Des nouvelles bonnes à oyr : la fonction didactique des Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles

DOI : 10.54563/bdba.815

p. 149-164

Texte

Né en 1471 à Vigneulles, petite localité située près de Metz, Philippe de Vigneulles1 vécut jusqu’au printemps de l’an 1528. Issu d’une famille modeste, il fit fortune grâce à la profession de chaussetier et de marchand de drap. À sa disparition, il comptait parmi les habitants les plus riches de Metz. Malgré une éducation rudimentaire à l’école du village, Philippe ne cessera de cultiver ses dons artistiques et littéraires. Son séjour à Genève et son voyage en Italie (mai 1486 – novembre 1489) contribueront aussi à former son caractère2. Il épouse en 1493 Zabellin, son amie d’enfance, et deviendra le père de nombreux enfants, dont deux seulement lui survivront. D’année en année, il prospère grâce à son métier, devenant en même temps l’un des représentants de la classe bourgeoise de Metz. C’est dans ses Mémoires3 qu’il racontera les événements marquants de son existence, entre autres son célèbre enlèvement et emprisonnement (3 novembre 1490 – 21 décembre 1491)4, ses voyages annuels à la foire du Lendit de Saint-Denis, ses pèlerinages et sa participation aux festivités de la ville de Metz. Une vie somme toute romanesque, qui a été retracée par Michel Caffier dans un roman intitulé La Plume d’Or du Drapier (2005)5.

Philippe de Vigneulles est essentiellement connu en tant qu’historien, grâce à ses Mémoires, qui se présentent à la fois comme une autobiographie et comme une description de la vie de Metz. Le texte s’achève en janvier 1520. Sa Chronique de Metz, de Lorraine et de France6, commence à la création du monde et retrace l’histoire de ces lieux jusqu’en 1525. L’écrivain est également l’auteur de quelques poèmes7, de même que d’une mise en prose de la chanson de geste Garin le Loherain8, achevée selon ses Mémoires en 15159. Enfin, nous le connaissons pour son recueil des Cent Nouvelles Nouvelles10, dont la rédaction s’étend de 1505 à 1515. Dans le prologue, il explique les circonstances l’ayant amené à écrire ses contes :

Je Phelippe dessusnommez a relevez d’une grande maladie que j’eus en l’an mil cingz cens et cinqz et en maniere de passetemps et attendant santé, car de mes membres ne me povoie encor bien aidier pour ouvrer ne besongner, je me mis lors à escrire pluseurs adventures, advenues la pluspart tant à la noble cité de Mets comme ou pays environ […]11.

Dans la partie de ses Mémoires consacrée à l’année 150512, il fait brièvement allusion à sa convalescence, sans évoquer toutefois la rédaction de ses nouvelles. Par contre, dans la partie du texte ayant trait à l’an 1515, on rencontre la note suivante :

Compousai ung livre contenant cent nouwelles ou contes joieulx, lesquels furent faits et achevis en cest esté en l’an dessus dit en la fourme et maniere comme veoir les pourrez13.

De même, dans sa Chronique, après avoir évoqué sa mise en prose de Garin le Loherain, Philippe ajoute, pour ce qui est de l’an 1515 :

Pareillement, en la meisme année fis et composa [sic] ung aultre livre contenant cenc novelles ou contes joieulx14.

Si Philippe affirme avoir terminé la rédaction de ses nouvelles en 1515, nous savons cependant qu’il a continué à y travailler après cette date, rajoutant dix nouvelles au nombre initialement prévu15. Le manuscrit autographe ayant disparu, il ne reste aujourd’hui qu’une copie du recueil, mais qui contient des corrections effectuées par l’auteur, ainsi que quelques dessins à la plume, qu’on croit avoir été exécutés par lui. La nouvelle 110, qui est la seule survivante des dix récits supplémentaires, est de la main de Philippe. Ce manuscrit se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque municipale de Metz16.

Dans le prologue du recueil, Philippe de Vigneulles se présente comme un écrivain amateur, ayant rassemblé des histoires en maniere de passetemps et en attendant santé17, des histoires selon lui « advenues la pluspart tant à la noble cité de Mets comme au pays environ, comme moy mesme en a sceu et veu la plus grant partie ou du moins je les ouy dire et racompter à gens digne de foy et de creance »18. Même si la plupart de ses contes reprennent le « matériel roulant »19 de la littérature narrative, l’écrivain se définit comme un témoin, rapportant des adventures20 qu’il aurait vues ou entendues. Il rattache de la sorte son activité de nouvelliste à ses entreprises de chroniqueur et de mémorialiste. Vers la fin du prologue, il rappelle qu’il a aussi le projet de « monstrer que, se les adventures qui se font en divers lieux et que journellement adviennent venoient à la cognoissance d’aucun bon facteur, ilz en pourroient faire et composer ung livre aussi bon que ceulx qui ont esté faict devant »21. Philippe perpétue la tradition des recueils de récits brefs, se posant en imitateur des Cent Nouvelles nouvelles bourguignonnes, et il se veut aussi, en toute modestie, un modèle pour les écrivains à venir.

Toujours dans le prologue, après avoir évoqué son modèle, les Cent Nouvelles nouvelles du xve siècle22, œuvre qu’on ne […] doit pas croire, selon beaucop de simples gens23, l’écrivain commente :

[…] À quoy je respons et dis qu’on peut croire que possible est esté advenus. Et peut on croire toutes choses qui ne sont contraires à Dieu ne à sa loy, non pas, comme j’ay dit devant, pour en user mal, mais affin d’en retenir le bien, se aucun en y a, et fuyr et eviter le mal et le dangier et se garder d’encheoir en pareille inconvenient24.

D’emblée l’auteur insiste sur la visée didactique, voire moralisante de son entreprise. Le prologue s’achève sur une invocation du même type :

Sy prie et supplye à tous ceulx et celles qui les [nouvelles] liront et orront qu’ilz preignent le bien qu’ilz y verront et fuyent le mal qu’ilz y trouveront25.

