OK dans le discours rapporté en anglais oral

DOI : 10.54563/lexique.421

p. 161-173

Abstracts

The purpose of this article is to examine the functions of OK in sequences of reported speech introduced by a quotative verb in various corpora of spoken British and American English. As OK is mostly used in spoken English, it very often triggers the passage to direct speech. When speech is reported directly, the speaker can reduce the distance between speaker and co-speaker that a narration in indirect speech would maintain. The speaker can do so without resorting to a specific marker. The contribution of OK is then to delimitate the unit of speech being reported and to add meaning (agreement, concession, etc.). OK is compatible with a large number of contexts in which agreement – an inherent semantic component of the marker – is not a response to a co-speaker’s prior question but rather to the larger context. OK, then, is a means for the speaker to play a part and to involve the co-speaker by making her/him a direct witness of the conversation or monologue. The hypothesis tested here is that the presence of OK indicates a two-fold process: setting a “scene” and refocusing attention on the co-speaker. This paper begins with a typology of occurrences of OK in reported speech. Then, the following issues are addressed: verbs and subjects in sequences of reported speech, the way direct speech is represented, OK as a discourse marker, OK compared to other discourse markers and finally the connective function of OK.

Cet article examine le rôle de OK dans des séquences de discours rapporté introduites par un verbe quotatif, dans des corpus oraux d’anglais britannique et américain. De par son emploi privilégié à l’oral, OK permet d’embrayer sur un discours direct. Lorsque des paroles sont rapportées directement, le locuteur peut effacer une distance avec le co-locuteur qu’une narration au discours indirect introduirait. Il peut le faire directement sans avoir recours à un marqueur spécifique ; ce qu’apporte OK est alors une délimitation des paroles rapportées, ajoutant un supplément de sens (assentiment, concession, etc.). OK est compatible avec un grand nombre de contextes dans lesquels l’assentiment – un trait sémantique inhérent à OK – ne se fait pas en réponse à une question préalable du co-locuteur, mais par rapport à la situation au sens large. OK permet alors au locuteur de jouer un rôle, d’impliquer le co-locuteur en le faisant témoin direct de la conversation ou du monologue. Après avoir présenté une typologie des occurrences de OK dans le discours rapporté, nous nous attachons à étudier les verbes introducteurs et le sujet du discours rapporté ainsi que la mise en scène du discours direct.
Nous examinons OK dans sa fonction de marqueur de discours, le comparons à d’autres marqueurs de discours et terminons par un examen de sa fonction de connecteur.

Outline

Text

1. Introduction

OK, depuis son apparition dans la langue, en 1839 d’après l’Oxford English Dictionary, connaît un usage en croissance exponentielle, pour preuve, dans le corpus COHA (Corpus of Historical American English, 1810-2000) (Davies, 2010), l’on compte 322 occurrences de OK (sous l’orthographe okay) en 1930 et 4699 en 2000. La nature des textes du corpus est à prendre en considération, bien entendu, de plus en plus de transcriptions d’anglais oral étant incluses au cours des années. Les chiffres, cependant, sont significatifs.

Le sens de OK s’est étendu depuis ses premiers emplois : OK peut marquer l’approbation, l’assentiment, mais aussi la concession et parfois se désémantiser pour ne servir qu’à indiquer qu’un locuteur, par exemple, écoute ce que dit le co-locuteur ou même remplir des blancs, servir de ponctuation orale.

Nous allons nous intéresser dans cet article aux configurations dans lesquelles OK apparaît en début d’une séquence de discours rapporté, à l’intérieur d’un énoncé au discours indirect, comme en (1) :

(1)

Yes, that's fine up to now. But then people want to know ok, what are we going to do about the stupid tax code? Calling it a name ain't going to get rid of it. How do you get rid of the thing? (Corpus of Contemporary American English (CoCA), Davies 2008)

La suite « verbe de dire + OK + discours rapporté » retient l’attention : le marqueur OK joue-t-il un rôle dans le passage de l’énoncé introducteur exprimé par le verbe de dire au discours direct ? Il est difficile de décider si OK fait partie des paroles rapportées ou si c’est un ajout du locuteur qui rapporte fidèlement des paroles, s’il s’agit d’un marqueur de discours introduit par le narrateur avec une fonction d’interlocution, ou bien si OK déclenche le passage au discours direct. D’autre part, OK n’apparaît pas systématiquement en début de séquence de discours rapporté à l’oral, loin s’en faut, mais sa présence n’est pas, nous le postulons, aléatoire. Elle correspond à la fois à une mise en scène et un recentrage du propos sur le co-locuteur de la part du locuteur, hypothèse que nous présenterons dans cet article1.

