Renaut de Montauban ou Chanson des Quatre Fils Aymon, édition de Jacques Thomas, revue, présentée et traduite par François Suard

p. 237-240

Bibliographical reference

Renaut de Montauban ou Chanson des Quatre Fils Aymon, édition de Jacques Thomas, revue, présentée et traduite par François Suard, Genève, Droz, 2024 (Texte courant, 18)

Text

Ce volume propose une édition bilingue de Renaut de Montauban, publiée en 1989 par Jacques Thomas1, d’après le manuscrit Douce 1212 (D) de la bibliothèque bodléienne (ca. 1225-1250). Cette édition remplaçait avantageusement les éditions antérieures sans prétendre donner un appareil de variantes, la tradition manuscrite étant trop foisonnante.

À sa traduction, M. François Suard ajoute une introduction littéraire, des notes sur la traduction, une table analytique des noms propres et une bibliographie.

Complétant l’introduction philologique de J. Thomas, l’introduction littéraire signale, sans prétendre à l’exhaustivité, les aspects significatifs de cette chanson. Pour conclure le résumé de la chanson, F. S. émet l’hypothèse, pour cette « fresque » non exempte d’anomalies, d’une « construction continue » à partir d’un noyau ardennais-gascon (où prédomine le premier), auquel s’ajoutent l’épisode rhénan, puis les trois derniers épisodes s’apparentant à des continuations.

F. S. s’attache ensuite, par ordre d’importance, à la « floraison des personnages » qui évoluent tout au long de la chanson. Celle-ci met en exergue la fratrie qui structure la partie la plus ancienne de l’œuvre et dont les rôles varient au gré des événements. Face à cette fratrie, Charlemagne incarne un pouvoir jamais remis en cause, malgré la révolte de ses vassaux et en dépit de son esprit de vengeance. Fidèle à ses frères et à son devoir vassalique, Renaut brille par les variations de son comportement, ce qui ne l’empêche pas d’accéder au martyre.

F. S. rappelle les deux thématiques principales de la chanson : celle du lignage et de la famille d’une part et celle, d’autre part, de la fidélité vassalique, ces « deux exigences » entrant en conflit pour structurer l’action de la chanson. Aucun personnage ne parvient les concilier, sauf le héros principal, Renaut. Deux autres thématiques ont enfin leur importance : celle de la religion, par l’aura qui se crée autour de Renaut, et celle de la magie, à travers Maugis et le cheval Bayard. La chanson ne cède pas pour autant au surnaturel.

F. S. étudie également l’originalité des procédés d’écriture épique utilisés par le poète pour maintenir la cohérence de cette longue chanson qui se distingue par un recours aux récapitulations. Celles-ci permettent non seulement de signaler les articulations du récit mais aussi d’exposer les évolutions des personnages et d’actualiser le sens de ce récit qui s’apparente ainsi à un cheminement de Renaut vers « la purification spirituelle ». De même, la technique de l’entrelacement est abandonnée dans certains épisodes, notamment les trois derniers, sans doute pour en montrer la spécificité.

F. S. inscrit cette chanson dans la culture épique de son époque : l’auteur connaît la tradition des Saisnes (comme point d’origine), de Girart de Vienne (qui a peut-être influencé le duo Renaut-Roland), et celles de Girard de Roussillon et de Nanteuil. S’y ajoutent, à des degrés divers, la Chevalerie Ogier, Aiol, Élie de saint-Gilles, les Enfances Charlemagne, le Moniage Guillaume et la Chanson de Roland.

L’A. étudie ensuite l’aisance avec laquelle le poète utilise les techniques de l’écriture épique. Au sujet de la longueur des laisses, F. S. revient sur l’épisode de Vaucouleurs qui se distingue par ses laisses volumineuses, avant un retour à des laisses plus brèves : il y voit une volonté, sur la fin, d’accélérer et d’abréger un récit qui a multiplié les péripéties. Le poète sait user des laisses similaires – relevant du lyrisme – dans les moments dramatiques ; de même, il utilise le motif de la prière du plus grand péril dans des situations qui ne sont pas conventionnelles, en l’adaptant au contexte de l’action, ce qui est aussi le cas pour les trois songes prémonitoires et pour les préludes printaniers.

F. S propose une traduction juxtalinéaire, afin de suivre au plus près le texte original. Les traits de la rhétorique épique sont de même conservés. Cette traduction est accompagnée de notes (p. 1175-1226), avantageusement signalées dans la traduction par astérisque : ce même procédé dans le texte édité aurait été pratique. Ces notes signalent les lapsus et les difficultés posées par le texte, elles commentent pas à pas le sens de celui-ci et en explicitent les références. Renvoyant aux notes de J. Thomas, ces notes de la traduction éclairent encore davantage cette chanson.

De même, la table analytique des noms propres complète avantageusement l’index de J. Thomas et permet de repérer aisément les personnages principaux de cette « fresque » foisonnante.

Nul doute que cette édition remplit l’objectif qu’elle se donne : faciliter « l’accès de cette belle légende à un vaste public ».

Notes

1 CR de W. G. Van Emden, Cahiers de civilisation médiévale, t. 139, 1992, p. 275-276. Return to text

2 Coquille dans la présentation (123). Return to text

References

Bibliographical reference

Julien Florent, « Renaut de Montauban ou Chanson des Quatre Fils Aymon, édition de Jacques Thomas, revue, présentée et traduite par François Suard », Bien Dire et Bien Aprandre, 39 | 2024, 237-240.

Electronic reference

Julien Florent, « Renaut de Montauban ou Chanson des Quatre Fils Aymon, édition de Jacques Thomas, revue, présentée et traduite par François Suard », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 39 | 2024, Online since 04 décembre 2024, connection on 21 avril 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/2227

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Julien Florent

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