Philippe semble ici faire appel à la responsabilité du lecteur ou de l’auditeur. C’est à ce dernier qu’il incombe de discerner le bien et le mal et d’agir en conséquence. S’il se démarque du prologue des Cent Nouvelles nouvelles bourguignonnes26, où l’auteur anonyme n’évoque jamais une quelconque intention morale ou didactique, le prologue de Philippe se situe dans la lignée de ceux de recueils antérieurs l’ayant certainement inspiré. Grâce à ses mémoires, on sait en effet que l’écrivain a rapporté de son voyage en Italie des livres écrits en italien27, ouvrages dont il ne donne malheureusement pas les titres. Parmi ces livres, se trouvait très probablement le Décaméron de Boccace, qu’il évoque à deux reprises dans son recueil28. Or, le prologue de cette œuvre révèle la visée didactique de l’auteur florentin :

Dans ces nouvelles, on verra d’agréables et de cruelles aventures amoureuses et d’autres événements de fortune, advenus aussi bien dans les temps modernes que dans les temps anciens. Les susdites dames qui les liront pourront à la fois se complaire aux choses divertissantes qui y sont montrées et en prendre d’utiles conseils, dans la mesure où elles pourront y reconnaître ce qui est à fuir et ce qui est à imiter […]29.

Dans la traduction du texte par Laurent de Premierfait (1411-1414), on trouve dans le prologue du translateur, qui précède celui de Boccace, les propos suivants :

L’escouteur ou liseur qui longuement et meurement advisera le compte de chascune nouvelle, il trouvera es histoires racomptees plus profit que delict, car illec sont tous vices morsillez et reprins et les vertus et bonnes meurs y sont admonnestees et loees en autant et plus de manieres comme est le nombre des nouvelles30.

On remarque aussi qu’à la fin de son prologue, Laurent de Premierfait évoque le texte de Boccace sous l’appellation Livre des Cent Nouvelles morales et joieuses31. Philippe de Vigneulles pouvait très bien avoir connu ces deux textes et s’en inspirer lors de la rédaction de son prologue.

Certes, la tonalité didactique de ces prologues n’est qu’une manière conventionnelle de justifier la présence des histoires les plus scabreuses32. Toutefois, Philippe manifeste clairement la ferme intention de conférer à ses récits une certaine utilité pour celui qui les lit ou les entend. Cette idée résonne à travers le recueil. Ainsi, au début de la nouvelle 53, l’auteur évoque pluseurs tromperies et finesses, rappelant qu’« à present s’en font tousjours des nouvelles qui sont aucunes fois bonnes à oyr pour advertir ceulx qui rien n’en sceivent et pour les garder du dangier »33. De même, au début de la nouvelle 28, il remet son entreprise entre les mains de Dieu, affirmant qu’il écrit dans le but « de passer temps et pour eviter oisiveté, aussi affin que, s’il y a aucune tromperie ou finesse faicte, tant en luxure comme aultrement, que l’on s’en puisse garder, et non pas pour en user en mal »34. Dans la nouvelle 98, il rappelle que, dans les récits précédents, il a rapporté « pluseurs bonnes adventures et dignes de memoire ; les unes ont estez au proufict de aulcuns, les aultres à leurs dommages et deshonneur ; et aultres n’y ont eu proffict ne dommaige »35. Dans ces extraits, Philippe affirme son désir de montrer le bien comme le mal, afin que les situations décrites servent de leçons aux destinataires de son livre. De ce fait, il trahit une intention clairement didactique, une volonté d’exemplification.

De manière générale, l’écrivain se plaît manifestement à assortir ses histoires de commentaires à visée didactique. Il conclut très souvent ses nouvelles par une leçon. Ainsi, la nouvelle 28, qui décrit la sottise d’un fils gâté par son père et manquant singulièrement d’instruction, s’achève sur la remarque suivante :

Et ainsi doncques, se vous voullés avoir des enfans plaisant et saiges, faictes les apprendre en leur jeunesse, ou aultrement ne vauldront rien, comme icy avés ouy par nostre nouveau marchans de trippes36.

En effet, alors que le père décide de faire de son fils un marchand, le jeune homme se signale par sa grande ignorance : appliquant à la lettre les conseils de son père, qui lui recommande d’acheter à Paris la marchandise qui semble attirer le plus de monde, il achète quantité de tripes, qu’il achemine ensuite vers Metz. Heureux de voir que son fils a rapporté de la marchandise, le père déchante lorsqu’il découvre les tonneaux remplis de tripes en décomposition. La leçon proposée par Philippe met en avant la nécessité d’éduquer ses enfants afin qu’ils sachent ensuite gagner leur vie. Cependant, au cœur même du récit, après avoir insisté sur le manque d’éducation du fils, l’écrivain commente :

[…] Communement il n’y a enfans gasté ny amignoté que de pouvres gens quand il viengnent à quelque peu de richesse, et leur semble que le roy garde leurs oyes37.

Un peu plus haut dans le texte, Philippe note que le fils était, aux yeux de son père, comme ung dieu assis sur ung paelle38. En somme, la nouvelle met en garde le lecteur contre le danger non seulement de négliger l’éducation de ses enfants, mais aussi de les gâter avec excès. Philippe précise toutefois que cette situation est caractéristique des gens d’origine modeste ayant réussi à s’enrichir.

Il arrive dans certains cas que l’enseignement final réponde à des idées formulées dès le début du récit. C’est le cas par exemple dans la nouvelle 97, qui dénonce, dès les premières lignes, le pechiez de murmure39, que Philippe décrit de la manière suivante :

Aujourd’huy l’ung ne sceit dire bien de l’autre ne ne veult ; le voisin ou la voisine ne peut ouyr bien dire de son voisin ou prochain40.

Il illustre ces propos par l’exemple d’un vieillard et de son fils qui voyagent avec un âne. Lorsque le père fait monter son fils sur l’animal, les passants s’offusquent de le voir à pied, et reprochent au fils de ne pas laisser la place à son père. Honteux, le fils descend, et cède la place au vieillard. Un peu plus loin sur la route, ils sont sujets à de nouvelles critiques, visant le père qui laisse son fils aller à pied. Pensant satisfaire tout le monde, ils décident de marcher tous les deux aux côtés de l’âne, ce qui leur vaut, une fois encore, une pluie de critiques. Le vieillard propose donc à son enfant d’adopter la dernière solution possible : ils portent l’animal, suscitant de la sorte les moqueries des passants. La nouvelle s’achève sur la leçon suivante :

[…] C’est chose impossible de soy bien gouverner en ce monde icy et estre en la grace de chascun, car le peuple d’aujourd’huy est plus enclin à mal parler que à bien dire41.