2. Typologie des occurrences de OK dans le discours rapporté

2.1. Verbes introducteurs du discours rapporté

Les verbes introducteurs relevés sont, comme mentionné en 1.1., les verbes say, think, be like et go. D’autres verbes, comme tell ainsi que les autres verbes utilisés pour rapporter des paroles, add, reply, answer, repeat, whisper, shout, etc. ne se trouvent pas dans le corpus d’anglais spontané, mais essentiellement dans des dialogues écrits ou des retranscriptions d’interviews dans les journaux :

(2)

"The doctor told me, OK, you need to lose this weight,'" Kim recalls. "And I was like, Yeah, thanks, no kidding!'" (https://www.glamour.com/story/doctor-weight)

Le verbe le plus couramment employé est say, suivi de be like et go, ces deux derniers verbes étant spécialisés dans un emploi oral et ne pouvant être suivis que par un discours rapporté direct.

Le verbe say, dans le corpus analysé, est systématiquement au prétérit : on ne relève que quelques très rares exemples dans lesquels say est au présent (il s’agit d’une hypothétique en (3), il y a donc une contrainte grammaticale) :

(3)

But if somebody is listening to you right now and says okay, I want to know one thing from you, Ralph Nader, and that is when would you send my young people, our young people into harm's way? (CoCA)

Dans le British National Corpus (Davies, 2004) (BNC), on ne trouve aucune occurrence say OK/says OK (sauf les cas où OK est une réponse positive à une question ou une proposition, mais sans être suivi de discours rapporté).

Le verbe go employé comme verbe de dire est toujours au présent, be like au prétérit ou au présent :

(4)

TAMRON-HALL# The ocean view you don't want. NATALIE-MORALES# Yes. AL ROKER: Yeah. WILLIE-GEIST# Yeah. TAMRON-HALL# You're like okay, I'll have to pass. (CoCA)

Dans la grande majorité des cas, il y a une très nette différence entre le temps du verbe introducteur, au passé, et les verbes dans le segment de discours rapporté après OK, au présent :

(5)

And she became Margaret Sanger Marston, and she's a pip. And she said OK, this family is nuts. (CoCA)

Ceci n’est pas toujours le cas lorsqu’un auxiliaire modal est employé :

(6)

They would not administer any anesthesia. Then the judge said OK, any doctor could just administer the injections. (CoCA)

(7)

The second option is that they said no. They send this to Florida Supreme Court and said OK, there would be a recount and then there [sic] answer could be unknown. (CoCA)

(8)

(…) it was Dean or Jack or the both of them together. Eventually she said okay, but only if we could get a drink later, just the two of us. (CoCA)

(9)

(…) he said at four or five that he liked penguins and then years later you said okay we could do something together. (CoCA)

Dans les quatre énoncés ci-dessus, se pose le problème de la caractérisation du discours : s’agit-il de discours direct ou indirect ? En (6), le temps employé dans la conversation a pu être le présent (6a) ou le passé (6b) :

(6)

a.

“Any doctor can administer the injections.”

b.

“Any doctor could administer the injections.”

Il est vraisemblable que can serait la forme apparaissant dans le discours direct puisque, dans la situation décrite, le juge a le pouvoir de donner une autorisation : il n’est donc pas question de potentialité. L’on constate, avec la présence de just en (6) que l’énoncé est reconstruit par rapport l’énoncé au discours direct (just ne pourrait pas être utilisé : *Any doctor can just administer the injections), que le locuteur refaçonne l’énoncé original et aboutit à un énoncé au discours indirect, de façon atypique avec OK, le temps de l’auxiliaire étant certainement influencé par le passé du verbe introducteur (said en l’occurrence) et les sujets de 3ème personne en (6), (7) et (8) et de 2ème personne en (9).

Cette hypothèse se confirme avec (7), le modal ne pouvant pas être would, avec des paroles rapportées au discours direct, comme le montre (7a) :

(7)

a.

“OK, there will be a recount.”

De même en (8) les paroles au discours direct les plus plausibles sont les suivantes :

(8)

a.

“okay, but only if we can get a drink later.”

En (9) l’ambiguïté demeure, les deux solutions étant possibles :

(9)

a.

“okay we can do something together.”

b.

