, de 222 pages et 61 planches photographiques de grande qualité, fruit d'une dizaine d'années de recherches, analyse les caractéristiques morphologiques et la répartition tant horizontale que verticale de toutes les espèces de Pécoptéridées présentes dans le bassin, ainsi que leurs zones d'abondance. La qualité de ce travail lui vaudra en 1960 l'obtention du Prix Paul Bertrand, décerné par la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille. Comme il est généralement de mise, l'évolution des connaissances a entraîné quelques modifications sur un certain nombre de points, mais le travail d'André Dalinval restera toujours une référence majeure dans ce domaine.
Dans les domaines de la sédimentologie et de la stratigraphie, la remarquable découverte de Jacques Chalard des premiers tonstein dans le Bassin houiller du Nord et du Pas-de- Calais en 1951 va être le départ d'une belle aventure pour tous les acteurs du Service Géologique, sous la houlette d'Alexis Bouroz, Chef du Service. Rappelons que les tonstein (mot d'origine allemande signifiant littéralement pierres argileuses) forment des lits généralement de couleur claire et d'épaisseur réduite (centimétrique à décimétrique). Ils correspondent à des accumulations de particules d'origine volcanique plus ou moins altérées en argiles, au sein des séries houillères. Ils étaient déjà connus dans un certain nombre de bassins, et notamment dans le Bassin de la Sarre où les bancs, généralement de plusieurs décimètres (et très exceptionnellement de plusieurs mètres) d'épaisseur peuvent se suivre sur de grandes étendues, constituant de ce fait d'excellents repères stratigraphiques. Mais, dans le Bassin du Nord, leur épaisseur est en général réduite, et ils ne sont pas toujours de couleur claire, d'où leur découverte plus tardive. Une première étape va donc porter bien évidemment sur la recherche systématique des tonstein dans tous les groupes d'exploitation, recherche à laquelle André Dalinval prendra toute sa part, comme en témoignent une note en 1956 et sa dernière note en 1969. Pour montrer la complémentarité de toutes ces recherches, il est bon de signaler que, dans le travail cité ci-avant sur la localisation du niveau marin de Rimbert dans le synclinal de Dorignies, c'est la découverte préalable du tonstein Viterbe, qui se situe à la partie supérieure du Westphalien B, qui a engendré la recherche et la découverte dudit niveau marin un peu plus haut dans la série stratigraphique.
Enfin, est-il nécessaire de rappeler que c'est seulement sur la base d'analyses stratigraphiques fines que peuvent progresser les interprétations structurales ? Dans ce domaine aussi André Dalinval aura pleinement pris sa part. En 1961 il est co-auteur de la note analysant la structure du Bassin houiller du Nord de la région de Douai à la frontière belge. Il est impossible de résumer en quelques lignes ce travail dense et extrêmement documenté. Il suffit de le parcourir pour voir les nombreuses coupes concernant les sièges appartenant au groupe de Douai pour mesurer l'apport d'André Dalinval à ce ‘grand œuvre'. Dans le même esprit et en continuité, notons qu'André Dalinval est également co-auteur en 1963 de la carte du Bassin Houiller du Nord - Pas-de-Calais à la cote –300, un document qui représente à coup sûr une magnifique synthèse des recherches menées par une valeureuse équipe d'ingénieurs-géologues pendant près de vingt ans. Notons que ces remarquables résultats recevront une reconnaissance internationale lors de la tenue en 1963 du Cinquième Congrès International de Stratigraphie et de Géologie du Carbonifère à Paris, avec une excursion géologique pré-congrès programmée dans le Bassin houiller du Nord, sous la responsabilité bien évidemment des membres du Service Géologique du Bassin du Nord - Pas-de-Calais qui, dans la foulée, participeront au Congrès suivant, en 1967, à Sheffield en Grande Bretagne.
IV. — Conclusion
La liste bibliographique d'André Dalinval comporte 14 travaux publiés essentiellement par la Société Géologique du Nord dont il fut un membre éminent depuis 1946, et assidu même quand les réunions furent ‘délocalisées' de Lille à Villeneuve d'Ascq. Cela lui valut d'être appelé à la présidence de la Société en 1968. Il y fit preuve de son sérieux et de sa compétence habituels. Sur le plan humain, André Dalinval était un homme pudique et discret, certains diraient un peu ‘taiseux', ce qui ne l'empêchait pas d'avoir de l'humour et une grande ouverture d'esprit, et d'être toujours prêt à aider les autres. Le premier auteur de cette notice peut en témoigner, ayant eu l'occasion, lors de la préparation de sa thèse, de voir ses demandes d'information toujours accueillies favorablement, et de profiter des compétences d'André Dalinval lors de descentes communes dans certains sièges du groupe de Douai. André Dalinval a été passionné par ses activités géologiques, qu'il ne put malheureusement mener jusqu'à la fin de sa carrière comme il l'aurait souhaité, compte tenu de l'évolution des charbonnages. Après toute une vie de labeur, marquée par l'obtention de la médaille d'honneur du travail (Argent 1972, Vermeil 1979), il put profiter d'une retraite bien méritée en 1980. En compagnie de son épouse avec laquelle il formait un couple fusionnel, il put entreprendre de nombreux voyages et s'adonner à diverses activités sportives et culturelles, avant que la fatalité ne lui enlève son épouse, et donc sa joie de vivre, en 2013. Il nous a quittés le 12 Avril 2015, au lendemain même de son quatre- vingt-quinzième anniversaire.
Remerciements. — Nous remercions très vivement Madame Bernadette Dalinval-Ragot, Madame Martine Dalinval-Fois et Monsieur Patrick Dalinval, qui ont eu l'extrême amabilité de mettre à notre disposition les documents familiaux présentés dans cette notice. Nos plus vifs remerciements également à Monsieur Peppino Ferri, de l'Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs à Noyelles-sous-Lens, pour les documents qu'il a bien voulu nous transmettre relatifs à la carrière de Monsieur André Dalinval aux H.B.N.P.C. La relecture de cet article a été réalisée par MM. Paul Broquet (Professeur honoraire, Université de Franche-Comté) et Jean- François Deconinck (Professeur, Université de Bourgogne).