Présent dans de nombreux recueils d’exempla de même que dans les Contes moralisés de Nicole Bozon et les Facéties du Pogge42, le récit, qui dénonce un des maux de la société de l’époque, trahit une réelle volonté didactique de la part de Philippe de Vigneulles. Dans ce sens, l’écrivain se distingue nettement de l’auteur des Cent Nouvelles nouvelles bourguignonnes. En effet, dans ce dernier recueil, aucun récit n’atteint une telle dimension didactique, même si de nombreux enseignements sous-jacents parsèment les nouvelles43.

Parfois, la leçon finale peut prendre la forme d’un proverbe ou d’un dicton44, ce qui permet à Philippe d’ancrer l’enseignement dans la sagesse ancestrale45. De ce point de vue, l’écrivain perpétue la tradition médiévale, se rapprochant ainsi des auteurs de fabliaux, qui recouraient fréquemment aux proverbes pour souligner la portée morale de leurs récits46. Les prédicateurs utilisaient aussi ce type de formules, qui pouvaient servir de point de départ à leurs sermons47. La nouvelle 32 raconte comment un moine, en tentant d’empêcher un larron de lui voler un des morceaux de tissu qu’il possède, l’encourage en fin de compte à lui voler l’ensemble du tissu. En effet, quand le religieux l’avertit qu’il devra payer pour son crime lors du Jugement dernier, le voleur réplique :

Et par l’ame de mon pere ! […] doncques j’aurez tout ton drapz puis que j’ay terme de paier jusques à ce jour, car le terme et la creance vault l’argent48.

Le larron emporte donc l’ensemble du tissu. Le récit s’achève sur une leçon, composée d’un dicton suivi d’une note explicative soulignant le lien entre la formule en question et la narration :

Pour tant dist on toujours que tel a perdus que, pour recouvrer sa perde, pert encor plus. Ainsi avez ouy comment le moinne, pour cuider recouvrer son premier drap, perdit encore l’autre piece par ce qu’il luy donnoit long terme de paier49.

Il en va de même dans la nouvelle 36, qui rapporte le tour joué par une bande de joyeux frères mendiants à un notaire qui l’a emporté sur eux lors d’un jeu de cartes. En attendant de le payer, les camarades lui laissent un gage, soi-disant des reliques de saint Adrien, en réalité un simple soufflet. Le récit a pour conclusion la formule suivante :

Et ainsi avés ouy qu’il n’y a si fin que aussi fin ne soit50.

Pareillement, l’histoire du maraîcher avare (nouvelle 52) qui rechigne à obéir à une coutume locale, à savoir celle de partager la viande de son porc avec ses voisins les plus proches, et qui sera la victime d’un tour le dépossédant de son cochon, se conclut par un dicton, lui-même inséré dans un huitain :

Et pour ce, dit on communement
Que plus despent eschars que large
.
Chascuns en face comme il l’entend.
Il n’est pas bon d’estre fol large,
Car bien souvent, quelque loing qu’il tairge,
On s’en repent tout à ung coup.
Pour ce, prenez escus ou tairge :
La bride vous mes dessus le col51.

Ces quelques vers mettent le lecteur en garde contre les dangers de l’avarice, mais aussi contre ceux de l’argent en général, voire contre ceux de la largesse. Pareillement, la nouvelle 85, où il est question d’une dame qui choisit pour amant le fou de son mari, s’achève sur le proverbe il ne fait pas bon faire ou dire choses secrettes à fol, yvrongne ne enfans52. En effet, le fou ne manque pas de révéler involontairement toute l’affaire à son maître. La même formule apparaît aussi à la fin de la nouvelle 9353.

Les nouvelles 64 et 65 sont l’une comme l’autre la mise en action du proverbe trop grater cuit et trop parler nuyt. Dans le premier récit, c’est le proverbe qui sert d’incipit :

On dit ung commun proverbe qui est vray et approuvez, c’est que trop grater cuit et trop parler nuyt54.

Philippe de Vigneulles fait immédiatement le lien avec l’histoire à suivre :

Je dis cecy au propos d’une jeune dame de la duché de Lorraine laquelle, en racomptant une nouvelle, vint à deceler son piteux cas, lequel pour rien ne vosist avoir dit. Mais par mal adviser à ces parolles, elle dit ung mot qu’elle eust vossu avoir rachetez de L escus d’or et qu’elle ne l’eust pas dit55.

L’écrivain poursuit, à l’aide de deux autres formules issues de la sagesse populaire :

Et pour ce, dit on que les dentz sont bons devant la langue et que on doit premier trois fois penser la chose avant que la dire ou aultrement bien souvent on s’en repent56.

La jeune femme en question, qui raconte comment une épouse est surprise par son mari en galante compagnie, révèle involontairement qu’il s’agit de sa propre histoire, en commettant un lapsus où elle use du pronom « je ». La nouvelle s’achève sur le rappel du proverbe :

Et ainsi doncques est bien vray ce proverbe mis à l’encommencement que trop grater cuit et trop parler nuyst57.

Quant à la nouvelle 65, qui rapporte le discours adressé par une mère à sa fille coupable de mœurs légères avant son mariage, discours entendu par le père et son gendre, elle se termine par ce même proverbe :

Pour ce, est vray se que l’on dit, c’est que trop grater cuyt et trop parler nuyct, comme cy devant est dit58.

De fait, alors que le gendre se plaint d’avoir épousé à son insu une femme qui est bien loin d’être vertueuse, le père apprend en écoutant la conversation des deux femmes que son épouse non plus n’était pas vierge lors de son mariage, mais qu’elle a soigneusement dissimulé le fait.

