« Il y eut une fille appelée Jeanne »

Quelques notes sur Jeanne au bûcher de Rossellini

DOI : 10.54563/revue-k.633

Résumé

This article attempts to study the links between the destituent impact of the life of the historical Joan of Arc, on the one hand, the multifaceted mythical figure with which she has been saddled, on the other, and finally Rossellini’s movie, Joan of Arc at the stake (1954). “Ci fu una fanciulla chiamata Giovanna”: is the first line of this adaptation of the oratorio by Claudel and Honegger, as if to show from the outset the intention to return the heroine to her essential indeterminacy. Her naked humanity, but also her belonging to the cosmos, among the stars.

Texte

« Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n’ai jamais été de ce peuple-ci ; je n’ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n’ai pas le sens moral, je suis une brute : vous vous trompez… »
Arthur Rimbaud

« Ci fu una fanciulla chiamata Giovanna » : ce que nous dit la première réplique du film de Rossellini, Jeanne au bûcher1 (1954), c’est qu’il entend ramener l’héroïne à son indétermination – essentielle –, le mythe à son humanité, l’icône à sa chair nue. Ce ne sera pas le récit des hauts faits de Jeanne d’Arc ni de sa célébrité, mais un contrepied à sa statufication, comme pour extirper Jeanne – et par la même occasion Ingrid Bergman, son épouse, qui six ans plus tôt seulement interprétait le même rôle dans la superproduction hollywoodienne de Fleming – d’une certaine image, « ensevelie sous les gloses et les sublimations » (Badiou, 1997, p. 26), carcan de clichés qui en faisaient une sorte de superstar médiévale devenue hyper vendeuse de tout produit commercial, religieux, politique.

C’est un film à rebours. Il procède en partant du bûcher. Jeanne ne se souvient pas de ce qui l’a amenée là, tout a été effacé dans sa mémoire, elle n’est qu’elle-même à cet instant précis. Perdue dans la fumée – du bûcher ? ou est-ce un brouillard, le noir, le rien ? – elle est seule, suspendue entre deux mondes, ciel et terre. Mais c’est tellement vague… Le bûcher et les flammes ont disparu entre temps et il ne reste plus qu’elle, éthérée dans son dépouillement, au milieu du vide. Elle s’élève, ou semble s’élever, lentement, mais c’est une élévation incertaine, un peu maladroite, faite d’égarement, d’incertitude. Au-dessus, dans le noir, les étoiles. Rien d’autre que les étoiles et le vide.

Qu’a-t-elle donc fait, cette fille, pour en arriver là ? Qui est-elle ?

Qui est celle qui « a renversé le cours des choses, renversé le cours de l’histoire » (Guillemin, 1970) ?

Justement, c’est une identité tellement commune pour l’époque qu’elle touche à l’indéfini : une jeune fille, issue d’une famille de paysans parmi tant d’autres. Un prénom à la graphie incertaine. Un nom de famille, un âge, tout aussi incertains. Quelqu’un qui décide pourtant de partir, un beau jour, de façon tout à fait inopinée, et qui s’obstine.

Lorsqu’elle arrive en 1429 à Chinon pour rencontrer le roi Charles VII, Jeanne semble sortir de nulle part. Elle aurait pu venir de n’importe où, de n’importe quelle région non bien précise du “royaume”. Il ne s’agissait même pas alors de la “France”, dont trois grands ensembles se disputaient confusément le territoire. Jeanne, qui plus est, provient d’un village de frontière, soumis à des suzerainetés diverses, aux confins du Saint-Empire germanique ; elle n’est ni française, ni lorraine, on sait juste qu’elle vient de loin, de quelque part loin du centre, de l’un de ces territoires dont on n’était pas même sûrs de savoir exactement à qui ils appartenaient.

Rien ne semble destiner Jeanne à se retrouver au cœur des jeux politiques de son époque, et pourtant « l’acte de Jeanne à Orléans a renversé le cours des choses » (ibid.). Contre Diderot qui soutient dans son Encyclopédie qu’elle n’avait réussi que « grâce à la crédulité des deux parties », Guillemin, encore, oppose qu’il ne s’agit pas de crédulité : il s’agit de « force », il s’agit de « violence » ; Jeanne s’en va en guerre, comme l’écrit Péguy dans son poème.