“okay we could do something together.”

Ces trois énoncés permettent en outre de constater la difficulté qu’il y a à déterminer quelle est la place de OK ; en (6), il est peu probable que le juge ait dit une phrase telle que :

(6)

c.

“Okay, any doctor can administer the injections.”

OK correspond plutôt à l’acte d’acquiescement du juge, c’est un commentaire de la part du locuteur rapportant des paroles. Il en va de même pour (7), OK ne fait certainement pas partie de la réponse apportée. En (8) et (9), en revanche, il est possible que OK fasse partie des paroles rapportées (voir 8a et 9a et 9b ci-dessus).

Le corpus comprend aussi des verbes employés avec un modal renvoyant à l’avenir. L’engagement et la prise de décision ont plus de force dramatique lorsqu’ils sont évoqués au discours direct :

(10)

but we understand he has to concentrate on the race, and we said, OK, we'll stay home and watch you on TV. (CoCA)

On relève également de très nombreuses occurrences de verbe à l’impératif. On peut penser que lorsque le locuteur veut rapporter une injonction, un ordre, un engagement, l’expression directe est plus efficace. OK est alors l’expression de la volonté du locuteur ayant dit les paroles, il montre qu’il peut trancher, réagir à ce qui a été dit avant :

(11)

so we said okay, let's pretend the part didn't get there. Send her a bunch of flowers. (BNC)

Enfin, le corpus présente un nombre élevé d’interrogatives. Comme pour les impératives, l’interaction présente avec une interrogation est restituée de façon plus efficace au discours direct. Dans l’énoncé ci-dessous, OK apparaît, comme l’autre marqueur de discours présent dans cet extrait (oh) pour donner une touche d’authenticité à l’échange entre les deux protagonistes et construire le jeu rhétorique :

(12)

And actually I was on a commercial shoot for shoe insoles and I went to the ad exec, I was like, this, I think this is what I want to do. Like how would I do this? And the guy says, oh, you go to film school. So I said OK, so what film schools do I go to? (CoCA)

2.2. Sujet du verbe introducteur du discours rapporté

Les pronoms de 3ème personne du singulier (he/she) sont les plus nombreux : 504 occurrences sur 1550 dans l’ensemble du corpus ; they est plus rare (85 occurrences), ce qui n’est pas surprenant car avec they, la source des paroles rapportées n’est pas clairement identifiée. Le pronom de 1ère personne vient ensuite avec 497 occurrences, puis you avec 43 occurrences, et enfin d’autres sujets (nom propre, fonction, etc.). Sans surprise, think est employé quasi exclusivement à la première personne (il est plus difficile pour un locuteur réel, en dehors d’une situation de fiction, de s’approprier les pensées d’autrui). Nous n’avons qu’un seul exemple de people thought et un seul exemple avec you dans une situation d’interview dans laquelle le journaliste se livre à un exercice de fiction, en prétendant deviner les pensées de son interlocuteur :

(13)

What was the book that, like, all of a sudden where you thought OK, this is our breakthrough? TONY-WHEELER# Well, it's - was very easy (…) (CoCA)

Avec be like, le sujet de première personne domine (27 occurrences sur 82). On relève 15 occurrences avec you, référant en réalité au locuteur, mais en impliquant le co-locuteur dans l’échange :

(14)

they're just gliding along just so graceful. And then you're like OK, this is it, you know. (CoCA)

Dans le corpus, il y a aussi un nombre élevé de troisième personne du neutre it : it was like/it’s like. It permet de laisser vague la référence du sujet, à la différence des occurrences de say relevées :

(15)

MARK POTTER: But most of all he's reflecting on how it feels to be home this time. Twenty years ago when he returned from Vietnam homecoming hurt. SERGEANT JAMES COOK: When I came back from Vietnam it was like okay so you're back, you know. What's really the big deal? (CoCA)

Les paroles rapportées sont fictives, destinées à rendre ce qui est dit plus crédible en l’attribuant à une source, même si celle-ci n’est pas précisée : « it was like » introduit un discours direct que l’on peut qualifier de générique. Pour le locuteur (« Sergeant James Cook » ici), il ne s’agit pas tant de restituer des paroles précises prononcées par un locuteur identifiable, que de rendre compte de réactions, peut-être même non verbales, c’est-à-dire de faire porter l’attention sur la réception plus que sur la citation.

Nous allons examiner plus en détail, dans la partie qui suit, le rôle de OK dans les séquences de discours rapporté.

