Une architecture du désir. L’offensive surréaliste contre le modernisme

  • An Architecture of Desire: The Surrealist Offensive Against Modernism

DOI : 10.54563/demeter.902

Abstracts

Promoteurs de l’imagination contre le réel, les surréalistes fantasment une demeure qui, étant une figure de la poésie, ne peut pas exister dans le monde réel. Par leurs regards, ils offrent pourtant un horizon inverse à celui du modernisme, relevant d’une approche à la fois onirique et organique de l’architecture. Ils enrichissent ainsi la pensée architecturale de l’époque par le recours au mythe, au sacré, à l’irrationnel, au grotesque, au spontané. Ils travaillent d’ailleurs à établir une contre-tradition architecturale qui fera sortir de l’ombre des antécédents bannis par la rhétorique fonctionnaliste, ainsi que l’œuvre d’autodidactes ayant décoré leur espace de vie. Le délire rocailleux de Cheval et les formulations organiques de l’Art Nouveau auront une place centrale dans cette contre-histoire qui réhabilite l’ornement et donne une impulsion au mouvement de l’architecture-sculpture, influençant l’œuvre de créateurs atypiques comme Etienne-Martin, Asger Jorn, Jean Tinguely, Niki de Saint-Phalle ou encore Jean-Luc Johannet.

Promoters of the imagination over the real, the surrealists envisioned a dwelling that was a figure of poetry and therefore could not exist in the real world. Through their imaginary constructions, they nevertheless offered an architectural horizon that was antithetical to modernism. Their approach to architecture was both dreamlike and organic. They enriched the architectural thought of the time by resorting to myth, the sacred, the irrational, the grotesque, spontaneity. They also strove to establish an architectural counter-tradition that would bring out of the shadows architectural antecedents that were anathema to functionalist rhetoric and championed the work of self-taught artists who decorated their living spaces. The mineral delirium of Ferdinand Cheval and the organic forms of Art Nouveau assumed a central place in this counter-history which revived ornament and fostered the architecture-sculpture movement, influencing the work of atypical creators such as Etienne-Martin, Asger Jorn, Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle, and even Jean-Luc Johannet.

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Une architecture du désir. L’offensive surréaliste contre le modernisme

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Théo Van Doesburg, infatigable propagandiste des idées de De Stijl, se fait le portevoix en Allemagne de la nécessité de réaliser une union entre l’art et l’industrie. À l’utopie individualiste et non-conformiste qui avait triomphé dans l’Art nouveau et dans l’architecture expressionniste, Doesburg oppose la standardisation, que Gropius imposera au Bauhaus comme condition préalable du développement de la civilisation. À cette époque, De Stijl aura, en effet, une influence considérable sur le Bauhaus. Les développements internationaux de ce changement, et la mode universelle du fonctionnalisme qui en résultera, feront oublier pendant longtemps l’esprit lyrique des débuts de ce courant artistique1.

Le Corbusier est l’un des principaux représentants de cette tendance. Face à la machine, il ressent la même ivresse que certaines avant-gardes historiques tel le futurisme qui, avec Antonio Sant’Elia, avait transmis à l’architecture le goût pour le progrès. Dans Vers une architecture (1923), contenant la célèbre formule « la maison est une machine à habiter2 », il magnifie « l’esthétique de l’ingénieur3 » où « le goût prend des chemins sûrs4 » libérant l’homme de cette « sensation insupportable [...] d’informe, d’indigence, de désordre, d’arbitraire5».

C’est à Le Corbusier, puis à Adolf Loos - auteur du célèbre essai Ornement et crime (1908) - que Tzara fait appel, d’ailleurs, en août 1925, pour la construction d’une maison à Montmartre pour sa femme, la peintre suédoise Greta Knutson, et lui. Construite en 1926, cette architecture minimaliste « symbolise à merveille le refus de tout ornement cher à Loos, sa critique des beaux-arts et même de l’art architectural – et leur correspondance, au moins partielle, avec une certaine fureur iconoclaste dadaïste6. »

Le désaccord entre dadaïstes et surréalistes au sujet de l’architecture est emblématique de cette période de transition. Si Dada, à l’exception de Schwitters, accompagne l’avènement du modernisme architectural, les élaborations imaginaires des surréalistes posent un horizon qui apparaît comme sa contrepartie. C’est au sein de De Stijl que l’on retrouve, cependant, l’un des auteurs les plus remarquables d’une architecture que l’on pourrait définir comme surréaliste : Frederick Kiesler. Membre de De Stijl dans les années 1920, cette figure atypique du panorama architectural de l’époque conçoit le principal de son œuvre de 1922 à 1924. En 1924, en pleine affirmation de ce qu’il appelait « le cube-prison, panacée universelle7 », il invente des constructions molles en forme de coques ovoïdes rappelant aussi bien le corps féminin que l’œuf primordial. Il en va ainsi de sa mythique Endless House, la « maison sans fin » qui l’obsédera toute sa vie, en évoluant et en se transformant tel un être vivant. Il écrit :

Nos immeubles ne sont rien d’autre que des cercueils de pierre qui surgissent de terre. [...] Des murs, des murs, des murs. Nous ne voulons plus de murs, plus d’encastrement du corps et de l’esprit, de toute cette véritable civilisation qui encaserne, avec ou sans ornements, nous voulons : un système de tensions dans l’espace libre. [...] UNE ÉLASTICITÉ DE LA CONSTRUCTION ADAPTÉE A L’ÉLASTICITÉ DE LA VIE. Que l’homme vive sous une coupole ou un cube importe peu. Dans les deux cas, il étouffe8.

À la fonction Kiesler oppose l’architecture comme espace de respiration vital, rejoignant ainsi Louis Aragon qui, en 1920, attaquait déjà le fonctionnalisme évoquant une « maison en ciel et terre » dont l’extérieur serait léger comme un plumage et l’intérieur habité par des objets animés : « portes en lames de rasoir », « portes intérieures ne laissant passer que les cœurs purs », « chaises vivantes », « lits en oiseaux captifs », « tentures de caresses », « radiateurs répondant quand on les appelle9 », etc.

Au rejet de l’idéologie productiviste constructive des années 20, les surréalistes associent le recours à un imaginaire débridé, proposant une approche à la fois onirique et organique de l’architecture. Fascinés par la ruine et par les formes prémodernes, ils travaillent, par ailleurs, à établir une contre-tradition architecturale qui réhabilite l’ornement, faisant sortir de l’ombre des antécédents architecturaux bannis par la rhétorique fonctionnaliste. La découverte du Palais idéal du facteur Cheval et son annexion au surréalisme adviennent à cette époque, parallèlement à la réévaluation de l’Art Nouveau, longtemps rejeté par les fonctionnalistes comme un délire du décor.