Oui, mais précisément pour « tuer la guerre » (Péguy, 1956, p. 45).

Autrement dit, l’entrée dérangeante de Jeanne sur la scène politique de l’époque n’a rien d’une tentative de prise de pouvoir, ni même d’une recherche de reconnaissance : elle est « le contraire d’une conquérante » (Guillemin, 1970), dans le sens qu’elle ne cherche au contraire qu’à échapper, et faire échapper, à une domination, et à une guerre. La domination armée, militaire, belliqueuse est ce qui fait sortir Jeanne de ses gonds, ce qui motive son intranquillité2.

L’indétermination de cette fille, son identité absolument générique, voilà ce qui constitue peut-être, justement, le moteur de sa force. Parce qu’un territoire quelconque c’est potentiellement partout et que, n’étant personne, elle pourrait être n’importe qui, Jeanne parvient à transmuer ce qui n’est initialement que la volonté d’une singularité en force entraînante, en force collective : quiconque, c’est-à-dire tout le monde, peut être comme elle, c’est un premier point, et donc, et surtout, quiconque peut être avec elle. D’ailleurs on a envie de la suivre, on a plaisir à la suivre. Jeanne incarne alors une possibilité : elle est la possibilité de l’émergence, en tout lieu, chez toute personne, d’un mouvement imprévisible, qui contourne les logiques communes (c’est une femme, guère plus qu’une enfant, une paysanne), les pouvoirs institués (les royaumes, l’argent, les familles nobles qui décident, les armées), comme une vague qui croît et avance contre toute attente, malgré les obstacles, et qui va là où on ne l’attend pas, mais une vague qui naît dans la mer de l’indistinct, la mer du peuple.

Populaire, Jeanne le sera donc en premier lieu par son origine, mais elle le deviendra bien vite dans tous les sens du terme, inexplicablement et immédiatement3. Si elle semble isolée dans sa volonté initiale, elle n’avance au contraire qu’en tant qu’elle réussit, avant même de démontrer quoi que ce soit, avant même de vaincre, à con-vaincre (son oncle, le roi, les soldats, la foule), à impliquer, à entraîner avec elle. La force de Jeanne est toute collective, et c’est une mise en mouvement : elle devient populaire, sans raisons apparentes, dès son départ du village de Domrémy, pour le simple fait d’avoir persisté, contre toute opposition, et malgré sa simplicité de jeune fille tout à fait commune, dans sa volonté de partir. Cette popularité ne fera que s’accroître au fur et à mesure qu’elle continuera son voyage, puis ses quêtes, ses errances aussi, et même ses replis : tant qu’elle maintiendra l’élan de ce mouvement. Elle ne sera jamais statique, autrement dit jamais indifférente. Les témoignages de l’époque sont unanimes : sympathique, drôle, blagueuse, s’emportant facilement, Jeanne est pleine d’émotions, et suscite aussi l’émotion. Si elle é-meut, c’est au sens figuré comme au sens propre, désormais désuet, dans le sens que, tout comme la mer ou le sol peuvent s’émouvoir, Jeanne réussit à é-mouvoir les gens, à les mettre en branle. Elle suscite les enthousiasmes, mais déplace aussi, littéralement, les foules.

Jeanne initialement a tout d’une jeune fille modèle qui se fond dans la masse de ceux que tout éloigne du pouvoir politique, et c’est précisément pour cela que son « surgissement », pour reprendre Badiou, sera parfaitement inattendu : fille d’un laboureur, sa mère l’a instruite aux travaux de couture et de filage, ce qui fait son orgueil ; elle sera par ailleurs décrite par tous comme très pieuse, et sage. Et pourtant,

la singularité de son surgissement est dans le nœud de prédicats écartés, dissemblables, auxquels elle, Jeanne, n’accepte jamais de se réduire, ni un par un, ni même tous pris ensemble [...] en sorte que Jeanne est toujours comme le reste non dit des tentatives de lui faire signifier ceci ou cela (Badiou, 1997, p. 27).

