L’Inde d’Alexandre dans le Straßburger Alexander : exotisme et acclimatation

DOI : 10.54563/bdba.921

p. 225-244

Text

Aux environs de 1150, un auteur qui se présente dans son prologue comme « le clerc Lamprecht » compose un récit sur Alexandre le Grand adapté du texte d’Albéric de Pisançon1 et rédige ainsi ce qui constitue, dans l’état actuel de la tradition manuscrite, le plus ancien texte narratif de langue allemande consacré à la matière antique. Parmi les trois rédactions manuscrites connues de ce récit, deux sont traditionnellement datées du dernier tiers du xiie siècle, l’une, celle de Vorau, offrant un texte probablement fidèle à celui de Lamprecht et s’achevant sur la mort de Darius2, tandis que l’autre, la rédaction dite de Strasbourg, transmet une version légèrement remaniée assortie d’une continuation3 : le rédacteur, en adaptant essentiellement une version non interpolée de la Nativitas et victoria Alexandri Magni regis de l’archiprêtre Léon de Naples (milieu du xe siècle) et le récit d’origine talmudique Iter Alexandri Magni ad Paradisum (xiie siècle)4, prolonge le récit au-delà de la disparition du souverain perse et compose ainsi la première vita achevée en langue allemande du héros macédonien. Cette version fait une large place aux aventures orientales d’Alexandre et nous invite à suivre son cheminement depuis le moment où il pénètre dans le royaume indien pour affronter Porus jusqu’au voyage au Paradis terrestre qui clôt le texte, un parcours durant lequel le Macédonien, de conquérant, devient explorateur : la progression géographique à travers l’Inde fait évoluer le rapport du protagoniste à un univers qui se présente d’emblée comme « exotique », si l’on entend désigner par ce terme, selon une définition courante, ce qui est étranger aux civilisations occidentales. À cette acception de l’adjectif5, on adjoindra une dimension impliquée par le substantif « exotisme »6, qui ne désigne pas seulement le caractère de ce qui est exotique mais peut supposer aussi un goût pour ce qui est exotique ou encore, selon l’expression de Jean-Marc Moura, un « sens exotique », soit une « aptitude à être ému par le spectacle surprenant qu’offre l’étranger et [un] désir d’en rendre la singularité par le moyen de l’art7 ». Cette définition contemporaine incite à examiner plus avant dans le récit médiéval les modes de perception et d’expression de l’altérité, et aussi ce qu’ils supposent ou non d’ouverture à l’Autre et à l’Ailleurs ou inversement d’acclimatation au milieu d’écriture qui est celui du clerc occidental8. On tentera ainsi d’éclairer, à la lumière de la notion d’exotisme, la manière dont une représentation de l’Inde innervée par la tradition livresque9 trouve un sens neuf sous le regard et dans le cheminement d’Alexandre tel que le représente le rédacteur du Straßburger Alexander.

À peine Alexandre a-t-il pris la succession de Darius assassiné par ses satrapes, qu’il reçoit un message belliqueux de Porus l’incitant à progresser avec ses hommes en direction du royaume indien. Dès lors, les repères géographiques se font plus rares : alors que dans la partie antérieure du récit, les conquêtes effectuées par le Macédonien en Europe, en Afrique, au Proche-Orient et en Perse sont ponctuées d’une quarantaine de toponymes, seuls dix noms de lieux balisent le parcours d’Alexandre à travers l’espace indien10. Il suffit, néanmoins, que soient nommés l’Inde – ou encore la Maurétanie à laquelle elle est assimilée11 –, les Portes Caspiennes, le royaume éthiopien de Méroé12 ou le fleuve paradisiaque Euphrate, il suffit que soient égrenés ces noms évocateurs d’une longue tradition littéraire et cartographique13 pour que surgisse un espace de l’Ailleurs, un espace exotique qui invite l’imagination à se déployer d’autant plus librement que la topographie reste esquissée. Si le texte, en effet, indique qu’Alexandre et ses hommes partis affronter Porus progressent « en direction de l’Inde en traversant une étendue déserte terrifiante, où ils subirent maints désagréments14 », cette brève mention constitue peu ou prou tout ce que l’on apprend des paysages indiens.

Du moins les vers cités font-ils apparaître que l’Inde est dès l’abord présentée comme une terre inhospitalière, en laquelle l’armée macédonienne est vouée à se heurter à une flore, une faune et une humanité aussi hostiles qu’inconnues du monde occidental. Leur représentation, nourrie depuis l’Antiquité d’une tradition livresque incarnée en particulier par Pline l’Ancien et Solin15, est liée à un imaginaire tératologique qui, il est vrai, se révèle dans le Straßburger Alexander moins développé et moins diversifié que par exemple dans les romans d’Alexandre contemporains16 d’Alexandre de Paris et de Thomas de Kent, tout en prenant forme selon les mêmes procédés que dans les deux textes en ancien français17 : c’est, d’une part, la mention d’animaux exotiques, très souvent associée à des adjectifs de valeur hyperbolique : Alexandre et ses hommes se voient confrontés à des scorpions à la fois « larges et longs », à des lions « grands et puissants », ou encore aux éléphants de Porus « extrêmement puissants » et « très grands »18 ; c’est, d’autre part, la fabrication de créatures inconnues par déformation de propriétés existantes, essentiellement par exagération de la taille : l’on songe, entre autres, à ces noix plus grosses que des courges ou à ces sangliers de dimension imposante dont les dents mesurent plus d’une brasse19 ; enfin, quelques créatures composites mêlent animalité et humanité, comme ces chauves-souris à la dentition humaine ou encore ces créatures mi-hommes mi-singes, pourvues en outre de six mains et de longues dents, dont Alexandre considère qu’elles ressemblent à des diables20.