Primitivisme caverneux

En 1922, lors d’un voyage à Barcelone, Breton découvre la Sagrada Familia de l’architecte catalan Antoni Gaudí, adressant tout de suite à Picasso une carte postale dans laquelle lui demande : « Connaissez-vous cette merveille10 ? » Plus tard, il écrira que cette cathédrale « ne [lui] déplait pas, s’[il] oublie que c’est une église11 ». Mais c’est Dalí qui inaugure une véritable réflexion théorique sur le Modern style. Dans le premier numéro du Surréalisme au service de la révolution, il écrit des lignes enthousiastes à propos de cette « bouleversante architecture12 » et de ses bâtiments qui « constituent à eux seuls de vraies réalisations de désirs solidifiés13 ». À cet éloge, succède celui de « De la beauté terrifiante et comestible de l’architecture Modern’ style », article publié en décembre 1933 dans Minotaure14, où l’artiste catalan célèbre cette architecture « délirante15 » comme « le phénomène le plus original et le plus extraordinaire de l’histoire de l’art16 ».

Le numéro 3-4 de Minotaure constitue la contribution surréaliste la plus importante relative à l’architecture. Il donne à penser l’architecture en recourant au mythe, au sacré, à l’irrationnel, au spontané, des thèmes chers au surréalisme et qui reflètent la crise du rationalisme des années 30. Cette dernière s’inscrit dans le contexte de crise économique et politique et de la montée des extrémismes, des totalitarismes, des guerres et des tensions internationales. Toutes les contributions de ce numéro s’opposent au géométrisme du mouvement architectural moderne, à son agressivité autopunitive, à son esthétique castratrice et dictatoriale, et prônent au contraire l’expression des désirs et la libération de l’inconscient. Dans « Du mur des cavernes au mur d’usine »17 , Brassaï propose sa première réflexion sur les graffitis qu’il photographie et les compare à l’art rupestre18. « [S]ous la transparence cristalline de la spontanéité » de ces signes, il décèle « une fonction vivante, aussi impérieuse, aussi irraisonnée que la respiration ou le sommeil19 ».

Fig. 1

Fig. 1

Minotaure, n° 3-4, p. 7. Illustration du texte de Brassaï, « Du mur des cavernes au mur d’usine ».

Dans « D’un certain automatisme du goût »20, illustré de photographies de Man Ray, Tristan Tzara ‒ qui a désormais rejoint le surréalisme ‒ oppose à la rigidité de l’architecture moderne et de sa propre habitation le rêve d’une architecture intra-utérine, ayant des affinités évidentes avec la Endless House de Kiesler. Quant à André Breton, il confronte dans « Le message automatique »21 les « admirables spécimens de l’art Modern’ style 22 » aux productions médianimiques, dévoilant ainsi les affinités qui relient, selon son point de vue, les deux arts : « Qu’est-ce, suis-je tenté de demander, que le Modern’ Style sinon une tentative de généralisation et d’adaptation à l’art immobilier et mobilier du dessin, de la peinture et de la sculpture médianimiques23 ? » Ainsi, par un jeu d’analogies formelles et conceptuelles, l’architecture imaginée par les surréalistes est reliée, d’une part, à La Maison de Mozart dans Jupiter de Victorien Sardou – eau-forte réalisée aux environs de 1858 et considérée comme la première gravure automatique – et, d’autre part, au Palais idéal du facteur Cheval24.

Fig. 2

Fig. 2

Minotaure n° 3-4, p. 65. Page finale de l’article d’André Breton, « Le message automatique ».

Au-delà de la pluralité des regards, le numéro 3-4 de Minotaure révèle un modèle architectural propre au surréalisme, relevant de cette forme de primitivisme architectural que Laurent Baridon appelle « primitivisme caverneux » 25. Donnant une place centrale au motif de la caverne, cette tendance sera fondamentale pour la réception de l’œuvre de Cheval26, dont la réalisation est assimilée par Breton à l’influence « [d]es aspects de plancher de grotte, de vestiges de fontaines pétrifiées de cette région de la Drôme où, durant trente-six ans, il effectua à pied sa tournée27 ».

Figure. 3 et 4

Figure. 3 et 4

Perspective en miroir sur l’entrée du Temple indu et celle du Temple égyptien, Palais idéal de Ferdinand Cheval, façade est. Hauterives, Drôme.

Photographies de Clovis Prévost, 1965

Aux yeux des surréalistes, le Palais idéal représente l’exemple parfait d’un espace inouï, inhabitable pratiquement, mais habitable poétiquement. Il incarne les conceptions surréalistes du « poème-objet » et des « objets à fonctionnement symbolique » ou « objets oniriques ». Il est une image flagrante de l’« irrationalité concrète » évoquée par Breton qui, contre la rigidité des normes cachées derrière les exigences de l’utile, étend à tous les individus la prérogative de la poésie.

L’œuvre de Cheval marque ainsi l’imaginaire d’artistes et écrivains actifs à compter des années d’après-guerre. Etienne-Martin, originaire de Loriol, dans la Drôme (à une soixantaine de kilomètres de Hauterives), visite le Palais idéal en 194528, ce qui laisse supposer qu’il devait le connaître dès avant par des reproductions. Il admirait l’indépendance d’esprit du facteur, qu’il cite dans l’un de ses propos sur la sculpture : « Au xixe siècle, la sculpture (ainsi l’ai-je d’abord connue sur la place d’une petite ville en mon pays), c’était le général à cheval ; au xxe siècle, c’est pour nous le Palais idéal29. »

L’attitude « à la fois synthétique et soustractive30 » d’Etienne-Martin est, certes, bien différente de l’ambition encyclopédique et illustrative de Cheval. La démarche des deux auteurs s’apparente cependant pour le fait de pouvoir être interprétée en termes de primitivisme. Si Cheval condense dans un objet-lieu tout son exotisme et son ambition de syncrétisme, Etienne-Martin cherche à retrouver, par ses Demeures, le lieu primordial.