Entre cette identité de jeune fille idéale qui aurait dû être la sienne – et à laquelle elle semblait préformatée –, et toutes les identités qu’on lui a attribuées ensuite, Jeanne se faufile. Ni femme ni enfant, ou un peu les deux, et même totalement, Jeanne tirera de ces deux âges auxquels elle appartient simultanément toutes leurs possibilités : c’est la sé-duction qui lui permettra d’arriver à la con-duction, elle qui accompagnera le roi à son sacre, et les gens à l’espérance d’un changement ; mais elle a en même temps toute l’insolence inconséquente – « magnifique insolence », dira Bresson (Bresson, Guitton, 1962, p. 85) –, toute l’imprudence déraisonnable des enfants. Jeanne refuse d’être réduite à un âge et, d’un même élan, refuse d’être réduite à un genre : ce n’est pas qu’elle veuille être assimilée à un homme, non ; tout simplement, lorsqu’elle est en compagnie de ses camarades masculins, elle veut être comme eux. Elle rappelle qu’entre un homme et une femme il y a quelque chose de commun qui précède leur genre. Elle pose la question de la nécessité de la distinction systématique entre les hommes et les femmes ; de la sexualisation – encombrante – de tout rapport. Dunois le bâtard d’Orléans dira : « quand on était avec Jeanne, c’est drôle, on ne pensait plus aux femmes » (Guillemin, 1970). Oublier, parfois, de temps en temps, qu’il existe une distinction entre hommes et femmes, n’est-ce pas la condition d’une vraie égalité, et le contraire d’une certaine indifférenciation, que Jeanne d’Arc n’a jamais prônée ?

Les choix inattendus de Jeanne sont autant d’actes de soustraction au profilage social, dans le sens qu’elle est, contre toute apparence, réfractaire à tout fichage identitaire – de son temps, mais aujourd’hui encore. La jeune fille, bizarrement, ne rentre pas dans les cases. Bien souvent, on l’a dit, ses choix sont des mouvements, des déplacements impromptus : ils constituent malgré eux, sans calcul, une formidable échappée au contrôle social de l’époque, une échappée presque suicidaire, pour une fille non émancipée, non instruite et pauvre.

Il y a quelque chose d’animal dans l’instinct farouche de Jeanne à disposer de son propre corps, à ne pas se laisser enfermer – par ses parents, par les normes sociales, par les dogmes de l’Église – quand bien même cela pourrait mettre en péril sa vie. L’épisode de Beaurevoir est à ce propos éloquent : face au risque d’être capturée par les troupes anglaises qui envahissent les lieux, Jeanne se jette du haut d’une tour élevée, un donjon, sachant pertinemment que cette chute pourra être mortelle, et elle se blesse grièvement :

Or interrogée, le samedi 3 mars, si elle fut longuement en la tour de Beaurevoir, répondit qu’elle y fut quatre mois ou environ ; et quand elle sut que les Anglais devaient venir, elle fut moult courroucée ; et toutefois ses voix lui défendirent plusieurs fois qu’elle ne sautât : et finalement, par terreur des Anglais, elle sauta et se recommanda à Dieu et à Notre Dame. Item, interrogée si elle ne dit point qu’elle aurait mieux aimé mourir que d’être en la main des Anglais, répondit qu’elle aimerait mieux rendre l’âme à Dieu que d’être en la main des Anglais (Actes du procès, 1431).

L’animalité de Jeanne n’est pas celle de ses juges. Le film de Rossellini montre comment la fille est jugée par une assemblée de bêtes, et pourtant, être un animal, là n’est pas le problème, puisqu’elle la première le revendique : « nous sommes des animaux de la même laine ! », affirme-t-elle dès le début du film en s’adressant à Frère Dominique.

Puis arrivent les membres du jury, ceux qui décideront si elle doit vivre ou mourir, et à cet instant tout bascule dans le grotesque. Face à l’humanité nue de Jeanne apparaissent, gigotant, grimés, des animaux : le tigre, le renard, le serpent esquivent la présidence du jury ; arrive le cochon, se dandinant, le cochon, le cochon ! C’est lui qui tranchera. Avec un troupeau de moutons tous semblables les uns aux autres, qui seront le jury.

