Entretien avec Justine Augier

Réalisé le 7 octobre 2024 par Maud Granger Remy

  • An interview with Justine Augier. carried on by Maud Granger Remy on October the 7th 2024

DOI : 10.54563/demeter.1796

Abstracts

La discussion a pour objet le rapport que les textes écrits par Justine Augier entretiennent avec la justice : pourquoi est-elle si présente dans ses projets littéraires, comment nourrit-elle la littérature, à la fois comme thème et comme vocabulaire, mais aussi en lui donnant une mission ?

The discussion focuses on the relationship between Augier’s texts and justice: why does justice appears so prominently in her literary projects, how does it nourish literature, as an object, a specific vocabulary, but also, maybe, a mission?

Outline

Text

« L’affaire a déjà modifié des perceptions et des regards, a déjà créé des petits points de résonance et de vibration, a déjà participé au réveil d’une colère qui contribue à amplifier la brèche. »
Justine Augier, Personne morale : récit, Arles, Actes Sud, 2024, p. 285.

La littérature pour rendre justice

La justice apparaît à la fois comme un thème, un objet ou un vocable dans les romans d’Augier, mais avec le dernier, on perçoit que c’est aussi un horizon, voire une mission désormais assignée à la littérature.

Retenir la parole

Je ne sais pas si la littérature peut faire justice, j’essaie avant toute chose de me convaincre qu’elle peut le faire, comme une manière d’échapper à un désespoir ultime. Mais je ne suis pas convaincue. C’est ténu comme croyance et c’est une croyance qui doit être entretenue par l’exercice même de l’écriture. Je vois des liens s’établir dans mon travail entre littérature et justice, notamment dans mon travail sur le droit, un instrument qui a pour horizon la justice mais reste ambivalent, parce que toujours compromis avec le pouvoir.

J’ai commencé à travailler ces questions avec mon récit intitulé De l’ardeur1. Dans ce texte, j’entendais la justice comme une forme de lutte contre l’écrasement. L’écrasement de la révolution syrienne et de la beauté de cette révolution, et puis le second écrasement que représentait l’indifférence réservée au premier.

La justice, c’est d’abord œuvrer contre cet écrasement, tenter de retenir la parole de celles et ceux qui ont fait la révolution. Dans les récits de ces révolutionnaires, dans leurs voix, j’entends une trace précieuse de leur lutte pour faire triompher l’espoir. Ces récits font résonner quelque chose qui demeure de la joie collective éprouvée lors de la révolution, de la force qu’elle procurait, de l’incrédulité aussi qu’ils ressentaient, de pouvoir faire entendre leur voix. Malgré les années, malgré l’horreur, et alors que chaque personne que je rencontrais avait souffert de la répression, l’ardeur du soulèvement restait audible. Et je voulais prendre soin de ce rêve défait, le retenir, l’attiser et le faire circuler.

La justice a aussi à voir avec la personne même de Razan, qui est avocate. Et elle exerce ce métier dans un pays où le droit est comme une matière morte. Mais c’est précisément là qu’elle essaye d’agir, et cette pratique du droit la conduit vers d’autres domaines, notamment celui de l’écriture. Ce que je repère en elle et qui reste pour moi un objet de fascination, c’est son désir éperdu de justice, qui est un moteur unique, et qui résiste. Ses amis disparaissent, ils sont torturés, elle est assiégée, bombardée. Et jusqu’à la veille de sa disparition forcée, son désir de justice reste puissant. Elle le ranime constamment et je me demande si ça ne passe pas par sa pratique de l’écriture. Il est une force qui paraît inextinguible, au point qu’il continue de faire son chemin au-delà de sa mort. Encore aujourd’hui, je suis frappée de l’intensité de sa présence pour les Syriens et les Syriennes.

La vivacité de ce désir de justice n’est pas constante mais elle est sans cesse ravivée, dans une sorte de lutte. Razan est attentive à ce que ça crée ou suscite autour d’elle, à la façon dont cela lui permet de créer du collectif, de partager l’espoir, d’inventer de nouvelles choses. Ce n’est pas un désir qu’elle nourrit seule et coupée du monde. Elle le partage, notamment par son écriture, qui est très lyrique, presque incantatoire, dans laquelle je lis une tentative toujours renouvelée d’auto‑conviction.

Quand je récolte les récits sur Razan, j’arrive avec toute mon admiration et cette intention est primordiale, elle conditionne la possibilité qu’une parole me soit confiée. Je constate que les gens n’attendent qu’une occasion pour s’adonner à la parole. Ils n’éprouvent aucune difficulté à raconter et, au contraire, manifestent un désir très fort de parler. Ce désir est l’expression de leur volonté de lui rendre justice, à elle, et à son travail. En recevant cette parole confiée, j’ai la sensation concrète, parfois écrasante, de ma responsabilité. Parce que c’est une parole dont on sait très bien qu’on va la trahir, la triturer, la réorganiser. Et l’intention ne fait pas tout : on ne sait jamais par où la blessure et le malentendu peuvent arriver.