In girum imus nocte

Durant la guerre, à Dieulefit, Étienne-Martin rencontre Henri-Pierre Roché, réalisateur et collectionneur d’art qui fera partie des premiers membres de la Compagnie de l’Art Brut. Celui-ci le soutient à son retour à Paris, en lui faisant rencontrer, en 1947, Brancusi, Henri Michaux et Jean Dubuffet, qui ouvre, cette même année, un espace d’exposition pour les œuvres de sa collection dans les sous-sols de la galerie René Drouin à Paris : le Foyer de l’Art Brut.

En 1947, Dubuffet débute également sa collaboration avec Robert Giraud, son « secrétaire artibrutiste31 ». Passionné de création errante et insolite, d’hommes-orchestres, de tatouages et d’argot, Giraud connaît « tous les clochards de la place Maubert, tous les poivrots de Mouffetard, tous les habitants du quai de la Seine, toute la pègre de Paris32 ». Grand buveur de vin, il fréquente Fraysse, rue de Seine, le bistrot des ouvriers et des artisans du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Cette même année 1947, Giraud rencontre Robert Doisneau, qui sillonnait à l’époque la rive gauche et ses cafés et fréquentait l’univers mondain des mannequins de Vogue. Avec Giraud, Doisneau découvre le peuple de la nuit. Errant dans les coins sombres de la ville, les deux découvrent les bas-fonds de Paris, ses clochards, ses marginaux, « poètes de cafés ouverts après minuit33 ». Giraud révèle à Doisneau le négatif de la cité : « C’est au moment où j’avais pris la résolution de ne faire que des gens pris dans le quotidien, tout à fait moyens, sans pittoresque, que je tombe sur Giraud qui m’a emmené voir des gens tatoués des pieds jusqu’à la tête, un type qui élevait les fourmis dans une cave pour recueillir des œufs pour nourrir des faisans, enfin des trucs invraisemblables34 ! », affirme Doisneau. L’œil du photographe et la plume du journaliste fixeront les dernières images d’une civilisation en train de disparaître.

En 1949, Doisneau publie La Banlieue de Paris, où il présente une sélection des milliers de photographies prises entre 1947 et 1949 dans un espace compris entre la tour Eiffel et le Sacré-Cœur, zone prolétaire de la banlieue de Paris35. Les murs griffés par les gosses de Villejuif, un jardin décoré de coquillages et un autre peuplé de nains et d’animaux sculptés défini « Robinsonnade à la porte de Bagnolet », y trouvent leur place. Accompagné d’un texte de Blaise Cendrars, cet ouvrage donne au photographe un nouveau statut.

Fig. 5

Fig. 5

Le mur de coquilles, Romainville, 1945.

Photographie de Robert Doisneau

Fig. 6

Fig. 6

Les lutins du jardin de Corbeil-Essonnes, 1945.

Photographie de Robert Doisneau

Entretemps, Giraud recommence à écrire dans la presse. Il le fera souvent en tandem avec le photographe, ne traitant que des sujets en marge : bistrots, prostituées, tatoués, gitans, clochards et personnages marginaux.

1950 est une année importante pour les deux artistes. Ils commencent à préparer leur livre sur les tatoués, mais surtout ils publient, dans le quotidien Paris Presse, un reportage au long cours, « Étoiles noires de Paris », ce qui donne à leur collaboration son premier coup d’éclat. C’est une série de onze articles consacrés à des « maniaques, utopistes, visionnaires des places publiques, de rues et de bistrots36 » du Paris de l’époque.

Poursuivant le travail de prospection débuté par Champfleury, Baudelaire, Rimbaud ou encore Huysmans, Giraud et Doisneau posent leur regard sur les altérités multiples de l’espace urbain contemporain, auxquelles ils ouvrent les portes des mondes de l’art. Parmi ces célébrités de la rue, on compte Maurice Duval, « peintre clochard37 » du Pont-des-Arts qui montre à Doisneau sa toile peinte « avant d’aller la laver dans la Seine » ; Jean Savary, « le dernier bohème38 », habitant dans une chambre de 1 mètre 60 sur 1 mètre 40 ; Hérault, qui avait « creusé la tombe de la poupée inconnue39 » dans son atelier de Montparnasse ; Pierre Dessau, qui circulait chaque soir dans les rues de Saint-Germain-des-Prés « juché sur un grand “Bi” et traînant des ballons40 » ; ou encore M. Nollan, portier dans une boîte de Montparnasse, qui « s’habille en amiral et collectionne tout ce qui brille41 ». Les photographies de Doisneau offrent une étonnante galerie de portraits d’artistes. Il les présente dans leur espace de vie, sans anecdote ni pittoresque, en immortalisant leur fierté d’être enfin reconnus.

Fig. 7

Fig. 7

Maurice Duval, peintre chiffonnier, 5 rue Visconti, 1948.

Photographie de Robert Doisneau

Fig. 8 et 9

Fig. 8 et 9Fig. 8 et 9

Jean Savary, 1949.

Photographies de Robert Doisneau

« Ont-ils du talent ?, demande Giraud. Qui sait, répond-il. Du moins ont-ils un grand élan de sincérité42. » Plus que la qualité esthétique des œuvres de ces auteurs, c’est en effet leur manière d’être au monde qui permet de les penser tous comme les poètes obscurs de la cité contemporaine. Parmi ceux-ci, Giraud classe Frédéric Séron (1878-1959), « le bon Dieu du paradis des animaux43 », premier « habitant-paysagiste »44 remarqué et étudié par les surréalistes après Cheval. D’un point de vue formel, l’œuvre environnementale de cet auteur est très différente de l’archisculpture du facteur d’Hauterives : il s’agit, en effet, d’un jardin de sculptures.

Fig. 10

Fig. 10

Frédéric Séron à Pressoir Prompt, 1949.

Photographie de Robert Doisneau

Cependant, il exprime le même goût de l’exotique et de l’accumulation, il est dans la même démarche quotidienne et il fait également recours à des fragments de la réalité.

Situé dans le hameau de Pressoir-Promps, dans l’Essonne, ce jardin de banlieue s’entrevoyait en contre-bas de la route de Fontainebleau, comme le raconte Giraud. Berger, puis boulanger, Séron avait d’abord bâti sa maison puis dessiné son jardin, en plantant des arbres et des fleurs. Ensuite, il l’avait orné, en sculptant des sujets à l’armature en fer recouverte de ciment.

Fig. 11

Fig. 11

Le jardin de sculptures de Frédéric Séron (Corbeil-Essonnes, Essonne) en 1983.