Jeanne est bien sûr le contraire de l’instinct grégaire. Pour autant, c’est bien son animalité, et par là même son humanité, qui sont en question chez Rossellini : elle qui danse et chante autour des arbres sera jugée pour ce motif même. C’est le plaisir, la joie, l’amusement, moqués et condamnés par la farce4. L’idée était de Claudel, mais il y a quelque chose d’autre dans le film de Rossellini, avec sa Jeanne/Bergman en robe de bure qui observe les animaux ses juges comme dans un rêve halluciné, tandis qu’ils déforment ses propos : elle n’intervient pas, elle ne les contredit pas, c’est comme si elle ne comprenait pas.

C’est le sens du décalage, de l’extranéité que raconte aussi Une saison en enfer :

Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d’exécution, pleurant du malheur qu’ils n’aient pu comprendre, et pardonnant – comme Jeanne d’Arc ! – « Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n’ai jamais été de ce peuple-ci ; je n’ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n’ai pas le sens moral, je suis une brute : vous vous trompez… » (Rimbaud, 1989, p. 111 ; éd. or. 1873)

La question du procès en tant que forme est essentielle, dans le sens où tout rapport de connaissance ou de compréhension de Jeanne d’Arc est forcément biaisé par cette perspective, qui est celle de l’interrogatoire ; ce que l’on sait d’elle, ce sont les actes de ses procès – d’accusation (1431) puis de réhabilitation (1456). C’est presque un genre littéraire en soi, car Jeanne a écrit un livre : si on a l’impression de la connaître, et qu’on la connaît, c’est aussi car on connaît, à quelques déformations près certainement, sa langue, ses paroles qui ont été transcrites telles quelles5. Lorsque Robert Bresson explique ce qu’il l’a le plus frappé à la lecture de la « minute » du procès de Jeanne d’Arc, il cite :

Sa jeunesse [...]
Son manque de prudence [...]
Sa pureté [...]
Son échec [...]
[...] l’élégance de la langue qu’elle emploie. En répondant à ses juges, sans toucher à une plume, Jeanne a fait œuvre d’écrivain. Elle a écrit un livre [...] (Bresson, Guitton, 1962, pp. 90-91)

Cependant ce rapport presque direct avec elle est contenu, orienté, déformé par la forme qui est inhérente au procès lui-même : Jeanne ne peut s’exprimer qu’en réponse à des accusations. Comme tient à le préciser Robert Bresson dès les titres de son film, « Ce n’est pas seulement le procès de Jeanne qui se joue… mais tous les procès perdus d’avance au tribunal de l’histoire » (Procès de Jeanne d’Arc, 1962).

Les procès de ceux qui ne jouent pas le jeu, et ne peuvent donc jamais gagner. En procédant encore à rebours dans l’histoire de Jeanne, Rossellini nous montre les personnages historiques de la cour comme autant de cartes à jouer : rois, valets, dames… La politique est un jeu de cartes fait de parties auxquelles Jeanne ne participe même pas. Ou si elle y a participé, c’était sans le comprendre : « Jeanne, pour un roi de cartes, tu as versé ton sang virginal » tente de l’éclairer Frère Dominique. Mais comprend-elle ? Elle est hors champ, et quand elle apparaît, à l’écart, c’est de taille différente, gigantesque, de couleur différente par rapport à eux, éthérée, toujours la tête dans les étoiles.

Ce qui persiste de Jeanne, donc, c’est qu’elle n’avait rien d’extraordinaire. Et que pourtant elle disait non. C’est dans ce sens également que, selon Badiou, la « vulnérabilité » de Jeanne, sa « faiblesse », est « identique à son armure » (Badiou, 1997, p. 28) : elle est forte de tous les faibles, de tous les vulnérables qui sont comme elle, et qui pourraient s’engouffrer dans la brèche que constitue la mémoire de son exemple ; elle a derrière elle l’ombre de tous les gens ordinaires, de tous ceux dont on se moque. Tout ceux dont l’échec est annoncé, ceux à qui on a bien pris garde de ne laisser aucune chance.

Jeanne, doucement. – Je ne m’en dédirai jamais.