3. Mise en scène du discours direct

Il est souvent délicat de délimiter une séquence de discours rapporté, d’identifier le discours direct par rapport au discours indirect ou indirect libre, comme l’ont montré un certain nombre d’auteurs (citons plus particulièrement Banfield, 1973 ; Leon, 1988 ; Rosier, 1999, de Mattia-Viviès, 2010 ; Chuquet & Hanote, 2000). OK, cependant, enlève toute ambiguïté : le discours rapporté est direct, associé de façon privilégiée à l’oralité. Clark & Gerrig (1990, p. 764) font le relevé des termes pour nommer ce type de discours : « direct quotation, direct speech, direct discourse, or oratio recta », qui, pour ces auteurs, fonctionne comme une « démonstration » : « Demonstrations work by enabling others to experience what it is like to perceive the things depicted. » (Clark & Gerrig, 1990, p. 765). Ils ajoutent: « The prototypical quotation is a demonstration of what a person did in saying something. » (Clark & Gerrig, 1990, p. 769).

Il s’agirait donc de mettre en scène une narration, d’inclure le co-locuteur comme protagoniste, comme s’il était témoin du dire. Tannen (1986) adopte une position encore plus radicale en affirmant que le terme de discours rapporté n’est pas adéquat car il ne s’agit pas de répéter verbatim des paroles, mais plutôt de reconstruire un dialogue et même de produire une fiction de dialogue (ce que Tannen appelle « constructed dialogue ») pour rendre l’échange plus vivant, créer un impact plus fort chez le co-locuteur (il s’agirait cependant plutôt de dialogue reconstruit si l’on admet que le locuteur rapportant des paroles le fait avec une certaine bonne foi). Cela se vérifie avec des exemples comme ceux-ci:

(16)

The interesting thing of course was his ro--, his brother Robert was a civil engineer (pause) and the story goes, of course, they disagreed so much that in the end George said okay Robert you can have the civil engineers, I'll start with mechanical engineers! So, during the er, eighteen hundreds of course, you've got these two major institutions started up. (BNC)

(17)

So long story shorty we were freaked out for a couple days. BILLY-BUSH# Oh. SHEINELLE-JONES# On the third day I thought okay, I got to make this, I got to make this happen, right. (CoCA)

En (16), les paroles rapportées ne sont certainement pas celles qui ont vraiment été prononcées. La véracité n’est pas l’objectif du locuteur. Une histoire est racontée (« the story goes »), un pseudo-dialogue est instauré entre « George » et « Robert » et okay fait basculer obligatoirement dans le discours direct. En (17), on peut penser que la locutrice ne dit pas exactement ce qu’elle a pensé, mais reconstruit un pseudo discours rapporté pour lui donner l’occasion de moduler son intonation, de créer un effet dramatique.

OK est donc fondamentalement une marque d’oralité. OK a deux fonctions, l’une sémantique et l’autre discursive : manifester l’assentiment et signaler le passage au discours rapporté direct. On peut constater une volonté de la part de certains locuteurs de « sur-jouer » le dialogue en débutant le discours rapporté par plusieurs marqueurs de discours (nous revenons plus bas sur ce terme). Ainsi en (18), okay est répété et suivi de yeah et en (19) suivi de well :

(18)

She said well that's the rules, you know that's how we're doing this, we're offering a fixed-rate for three hundred pounds. So I said okay, okay, yeah, send me the forms. She said do - well you don't need any forms, cos it's only you, we're only going to alter it on the computer. (CoCA)

(19)

at some point you come to the end of it and you're like OK, well, what now? (CoCA)

OK facilite ainsi le passage d’un discours à un autre et permet de créer ce que Macaulay (1987) appelle un « monologue polyphonique ». Le discours rapporté peut-être fictif, le locuteur jouant alors un rôle explicite pour, on peut le supposer, mieux capturer l’attention de son auditoire :

(20)

Sometimes he's like, okay I'm not getting enough. (Santa Barbara Corpus, Du Bois, Wallace, Meyer, Thompson, Englebretson & Martey, 2000-2005)

Le contexte est le suivant : une discussion est en cours à propos d’un bébé et sa mère lui prête des paroles qu’il ne peut avoir dites puisqu’il ne parle pas encore. En écoutant l’enregistrement, l’on constate que okay appartient de façon nette au segment de discours direct « I'm not getting enough » et la locutrice adopte un ton différent, celui d’un dur dans un film de gangsters pour dramatiser le récit. OK, comme dans l’exemple (3), facilite la transition d’un discours à un autre, permet d’embrayer sur une autre voix. OK semble être utilisé pour « faire vrai », pour servir de point d’ancrage d’un récit présenté comme authentique. Dans tous les enregistrements, OK est détaché du reste de l’énoncé, énoncé en général sur un ton différent, le discours rapporté étant le plus souvent dit dans une tonalité différente, parfois avec un accent différent.