Cette comparaison attribuée au protagoniste résume bien ce que les représentations associées au désert indien et offertes aux yeux des Macédoniens révèlent de l’imaginaire occidental : ces créatures étranges et effrayantes, qui allient une corporéité monstrueuse à des attributs sataniques, permettent de rejeter dans un espace lointain ce qui ne correspond pas à la norme et qui apparaît donc susceptible de menacer l’intégrité et l’identité de l’humanité occidentale21. Dès lors que l’Ailleurs et l’Autre cristallisent la projection de telles peurs, leur approche ne peut s’envisager que sous forme de confrontation, et l’on ne s’étonnera point que, dans le Straßburger Alexander, les soldats macédoniens soient successivement dévorés par des crocodiles, piqués à mort par des scorpions, engloutis par des sangliers, ou encore encornés et piétinés par un animal terrifiant portant des bois22. Face à cette altérité hostile, la seule réaction concevable, de la part du protagoniste, est une tentative de maîtrise, de mainmise, voire d’élimination : Alexandre n’hésite pas à provoquer l’incendie d’une forêt pour faire disparaître les bêtes féroces qui la peuplent, ou encore à livrer aux flammes un homme sauvage, ravisseur d’une demoiselle23. Si ne sont décelables ici nul « sens exotique », nulle ouverture à l’Autre et à l’Ailleurs, c’est aussi que la traversée des espaces orientaux est placée au départ, rappelons-le, sous le signe de l’expédition militaire. Dès lors que le souverain indien est vaincu, la conquête peut laisser place à l’exploration, et le regard que porte le protagoniste sur le monde qui l’entoure est susceptible de changer. De fait, et même s’il faut à Alexandre se heurter jusqu’au terme de ses aventures orientales à une faune et une flore hostiles, la représentation de l’altérité ethnographique et culturelle crée dans le tissu narratif un espace où devient possible une appréhension pacifique de l’univers exotique.

Dès après la mort de Porus en effet, une première expérience humaine se déroule sur un mode qui contraste avec les affrontements antérieurs : il s’agit de la rencontre avec les Oxydraques, peuple exotique puisqu’il incarne, dans le roman du Pseudo-Callisthène déjà24, un mode de vie étranger à l’univers occidental. Ces habitants du désert qui vivent nus et dans la plus grande pauvreté sont, selon la représentation qu’en donne le Straßburger Alexander, nomades et armés seulement d’os de chèvres25. Comme le veut la tradition, ils se caractérisent par des habitudes de vie définies en opposition à la norme occidentale, mais dans le même temps ils incarnent un modèle d’ascèse et de sagesse, si bien que leur représentation apparaît ambivalente, tout comme l’est, dans un jeu de miroir, l’attitude d’Alexandre à leur égard. C’est ce que suggère tout d’abord la réaction du Macédonien lorsqu’à son approche, le roi des Oxydraques lui fait savoir par lettre qu’il souhaite connaître ses intentions :

 

Alexander las disen brieb und enbôt im, er ne quême niet zô zin unfridelîche. er ne wolde ir rîche niwit zestôren. (vv. 4812-16)     Alexandre lut cette lettre et lui fit savoir qu’il ne venait pas à eux à des fins belliqueuses, qu’il n’avait pas l’intention de détruire leur royaume.

La réponse d’Alexandre trahit certes une disposition d’esprit pacifique mais en des formulations uniquement négatives, sans mettre au jour un réel désir de s’ouvrir à l’Autre. De la même manière, le bref dialogue qu’il engage par la suite avec les Oxydraques semble tout d’abord attester une curiosité ethnographique de sa part, lorsqu’il déclare vouloir s’instruire sur les mœurs et le comportement de ses hôtes, mais son questionnement se resserre bientôt sur leurs rites funéraires, et son intérêt, souligne le narrateur, cesse dès le moment où il apprend que ses interlocuteurs n’inhument pas leurs morts26. C’est que le protagoniste, animé du désir de découvrir pour soi le secret de l’immortalité, n’est prêt à accepter l’Autre que dans la mesure où celui-ci peut l’aider dans sa quête : mû par une curiosité narcissique, il ne manifeste pas de sensibilité à l’altérité en tant que telle ni de réceptivité à ce que pourrait lui offrir de neuf l’univers oriental, trahissant bien plutôt certaine condescendance lorsqu’il propose aux Oxydraques, en clôture du dialogue, d’exaucer un vœu de leur choix. Ce don contraignant entraîne pour lors une modification du rapport de force, car ses interlocuteurs, désireux qu’Alexandre leur accorde l’immortalité, l’amènent à rappeler qu’il est lui-même mortel et à se confronter à la question perspicace formulée par l’un d’eux :

 

dô sprah vil wîslîche einer von deme lande dô zô deme kuninge Alexandro, ober selbe ouh solde sterben, warumber an der erden wunder alse manicfalt sô lange hête gestalt[.] (vv. 4863-69) L’un des habitants de ce pays, dans sa grande sagesse, demanda alors au roi Alexandre, si lui-même devait mourir aussi, pourquoi il avait accompli sur terre tant de diverses merveilles durant tant d’années.