Photographie de Francis David @frenchfolkartenvironments

Son jardin s’était ainsi peuplé d’êtres « vivants » : des plantes, des animaux petits (une tortue, des pigeons, un lapin, un coq, un chat, un chien, un mouton) et grands (des cygnes, une girafe, un cerf, des tigres et une lionne), un ange de la paix, une patineuse tenant des boules de neige, un clown niché dans un arbre, une sirène tenant un flambeau. Ces « habitants muets et impassibles qui vous regardent sans jamais en avoir l’air45 » auraient impressionné Jean Cocteau, qui « lui en aurait commandé deux pour son jardin de Milly46 ». On ne sait pas si Séron satisfit la requête de l’écrivain. Ce que l’on sait, c’est qu’à l’origine ses sculptures n’étaient pas réalisées pour la vente, mais créées pour qualifier son espace de vie. Elles représentaient la faune d’un univers dont il était le centre créateur et ordonnateur : « Je suis arrivé à réaliser l’entente entre tous les animaux. Ils sont tous ensemble et ne se gênent pas [...]. D’ailleurs j’y mets bon ordre47. » À Giraud, il confie ne guère quitter ses « créatures » et ne sentir aucune fatigue lors du travail : « Le moment le plus pénible à passer c’est lorsque je mets les yeux à mes bêtes. Mon esprit est occupé par cette opération délicate, et tout à coup les yeux deviennent tellement fascinants que ma statue me fait peur48. » Ces sculptures sont investies d’une valeur symbolique : Séron les perçoit tels des êtres animés.

Fig. 12

Fig. 12

Le jardin de sculptures de Frédéric Séron (Corbeil-Essonnes, Essonne) en 1983.

Photographie de Francis David @frenchfolkartenvironments

Avant que le mortier ne sèche, il glisse dans leur corps un cylindre de métal, avec l’espoir qu’on le retrouve quand la créature aura disparu. À Pierre Dumayet, qui l’interviewe en 195449, il confesse ce désir et révèle leur contenu fait de coupures des journaux du jour (ce qu’il appelle « l’état civil » de l’œuvre), de ses propres photos et d’autres extraits de journal figurant des personnages importants de son époque. « Nous sommes tous enfermés comme des camarades dans son estomac50 », dit-il en parlant de la sculpture de la Sirène.

Bâtisseurs chimériques

L’intérêt pour ces sites devient, dans les années 50, de plus en plus vif. À l’intérieur du grand corpus des créateurs marginaux, se constitue ainsi, petit à petit, un nouveau sous-ensemble, composé d’habitats décorés et d’habitants-poètes. Les images que Doisneau rassemblait depuis les années 40 commencent à circuler dans des revues spécialisées, souvent accompagnées des interprétations poétiques de Giraud. Déplacés par l’image, ces environnements quittent leur emplacement réel pour prendre place dans un livre, dans le studio d’un amateur, dans un espace d’exposition, dans une collection. Le consensus produit par ces reproductions photographiques modifie leur statut : ils seront qualifiés d’œuvres, leurs auteurs de « bâtisseurs chimériques » ou d’« inspirés ». Dans son article sur Raymond Isidore, paru dans Bizarre en 1956, Giraud écrit :

Bâtisseurs chimériques, pourquoi pas ? Comment classer ces étranges architectes qui façonnent leur rêve de leurs propres mains pendant de longues années ? [...] “Habités par l’esprit”, loin des contingences actuelles, ils œuvrent en silence, pour eux seuls, à l’accomplissement d’une mystérieuse mission dont ils demeurent dépositaires. Ils sont ainsi quelques-uns perdus à travers les provinces de France, isolés les uns des autres, ne se connaissant pas, à vivre parfaitement éveillé leur rêve familier. Le hasard parfois dirige sur eux son projecteur, l’espace d’un éclair de magnésium51.

De 1956 à 1960, le photographe Gilles Ehrmann, proche des surréalistes, conçoit un recueil d’images et récits au sujet de ces constructeurs. Lors de ses prospections, il s’accompagnera souvent de ses amis poètes : il visite le Palais idéal avec Ghérasim Luca, la maison de Raymond Isidore avec Breton52. Il combine ainsi des rendez-vous, réels ou fictifs, entre poètes : ceux de la parole écrite et ceux de l’espace bâti. L’objectif était de créer une sorte d’osmose entre des mondes considérés comme parallèles et de solliciter, chez ses amis surréalistes, les textes qui auraient par la suite accompagné, dans le livre qu’il avait projeté de faire, ses photographies. Publié en 1962, Les inspirés et leurs demeures53 représente le premier ouvrage conséquent sur le sujet (Prix Nadar 1963). Il est constitué de textes inédits de Benjamin Péret, Gherasim Luca et Claude Tarnaud, et préfacé par André Breton. Ce dernier évoque le geste visionnaire de ces « quelques isolés, somme toute un très petit nombre à l’époque moderne, gens qui, pour une raison ou une autre, n’ont jamais franchi le seuil de la communauté précédente et qui, pourtant, se sont trouvés aux prises avec l’irrépressible besoin de donner corps à telle organisation de fantasmes qui les habitait54. »

Qui sont donc ces inspirés qui ont été capables de garder, sous leur oreiller, « le plan des Merveilles du monde55 » ? En quoi consiste la particularité de leurs demeures ? Ce qui rend attrayantes ces habitations est, d’une part, un effet d’agencement formel émanant de leur animation ornementale et, d’autre part, leur capacité à révéler des univers intimes, des mythologies personnelles. Ces lieux sont perçus par le photographe comme une émanation de leurs créateurs, qu’il immortalise toujours au milieu de leur travail. Hyppolite Massé, « passeur » pendant l’été, « plombier-couvreur-chauffage » le reste de l’année, est photographié en salopette et casquette gavroche, perdu dans ses pensées, le regard tourné vers l’intérieur. De sa maison, en bord de mer aux Sables d’Olonne, on aperçoit la façade, ornée d’une sirène en relief et d’une composition délicate de coquillages. Joseph Marmin, maraîcher au village des Essarts, en Vendée, est représenté au milieu du royaume animal qu’il avait sculpté dans les arbrisseaux de son jardin, bourgeonnant et se métamorphosant au rythme des saisons : « un monde ambigu où le végétal et l’animal se superposent, [...] monde enraciné de chevaux et de cavaliers, de hérons et de cigognes56 ». Ainsi, ces images restituent l’aspect fantomatique de certains hauts lieux de l’imaginaire, comme le Bois sacré de Bomarzo ou la Villa Palagonia de Bagheria, en Sicile, auxquels les créations de ces « inspirés » sont comparées.