Le verbe introducteur joue un rôle dans la façon dont les paroles sont prononcées. Les verbes les plus « neutres » sont say et think : le co-locuteur ne peut prévoir si le discours rapporté sera dramatisé ou non. Avec be like, en revanche, le signal envoyé est que le locuteur va imiter le locuteur rapporté :

(21)

So he sat down, and we did a scene and then we did a number, “Tonight At Eight,” where George is talking about meeting this dear friend for the first time. And so I was like OK, I'm sort of happy with how things are going. And (laughter) it's over with so that's good. I go up to Joe, and I said yeah, so Joe, you know, what do you think? And again, this is someone that I've worked together and trust. And he looked at me, he says that doesn't work. (LAUGHTER) SCOTT-ELLIS# And I was like, what? I can still get crushed. In that second, I said what, Joe? (CoCA)

Dans toutes les occurrences écoutées (y compris dans des enregistrements dans lesquels le locuteur n’a pas pour but de divertir un auditoire, comme en (4)), les paroles n’étaient pas simplement rapportées, mais jouées. Dans les extraits de films consultés, le passage au discours rapporté s’accompagne de mimiques et de gestes qui seraient certainement intéressants à étudier.

4. OK marqueur de discours

OK est décrit dans les travaux qui lui sont consacrés comme un marqueur de discours (Condon, 2001 ; Gaines, 2011), c’est-à-dire un élément ayant une fonction pragmatique (d’ailleurs appelé « marqueur pragmatique » chez certains auteurs). Cette fonction pragmatique est quasi-unanimement reconnue (Beach, 1993 ; Fraser, 1990 ; Brinton, 1996 ; Aijmer & Vandenbergen, 2011, etc.). Il est à remarquer cependant que tous les auteurs ne considèrent pas OK comme entrant dans la catégorie des marqueurs de discours ou en tout cas ne mentionnent pas OK dans la liste des marqueurs de discours qu’ils étudient (Schiffrin, 1987 ; Fraser, 1990).

OK partage la propriété avec les autres marqueurs de discours d’être intrinsèquement lié à l’oralité. Dans le corpus CoCA et BNC, aucune occurrence ne correspondant au schéma étudié n’a été trouvée dans les sous-corpus « fiction », « magazine », « newspaper » et « academic », toutes les occurrences étant dans le sous-corpus « spoken ».

OK a de nombreuses fonctions qu’il partage avec les autres marqueurs de discours et qui varient selon sa place dans l’énoncé : il peut signaler un changement de tour de parole, renforcer une transition, être utilisé pour demander une confirmation, procéder à une vérification ou une clarification (Huddlestone & Fairhurst, 2013, p. 102). Dans l’analyse de Goffman (1974), un marqueur de discours peut servir de cadratif (« bracketing or framing device »). Pour plusieurs auteurs (cités dans Condon, 2001), OK a pour fonction fondamentale d’assurer des transitions dans l’interaction, en particulier au début d’un tour de parole. Schiffrin (1987, p. 37) reprend le concept de « bracket » et l’affine en montrant que les éléments qui bornent le discours sont à la fois anaphoriques et cataphoriques (« the beginning of one unit is the end of another and vice versa »). Cette auteure introduit alors la notion de « sequential dependence », c’est-à-dire que les marqueurs de discours ont pour rôle d’assurer une cohésion discursive. Dans le dialogue ci-dessous, l’on peut constater la présence systématique de marqueurs de discours dans le discours direct rapporté. Ils semblent indispensables à la construction de ce discours, ajoutent certainement à l’authenticité et à la fidélité aux propos tenus par le locuteur :

(22)

(…) I was sort of still on the phone, I was saying yeah, yeah, ok and erm, I said I'm going out shopping and I'm taking the dog with me I said, ok fair enough, she said, well you'll probably be gone when I get back, I said oh might be but she said but I don't know (unclear) and erm (pause) you know and I just put the phone down cos she wanted to see the pictures (…) (BNC)