C’est Alexandre qui doit se soumettre en cet instant à l’épreuve du regard de l’Autre, et sa réaction, aussi bien sa colère que la virulence de son discours destiné à défendre sa conception de la vie27, montrent que ce retournement de perspective est insupportable à ses yeux. Dès lors qu’elle met en question la référence occidentale, l’humanité exotique représente une menace intolérable.

La rencontre avec les Oxydraques montre qu’une appréhension pacifique de l’univers exotique par le protagoniste, si elle est possible, n’implique pas d’emblée l’acceptation de l’altérité pour elle-même. Ainsi mise en place, cette relation à l’Autre et à l’Ailleurs est vouée à se complexifier dans la trame du récit à la faveur d’une modification de la perspective narrative, car à la suite de l’épisode des Oxydraques, les aventures indiennes d’Alexandre sont narrées sous la forme d’une lettre attribuée au protagoniste, sur le modèle de la Lettre d’Alexandre à Aristote sur les merveilles de l’Inde transmise en grec dans la version A du Pseudo-Callisthène et en latin dans une version diffusée de manière autonome à partir du ixe siècle28. Dans la version latine de la Lettre à Aristote, Alexandre expose à son maître les intentions qu’il poursuit en lui écrivant :

Conservant toujours ton souvenir, même dans les incertitudes et les dangers de nos combats, maître très cher, et, après ma mère et mes sœurs, le plus estimé, et comme je connaissais ton attachement à la philosophie, j’ai jugé nécessaire de te faire une relation écrite des régions de l’Inde, de son climat et de ses espèces innombrables de serpents, d’hommes et d’animaux sauvages, afin que la connaissance de réalités nouvelles puisse contribuer aux progrès de l’étude et de l’esprit29.

De cette déclaration humaniste, on ne trouve point la trace dans le Straßburger Alexander : l’intention exprimée par Alexandre en exergue de sa lettre, adressée à Aristote et à sa propre mère, est de leur faire savoir « les choses qui [lui] sont advenues30 » en parcourant l’espace oriental. Mais en dépit de cette attitude a priori passive, les découvertes que le protagoniste est amené à faire dans l’espace indien parviennent à éveiller son étonnement et son émerveillement, comme le suggèrent au fil de la lettre la récurrence du terme « wunder »31 – l’équivalent moyen haut allemand de la « merveille » ou des mirabilia – ou encore la formulation topique selon laquelle les choses vues sont inconnues de par le monde (« der werlt unkunt »32). L’étonnement d’Alexandre à la vue des merveilles de l’Orient constitue une forme d’émotion qui suppose une certaine ouverture à l’Autre et à l’Ailleurs, et celle-ci modifie en retour la disposition d’esprit du héros, car à sa manière passive d’aborder l’espace oriental se substitue peu à peu le désir de découvrir : le verbe « goume nemen » employé à plusieurs reprises33 signifie que le protagoniste est avide de voir et de percevoir ce qui l’entoure, et, comme en écho à l’expression « veer les merveilles » qui tisse le Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris et le Roman de toute chevalerie de Thomas de Kent34, l’expression « wunder (be)sehen / (be)scowen » scande le parcours du héros dans le Straßburger Alexander35. Au reste, on a parfois l’impression que le désir de voir les merveilles provoque leur surgissement, ainsi quand on relit ces vers qui opèrent la transition entre deux aventures :

 

dô hûbe wir unsih dannen und wolden wundir besehen. dô sâhe wir verre dannen stên einen hêrlîchen walt. (vv. 5160-63) Nous nous mîmes alors en route, et nous voulions voir des merveilles. Nous vîmes alors au loin se dresser une splendide forêt.