Au cœur des nouvelles, on trouve également des leçons de sagesse et des constats sur la vie et les gens en général. Certaines réflexions au sujet des femmes, qui ressemblent à autant de mises en garde à l’intention des hommes, prêtent à sourire. Ainsi, dans la nouvelle 21, l’écrivain affirme qu’« il vauldroit mieulx estre entre les mains des deables que entre les mains des femmes quant elles sont courroucées et elles ont puissances sur l’homme »59. Il s’agit ici des pensées d’un galant en butte à la colère de ses anciennes maîtresses. Dans la nouvelle 62, il est dit que les femmes, de nature inconstante, sont peu enclines à respecter leurs vœux et promesses, témoin « beaucop de folles femmes que, pour avoir seullement ung peu mal on ventre ou pour ung rien, font ung veu d’aller à Sainct Trotin en tel pelerinaige ou en telz lieu, et puis, quant elles sont regueries, ne leurs en souvient plus »60. En outre, selon la nouvelle 83, nombreux sont les exemples consignés par écrit de femmes du temps passé qui faisoient bien le contraire de ce qu’elles disoient61. De plus, d’après Philippe, l’épouse de la nouvelle 85, qui, face à la colère de son mari, sait très bien s’excuser et pleurer, est représentative de la gent féminine en général. La remarque de l’écrivain, comme chascun sceit que femmes sceivent faire62, confirme cette idée. Il est également conseillé aux hommes de ne pas se montrer trop honnêtes avec leurs épouses, témoin le mari qui, croyant bientôt mourir, confesse à sa femme ses aventures extraconjugales mais se voit refuser l’absolution. Philippe conclut :

Et pour tant, entre vous qui ceste hystoire oyés, confessés vous à voz femmes, mais non pas de telles choses63.

D’autres réflexions prennent un tour plus grave, et relèvent de constats faits par l’écrivain sur les maux de son siècle. Ainsi, le père de la nouvelle 28 s’adresse à son fils de la manière qui suit :

Aujourd’huy l’on trouve tant de tromperie parmey le monde, et se tu n’es sur ta garde, tu y seroie tantost deceu. […] Si te vueil je enseigner affin que tu ne soies trompez ne deceu64.

Ces paroles semblent trouver un écho dans la nouvelle 78, où il est dit que le monde est aujourd’huy mauvais et envieulx65. La 84e nouvelle s’ouvre sur une réflexion à propos de l’injustice régnant dans le monde :

Moult de pouvres gens et ygnorantes personnes sont desfaiz par justice en divers lieux parmey le monde à tort et sans cause et portent la peine des mauvais, lesquelx eschapent, les ungs par leurs finesses et les autres par argent, et les pouvres ygnorans sont mis à mort et destruis aucunesfois par force de gehynes ou par faulte de juge et aucunesfois par leurs ygnorances et qu’ilz ne se scevent excuser66.

La nouvelle 97 fait, quant à elle, l’objet d’une ouverture des plus pessimiste :

Se n’est pas de merveille se moult de maulx et grans inconveniens viennent aujourd’huy sur la terre, […] pour les grands et enormes pechez que journellement se font67.

Enfin, l’écrivain parsème ses récits de références à Dieu et à Fortune, rappelant de la sorte que ces deux puissances ont tout pouvoir sur l’existence humaine. Par exemple, la nouvelle 15 se conclut par le dicton Homme propose et Dieu en dispose68, de même que la nouvelle 84 rappelle qu’à qui Dieu vuelt aidier, nulz hommes ne le pevent nuyre69. Philippe remarque aussi que, pour l’homme coupable, il n’existe que deux solutions, se repentir ou persévérer dans sa perfidie. Comme le dit le prêtre de la nouvelle 42, il fault ou rendre ou pendre, ou la mercy de Dieu ou le few d’enfer attendre70. Dans le premier cas, le pécheur peut au moins espérer la miséricorde divine. Enfin, la nouvelle 72 décrit comment, par miracle de Dieu71, la ville de Metz ne tomba pas aux mains du duc de Lorraine lors d’une attaque armée.

Tout comme Dieu, Fortune72 gouverne le cours de la vie humaine. Dans les nouvelles 47 et 48, il est rappelé qu’elle guerroie tousjours aux vrays ou aux powre amoureus73, tournant en ridicule les galants lors de leurs rendez-vous avec leurs dames. C’est ainsi que l’amoureux de la nouvelle 47 se retrouve, lors d’un rendez-vous dans une grange, emporté sur le dos d’un pourceau74. Celui de la nouvelle suivante apporte en cadeau un pâté à sa dame, mets qui renferme un estron75 involontairement ramassé par l’autre galant qui l’accompagne. Lorsqu’elle goûte le pâté, la dame chasse les deux hommes de son logis. La nouvelle 57 décrit les malheurs d’un savetier :

Fortune luy estoit sy contraire que, pour peine qu’il print ne pour coucher tart ne lever matin, il ne pouvoit venir de pain à aultre, dont il estoit en grant melencolie76.

Par un nouveau coup de fortune77, il s’improvise devin et s’enrichit considérablement. Le récit s’achève sur le commentaire suivant :

Avés ouy la bonne adventure de nostre savetier et comment fortune luy fut favorisable78.

Il est à noter que les adventures arrivent très souvent aux personnages par l’intermédiaire de la fortune. C’est le cas dans la nouvelle 98, où les personnages évoquent la belle adventure que Dieu et Dame Fortune nous ont aujourd’huy envoiée79. Ici, Dieu et l’allégorie Dame Fortune sont mis sur le même plan, unissant leurs efforts pour procurer l’adventure aux protagonistes. Le début de la nouvelle 96 rapporte également comment il advint […] une bonne adventure à deux Piedz Deschault de l’observance selon la fortune80. Enfin la nouvelle 58 compte parmi ses personnages un certain Jehan Wassel qui, par coup de fortune et par maladie […] avoit perdus ung œil et estoit borgne81. Selon Philippe, qu’il soit soumis à l’intervention divine ou aux caprices de la fortune, le destin de l’être humain échappe à tout contrôle.