OK peut être combiné avec d’autres marqueurs de discours, majoritairement well (14 occurrences2 dans le corpus) :

(23)

Well, I got a phone call, and my agent said they're going to offer you a role, and you should say yes to this one, and it wasn't like I had been saying no to a lot of roles, but I do say no maybe more than a few other people. So I said OK, well, what is it? And he said it's on Breaking Bad. (CoCA)

On trouve aussi quelques occurrences avec d’autres marqueurs, par exemple yeah :

(24)

She said well that's the rules, you know that's how we're doing this, we're offering a fixed-rate for three hundred pounds. So I said okay, okay, yeah, send me the forms. She said do - well you don't need any forms, cos it's only you, we're only going to alter it on the computer. (CoCA)

Assurer la cohésion discursive n’est pas antinomique avec ce que Brinton (1996, p. 33) nomme la « fragmentation » du discours oral qui, de par le manque de planification, nécessite des marqueurs pour se structurer.

OK semble partager les propriétés évoquées ci-dessus avec les autres marqueurs de discours : il appartient en même temps au discours du locuteur qui rapporte les paroles et au discours direct rapporté. Il sert à la fois de « borne » indiquant le début de la séquence de discours rapporté (le locuteur peut changer de ton en prononçant OK, signalant qu’il fait entrer le co-locuteur dans une « histoire vraie », il donne de l’authenticité au discours) et de marque d’assentiment de la part du co-locuteur à ce qui a été dit auparavant.

5. OK vs. WELL et les autres marqueurs de discours

Well est un marqueur de discours très employé, dans la même position que OK, après said, dans un segment de discours rapporté :

(25)

She couldn't stand the Melior and they said well give us something. She said it isn't English and they said okay let's have something English, and so she used this Modern number seven. (BNC)

Dans les transcriptions de la suite « say + well », well est le plus souvent noté entre virgules, comme dans l’énoncé ci-dessous :

(26)

so, I really want to understand who you are, and I said okay. I said, I said, well, I'm a Scientologist.

Well est ainsi nettement détaché dans les transcriptions, à la différence de OK et ne peut qu’appartenir au discours rapporté (*« X said well # » n’est pas une forme recevable). Well est utilisé lorsque les paroles rapportées viennent en contradiction ou en opposition avec ce qui a été dit avant, lorsqu’il y a une réticence à donner une information, etc.

Parmi les autres marqueurs de discours, on trouve all right, look, yeah, hey, oh :

(27)

RON-FRIEDLI# It was just stirring the pot. It was something on the news every day about it and they just said all right, let's do something. And they did.

(28)

Exactly they're not disability specific and they're not even all only for disabilities. Everyone has those kind of moments and it's a real fun way of saying look I'm not being rude and not listening I just can't listen. (“OUCH”, Talk Show, BBC Radio 4)

(29)

And he and I are kind of the two through the book that kind of try and do the best we can. But he said yeah, let's see what we can do. (CoCA)

(30)

Because what people wrote was so vicious and nasty, and when LeVar Burton said, hey, I'm not that guy. People said yes, you are. (CoCA)

(31)

And we came in this way right here. And I said oh, man, we're going to hit the water. (CoCA)

« Said all right » / « said, all right, » est relativement peu employé (62 occurrences dans le CoCA), on peut postuler que ce marqueur est fortement concurrencé par OK après un verbe de dire, peut-être parce que OK est compatible avec des contextes plus variés, étant donné son sémantisme « léger ». D’autre part, on ne trouve que quelques exemples de « said right now » suivi de discours direct et 3 exemples de « said, right, ».

Look est spécialisé comme marqueur attirant l’attention du co-locuteur, une fonction que les autres marqueurs de discours remplissent aussi, mais de manière moins explicite. Yeah apparaît dans la grande majorité des cas dans un énoncé qui est une réponse à une question. Yeah a un contenu sémantique qui rend ce marqueur difficile à détacher de sa valeur d’assentiment à la différence de OK qui permet d’embrayer sur un discours direct en faisant passer au second plan la valeur d’approbation et qui est donc en conséquence sous-spécifié. Ceci est encore plus le cas avec yes, qui est d’abord la réponse à une question ou vient contredire une affirmation précédente. Le discours direct, à l’oral, étant, comme pour les autres marqueurs de discours, automatiquement déclenché par l’emploi de yeah ou yes. Hey est le marqueur le plus proche sémantiquement de OK, dans un registre plus limité, et uniquement américain (7 occurrences dans le BNC contre 114 dans CoCA). Hey déclenche systématiquement un passage au discours direct, puisque hey ne peut être qu’une marque d’interpellation et ne peut avoir d’existence autonome comme OK. Enfin d’autres marqueurs comme oh peuvent apparaître en début de séquence de discours direct. Comme pour OK, il n’est pas possible de savoir si ces marqueurs sont employés sciemment pour introduire du discours rapporté ou si le marqueur de discours contraint la suite de l’énoncé : après l’avoir mentionné, il n’est plus possible de construire l’énoncé autrement qu’au discours direct.