Cette forêt aperçue au loin par les Macédoniens est celle des filles-fleurs, et l’épisode qui s’ouvre est à la fois empreint de la rhétorique de l’étonnement et marqué par l’avènement d’une nouvelle émotion exprimée par le scripteur, celle de la joie36. Il faut dire qu’Alexandre découvre avec ses hommes un lieu idyllique décrit à la manière d’un locus amœnus, qui est aussi un locus amoris puisqu’il est habité de splendides jeunes filles avec lesquelles les soldats peuvent s’adonner sans réserve aux plaisirs de la chair. Ces demoiselles qui, nous apprend Alexandre, naissent en été sous la forme de fleurs et meurent à la venue de l’hiver, sont des créatures mi-humaines et mi-végétales d’un autre monde, dont l’origine textuelle, au reste, demeure énigmatique37. Mises en regard avec le bestiaire monstrueux des étendues désertiques, elles apparaissent comme l’autre versant de cette Inde imaginaire qui, selon la célèbre expression de Jacques Le Goff, constitue l’« horizon onirique » des Occidentaux et allie en elle à ce titre le rêve et le cauchemar38. Les filles-fleurs sont l’incarnation d’un Orient rêvé où peut s’exprimer le fantasme d’une vie plus libre, et en particulier d’une vie sexuelle plus libre, mais aussi d’une hybridité fondamentale qui transgresse les limites imposées par la création39. Et si les créatures hostiles de l’Inde, pour leur part, cristallisent les peurs liées à l’altérité tout en permettant de les situer à l’écart du monde connu, les filles-fleurs au contraire paraissent sous certains aspects à la fois rassurantes et proches, car non seulement leur beauté est conforme aux critères esthétiques en vogue au xiie siècle40, mais en outre, précise le texte, « parmi elles il n’en était aucune qui ne fît preuve de parfaite courtoisie41. » De la sorte, le rédacteur du Straßburger Alexander projette en la forêt des filles-fleurs un idéal culturel occidental qui fait surgir le connu et le même en l’espace oriental de l’Ailleurs42. Mais, si familières qu’elles puissent paraître, les filles-fleurs restent exotiques dans la mesure où elles ne sauraient être transplantées d’Orient en Occident : comme dans le texte d’Alexandre de Paris, elles ne peuvent quitter, sous peine de mourir, l’ombre dispensée par les arbres de leur forêt43. L’Orient reste ainsi, pour reprendre les termes d’Emmanuèle Baumgartner, « la part d’ombre où l’homme a quelque chance sans doute d’assouvir ses désirs, mais sans jamais les perpétuer et les enraciner ailleurs44 ». Pas plus en effet qu’il ne peut transposer son rêve en Occident, Alexandre ne saurait le faire perdurer, car, dans le Straßburger Alexander, la mort des jeunes filles à la venue de l’hiver contraint les Macédoniens à quitter la forêt. Et si leur disparition, comme le souligne le texte, provoque la tristesse du héros45, c’est sans doute qu’elle ravive en son esprit la conscience de sa condition humaine, alors qu’en pénétrant dans la forêt au début de l’épisode, Alexandre a l’impression qu’il pourra ne plus jamais craindre la mort46. Ici encore, de même que lors de la rencontre avec les Oxydraques, la découverte des espaces exotiques apparaît intimement liée à l’impossible quête de l’immortalité.

C’est en somme un triple mouvement qui se dessine en filigrane dans la lettre qu’écrit Alexandre à l’intention d’Aristote et de sa mère : au fur et à mesure que le héros paraît prendre goût à l’Ailleurs et à l’Autre, qu’il manifeste sa curiosité à l’égard de ce qui lui est étranger et son désir de transmettre cette expérience par le moyen de l’écriture, au fur et à mesure donc qu’il semble développer un « sens exotique », la vanité de sa quête d’éternité s’exprime avec d’autant plus d’évidence, tandis que dans le même temps son parcours tend à nous ramener vers des représentations familières qui acclimatent l’univers exotique, et en particulier l’humanité exotique, au milieu occidental. L’imbrication de ces trois tendances est finalement mise en pleine lumière lors du séjour effectué par Alexandre auprès de la reine éthiopienne Candace. En amont de la rencontre, le protagoniste manifeste d’emblée un intérêt que l’on pourra qualifier d’ethnographique, car s’il se dirige vers le royaume de Méroé c’est, lit-on, pour « apprendre et découvrir au moyen de l’entendement ce qu’il en est dans ce pays, et pour observer quels sont là les us et coutumes47 ». En réponse à ce désir de découvrir, le texte donne à voir par la description ce qui se présente aux yeux des Macédoniens. Ce sont, tout d’abord, ces présents offerts par Candace à son hôte, parmi lesquels des enfants maures, des éléphants, des panthères et des léopards côtoient une licorne et des poutres faites d’un bois incombustible, mais aussi des coupes d’or et une couronne48 : l’énumération descriptive mêle le connu à l’exotique et au merveilleux pour les intégrer de la même manière dans un rituel familier qui permet d’apprivoiser l’altérité et de la rendre rassurante. Le personnage de la reine éthiopienne elle-même ne saurait dépayser le public médiéval, puisque les qualificatifs qui esquissent sa description suggèrent que sa beauté et son comportement sont modelés sur les normes courtoises49, tandis que l’évocation de sa « maisnie » convoque l’image d’une cour façonnée sur le modèle occidental : le surgissement des vocables « hob » (« cour »), « hubischeit » (« courtoisie »), « rîterlîch » (« chevaleresque ») ou encore des expressions « mit minnen » (« aimablement ») et « mit grôzen êren » (« avec tous les honneurs »)50 suffit à inscrire la référence culturelle de l’ici dans l’Ailleurs du royaume éthiopien. Cette acclimatation de l’altérité à la norme occidentale va de pair avec une représentation idéalisée de la civilisation orientale, comme l’attestent la magnificence du palais de Candace, longuement décrit, ainsi que la merveille technique placée en son cœur : un cerf artificiel fait d’or rouge qui, une fois mis en mouvement, fait retentir une voix de panthère et produit un souffle plus doux que l’encens tandis que les oiseaux placés sur ses bois entonnent leur chant, que son cavalier se met à donner du cor et ses chiens à japper51. Comme l’ensemble de l’édifice, l’objet d’art décrit dans la tradition des automates byzantins suggère que si la norme culturelle de l’ici s’inscrit dans la représentation de l’Orient, c’est pour être projetée dans un espace magnifié qui donne forme aux rêves des Occidentaux. Alexandre lui-même, du reste, indique que le spectacle offert à ses yeux répond à ses désirs quand, découvrant l’une des curiosités du palais de Candace, une chambre mobile montée sur quatre roues et tirée par trente-six éléphants, il s’exclame d’admiration : « Ah, si seulement Dieu, dans sa bonté, nous accordait, à moi et à ma mère, d’avoir chez nous en Grèce cette chambre si bien conçue, avec ces éléphants !52 ». Mais Candace de rappeler à son hôte qu’il lui est impossible de s’emparer ainsi de ce qui ne lui appartient pas : l’idéal oriental se dérobe à la possession du Macédonien, et pas plus que l’éden sylvestre des filles-fleurs, le paradis artificiel que constituent le palais éthiopien et ses merveilles ne saurait être transféré en Occident.