Ainsi, à travers ses nouvelles, le drapier messin promène un regard parfois moralisateur sur les différentes situations auxquelles sont confrontés ses personnages et qui sont l’occasion de délivrer de véritables enseignements au lecteur ou à l’auditeur. La majorité des anecdotes, qu’elles soient de nature comique ou grave, se prêtent aisément à cette lecture didactique du recueil. Même si Philippe de Vigneulles ne s’accorde pas souvent le droit de porter un jugement franc sur ce qu’il raconte, les constats qu’il fait sur les travers comme sur les vertus de ses contemporains sont autant de leçons permettant de fournir au destinataire des modèles ou des contre-exemples. Le recours fréquent aux formules issues de la sagesse populaire, qui permettent de convaincre plus facilement le lecteur médiéval, habitué à ce type de discours, nous rappelle que les nouvelles font partie du patrimoine littéraire oral. À l’image du prédicateur, qui se sert d’exempla pour instruire les fidèles, Philippe raconte des histoires amusantes certes, mais qui peuvent également servir d’enseignement. Le mélange savant de comique et de moralité, déjà traité par Armine Kotin82, est l’un des ingrédients clés de l’originalité de l’œuvre. En effet, les nouvelles de Philippe de Vigneulles se distinguent fortement du recueil bourguignon érigé en modèle dans le prologue. Alors que les récits anonymes contiennent de nombreux thèmes semblables, l’auteur ne les traite pas de la même manière que Philippe. Le didactisme des Cent Nouvelles nouvelles du xve siècle existe bien, mais de manière sous-jacente. L’auteur se laisse rarement aller à des commentaires moraux. Au contraire, Philippe de Vigneulles affirme dès le prologue son intention didactique et tient parole dans la suite de son recueil. Ses nombreuses interventions révèlent une personnalité profondément humaine, qui observe avec bienveillance et philosophie les mœurs de son époque. Dans son œuvre, située à la charnière du Moyen Âge et de la Renaissance, il s’inspire de la tradition narrative antérieure, tout en proposant une réflexion sur le monde. Le recueil du drapier messin prépare ainsi le terrain à l’Heptaméron83, où Marguerite de Navarre saura concilier à la perfection la narration d’histoires plaisantes et un discours moralisateur.

Notes

1 Cf. entre autres Ch. Cailly, Le Bourgeois de Metz au quinzième siècle : Philippe de Vigneulles, Metz, Librairie de l’Académie Impériale, 1867. Retour au texte

2 Cf. G. Gros, « Cognoistre et apprendre : le voyage en Italie de Philippe (Philippe de Vigneulles, Gedenkbuch, p. 12-34) ou le mémorial de la chose vue », Nouvelle Revue du Seizième Siècle, 22/2, 2004, p. 5-22. Retour au texte

3 Gedenkbuch des Metzer Bürgers Philippe von Vigneulles, H. Michelant (éd.), Amsterdam, Rodopi, 1968 (éd. orig. Stuttgart, 1852). Cf. le compte rendu de J. Quicherat, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, 14, 1853, p. 399-402. Retour au texte

4 Cf. P. Demarolle, « Autour de la captivité de Philippe de Vigneulles au château de Chauvency (1490-1491) », Le Château à la croisée des voies, à la croisée des temps. Actes du colloque des 16, 17 et 18 juin 2000, J.-M. Pastré (dir.), Rouen, Publications de l’Université de Rouen, 2001, p. 179-189 ; Ph. Contamine, « Le jeune fils et les mauvais garçons : l’enlèvement de Philippe de Vigneulles (3 novembre 1490 – 21 décembre 1491) », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 19, 2010, p. 351-362 ; C. Jones, « La captivité de Philippe de Vigneulles. Discours juridiques, discours littéraires », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 19, 2010, p. 363-384. Retour au texte

5 M. Caffier, La Plume d’Or du Drapier, Paris, Presses de la Cité, 2005 (rééd. Paris, Pocket, 2010). Retour au texte

6 La Chronique de Philippe de Vigneulles, éd. Ch. Bruneau, Metz, Société d’Histoire et d’Archéologie de la Lorraine, 4 vol, 1927-1933. Cf. P. Demarolle, La Chronique de Philippe de Vigneulles et la mémoire de Metz, Caen, Paradigme, 1993 (Medievalia) ; P. Demarolle, « À propos d’annotations de Philippe de Vigneulles : comment travaillait le chroniqueur messin », Cahiers Lorrains, 1, 1989, p. 3-10 ; P. Demarolle, « Philippe de Vigneulles chroniqueur : une manière d’écrire l’histoire », Revue des langues romanes. Écrire l’histoire à la fin du Moyen Âge, 97/1, 1993, p. 57-73 ; P. Demarolle, « La Chronique de Philippe de Vigneulles : une écriture émancipée ? », Écrire l’histoire à Metz au Moyen Âge. Actes du colloque organisé par l’Université Paul Verlaine de Metz, 23-24 avril 2009, M. Chazan et G. Nauroy (dirs), Bern, Peter Lang, 2011 (Recherches en littérature et spiritualité, 20), p. 241-250 ; S. Guilbert, « Temps et saisons dans la Chronique de Philippe de Vigneulles », Le temps et la durée dans la littérature au Moyen Âge et à la Renaissance, Y. Bellenger (dir.), Paris, Nizet, 1986, p. 125-138 ; M. Hasselmann, Le vocabulaire des réalités messines dans la « Chronique » de Philippe de Vigneulles (fin xve-début xvie siècle), Nancy, 1982, Thèse de doctorat d’État, Université de Nancy 2, 1984, 2 vol. Retour au texte

7 Cf. V.-L. Saulnier, « Philippe de Vigneulles rimeur de fêtes, de saints et de prisons (avec ses poésies inédites, 1491) », Mélanges d’histoire littéraire, de linguistique et de philologie romanes offerts à Charles Rostaing, Liège, Association des Romanistes de l’Université de Liège, 1974, p. 965-991. Retour au texte