Ce qui est délicat, c’est que la personne qui raconte oublie que ses mots vont être fixés et lus. Sa parole se déploie, son récit acquiert une force propre, qui peut devenir difficile à contrôler. Au moment où je convaincs les gens de me parler, je le sais. Je sais que je vais recueillir leur parole en toute responsabilité, mais quand le récit se déplie, des tas de choses s’échappent, et ouvrent l’espace du malentendu ou de la trahison.

Les salariés syriens de Lafarge qui me confient leur récit pour Personne morale2 renouent avec l’idée que leur parole vaut réparation, que lorsque leur récit sera posé, la réparation adviendra. Et c’est une croyance que je retrouve tout le temps, même en dehors de toute action judiciaire : il y a, dans le fait même de parler, un espoir de réparation.

En fait, c’est la même croyance qui relie celui qui parle et celui qui écrit. La croyance que la parole a une fonction, qu’elle compte. En ce sens, la littérature construit un système de réparation.

Retrouver la foi

Mais il y a un au-delà de la réparation : la justice, c’est aussi refuser le monde tel qu’il va et imaginer des mondes possibles. La justice engage aussi l’avenir, alors que la réparation est centrée sur le passé. En reliant le passé et l’avenir, en rouvrant le temps, la justice me semble entretenir un rapport étroit avec la littérature, dont la matière première reste le temps et sa texture, et qui est aussi affaire de liens de cause à conséquence et de responsabilité.

Au-delà de la réparation, ce que je cherche dans Personne morale, c’est revenir aux « forces imaginantes » de la justice et du droit, qui permettent de penser un autre monde possible. Et ce qu’inventent les femmes juristes qui mènent le combat contre Lafarge et d’autres multinationales, c’est un nouveau territoire de luttes, celui du droit et de l’accès à la justice de personnes qui en sont tenues loin dans l’ordre des choses. Elles inventent aussi de nouvelles manières de lutter : dans l’ombre, de façon très collective et inventive. Elles font le pari que le droit peut devenir une arme, qu’on peut modifier cette matière, la tirer vers l’horizon de la justice. Et la littérature fait entrer cette idée dans les imaginaires : cette façon humble et collective de travailler, le rôle que joue le temps aussi dans cette lutte, qui se déploie sur une durée très longue, dans laquelle on s’use, on se fatigue, on se crame même. Et puis dans leur travail, je retrouve ce rapport au mot et à la langue, dans lequel je reconnais le souci de la précision, d’être en prise directe avec le réel, de retenir de la manière la plus juste ce qui s’est passé, et la croyance que les mots ont une puissance, qu’ils peuvent changer la donne. Dans le droit, comme dans la littérature, on retrouve cette quête, dans et par la langue, de la restauration d’un sens.

C’est d’ailleurs ce qui me lance. C’est ce que je capte de leur parole qui me meut dès le début. Ce n’est pas l’histoire de l’affaire Lafarge, une affaire sordide, empreinte d’un cynisme sans limite, dans laquelle je ne me pouvais pas me lancer, c’est le discours de ces juristes. Elles se spécialisent dans le contentieux stratégique, dont les but est, à travers une affaire emblématique, de faire bouger la jurisprudence. Ce que j’entends dans leur parole, c’est une espèce de foi, dont je sens qu’elle ne va pas faiblir. Et je veux me cramponner à cette foi, elle m’indique un sillage, me donne de l’élan. À partir de là, je me plonge dans leur univers. Comme elles sont tenues au secret de l’instruction, elles ne me donnent pas accès au dossier (qui circule en fait déjà largement), mais plutôt à leur façon de travailler.

Restaurer une voix

Quand je me mets à récolter les récits des salariés syriens, ces gens ont déjà témoigné auprès de la journaliste qui a révélé l’affaire en France, auprès des juristes et de la juge d’instruction. Pourtant ils acceptent encore de parler. En fait, cette affaire n’existerait pas sans eux et leur travail de collecte. Ce sont les salariés qui ont rassemblé des documents et des preuves. Ils font vivre la culture qui a permis la collecte d’informations et de témoignages sur les crimes commis pendant la répression de la révolution. Archiver, collecter, témoigner, ce sont des actes de résistance face à un régime qui cultive l’oubli et le mensonge. Le geste révolutionnaire ne consiste pas à sauver des documents, mais à rétablir le lien qui sauve le passé et ouvre la possibilité de se projeter dans le futur. Razan était elle‑même obsédée par la collecte de documents, mais tout en inventant dans les zones libérées d’autres pratiques, de nouvelles façons de vivre. Pour se réapproprier son histoire, au sens large. Les salariés font le même travail en collectant leurs documents. Ils mettent un long moment à intéresser quelqu’un à cette matière, mais une fois qu’ils y sont parvenus, ils pensent qu’il s’agira d’une affaire de quelques mois pour obtenir réparation.