La remarque formulée par le protagoniste à la vue de la chambre de Candace révèle que sa curiosité à l’égard des espaces exotiques est liée à un désir d’appropriation qui fait écho, dans le récit, à la manière dont le rédacteur du Straßburger Alexander s’approprie la représentation de l’Orient en l’acclimatant à ses propres références culturelles. De la même façon, la réaction que provoque en Alexandre le refus exprimé par Candace paraît révélatrice d’un imaginaire de l’altérité tel que peut l’être celui d’un auteur médiéval occidental. Remémorons-nous les circonstances de cette scène : depuis son arrivée à Méroé, Alexandre se fait passer pour son compagnon Antigonus, mais Candace déjoue ce stratagème53 et, lorsqu’elle intervient pour rappeler à son hôte qu’il ne saurait s’approprier impunément les merveilles éthiopiennes, elle lui signifie aussi qu’elle l’a démasqué :

 

ih weiz wol, wer du bist. dih ne hilfit neheine dîne list, di du canst, helit balt, du ne stês an mîner gewalt. waz hilfit dir nû dîn craft  unde daz du sigehaft ubir manic lant wêre. Persiam di mêre hâstu zestôret und Indiam zefûret,   Partos ubirwunden. nû hât dih bedwungen âne fehten ein wîb. (vv. 6161-73) Je sais bien qui tu es. Aucune de tes ruses ne pourra t’aider, toi le héros téméraire, à te dérober à mon pouvoir. À quoi te servent à présent ta force et les victoires que tu as remportées sur de nombreux pays ? Tu as détruit la célèbre Perse, mis à mal l’Inde et soumis la Parthie. Et c’est une femme qui désormais a triomphé de toi sans même te combattre.

De colère, Alexandre détourne le visage, et ses propos, ensuite, nous confirment qu’il lui est insupportable de se trouver à la merci d’une femme54. En somme, à ses yeux, ce que le royaume éthiopien présente d’étrangeté susceptible de mettre en question la norme occidentale, c’est-à-dire le fait qu’il soit dirigé par une femme, est tout simplement intolérable ; et l’on peut supposer que cette perspective coïncide avec celle du clerc écrivant. Autrement dit, tant que l’Ailleurs est acclimaté à l’ici et l’Autre assimilé au même, l’altérité peut être célébrée en une représentation idéalisée, en revanche elle ne trouve pas de reconnaissance pour elle-même, dans ce qu’elle pourrait offrir de différent et de neuf en regard du monde occidental55. Et si le royaume des Amazones, à l’égard duquel le protagoniste manifeste a priori la même curiosité ethnographique que pour le royaume de Candace56, n’est évoqué que très brièvement par l’auteur du Straßburger Alexander, c’est peut-être que l’exemple de cette société matriarcale exotique pourrait apparaître comme une critique larvée du modèle occidental et qu’en même temps son altérité, irréductible, se dérobe à toute acclimatation.

Aussi bien l’expérience de l’altérité faite par Alexandre et le « sens exotique » qui émerge peu à peu dans sa lettre ne conduisent-ils en aucun cas à une mise en question des repères que l’on peut supposer être ceux d’un auteur et d’un public occidentaux de l’époque. Dans la cohérence interne du récit, cette attitude est liée au fait que le personnage, dans sa « folle errance en quête de l’immortalité57 », cherche à retirer de sa rencontre avec l’Autre et l’Ailleurs essentiellement la connaissance de son propre destin. C’est ce que prouve encore la séquence située en clôture de l’aventure éthiopienne, au cours de laquelle Alexandre est mené par Candace dans une grotte où il trouve des dieux assemblés en un festin : cherchant à apprendre d’eux combien de temps il lui est encore donné de vivre, il s’entend dire par l’oracle que nul ne peut connaître le moment de sa mort58. L’épisode confirme que l’exploration des espaces exotiques ramène le personnage in fine à soi-même et à la conscience de sa condition mortelle. Et c’est bien aussi la leçon dispensée, sur un mode exemplaire, dans le récit de l’expédition menée par le héros au Paradis terrestre, aux confins, donc, des terres orientales.