Fig. 13

Fig. 13

Villa Palagonia, 1715-1737. Bagheria, Sicile.

Photographie de l’auteure, 2013

1962 est également une date clé pour un autre photographe qui aura un rôle capital dans la reconnaissance de ces sites : Clovis Prévost. Il découvre cette même année à Barcelone les architectures de Gaudí et, séduit par la puissance de ces formes sculpturales, il choisit d’explorer, par la photographie, le langage formel de l’architecte catalan. Avec son Leica, il s’immerge dans son architecture ondulée et vibrante. Au fil de son séjour à Barcelone, il accumule des images remarquées en 1967 par Salvador Dalí, qui lui propose de collaborer. Après deux ans de recherches documentaires et iconographiques, ils publieront en 1969 La Vision artistique et religieuse de Gaudí57. C’est à cette même époque que Prévost découvre l’œuvre de Cheval58 : « Le Palais était sur la route de Barcelone59 », confie-t-il à Jean-Christian Fleury. L’architecte catalan et le sculpteur d’Hauterives deviendront alors les figures tutélaires d’une œuvre où ne cesseront de se côtoyer les portraits d’artistes professionnels et ceux de créateurs autodidactes « qui prouvent au quotidien que la pulsion créatrice n’est pas le privilège exclusif des artistes labellisés60 ». Pour Prévost, ces deux catégories ne sont pas distinctes, les artistes qui les composent étant tous réunis par la même urgence, le même instinct créateur. Dans le domaine artistique qu’il aime qualifier de « singulier », le photographe choisit de se pencher sur ceux qu’avec Claude Lenfant Prévost, sa compagne de vie et de travail, il nomme « les bâtisseurs de l’imaginaire »61 : des auteurs se situant inconsciemment ou délibérément hors du champ normatif d’une culture officielle pour mettre en espace leur pensée.

Une internationale informelle de l’imaginaire

Dans les années 60, non seulement des photographes, mais également des artistes plasticiens se laissent inspirer par la liberté et l’insolence de ces productions.

C’est le cas de Asger Jorn, qui entre 1957 et 1972, transforme son habitation d’Albisola en « un des paysages les plus compliqués que l’on puisse parcourir dans une fraction d’hectare62 ».

Fig. 14

Fig. 14

Asger Jorn, Le Jardin d’Albisola, 1957-1972. Détail de la façade. Albisola Marina, Savone, Ligurie.

Photographie de Gabriele Mina, 2008

Il s’inspire sans doute du Palais idéal qui indique, pour lui, « l’une des potentialités architecturales que le désir, une fois libéré, exerce sur les dilettantes63 ».

Ainsi, Niki de Saint Phalle s’inspire de Gaudí, mais aussi de Cheval et des Watt’s Towers de Sam Rodia64, pour la réalisations de ses sculptures habitables65. Ces créateurs représentent pour elle « la beauté de l’homme, seul dans sa folie, sans aucun intermédiaire, sans musées, sans galeries66. »

L’architecte Jean Luc Johannet67 (Blois, 1951) éprouve, quant à lui, « une admiration sans réserve pour l’œuvre de F. Cheval et d’A. Gaudí68 », qu’il découvre en dépit de ses études : « mes professeurs évitaient de me parler de ces génies sans doute pour mieux masquer leur médiocrité pédagogique et leur absence de création. C’était même un sujet tabou69. » Il s’écarte ainsi du fonctionnalisme pour se consacrer à la conception d’architectures et de jardins utopiques dont le Parc de Venus et ses Dragons.

Fig. 15

Fig. 15

Jean-Luc Johannet, Organigramme du Parc de Vénus et ses Dragons, vers 1980.

Archives de l’artiste

Occupé en grande partie par des bois et traversé par une rivière, ce « parc surréaliste70 » à la forme circulaire est « peuplé de constructions à usage onirique et ludique71 » : des gigantesques automates, des chars festifs zoomorphes, des ponts et des châteaux flamboyants et des habitations-poèmes.

Fig. 16

Fig. 16

Jean Luc Johannet, Le Château de Vénus, sans date, crayon et lavis sur papier, 248 x 153 cm.

Dans le lit de la rivière, il héberge d’ailleurs un musée aquatique dédié à l’art brut, cet art que l’artiste conçoit comme « une géographie mondiale, une internationale informelle de l’imaginaire, de la spontanéité plastique ; ceci dans l’espace, mais aussi dans le temps72. »

Les projets évoqués actualisent les réflexions des surréalistes au sujet non seulement de l’architecture, mais aussi de la synthèse des arts, de l’art des marges, de la création indisciplinée. Ils témoignent que l’héritage surréaliste ne s’épuise pas au moment où le groupe disparaît. Au contraire, l’appel surréaliste à une architecture bouleversante reste, aujourd’hui encore, un outil pour penser l’architecture73.

Bibliography

Catalogues d’expositions

André Breton, la beauté convulsive, cat. exp. (Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris, 25 avril-26 août 1991), Agnès Angliviel de la Beaumelle, Isabelle Monod-Fontaine et Claude Schweisguth (dir.), Paris, Centre Georges Pompidou, 1991.

Avec le facteur Cheval, cat. exp. (Musée de la poste, Paris, 6 avril-1er sept. 2007), Paris, Musée de la poste, École nationale supérieure des beaux-arts, 2007.

Frederick Kiesler, artiste-architecte, cat. exp. (Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, galerie Nord, Paris, 3 juil.-21 oct. 1996), Chantal Béret (dir.), Paris, Centre Georges Pompidou, 1996.

Habiter poétiquement le monde, cat. exp. (LAM, Lille métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 25 sept. 2010 - 30 janv. 2011), Savine Faupin, Christophe Boulanger et François Piron (dir.), Villeneuve-d'Ascq, LAM, Lille métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 2010.

Niki de Saint Phalle : 1930-2002 : l’expo, cat. exp. (Paris, Grand Palais, Galeries nationales, 17 septembre 2014-2 février 2015, Bilbao, Musée Guggenheim, 27 février-7 juin 2015), Camille Morineau (dir.), Paris, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2014.

Ouvrages, articles

Louis Aragon, Chroniques, Paris, Stock, 1998.

Olivier Bailly, Monsieur Bob, Paris, Stock, 2009.

Laurent Baridon, « La caverne des modernes. Le primitivisme à l’épreuve de la préhistoire », Cahiers du Musée national d’art moderne, Paris, Musée national d’art moderne, 2014.