Et quand je les rencontre, je constate que raconter leur histoire déclenche des réflexes d’espoir en eux. C’est comme si, en redonnant vie à cette matière, on réactivait la souffrance, mais aussi le désir de justice.

Dans Personne morale, il y a ce personnage du policier, qui enquête sur l’affaire, et qui me fascine dans sa capacité, intacte, à s’étonner. À chaque garde à vue, il conserve son étonnement devant les crimes, et devant la manière dont les hommes qui sont soupçonnés de les avoir commis se justifient. Il s’efforce de les ramener à des évidences. Il tente, à chaque fois, de les extirper de leur langue, qui les empêche de penser quoi que ce soit et qui ne leur permet plus de s’étonner de rien, ce qui me semble être le propre du cynisme. Cette langue des affaires permet de désactiver toute notion de responsabilité. Pour moi, la capacité d’étonnement est fondamentale, je la vois à l’œuvre aussi chez les juristes, quand elles recueillent des témoignages d’ouvrières d’usines textiles du Bengladesh, ou d’ouvriers sur les chantiers de la coupe du monde au Qatar. Ce n’est pas juste de l’empathie, c’est une capacité à se laisser surprendre par les faits, un mouvement de recul, une réaction face au réel. C’est une capacité précieuse parce qu’elle se perd, noyés que nous sommes par le cynisme généralisé et l’abondance d’informations. Le réel comme il va ne va pas, et l’étonnement ouvre un espace pour réajuster les choses, pour les penser autrement.

Cette matière (le réel, les témoignages) a la capacité de redéclencher l’étonnement, qui vient avec la colère et qui sort de la sidération et du cynisme. Il faut avoir confiance dans la matière.

Pour ma part, je me considère comme un simple intermédiaire avec le lecteur et la lectrice. Cette matière que je récolte et que j’assemble me fait réagir, mais j’interviens assez peu. Mes récits contiennent un « je », mais qui ne cherche pas à imposer quoi que ce soit.

Je n’ai jamais été très sensible à l’image de l’écrivain (et je garde délibérément le mot au masculin ici) tout puissant et coupé du monde. J’ai découvert le travail de Svetlana Alexievitch3 au moment où j’écrivais sur Jérusalem. Je me sentais complètement écrasée par les récits déjà existants. Je me demandais bien au nom de quoi j’allais rajouter des mots sur tout ça, alors que les mots sont une grande partie du problème. Alexievitch m’a ouvert un territoire encore inexploré : sa volonté d’aller vers le réel et vers le monde, par la récolte de témoignages, mais aussi la dimension collective de son travail, qui décentre l’auteur. Et c’est une perspective radicale et belle qui réconcilie la littérature et le réel. Dans le dispositif de Jérusalem4, il y a le discours écrit, les citations, le discours oral, les récits des habitants et habitantes, et il y a un « je », au milieu. Il est humble, la police de caractère est volontairement plus petite, mais il est important, parce qu’il manifeste une responsabilité : celle de dire d’où l’on parle. Il est là pour restituer les discours des autres, mais aussi un discours qui lui est propre, et qui est animé par cette tension face au réel.

Ouvrir des brèches

Je ne cherche pas à faire justice, mais le désir de justice est bien l’élan premier. Pour Personne morale, le désir initial c’est de tenter de rééquilibrer les forces. De manière très concrète, ces juristes n’ont quasiment aucune ressource financière et sont face à des entreprises dont les ressources sont considérables, voire illimitées.

Pour autant, je n’ai pas écrit un texte journalistique, ni un texte à charge. Il s’agit bien d’un récit, mais dans ce que j’entreprends il y a l’envie d’en découdre, l’idée que c’est mon tour. Les juristes ont fait leur part, elles ont fourbi leurs instruments, ceux du droit, à moi maintenant de fourbir les miens, ceux de la langue et du récit. Et de ce point de vue-là, j’ai eu recours à une efficacité narrative dont je me méfie plutôt en général.

Parce que face à moi, se trouvent des gens qui ralentissent tout, qui morcellent tout, qui décomposent l’affaire, qui la démonte, en font tomber des bouts, fragmentent tout pour que le sens se perde, pour brouiller les fils et prétendre qu’aucune clarté n’est possible, que la complexité est essentielle. Tout leur discours de défense s’appuie sur le trouble, la zone grise, les règles jamais bien établies.