L’inquisiteur répète, tordu de haine. – « Pour ce qui est de ce que j’ai fait, je ne m’en dédirai jamais !... » Les entendez-vous les mots, qu’ils ont tous dits sur les bûchers, les échafauds, au fond des chambres de torture, chaque fois que nous avons pu nous saisir d’eux ? Les mots qu’ils rediront encore dans des siècles, avec la même impudence, car la chasse à l’homme ne sera jamais fermée… Si puissants que nous devenions un jour, sous une forme ou sous une autre, si lourde que se fasse l’Idée sur le monde, si dures, si précises, si subtiles que soient notre organisation et sa police ; il y aura toujours un homme à chasser quelque part qui lui aura échappé, qu’on prendra enfin, qu’on tuera et qui humiliera encore une fois l’Idée au comble de sa puissance, simplement parce qu’il dira « non » sans baisser les yeux (Anouilh, 1960, pp. 101-102)

Elle sera donc en réalité condamnée non pas en tant que coupable, mais en tant que possibilité vastissime. De tant de choses, pas tout à fait contrôlables, imprévisibles, nées d’un simple refus initial, de soumission.

C’est la raison pour laquelle Rossellini nous montre une Jeanne initialement dénuée du filtre accusatoire dont l’a par la suite affublée son procès, ignare de tout, dans l’instant pur, la ramenant ainsi à sa matérialité de femme, à sa beauté nue, sa chair, sa douceur : de fait, c’est ce dénuement lumineux qui donnera au film son timbre et son sens. Rossellini restitue Jeanne à sa créaturalité, elle redevient forme de vie mouvante, non déterminée, humaine, animale. Un corps qui vit6. On a à ce sujet pu reprocher à Rossellini d’adopter « une esthétique du merveilleux » qui « a indéniablement empêché ce film d’atteindre au sacré religieux » (Estève, 1962, p. 67), mais c’est précisément parce qu’il visait autre chose7 : une Jeanne à la fois néoréaliste et cosmique, qui pour finir s’élance dans les étoiles8.

Les êtres ne cessent atomes de mourir tout le temps qu’ils vivent.
Marc Graciano

Bibliographie

Anouilh, J., 2020 [1960], L’alouette, in Pièces costumées, Paris, Éditions de la Table Ronde, coll. « La petite Vermillon », pp. 7-131.

Badiou, A., 1997, L’insoumission de Jeanne, in « Esprit », n° 238 (12), pp. 26-33.

Beylie, C., 1962, Défense de Jeanne au bûcher ou la sérénité des abîmes, in « Études cinématographiques », n° 18-19, « Jeanne d’Arc à l’écran », pp. 72-78.

Bresson, R., Guitton, J., 1962, Entretien, in « Études cinématographiques », n° 18-19, « Jeanne d’Arc à l’écran », pp. 85-97.

Champion, P., 1976, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc. Texte, traduction et notes (1920-1921), 2 vol., Paris, Honoré Champion, réédité par Slatkine Reprints.

Chantre, B., 1997, Les trois Jeanne d’Arc. Nationale, révolutionnaire et chrétienne, in « Esprit », n° 238 (12), pp. 11-16.

Claudel, P., Honegger, A., 1939, Jeanne d’Arc au bûcher, Paris, Gallimard.

Deleuze, G., 1985, Cinéma 2 - L’image-temps, Paris, Minuit.

Dumont, H., 2012, Jeanne d’Arc, de l’histoire à l’écran, Paris, Éditions Favre, Lausanne, Cinémathèque suisse.

Estève, M., 1962, Jeanne au bûcher, de Rossellini : les séductions de l’oratorio filmé ou le merveilleux contre le surnaturel, in « Études cinématographiques », n° 18-19, « Jeanne d’Arc à l’écran », pp. 65-71.

Gauvard, C., 2022, Jeanne d’Arc. Héroïne diffamée et martyre, Paris, Gallimard, coll. « Esprits du monde ».

Graciano, M., 2022, Johanne, Paris, Le Tripode.

Guillemin, H., 1970, L’énigme Jeanne d’Arc, vidéo conférence en 13 parties, les archives de la RTS, url : https://www.youtube.com/watch?v=mXjKK9TGeZI

Péguy, C., 1956 [1895, 1897, 1909], Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc, édition établie d’après les manuscrits par Albert Béguin, Paris, Le Club du meilleur livre.

Pernoud, R., 1990, Jeanne d’Arc et la guerre de Cent ans, Paris, Denoël.

Rimbaud, A., 1989 [1873], Une saison en enfer, in Vers nouveaux. Une saison en enfer, Paris, GF-Flammarion.