Henri Béhar, Emmanuel Rubio (dir.), Mélusine n° 29 : Le surréalisme sans l’architecture, Lausanne, L’Âge d’homme, 2009.

Anne Boissière, Christophe Boulanger, Savine Faupin (dir.), Mythologies et mythes individuels : à partir de l’art brut, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014.

Blaise Cendrars, La Banlieue de Paris, photographies de Robert Doisneau, Paris, Denoël, (1949) 1983.

Salvador Dalí, « L’âne pourri », Le Surréalisme au service de la révolution, n° 1, juillet 1930, p. 9-12.

Gilles Ehrmann, Les Inspirés et leurs demeures, Paris, Le Temps, 1962.

Fabien Faure, Étienne-Martin, Mario Merz, des “Demeures” et des “Igloos” : primitivisme et dimension anthropologique de la sculpture contemporaine, Montréal, L’Harmattan, 2000.

Robert Giraud, « Étoiles noires de Paris », Paris-Presse-l’intransigeant, n° 1647-1657, photographies de Robert Doisneau, 4-17 avril 1950.

Asger Jorn, Le jardin d’Albisola, Torino, Edizioni d’Arte Fratelli Pozzo, 1974.

Jean-Pierre Jouve, Claude et Clovis Prévost, Le Palais Idéal du facteur Cheval. Quand le songe devient la réalité, Etrépagny, A.R.I.E., (1981) 2015.

Dominique Le Buhan, Les Demeures-mémoires d’Étienne-Martin, Paris, Herscher, 1982.

Le Corbusier, Vers une architecture, Paris, Flammarion, (1923) 2005.

Leonardo Lippolis, La nuova Babilonia. Il progetto architettonico di una civiltà situazionista, Milano, Costa & Nolan, 2007.

Roberto Matta Echaurren, « Mathématique sensible - Architecture du temps », Minotaure, n° 11, printemps 1938.

Minotaure, n° 3-4, décembre 1933.

Claude et Clovis Prévost, Les Bâtisseurs de l’imaginaire, préface de Sami-Ali, Paris, Klincksieck, (1990) 2016.

Danilo Proietti, Chiara Scordato, Roberta Trapani (dir.), Jean-Luc Johannet. Dessins, maquettes, sculptures cinétiques, Patrimoines irréguliers de France, 2021.

Michel Ragon, Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes. 2, Pratiques et méthodes, 1911-1971, Paris, Casterman, 1972.

Charles Soubeyran, Les Révoltés du merveilleux, photographies de Robert Doisneau et Gilles Ehrmann, Cognac, Le Temps qu’il fait, 2004.

Roberta Trapani, « Les environnements singuliers : des œuvres d’art à plein titre ? Le cas emblématique des Tours de Watts », Artitalie, n° 25, 2019, p. 80-88.

Thèses de doctorat

Roberta Trapani, Patrimoines irréguliers en France et en Italie. Origines, artification, regard contemporain, Fabrice Flahutez, Eva di Stefano (dir.), Université de Paris Nanterre / Université de Palerme, 2016.

Films

Robert Doisneau, le braconnier de l’éphémère, entretiens avec Philippe Regley, Dominique Rousset, Nicolas Hulot et al. ; Robert Doisneau, participant ; Robert Doisneau, voix, Paris, Radio France ; Arles (Bouches-du-Rhône), Harmonia mundi, 2007.

Pierre Dumayet, « Frédéric Séron », Lectures pour tous, émission du 25 mars 1954, 8 min 31s, Radiodiffusion Télévision Française.

Notes

1 Pour une analyse de l’évolution des théories et des programmes du Bauhaus, voir Élodie Vitale, Le Bauhaus de Weimar : 1919-1925, Liège, Bruxelles, P. Mardaga, 1989. Return to text

2 Le Corbusier, Vers une architecture, Paris, Flammarion, (1923) 2005, p. 83. Return to text

3 Ibid., p. 7. Return to text

4 Ibid. Return to text

5 Ibid., p. 36. Return to text

6 Henri Béhar, Emmanuel Rubio, « L’abeille ou l’architecte ? », Mélusine n° 29 : Le surréalisme sans l’architecture, Henri Béhar, Emmanuel Rubio (dir.), Lausanne, L’Âge d’homme, 2009, p. 10. Return to text

7 Frederick Kiesler cit. dans Michel Ragon, Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes. 2, Pratiques et méthodes, 1911-1971, Paris, Casterman, 1972, p. 135. Return to text

8 Frederick Kiesler, « Manifeste » (1925), artiste-architecte, cat. exp. (Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, galerie Nord, Paris, 3 juil.-21 oct. 1996), Chantal Béret (dir.), Paris, Centre Georges Pompidou, 1996, p. 21. Return to text

9 Louis Aragon, « Projet de réforme des habitations », Littérature, n° 17, décembre 1920, Paris, p. 8-10. Réédité dans Louis Aragon, Chroniques, Paris, Stock, 1998, p. 87-88. Return to text

10 La carte postale est reproduite dans André Breton, la beauté convulsive, cat. exp. (Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris, 25 avril-26 août 1991), Agnès Angliviel de la Beaumelle, Isabelle Monod-Fontaine, Claude Schweisguth (dir.), Paris, Centre Georges Pompidou, 1991, p. 110. Return to text

11 André Breton, « Caractéristiques de l’évolution moderne et ce qui en participe », Les Pas perdus (1924), Paris, Gallimard, coll. « L’imaginaire », 1990, p. 142. Return to text

12 Salvador Dalí, « L’Âne pourri », Le Surréalisme au service de la révolution, n° 1, juillet 1930, p. 12. Return to text

13 Ibid. Return to text

14 Salvador Dalí, « De la beauté terrifiante et comestible de l’architecture Modern’ style », Minotaure, n° 3-4, décembre 1933, p. 69-76. Return to text

15 Ibid., p. 70. Return to text

16 Ibid. Return to text

17 Brassaï, « Du mur des cavernes au mur d’usine », ibid., p. 6-7. Return to text

18 Les milieux artistiques et intellectuels se penchent, à compter de cette époque, sur l’art pariétal. L’intérêt de Georges Bataille pour ce sujet est précoce et remonte aux années 30. Il l’amènera à la publication, en 1955, de son ouvrage : Lascaux ou la naissance de l’art, Paris, Skira, 1955. Return to text