8 La Chanson de geste de Garin le Loherain mise en prose par Philippe de Vigneulles de Metz, Table des chapitres avec les reproductions des miniatures d’après le manuscrit de la chanson appartenant à M. le Comte d’Hunolstein, Paris, Librairie Henri Leclerc, 1901 ; Yonnet de Metz. Mise en prose de Philippe de Vigneulles (1515-1528) d’après le manuscrit h, avec en regard la version remaniée en vers du manuscrit N (Arsenal 3143 – xive siècle), J.-Ch. Herbin (éd.), Paris, S.A.T.F., 2011. Sur ce texte, cf. C. M. Jones, Philippe de Vigneulles and the Art of Prose Translation, Cambridge, D.S. Brewer, 2008 (Gallica) ; P. Demarolle, « De la narratologie à la syntaxe : les titres des chapitres de la mise en prose de Garin Le Lorrain par Philippe de Vigneulles », Rhétorique et mise en prose au xve siècle. Actes du VIe Colloque International sur le Moyen Français, Milan, 4-6 mai 1988, S. Cigada et A. Slerca (dirs), Milan, Vita e pensiero, 1991, 2 vol., t. 2, p. 245-255 ; J.-Ch. Herbin, « Approches de la mise en prose de la Geste des Loherains par Philippe de Vigneulles », Romania, 113, 1992-1995, p. 466-504 ; id., « La translation en prouse de la Geste des Loherains par Philippe de Vigneulles : une (re)trouvaille », Romania, 109, 1988, p. 562-565 ; id., « Notice du manuscrit H de la Prose des Loherains par Philippe de Vigneulles », Romania, 117, 1999, p. 218-244 ; id., « Philippe de Vigneulles dans la Prose des Loherains », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 19, 2010, p. 385-419. Retour au texte

9 Gedenkbuch des Metzer Bürgers Philippe von Vigneulles […], p. 283. Retour au texte

10 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles, Ch. Livingston (éd.), Genève, Droz, 1972 (Travaux d’Humanisme et Renaissance, 120). Sur ce recueil, cf. G.-A. Pérouse, Nouvelles françaises du xvie siècle. Images de la vie du temps, Genève, Droz, 1977 (Travaux d’Humanisme et Renaissance, 154), p. 29-68 ; M. J. Baker, « Narrative communication in Philippe de Vigneulles’ Cent Nouvelles Nouvelles », Orbis Litterarum, 53/2, 1998, p. 73-82 ; M. Cavalli, « Boccaccio e Philippe de Vigneulles », La nouvelle française à la Renaissance, L. Sozzi et V. L. Saulnier (dirs), Genève-Paris, Slatkine, 1981, p. 167-170 ; A. Kotin, The Narrative imagination. Comic tales by Philippe de Vigneulles, Lexington, University Press of Kentucky, 1977 ; id., « Le titre des Nouvelles de Philippe de Vigneulles : un éclaircissement », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 39, 1977, p. 91-95 ; N. Labère, « En la fourme et la maniere des Cent nouvelles nouvelles de Philippe de Vigneulles », Le Recueil au Moyen Âge. La fin du Moyen Âge, T. Van Hemelryck et S. Marzano (dirs.), Turnhout, Brepols, 2010 (Texte, Codex et Contexte), p. 155-177 ; A. R. Larsen, « The Claim to Veracity in the Early Sixteenth Century French Nouvelle : Philippe de Vigneulles and Nicolas de Troyes », South Central Bulletin, 40/4, 1980, p. 152-154 ; Ch. Livingston, « Les Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles », Revue du Seizième Siècle, 10, 1923, p. 159-203 ; Ch. Livingston, « Décaméron, VIII, 2 : Earliest French Imitations », Modern Philology, 22, 1924, p. 35-43 ; Ch. Livingston, « Deux historiettes de Philippe de Vigneulles », Mélanges de linguistique et de littérature offerts à M. Alfred Jeanroy par ses élèves et ses amis, Paris, Droz, 1928 (rééd. Genève, Slatkine Reprints, 1972), p. 469-476 ; Ch. Livingston, « Fabliaux dans les nouvelles de Philippe de Vigneulles », Romance Studies in Memory of Edward Billings Ham, U. T. Holmes (dir.), Hayward, Californie, 1967, p. 81-87 ; Ch. Livingston, « Masuccio Salernitano en France en 1515 », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 17, 1955, p. 351-364 ; Ch. Livingston, « Rabelais et deux contes de Philippe de Vigneulles », Mélanges offerts à Abel Lefranc par ses élèves et ses amis, Paris, Droz, 1936, p. 17-25 ; M.-Th. Noiset, « La fonction parodique des Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles », Études françaises, 23/3, 1991, p. 107-118 ; Id., « Les nouvelles populaires de la Renaissance : réalisme de quelle réalité ? », Selected Proceedings of the Thirty-Ninth Annual Mountain Interstate Foreign Language Conference, S. E. Torres et C. S. Kino, Clemson (dirs), Clemson University Press, 1991, p. 145-154. Retour au texte

11 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 57, l. 20-25. Retour au texte

12 Gedenkbuch des Metzer Bürgers Philippe von Vigneulles, […], p. 153. Retour au texte

13 Ibid., p. 283. Retour au texte

14 La Chronique de Philippe de Vigneulles […], t. 4, p. 198. Retour au texte

15 Cf. Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 25. Retour au texte

16 Metz, Bibliothèque municipale, Fonds anciens et précieux, ms. 1562. Pour une description de ce manuscrit : cf. le catalogue en ligne de la bibliothèque en question : http://bm.metz.fr/clientbookline/home.asp. Il est également possible de feuilleter en ligne le volume. Retour au texte

17 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 57, l. 20-21. Retour au texte

18 Ibid., p. 57, l. 24-27. Retour au texte

19 G. Paris, Histoire Littéraire de la France, t. 30, Paris, Imprimerie Nationale, 1888, p. 48. Retour au texte

20 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 57, l. 24. Retour au texte

21 Ibid., p. 58, l. 32-35. Retour au texte

22 Les Cent Nouvelles nouvelles, éd. Fr. P. Sweetser, Genève, Droz, 1996 (éd. orig. 1966) (T.L.F., 127). Retour au texte

23 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 57, l. 11-12. Retour au texte

24 Ibid., p. 57, l. 13-17 Retour au texte

25 Ibid., p. 58, l. 39-40. Retour au texte

26 Les Cent Nouvelles nouvelles, Fr. P. Sweetser (éd.),[…], p. 22. Retour au texte

27 Gedenkbuch des Metzer Bürgers Philippe von Vigneulles […], p. 32. Retour au texte

28 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 38 ; p. 372, l. 136-137. Comme le fait remarquer Charles Livingston, « si Philippe n’a fait au Décaméron que peu d’emprunts directs, il est certain qu’il a connu cette œuvre. Est-ce dans la traduction française ou dans l’original italien ? Certains faits nous portent à croire que c’est dans l’original. Nous avons vu que notre auteur avait séjourné plus de trois ans et demi à Naples et dans l’Italie méridionale. Il apprit très probablement alors l’italien […]. […] Le Décaméron […], le Novellino de Masuccio […], et les Facetiae du Pogge dans une traduction italienne […] pourraient très vraisemblablement, quant à leur date et vu l’intérêt que Philippe portait à la langue italienne, avoir fait partie de son bagage ». Ibid., p. 39. Retour au texte