Ce dernier épisode rompt avec les précédents dans la mesure où la lettre d’Alexandre prend fin pour laisser place à la voix de l’auteur, dont la perspective désormais se dissocie nettement de celle de son personnage : le texte condamne violemment l’hybris d’Alexandre59 et stigmatise son entreprise tout au long de l’expédition, en particulier à travers l’épisode de la pierre du Paradis. Alexandre, rappelons-le, reçoit lors de son voyage au Paradis terrestre une pierre précieuse dont il est désireux de comprendre la signification, et il sollicite pour ce faire l’aide d’un vieux sage, qui procède à cette expérience : en plaçant la pierre sur le plateau d’une balance, il montre qu’elle pèse plus lourd que tout l’or du monde mais qu’une fois recouverte de terre, elle fait s’équilibrer les deux plateaux (dans le texte de Thomas de Kent) ou bien encore s’avère plus légère qu’une plume (dans le texte de l’Iter ad Paradisum)60. En regard de ces deux versions, le rédacteur du Straßburger Alexander propose une variante singulière : lors de la seconde pesée, c’est la plume qui est associée à la terre sur l’un des plateaux de la balance61. Il est possible que le rédacteur du Straßburger Alexander ait mal compris sa source latine62, qu’il l’ait traduite de mémoire ou encore qu’il ait adapté une version peu claire63 ou fautive, néanmoins le texte allemand semble présenter une cohérence propre si l’on considère l’interprétation donnée, à la suite des deux pesées, par le vieux sage qui conduit l’expérience. Dans la version transmise par l’Iter ad Paradisum, celui-ci indique que la pierre, par sa forme et sa couleur, représente l’œil humain : tant que celui-ci jouit de la lumière de la vie, il est insatiable, avide de découvrir des nouveautés et d’accumuler des possessions, mais dès qu’il est privé de vie, plus rien ne l’anime ni ne l’affecte, et il devient plus inutile qu’une plume. Le message délivré par la pierre, ajoute le sage, constitue une exhortation à l’adresse d’Alexandre, sommé de réprimer son ambition. L’interprétation fournie par le vieillard du Roman de toute chevalerie, même si elle affaiblit la portée critique de l’épisode64, repose sur les mêmes prémisses et aboutit aussi à un memento mori :65

 

Ceste rounde piere, petit[e] e polie, Toy, roys Alisandre, pur voir signifie. Car taunt come tu es vivant en pleine vie, Trestouz les genz du monde par chivalerie, Par powoir ne vigour ne se purront mie Owelement poiser a ta seignorie Ne contreester ta voluntee hardie. Mes quant tu serras mortz e en terre fowie, Si ne vaudrez plus pur tote ta mestrie Qe un autre homme mort e en terre ensevelie65. [C]ette petite pierre ronde et polie, c’est toi, roi Alexandre, c’est toi qu’elle représente. Tant que tu es en vie, en pleine santé, les hommes du monde entier, par leur chevalerie, leur prouesse et leur force, ne pourront jamais égaler ton empire ni résister à l’audace de tes désirs. Mais quand tu seras mort et enterré, tu ne vaudras pas plus, malgré toute ta puissance, que n’importe quel autre homme mort et enseveli.

Et le vieillard poursuit en invitant Alexandre à agir sagement. Dans le Straßburger Alexander, le vieux sage juif précise d’emblée que la pierre est une exhortation à fuir l’orgueil et la convoitise, à ne pas se comporter comme l’homme avide d’engloutir tout ce qui se présente à lui, tel le gouffre insatiable de l’enfer :

 

nû sehet, waz is iz dan ? niwit andirs wan ein cranc man ; der glîchet dem steine, der in der wâgen eine sih selben nider druckete und daz golt ûf zuckete. ir wâret unwîse, daz ir daz paradîse wândet irvehten. doh wolde ûh unse trehten lâzen besunder scowen sîne wunder. doh ne muget ir niemer daz bewaren, ir ne mûzet hine varen und mûzet verterben und wîslîche sterben. sô mûzet ir werden   geminget zô der erden. sus soldir hine rûmen. sô glîchet ir der plûmen, di nider mit der erden ginc, dâr si in der wâgen hinc unde ûf zuckete den stein. (vv. 7179-7201) Car voyez-vous, qu’est-il pour finir ? Rien d’autre qu’une faible créature ; il ressemble à la pierre qui à elle seule, sur la balance, s’est fait choir elle-même et a fait s’élever l’or. Vous avez été insensé de croire que vous pouviez conquérir le Paradis. Pourtant, notre Seigneur a bien voulu vous laisser, vous en particulier, voir ses miracles. Mais jamais vous ne pourrez vous sous- traire au fait que vous devez trépasser, que vous devez périr et que vous devez mourir en homme sage. C’est ainsi que vous devez être mêlé à la terre. C’est ainsi que vous devez disparaître. C’est ainsi que vous ressemblez à la plume qui, une fois placée dans la balance, a chuté avec la terre et a fait s’élever la pierre.