19 Brassaï, op. cit., p. 6. [renvoie à la même publication citée en note 18]. Return to text

20 Tristan Tzara, « D’un certain automatisme du goût », ibid., p. 81-84. Return to text

21 André Breton, « Le message automatique », ibid., p. 55-65. Return to text

22 Ibid., p. 60. Return to text

23 Ibid. Return to text

24 Une reproduction d’une carte postale du Palais idéal se trouve à la p. 65. Return to text

25 Laurent Baridon, « La caverne des modernes. Le primitivisme à l’épreuve de la préhistoire », Cahiers du Musée national d’art moderne, Paris, Musée national d’art moderne, 2014, p. 35. Return to text

26 Pour une étude du pouvoir de séduction exercé par le Palais idéal sur les surréalistes, voir Henri Béhar et Emmanuel Rubio, op. cit. [renvoie à la même publication citée en note 7]. Voir également Eric Le Roy, « Le facteur Cheval et les surréalistes », Avec le facteur Cheval, cat. exp. (Musée de la poste, Paris, 6 avril-1er sept. 2007), Paris, Musée de la poste, École nationale supérieure des beaux-arts, 2007, p. 26-33. Return to text

27 André Breton, op. cit., p. 60. [renvoie à la même publication citée en note 23] Return to text

28 Dominique Le Buhan, Les Demeures-mémoires d’Étienne-Martin, Paris, Herscher, 1982, p. 20. Return to text

29 Etienne-Martin, cité dans Ibid., p. 10. Return to text

30  Fabien Faure, Étienne-Martin, Mario Merz, des “Demeures” et des “Igloos” : primitivisme et dimension anthropologique de la sculpture contemporaine, Montréal (Québec), l’Harmattan, 2000, p. 30. Return to text

31  Jean Dubuffet, lettre à Jean Paulhan [octobre-novembre 1948], Jean Dubuffet-Jean Paulhan. Correspondance 1944-1968, Paris, Gallimard, 2003, p. 562. Return to text

32 Les notices sur la vie de Giraud sont tirées de la notice de présentation parue à côté du premier des articles de la série « Étoiles noires de Paris », Paris-Presse-l’intransigeant, n° 1647, 4 avril 1950, p. 8. Sa biographie est retracée dans : Olivier Bailly, Monsieur Bob, Paris, Stock, 2009. Voir aussi : Robert Giraud, Le Vin des rues, Paris, Stock, (1955) 2009. Return to text

33 Robert Giraud, « André Gellinck cherche l’inspiration en lavant les vitres », Paris-Presse-l’intransigeant, n° 1649, « Étoiles noires de Paris », photographies de Robert Doisneau, 7e année, 6 avril 1950, p. 8. Return to text

34 Robert Doisneau, le braconnier de l’éphémère, entretiens avec Philippe Regley, Dominique Rousset, Nicolas Hulot et al. ; Robert Doisneau, participant ; Robert Doisneau, voix, Paris, Radio France ; Arles (Bouches-du-Rhône), Harmonia mundi, 2007. Return to text

35 Blaise Cendrars, La Banlieue de Paris, photographies de Robert Doisneau, Paris, Denoël, (1949) 1983. Return to text

36 Robert Giraud, « Un coup de projecteur sur d’étranges personnages », Paris-Presse-l’intransigeant, n° 1649, « Étoiles noires de Paris », photographies de Robert Doisneau, 7e année, 6 avril 1950, p. 8. Return to text

37  Robert Giraud, « Maurice Duval, peintre clochard, peint “parce qu’il faut bien faire quelque chose” », ibid., n° 1648, 5 avril 1950, p. 8. Return to text

38 Robert Giraud, « Jean Savary, le dernier bohème vit avec 700 francs par semaine », ibid., n° 1654, 12 avril 1950, p. 6. Return to text

39 Robert Giraud, « Dans son petit atelier de Montparnasse le peintre Héraut a creusé la tombe de la poupée inconnue », ibid., n° 1656, 14 avril 1950, p. 2. Return to text

40 Robert Giraud, « Le peintre Pierre Dessau juché sur un grand “Bi” et traînant des ballons », ibid., n° 1654, 12 avril 1950, p. 2. Return to text

41 Robert Giraud, « Portier dans une boîte de Montparnasse, M. Nollan s’habille en amiral et collectionne tout ce qui brille », ibid., n° 1657, 17 avril 1950, p. 8. Return to text

42 Robert Giraud, op. cit. [renvoie à la même publication citée en note 37]. Return to text

43 Robert Giraud, « Frédéric Séron est le bon Dieu du paradis des animaux », ibid., n° 1650, 7 avril 1950, p. 8. Return to text

44 L’expression est inventée par l’architecte Bernard Lassus à la suite d’une exploration menée en France de 1967 à 1974 sur des jardins décorés par des habitants inventifs. Lassus remarque que, dans ces sites, chaque objet, fabriqué ou remployé, n’est pas indépendant, mais interagit avec les autres et est indissociable de l’ensemble. C’est en raison de cette importance attachée plutôt à l’élaboration de relations, donc de paysage, qu’aux éléments matériels, qu’il a appelé ces habitants « habitants-paysagistes ». Voir Bernard Lassus : paysages quotidiens, de l’ambiance au démesurable, cat. exp. (Paris, MNAM-CCI, Musée des arts décoratifs, 8 janv.-9 mars 1975), Paris, Centre de création industrielle, 1975 ; Bernard Lassus, Jardins Imaginaires. Les habitants-paysagistes, Paris, Les Presses de la connaissance, 1977. Return to text

45 Ibid. Return to text

46 Charles Soubeyran, Les Révoltés du merveilleux, photographies de Robert Doisneau et Gilles Ehrmann, Cognac, Le Temps qu’il fait, 2004, p. 42. Return to text

47 Robert Giraud, op. cit. [renvoie à la même publication citée en note 47]. Return to text

48 Ibid. Return to text

49 Pierre Dumayet, « Frédéric Séron », Lectures pour tous, émission du 25 mars 1954, 8 min 31s, Radiodiffusion Télévision Française. On peut visionner l’entretien sur le site web de l’INA. Return to text

50 Ibid. Return to text

51 Robert Giraud, « Raymond Isidore. Bâtisseur de rêves », Bizarre, n° 5, Le Minotaure, juillet 1956, p. 24. Photographies de Robert Doisneau. Sur Isidore, Giraud avait déjà publié deux articles : « À Chartres on l’a surnommé “Picassiette” », Radar, 17 août 1952 ; « Château des assiettes cassées », Nouveau Femina, septembre 1955, p. 86-89. Return to text