29 Giovanni Boccace, Décaméron, Ch. Bec (dir.), Paris, Librairie Générale Française, 1994 (« Bibliothèque Classique » 702), p. 33-34 Retour au texte

30 Giovanni Boccace, Décaméron, trad. Laurent de Premierfait, G. Di Stefano (éd.), Montréal, CERES, 1999 (« Bibliothèque du Moyen Français » 3), p. 2. Retour au texte

31 Ibid., p. 6. Retour au texte

32 Comme le souligne très justement Armine Kotin, « the prologue has a blanket justification for all immoral tales : they are examples not to follow, which was an expedient excuse for many a risqué tale in the Middle Ages and in the Renaissance ». A. Kotin, The narrative imagination […], p. 71-72. Retour au texte

33 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 224, l. 1, 3-5. Retour au texte

34 Ibid., p. 136, l. 5-7. Retour au texte

35 Ibid., p. 387, l. 1-4 Retour au texte

36 Ibid., p. 140, l. 159-161. Retour au texte

37 Ibid., p. 137, l. 31-34. Amignoté : dorloté, gâté. L’expression le roy garde ses oyes se « dit de quelqu’un qui se croit très important ». G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français, Montréal, CERES, 1991 (« Bibliothèque du Moyen Français » 1), p. 607. L’auteur renvoie précisément à l’extrait que nous citons. Retour au texte

38 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 137, l. 31. Paelle : trône. Retour au texte

39 Ibid., p. 385, l. 5. Retour au texte

40 Ibid., p. 385, l. 5-7. Retour au texte

41 Ibid., p. 386, l. 70-72. Retour au texte

42 Le Pogge, Facéties. Confabulationes, S. Pittaluga (éd.), É. Wolff (trad.), Paris, Les Belles Lettres, 2005 (Bibliothèque italienne), n°100, p. 59-60 ; Les Contes Moralisés de Nicole Bozon, P. Meyer et L. Toulmin Smith (éds), Paris, Firmin Didot, 1889 (S.A.T.F.), n°132, p. 158-159. Retour au texte

43 Cf. J. Devaux, « Qui est notable et véritable exemple : les Cent Nouvelles nouvelles et le didactisme bourguignon », Autour des Cent Nouvelles nouvelles. Sources et rayonnements, contextes et interprétations. Actes du colloque international organisé à l’Université du Littoral – Côte d’Opale, Dunkerque, 20-21 octobre 2011, J. Devaux et A. Velissariou (dirs), Paris, Champion, à paraître. Retour au texte

44 Cf. J. Woodrow Hassell, « Proverbs and proverbial phrases in the Chronique of Philippe de Vigneulles », Crossroads and perspectives. French literature of the Renaissance. Studies in honour of V. E. Graham, C. M. Grisé et C. D. E. Tolton (dirs), Genève, Droz, 1986 (« Travaux d’Humanisme et Renaissance », 211), p. 135-139. Sur l’utilisation de proverbes en général au Moyen Âge, cf. Richesse du proverbe, Fr. Suard et Cl. Buridant (dirs), Bien dire et bien aprandre, 3, 1984, 2 vol., t. 1 (Le Proverbe au Moyen Âge) ; N. Z. Davis, « Sagesse proverbiale et erreurs populaires », N. Z. Davis, Les Cultures du peuple, Paris, Aubier, 1979 (trad. de l’américain, éd. orig., 1965), p. 366-425 ; M.-Th. Lorcin, Les Recueils de proverbes français (1160-1490). Sagesse des nations et langue de bois, Paris, Champion, 2011 (« Essais sur le Moyen Âge » 50). Cf. aussi, A. Le Roux de Lincy, Le Livre des proverbes français, Paris, Hachette, 1996 (1re éd., Paris, Paulin, 1842, 2 vol.) ; J. Morawski, Proverbes français antérieurs au xve siècle, Paris, Champion, 1925, « C.F.M.A. », 47 ; G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […] ; G. Di Stefano, R. M. Bidler, Toutes les herbes de la Saint-Jean. Les locutions en Moyen Français, Montréal, CERES, 1992 ; J. W. Hassell, Middle French Proverbs : Sentences and Proverbial Phrases, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1982 (Subsidia mediaevalia, 12) ; É. Schulze-Busacker, Proverbes et expressions proverbiales dans la littérature narrative du Moyen Âge français : recueil et analyse, Paris, Champion, 1985, « N.B.M.A. » 9 ; Thesaurus proverbiorum medii aevi, S. Singer (dir.), Berlin, De Gruyter, 1995-2001, 12 vol. Retour au texte

45 Philippe obéit ici à une tradition d’essence populaire. Cf. P. Zumthor, « L’épiphonème proverbial », Revue des Sciences Humaines, 41, 1976, p. 314 ; P. Zumthor, Le Masque et la lumière. La poétique des grands rhétoriqueurs, Paris, Seuil, 1978, « Poétique », p. 152-160. Retour au texte

46 Cf. É. Schulze-Busacker, « Proverbes et expressions proverbiales dans les fabliaux », Marche Romane, 28, 1978, p. 163-174. Retour au texte

47 Cf. Cl. Buridant, « Les proverbes et la prédication au Moyen Âge », Richesse du proverbe […], t. 1, p. 23-54. Sur les exempla, cf. entre autres Le Rire du prédicateur : récits facétieux du Moyen Âge, A. Lecoy de la Marche (trad.), J. Berlioz (éd.), Brepols, Turnhout, 1999 (1re éd., 1992) (Miroirs du Moyen Âge) ; Les Exempla médiévaux : introduction à la recherche, J. Berlioz et M. A. Polo de Beaulieu (dirs), Carcassonne, GARAE – Hésiode, 1992, « Classiques de la littérature orale » ; Les Exempla médiévaux : nouvelles perspectives, J. Berlioz et M. A. Polo de Beaulieu (dirs), Paris, Champion, 1998, « N.B.M.A. », 47. Retour au texte