La différence entre OK et les autres marqueurs de discours est que OK est compatible avec un grand nombre de contextes, tout en conservant sa valeur invariante, qui est celle de l’assentiment et du recentrage sur un point de la discussion. OK appartient au segment de discours rapporté, ou plus exactement OK se situe à la frontière entre segment introducteur du discours rapporté et segment rapporté et sert de marqueur subjectif, indiquant une prise en charge des paroles rapportées par le locuteur, une auto-citation, l’ouverture d’un espace concessif, d’une argumentation – parfois du locuteur avec lui-même.

6. OK « connecteur »

Peut-on alors dire que OK a une fonction de connecteur ? OK peut être interprété comme détaché de ce qui suit, comme la réponse à une question précédente ou comme faisant partie intégrante de la séquence, c’est-à-dire n’ayant pas simplement une fonction d’assentiment, mais une fonction de liaison entre ce qui est narré précédemment et les paroles rapportées :

(32)

On the lighter side actually, my husband, and my sister-in- law and brother-in-law used to smoke, and I got very (pause) cute to this, because I sa--, noticed that they stopped working every time they had cigarette (SP:FLMPSUNK) (laugh) (SP:FLMPS002) but I didn't get the break! (SP:FLMPSUNK) (laugh) (SP:FLMPS002) So I said, okay, I'm having a cigarette break now. And er (pause) this was (pause) this is fairly true! (BNC)

En (32), la locutrice se place dans la situation dans laquelle elle était lorsqu’elle a prononcé ses paroles. OK n’est pas la réponse à une question préalable : « So I said okay. », mais sert à dire quelque chose comme ‘étant donné la situation/ j’ai pris acte de la situation’. Avec OK, le locuteur s’appuie donc sur ce qui a été dit avant, confirme ou du moins prend acte. OK dans ce sens assure une transition entre un discours indirect, plus détaché, dans lequel le locuteur narre des événements passés, à un discours direct plus engagé, fait comme si le co-locuteur était témoin du dialogue qui est supposé avoir eu lieu. On peut constater que si le discours est rapporté au discours indirect, OK ne peut plus apparaître sans modifier le sens de la phrase :

(32’)

So I said that it was okay and that I was having a cigarette break (…)

Si l’on ne peut dire que OK a une fonction syntaxique de connecteur, il n’en a pas moins une fonction sémantique de mot de liaison entre le discours antérieur et le discours rapporté. La structure informationnelle montre une certaine complexité. Malgré une apparence de simplicité dans l’insertion d’un discours direct, les marqueurs de discours, dont OK, fonctionnent sur deux plans, celui de la mise en relation de deux discours et celui de la mise en situation du co-locuteur.

7. Conclusion

OK mérite l’attention car ce marqueur, dont l’origine, incertaine, peut avoir été une façon facétieuse d’écrire les initiales de oll korrect, s’est popularisé très vite jusqu’à concurrencer d’autres formes d’assentiment comme (all) right. Comme les autres marqueurs de discours, de par son emploi privilégié à l’oral, OK permet d’embrayer sur un discours direct, après un verbe quotatif : lorsque des paroles sont rapportées, le locuteur peut souhaiter effacer une distance qu’une narration au discours indirect introduirait. Il peut le faire directement sans avoir recours à un marqueur spécifique. Cependant les marqueurs de discours apportent une délimitation des paroles rapportées, ajoutent un supplément de sens (assentiment, surprise, etc.). Lorsque qu’un tel marqueur est employé, l’énoncé ne peut continuer qu’en étant au discours direct. OK, comme well, et à la différence des autres marqueurs appartenant à son paradigme, est compatible avec un grand nombre de contextes dans lesquels l’assentiment qui lui est inhérent ne se fait pas en réponse à une question préalable du co-locuteur, mais par rapport à la situation au sens large. OK permet alors au locuteur de jouer un rôle, d’impliquer le co-locuteur en le faisant témoin direct de la conversation ou du monologue.