L’homme est successivement assimilé à la pierre et à la plume : l’exégèse donnée par le sage opère un glissement d’un comparant à l’autre tout en présentant une interprétation singulière du mécanisme même de la pesée, qui confère une signification positive non au poids des objets pesés, comme dans les textes latin et français, mais au contraire à l’élévation d’un plateau de la balance. Selon l’interprétation proposée par Helmut Rücker, la chute de la pierre, lors de la première pesée, symbolise la descente en enfer de l’homme avide, tandis que la terre et la plume, lors de la seconde pesée, représentent la condition mortelle de l’homme ou plutôt son acceptation : fort de celle-ci, l’homme peut s’élever, telle la pierre, vers les hauteurs célestes66. L’analyse paraîtra plus plausible encore si l’on précise que la pierre, lors de la seconde pesée, représente la part spirituelle de l’homme, son âme67, par opposition à l’homme dans sa corporéité – qui, lui, est assimilé à la plume recouverte de terre68. Et l’on se souviendra alors que la pierre, comme dans l’Iter ad Paradisum, possède dans le texte allemand la taille d’un œil humain69, pour remettre en perspective l’évocation des deux pesées dans le contexte de la théorie de la connaissance développée au xiie siècle dans la tradition augustinienne : il nous semble que la pierre symbolise dans un premier temps l’œil charnel tourné vers les objets extérieurs et avide de s’approprier tout ce qu’il découvre, tandis qu’elle figure dans un second temps l’œil de l’âme, qui rend celle-ci apte à accéder à la connaissance de soi et, par là-même, de Dieu70.

Si l’on songe enfin que le message délivré par la pierre est explicitement mis en relation avec le personnage d’Alexandre, on peut considérer que l’épisode ne se lit pas seulement comme une condamnation de l’expédition au Paradis, telle que la formule le personnage du sage à la suite de l’auteur, ni même seulement comme une critique de l’orgueil rendu manifeste par les conquêtes militaires du héros : la pierre qui chute lors de la première pesée est aussi le symbole de l’œil charnel d’Alexandre, avide, lors de l’expédition en Inde, de s’approprier ce qu’il rencontre. Cette quête, en effet, s’avère illusoire alors qu’une fois revenu chez lui et fort de la leçon délivrée par la pierre du Paradis, le protagoniste se convertit en un parfait souverain, empli de bonté, de largesse et de mesure, après avoir reconnu, au cours de son expédition au Paradis, la toute-puissance de Dieu71. À la vaine traversée des espaces lointains, à la futile quête de l’œil charnel succèdent la recherche de l’œil intérieur, tourné vers l’âme, et la conversion qui s’opère dans l’espace de l’ici72. L’acclimatation de l’univers exotique fait place au contemptus mundi, tandis qu’Alexandre lui-même, stigmatisé au début du texte comme un souverain païen73, devenu désormais un souverain courtois et sans doute chrétien74, est acclimaté à l’univers médiéval. Le récit de l’expédition au Paradis qui clôt le Straßburger Alexander se lit comme une remise en perspective des aventures exotiques à la lumière du point de vue clérical et « eurocentrique75 » du rédacteur allemand.

En somme, l’Inde d’Alexandre fait l’objet, dans le Straßburger Alexander, d’une réinterprétation morale qui se dévoile au terme des aventures orientales du héros : durant l’expédition en Inde, les merveilles exotiques, cristallisant à la fois le rêve et le cauchemar des Occidentaux, sont envisagées sous le regard du protagoniste en termes de confrontation avant de susciter peu à peu en lui un « sens exotique », mais c’est pour être d’autant mieux acclimatées par le rédacteur du texte au milieu culturel occidental puis mises en question par un épisode final édifiant dans lequel le contemptus mundi ne semble pas épargner la découverte des espaces exotiques, tandis que le héros antique, assimilé à son tour à la référence médiévale, perd avec son paganisme ce qu’il avait d’exotique.

Notes

1 Lamprecht se nomme au vers 4 de son prologue et cite sa source au vers 13 (Lamprechts Alexander, éd. K. Kinzel, Halle, Verlag der Buchhandlung des Waisenhauses, 1884, p. 26). Return to text

2 Il s’agit du manuscrit Vorau, Stiftsbibliothek, Cod. 276, fol. 109-115v, qui vit le jour vraisemblablement entre 1185 et 1202 (voir K. Grubmüller, « Die Vorauer Handschrift und ihr Alexander. Die kodikologischen Befunde : Bestandsaufnahme und Kritik », Alexanderdichtungen im Mittelalter. Kulturelle Selbstbestimmung im Kontext literarischer Beziehungen, éd. J. Cölln, S. Friede, H. Wulfram, R. Finckh, Göttingen, Wallstein, 2000, pp. 208-221). Return to text