À mon tour alors de regagner une forme de vitesse, de précision, de clarté, précisément parce que l’affaire est compliquée.

Tous les éléments en italique dans le texte proviennent de documents liés à l’affaire, qui circulent, mais ne devraient pas circuler, de livres écrits par les mis en examen ou d’articles. Tous ces fragments ont été prononcés, rédigés, publiés. Les utiliser peut exposer. On devient paranoïaque en pensant à tout ce que pourrait déclencher l’adversaire, aux moyens dont il dispose. Le système des « procédures-baillons », qui utilise la diffamation ou le dommage réputationnel, fait partie intégrante de la lutte. Mais on le vit physiquement, c’est proprement oppressant. Et on n’écrit pas de la même manière avec ce poids-là. Chaque mot est pesé, mais avec une vigilance supplémentaire, qui n’est pas seulement littéraire, qui intègre les enjeux judiciaires. Cet outil des puissants n’est pas négligeable : c’est une menace fantomatique, mais tangible, intégrée, qui peut prendre la forme d’une auto-censure, aussi bien dans le domaine littéraire que judiciaire. Le travail des juristes est constamment empêché par tout un arsenal juridique, mais le fantasme et la peur font partie de cet arsenal : c’est toujours la même stratégie pour protéger l’état du rapport de force.

En fait la force des juristes est communicative : elles cherchent vraiment à désamorcer quelque chose de monstrueux. Elles sont celles qui, en modelant le droit, ouvrent les brèches et s’opposent à ceux qui s’efforcent, continuellement, de les colmater. Deux visions du monde s’affrontent : d’un côté, ceux qui jouissent de privilèges et refusent toute forme d’ouverture. De ce point de vue, l’un des avocats de Lafarge a fait une plaidoirie très parlante, qui affirmait explicitement qu’il ne faut surtout pas ouvrir la porte de la justice, au risque de ne plus pouvoir arrêter ce mouvement. C’est un discours largement répandu, cette idée que le rééquilibrage des forces représenterait un danger. Et tout un système s’organise pour contribuer à protéger cet état des choses. Au fond, cette histoire est une sorte de miracle, jamais ces femmes n’auraient dû réussir à faire vaciller une multinationale aussi puissante que Lafarge. Tout s’organise pour que ça n’arrive pas, au sein des multinationales, mais aussi en collaboration avec le pouvoir politique, et les plaintes classées sans suite sont la norme. Mais la croyance des témoins, relayée par la croyance des juristes et, au-delà, l’alignement avec la juge et le policier qui endossent la mission obsessionnelle de prouver les crimes, permettent à l’improbable de surgir. Et ça rouvre tout le champ de ce qui est possible. Une révolution est en cours pour combattre l’impunité des puissants, et leur stratégie de renversement de la culpabilité et de dilution de la responsabilité, et c’est plutôt réjouissant. Mais je dois avouer être un peu à la peine pour parler de la force du droit en ce moment, qui ne cesse de vaciller. Entretenir ma croyance en une justice possible reste une lutte, qui serait perdue d’entrée de jeu sans l’écriture.

Bibliography

Justine Augier, Jérusalem : portrait, Arles, Actes Sud, 2013

Justine Augier, De l’ardeur, histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne, Arles, Actes sud, 2017.

Justine Augier, Par une espèce de miracle : l’exil de Yassin al-Haj Saleh, Arles, Actes sud, 2021.

Justine Augier, Croire : sur les pouvoirs de la littérature, Arles, Actes sud, 2023.

Justine Augier, Personne morale : récit, Arles, Actes Sud, 2024.

Notes

1 Justine Augier, De l’ardeur, histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne, Arles, Actes sud, 2017. Return to text

2 Justine Augier, Personne morale, op. cit. Return to text

3 Bien qu’Augier se réfère à l’intégralité de l’œuvre d’Alexievitch, nous signalons ici Svetlana Alexievitch, La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse, trad. par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, Paris, Éditions J’ai lu, (1997) 1999. Return to text

4 Justine Augier, Jérusalem : portrait, Arles, Actes Sud, 2013. Return to text

References

Electronic reference

Justine AUGIER and Maud GRANGER REMY, « Entretien avec Justine Augier  », Déméter [Online], 12 | Été | 2024, Online since 29 janvier 2025, connection on 18 mars 2025. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/1796

Authors

Justine AUGIER

Justine Augier est écrivaine. Elle a publié plusieurs récits, dont un sur Jérusalem et deux sur la révolution syrienne.
Son dernier récit publié : Personne morale (2024).

Maud GRANGER REMY

Maud Granger Remy est enseignante en classes préparatoires depuis 2016.
Avant, elle a enseigné dix ans dans le secondaire.
Encore avant, elle a fait une thèse de littérature comparée.

Copyright

CC-BY-NC