48 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 154, l. 19-20. Retour au texte

49 Ibid., p. 154, l. 23-25. Nous soulignons. Retour au texte

50 Ibid., p. 168, l. 99-100. Sur cette formule, cf. J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 117, F117. Retour au texte

51 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 223, l. 140-147. Tairgier : se couvrir d’un bouclier, éloigner, retarder. Tairge : pièce de monnaie, écu, bouclier. Fr. Godefroy, Lexique de l’ancien français, J. Bonnard et A. Salmon (éds), Paris, Champion, 2003, « Champion classiques, Références et dictionnaires », 1, p. 502. Charles Livingston note qu’il s’agit certainement ici d’un jeu de mots, escu et tairge faisant référence à la fois à deux sortes de boucliers et à deux pièces de monnaie. Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 46, n. 4. Sur ce proverbe, cf. J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 45, A213. Retour au texte

52 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 336, l. 77-78. Ce proverbe est à rapprocher de l’expression « on doit se garder des fous et des enfants (ivres) ». Cf. J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 123, F165. De même, la formule rappelle le dicton « fous, ivres et enfants disent le vrai ». Ibid., p. 122-123, F164 ; G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 375. Retour au texte

53 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 368, l. 194-195. Retour au texte

54 Ibid., p. 266, l. 1-2. Cf. G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 411 ; J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 129, G53. Retour au texte

55 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 266, l. 2-6. Retour au texte

56 Ibid., p. 266, l. 6-8. Cf. G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 242, 666 ; J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 91, D34 et p. 196, P115. Retour au texte

57 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 268, l. 98-100. Retour au texte

58 Ibid., p. 272, l. 112-113. Retour au texte

59 Ibid., p. 120, l. 31-33. Retour au texte

60 Ibid., p. 260, l. 12-15. Ce pèlerinage relève de la pure fantaisie. Saint Trottin est un saint imaginaire qui « permet aux femmes de satisfaire leur besoin de trotter ». Il s’agit là d’un sens grivois que l’on trouve dans la littérature facétieuse. Aujourd’hui, en Ille et Vilaine, il existe un saint imaginaire du même nom, qui est invoqué par les mères afin de favoriser la marche de leurs enfants. Dans la nouvelle de Philippe, il va de soi que l’évocation du saint répond à une volonté gaillarde. J. E. Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, Paris, Seuil, 2002, p. 312-315, 695. Cf. aussi, G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 784. Retour au texte

61 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 327, l. 17. Retour au texte

62 Ibid., p. 336, l. 71. Retour au texte

63 Ibid., p. 291. Retour au texte

64 Ibid., p. 137, l. 54, 58. Retour au texte

65 Ibid., p. 305, l. 72. Retour au texte

66 Ibid., p. 330, l. 1-6. Gehynes : tortures. Retour au texte

67 Ibid., p. 385, l. 1-2, 5-4. Retour au texte

68 Ibid., p. 95, l. 162. Sur cette formule, cf. G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 438 ; J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 135, H41. Retour au texte

69 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 332, l. 74. Cf. G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 260 ; J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 96, D95. Retour au texte

70 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 201, l. 87. Comme le rappelle Giuseppe Di Stefano, l’expression « rendre ou pendre » constitue une formule juridique souvent employée par les auteurs en raison de la rime qui s’y trouve. G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 665. Cf. aussi, J. W. Hassell, Middle French Proverbs […], p. 215, R24. Retour au texte

71 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 290, l. 47. Retour au texte

72 Sur Fortune à l’époque médiévale, cf. La Fortune : thèmes, représentations, discours, Y. Foehr-Janssens et E. Métry (dirs), Genève, Droz, 2003, « Recherches et rencontres » ; C. Attwood, Fortune la contrefaite. L’envers de l’écriture médiévale, Paris, Champion, 2007 (« Études Christiniennes », 9). Cf. aussi Fl. Buttay-Jutier, Fortuna : usages politiques d’une allégorie morale à la Renaissance, Paris, P.U.P.S., 2008 (« Centre Roland Mousnier », 37). Retour au texte

73 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], n°47, p. 207, l. 30 ; n°48, p. 209, l. 14. Retour au texte

74 Ibid., p. 206-207. Retour au texte

75 Ibid., p. 209, l. 45. Retour au texte

76 Ibid., p. 238, l. 4-7. Venir de pain a aultre : gagner sa vie. G. Di Stefano, Dictionnaire des locutions en moyen français […], p. 630. Retour au texte

77 Philippe de Vigneulles, Les Cent Nouvelles Nouvelles […], p. 239, l. 46. Retour au texte

78 Ibid., p. 241, l. 155-156. Retour au texte

79 Ibid., p. 391, l. 169-170. Retour au texte

80 Ibid., p. 380, l. 3-4. Retour au texte

81 Ibid., p. 243, l. 29-30. Retour au texte

82 A. Kotin, « Le comique et les moralités dans les Nouvelles de Philippe de Vigneulles : leur sens ultime », La Nouvelle française à la Renaissance, L. Sozzi et V. L. Saulnier (dirs), Genève-Paris, Slatkine, 1981, p. 171-182. Cf. aussi, A. R. Larsen, « Comedy and Morality in Philippe de Vigneulles’ Tales : the Husband as Victim and Victor », Language Quarterly, 20/3, 4, printemps-été 1982, p. 11-14. Retour au texte

83 Marguerite de Navarre, Heptaméron, R. Salminen (éd.), Genève, Droz, 1999 (T.L.F., 516). Retour au texte

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Référence papier

Alexandra Velissariou, « Des nouvelles bonnes à oyr : la fonction didactique des Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles », Bien Dire et Bien Aprandre, 30 | 2014, 149-164.

Référence électronique

Alexandra Velissariou, « Des nouvelles bonnes à oyr : la fonction didactique des Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles », Bien Dire et Bien Aprandre [En ligne], 30 | 2014, mis en ligne le 01 mars 2022, consulté le 18 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/815

Auteur

Alexandra Velissariou

Université Lille Nord de France, U.L.C.O. – H.L.L.I.

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