Schérer, M., Truffaut, F., 1954, Entretien avec Roberto Rossellini, in « Cahiers du cinéma », n° 37, pp. 1-13.

Tournier, M., 1983, Gilles et Jeanne, Paris, Gallimard, coll. « Folio ».

Weil, S., 2021 [1949], L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, Paris, Payot.

Notes

1 Le film de Rossellini a été tourné au Théâtre San Carlo de Naples, d’après l’oratorio dramatique Jeanne d’Arc au bûcher, écrit par Paul Claudel sur une musique d’Arthur Honegger et représenté pour la première fois en 1938. Claudel participa à l’élaboration des dialogues du film. Rossellini avait précédemment mis en scène l’oratorio avec Ingrid Bergman à Naples en 1954, ainsi qu’à la Scala de Milan en 1954. Retour au texte

2 L’historien Henri Guillemin affirme que, parmi ceux qui ont tenté de récupérer et d’exploiter l’image de Jeanne d’Arc, certains ont voulu en faire, à tout prix, une rebelle, un modèle d’insurrection : or Jeanne d’Arc n’a jamais eu l’intention de renverser le pouvoir, au contraire ; elle était soumise au roi, Charles VII, soumise à l’Église. Dévouée, soumise, fidèle, sans doute fut-elle redoutée pour cette raison même : Jeanne d’Arc ne se déplaçait pas à l’extérieur, mais à l’intérieur du pouvoir. Simone Weil va dans le même sens lorsqu’elle affirme que Jeanne d’Arc était un exemple de pureté, à opposer à tout exemple de volonté de grandeur ou de conquête (Weil, 2021, éd. or. 1949). Retour au texte

3 Panfilov aura tout au long de sa vie le projet de consacrer à Jeanne d’Arc un film, qu’il ne parviendra jamais à réaliser. Après une première proposition dans les années 1960 non autorisée par la censure, il contourne l’interdiction en insérant des scènes du film qu’il voulait faire dans un autre film, Le Début (1970) : son héroïne est une ouvrière qui rêve de devenir actrice et qui se voit proposer le rôle de Jeanne au cinéma. Il s’agit de devenir célèbre en interprétant, en devenant Jeanne d’Arc. Panfilov insérera donc sa Jeanne, il la cachera, dans un autre film, en alternant des scènes du film d’époque dont il rêvait et des scènes contemporaines sur la vie de la jeune fille, une ouvrière des années 1970. Comme dans Vivre sa vie de Godard (1962), et certainement même dans le prolongement et en dialogue avec ce film, il y aura une reconnaissance, un jeu de miroirs entre les deux héroïnes, entre l’actrice et Jeanne d’Arc. L’ouvrière dira : « Jeanne et moi, c’est la même chose : nous sommes des filles du peuple ». Retour au texte

4 Rossellini et Claudel reprennent comme nombre d’autres la véritable histoire du procès de Jeanne, qui dut se justifier face aux jurés d’avoir dansé autour d’un arbre selon des coutumes païennes, ce qui lui vaudra d’être accusée de sorcellerie : « Ne sait si elle a dansé près de l’arbre depuis qu’elle eut entendement ; mais parfois elle peut bien avoir dansé avec les enfants : et y avait plus chanté que dansé » (Actes du procès, 1431).  Retour au texte

5 Les actes du procès seront publiés pour la première fois entre 1841 et 1849, par Jules Quicherat. Retour au texte

6 « Nous devons croire au corps, mais comme au germe de vie, à la graine qui fait éclater les pavés, qui s’est conservée, perpétuée dans le saint suaire ou les bandelettes de la momie » (Deleuze, 1985, p. 225). Retour au texte

7 Le magnifique article de Claude Beylie répondant à Estève explique parfaitement les enjeux des choix de Rossellini : il s’agit selon lui d’une sérénité des abîmes (Beylie, 1962). Retour au texte

8 Rossellini dira du film dans un entretien avec Truffaut et Schérer : « Ce n’est pas du tout du théâtre filmé, c’est du cinéma et je dirais même que c’est du néo réalisme dans le sens où je l’ai toujours tenté » (Schérer, Truffaut, 1954, p. 12). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Melinda Palombi, « « Il y eut une fille appelée Jeanne » », K [En ligne], 11 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 17 février 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/revue-k/633

Auteur

Melinda Palombi

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