52 Charles Soubeyran, « Robert Doisneau, Gilles Ehrmann, Mario del Curto : regards photographiques », dans Mythologies et mythes individuels : à partir de l’art brut, Anne Boissière, Christophe Boulanger, Savine Faupin (dir.), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014, p. 168. Return to text

53 Gilles Ehrmann, Les Inspirés et leurs demeures, Paris, Le Temps, 1962. Return to text

54 André Breton, « Belvédère », dans ibid., p. xi. Return to text

55 Ibid., p. xvii. Return to text

56 Gilles Ehrmann, dans ibid., p. xlii. Return to text

57 Robert Descharnes, Clovis Prévost, La Vision artistique et religieuse de Gaudí, suivi de « La visió artística i religiosa d’en Gaudí » de Francesc Pujols, préface de Salvador Dalí, Lausanne, Edita, 1969. Return to text

58 En 1981, en collaboration avec Jean-Pierre Jouve et Claude Lenfant Prévost, Clovis Prévost publie, aux éditions du Moniteur, une monographie qui reste à ce jour la référence incontournable sur le Palais idéal et qui a été réédité par la suite. Voir Jean-Pierre Jouve, Claude et Clovis Prévost, Le Palais Idéal du facteur Cheval. Quand le songe devient la réalité, Etrépagny, A.R.I.E., 2015. Return to text

59 Clovis Prévost, La Fabrique du regard. Photographies, préface de Serge Fauchereau, texte de Jean-Christian Fleury, Paris, p. 14. Ouvrage non publié. Archives de l’artiste. Return to text

60 Ibid., p. 15. Return to text

61 Claude et Clovis Prévost, Les Bâtisseurs de l’imaginaire, préface de Sami-Ali, Paris, Klincksieck, (1990) 2016. Return to text

62 Guy Debord, « De l’architecture sauvage », dans Asger Jorn, Le jardin d’Albisola, Torino, Edizioni d’Arte Fratelli Pozzo, 1974, p. 42. Return to text

63 Asger Jorn cité dans Leonardo Lippolis, La nuova Babilonia. Il progetto architettonico di una civiltà situazionista, Milano, Costa & Nolan, 2007, p. 288. Traduction de l’auteur. Return to text

64 De 1921 à 1954, l’immigré italien Sam Rodia (1879-1965) construit dans son jardin de Watts, au sud de Los Angeles, des tours pointues et ouvragées dont la plus imposante touche le 30 mètres de hauteur. Voir : Roberta Trapani, « Les environnements singuliers : des œuvres d’art à plein titre ? Le cas emblématique des Tours de Watts », Artitalie, n° 25, 2019, p. 80-88. Return to text

65 À compter de leur collaboration pour la réalisation de la sculpture habitable éphémère HON (1966), Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle s’inspirent de ces auteurs pour la réalisation de leurs archisculptures : le Rêve de l’Oiseau (1968-1971) dans la forêt varoise ; le Cyclope (1969-1992) en forêt de Fontainebleau ; le Golem (1971-1972) à Jérusalem ; le Dragon (1973) à Knokke-le-Zut ou encore le Jardin des Tarots (1979-2002) à Garavicchio, en Toscane. Return to text

66 Niki de Saint-Phalle, lettre à Jean, Niki de Saint-Phalle, cat. exp. (Kunstund Ausstellungshalle der Bundesrepublik Deutschland à Bonn, 19 juin-1er novembre 1992, McLellan Galleries, Glasgow, 22 janvier-4 avril 1993, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, juin-septembre 1993), Pontus Hulten (dir.), Paris, Paris-musées, 1992, p. 153. Return to text

67 Sur Johannet, voir : Danilo Proietti, Chiara Scordato, Roberta Trapani (dir.), Jean-Luc Johannet. Dessins, maquettes, sculptures cinétiques, Patrimoines irréguliers de France, 2021. Return to text

68 Jean-Luc Johannet, lettre à Jacqueline Roche-Meredith, Collection de l’Art Brut [25 janvier 1999], ibid., p. 37. Return to text

69 Ibid. Return to text

70  Jean-Luc Jonhannet, Le parc de Vénus et ses Dragons. Pré-étude sommaire. Avant-projet de parc surréaliste à usage onirique et ludique, années 80. Archives de l’artiste. Return to text

71 Ibid. Return to text

72 Ce propos est tiré d’un écrit non daté conservé dans les archives de l’artiste. Grâce à Michel Thévoz, Johannet fait don à la Collection de l’Art Brut de l’un des rares objets réalisés de ce projet fabuleux, l’Oiseau Euphorique (1986), sculpture pénétrable et ambulante de 18 mètres composée de planches, poutres et chevrons imbriqués. Return to text

73 Sur les perspectives contemporaines de l’héritage surréaliste en matière d’architecture, voir Emmanuel Rubio, « Vertiges de l’architecture intra-utérine : de Tristan Tzara à Lars Spuybroek », op. cit., p. 261-274 [renvoie à la même publication citée en note 6]. Return to text

Illustrations

References

Electronic reference

Roberta Trapani, « Une architecture du désir. L’offensive surréaliste contre le modernisme », Déméter [Online], 8 | Été | 2022, Online since 15 septembre 2022, connection on 11 février 2025. URL : https://www.peren-revues.fr/demeter/902

Author

Roberta Trapani

Roberta Trapani est docteure en histoire de l’art, autrice d’une thèse intitulée Patrimoines irréguliers en France et en Italie. Origines, artification, regard contemporain (Université de Paris Nanterre / Université de Palerme, 2016). Elle est membre du comité de rédaction de la revue de l’Osservatorio Outsider Art (Université de Palerme) et a enseigné dans plusieurs universités. Elle est cofondatrice du Collectif de réflexion autour de l’Art Brut (CrAB), avec lequel elle a organisé un séminaire bimestriel à l’Inha à Paris (2011-2013) et des rencontres grand public axées sur l’actualité et les enjeux critiques de l’art brut. Elle est également cofondatrice de l’association Patrimoines irréguliers de France (PIF), qui contribue à la protection et à la médiatisations d’univers réalisés par des indisciplinés de l’architecture et de l’art (http://patrimoines-irreguliers.org). Commissaire d’exposition indépendante, elle est co-autrice, avec Fabrice Flahutez et Pauline Goutain, de Slavko Kopač. Ombres et matières (Gallimard, 2022).

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