Bibliography

Aijmer, K. & Vandenbergen, A.-M. (2011). Pragmatic Markers. In J. Zienkowski, J.-O. Östman & Jef Verschueren (Eds), Discursive Pragmatics, 8 (pp. 223-247). Amsterdam: John Benjamins.

Banfield, A. (1973). Narrative Style and the Grammar of Direct and Indirect Speech. Foundations of Language, 10(1), 1-39.

Beach, W. A. (1993). Transitional regularities for ‘casual’ “Okay” usages. Journal of Pragmatics, 19, 325-352.

Brinton, L. J. (1996). Pragmatic Markers in English. Grammaticalization and Discourse Functions. Berlin : Mouton de Gruyter

Chuquet, H. & Hanote, S. (2000). Discours rapporté dans un corpus oral : problèmes de frontière. Cahiers Forell - Formes et Représentations en Linguistique et Littérature - Archives (1993-2001). Complexité syntaxique et sémantique. http://09.edel.univ-poitiers.fr/lescahiersforell/index.php ?id =480

Clark, H. H. & Gerrig, R. J. (1990). Quotations as Demonstrations. Language, 66(4), 764-805.

Condon, S. L. (2001). Discourse ok revisited: Default organization in verbal interaction. Journal of Pragmatics, 33, 491-513.

Davies, M. (2004-) British National Corpus (from Oxford University Press). Available online at https://www.english-corpora.org/bnc/

Davies, M. (2008-). The Corpus of Contemporary American English (COCA): 560 million words, 1990-present. Available online at https://www.english-corpora.org/coca/.

Davies, M. (2010-). The Corpus of Historical American English (COHA): 400 million words, 1810-2009. Available online at https://www.english-corpora.org/coha/.

De Mattia-Viviès, M. (2010). Du discours rapporté mimétique aux formes intrinsèquement hybrides. Anglophonia/Sigma [Online], 14(28). http://journals.openedition.org/anglophonia/656.

Du Bois, J. W., Wallace L. C., Meyer, C., Thompson, S. A., Englebretson, R., & Martey, N. (2000-2005). Santa Barbara corpus of spoken American English, Parts 1-4. Philadelphia: Linguistic Data Consortium.

Fraser, B. (1990). An approach to discourse markers. Journal of Pragmatics, 14, 383-395.

Gaines, P. (2011). The Multifunctionality of Discourse Operator Okay: Evidence from a police interview. Journal of Pragmatics, 43, 3291–3315.

Goffman, E. (1974). Frame analysis. New York: Harper & Row.

Huddlestone, K. & Fairhurst M. (2013). The pragmatic markers anyway, okay, and shame: A South African English corpus study. Stellenbosch Papers in Linguistics Plus, 42, 93-110.

Léon, Jacqueline (1988). Formes de discours direct dans des récits oraux. Linx, 18, 107-124. www.persee.fr/doc/linx_0246-8743_1988_num_18_1_1096

Macaulay, R. K. S. (1987). Polyphonic Monologues: Quoted Direct Speech in Oral Narratives. IPrA Papers in Pragmatics, 1(2), 1-34.

Rosier, L. (1999). Le discours rapporté. Histoire, théories, pratiques. Paris-Bruxelles: Éditions Duculot.

Schiffrin D. (1987). Discourse markers. Cambridge: Cambridge University Press.

Tannen, D. (1986). Introducing Constructed Dialogue in Greek and American Conversational Literary Narrative. In F. Coulmas (Ed.), Direct and Indirect Speech (pp. 311-332). Berlin: Walter de Gruyter.

Notes

1 Tous mes remerciements aux relecteur-trices anonymes pour leur relecture attentive et leurs excellentes suggestions. Return to text

2 Les chiffres ne sont que des indications sur des tendances. Étant donné la nature composite du corpus, des effets de distorsion sont possibles. Return to text

References

Bibliographical reference

Jean Albrespit, « OK dans le discours rapporté en anglais oral », Lexique, 25 | -1, 161-173.

Electronic reference

Jean Albrespit, « OK dans le discours rapporté en anglais oral », Lexique [Online], 25 | 2019, Online since 01 décembre 2019, connection on 20 janvier 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/lexique/421

Author

Jean Albrespit

Université Bordeaux Montaigne, Climas, EA 4196
jean.albrespit@u-bordeaux-montaigne.fr

Copyright

CC BY