3 La version transmise par ce manuscrit (Strasbourg, Bibliothèque du Séminaire Protestant, C. V. 16.6. 4°, fol. 13v-29), disparu en 1870 lors de l’incendie de la bibliothèque, est connue à travers l’édition de K. Kinzel (voir note 1). La datation du manuscrit, auparavant située autour de 1187, a été revue récemment par C. Mackert, qui envisage une datation plus tardive, dans la première, voire la deuxième décennie du xiiie siècle. Depuis, la datation de la version représentée par ce manuscrit, traditionnellement située entre 1170 et 1187, est controversée ; ainsi D. Buschinger plaide-t-elle pour une datation basse sur le fondement d’une étude des techniques d’adaptation des sources latines du texte (C. Mackert, « Eine Schriftprobe aus der verbrannten Strassburg-Molsheimer Handschrift », Zeitschrift für deutsches Altertum und deutsche Literatur 130, 2001, pp. 143-165 ; D. Buschinger, « Traduction et adaptation dans l’Alexandre de Strasbourg. La réécriture du roman d’Alexandre », Pratiques de traduction au Moyen Âge. Medieval Translation Practices, éd. P. Andersen, Museum Tusculanum Press, University of Copenhagen, 2004, pp. 82-95 ; D. Buschinger, « Alexander im Orient », Raumerfahrung – Raumerfindung. Erzählte Welten des Mittelalters zwischen Orient und Okzident, éd. L. Rimpau, P. Ihring, Berlin, Akademie Verlag, 2005, pp. 57-70). Return to text

4 T. Hampe, Die Quellen der Strassburger Fortsetzung von Lamprechts Alexanderlied und deren Benutzung, Bremen, Eduard Hampe, 1890 ; G. Cary, The Medieval Alexander, ed. D. J. A. Ross, Cambridge, University Press, 1956, p. 28. Return to text

5 L’adjectif « exotique » est attesté depuis le xvie siècle (voir, dans ce volume, la contribution de M.-C. Gomez-Géraud). Sur l’emploi de la notion d’exotisme au sujet des textes médiévaux, on se reportera à l’article d’E. Baumgartner, « L’exotisme à rebours de la Chanson d’Antioche », L’exotisme dans la poésie épique française. In memoriam Klára Csürös, éd. A. Kalmár, Paris / Budapest / Turin, L’Harmattan, 2003, pp. 13-28. Sur l’exotisme dans le roman médiéval français, nous renvoyons à l’ouvrage de C. Gaullier-Bougassas, La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval. Sur l’imaginaire médiéval de l’Autre, Paris, Champion, 2003 ; et sur l’exotisme du Roman d’Alexandre en langue française, on pourra lire : E. Baumgartner, « L’Orient d’Alexandre », Bien Dire et Bien Aprandre 6, 1988, pp. 7-15 ; E. Baumgartner, « La formation du mythe d’Alexandre au xiie siècle : Le Roman d’Alexandre et l’exotisme », Conter de Troie et d’Alexandre, éd. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2006, pp. 137-158 ; F. Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale (xiie-xiiie siècles). L’Autre, l’Ailleurs, l’Autrefois, Paris, Champion, 1991, t. I, chap. 11, « Le Roman d’Alexandre et le fantastique des espaces exotiques », pp. 256-282. Return to text

6 Le substantif est plus tardif puisqu’il remonte au xixe siècle (J.-M. Moura, Lire l’exotisme, Paris, Dunod, 1992, p. 193). Return to text

7 Ibidem, p. 112. Return to text

8 Nous reprenons le terme d’acclimatation à R. Pérennec, pour désigner l’adaptation à un nouveau milieu de réception (R. Pérennec, Recherches sur le roman arthurien en vers en Allemagne aux xiie et xiiie siècles, Göppingen, Kümmerle, 1984. Première partie : Hartmann von Aue, Erec, Iwein. Adaptation et acclimatation). Return to text

9 En effet, pour décrire l’Orient, les auteurs restent tributaires de la tradition livresque jusqu’à la seconde moitié du xiiie siècle, et encore les récits des témoins oculaires ne parviennent-ils pas alors à supplanter la tradition fondée sur les auctoritates (F. Dubost, Aspects fantastiques…, op. cit., t. I, p. 257). Return to text

10 D. H. Green a recensé 38 noms de lieux parcourus par Alexandre dans la partie du récit située jusqu’à la mort de Darius, et 9 dans le récit des aventures orientales : « Indiam » (v. 4068 ; voir aussi v. 4081, v. 4188 et, v. 4583, l’expression « in indischen landen »), « Occidratis » (v. 4765), « Barbaras » (v. 4947), « Accia » (v. 5057), « Brasiacus » (v. 5476), « Meroves » (v. 5513), « Bala » (v. 5709), « Libien » (v. 6427) et « Amazonia » (v. 6472) (D. H. Green, « The Alexanderlied and the Emergence of the Romance », German Life and Letters, XXVIII, 1974-1975, pp. 246-262, ici note 18, p. 262). Return to text

11 V. 4722. Return to text

12 Sur la confusion, largement répandue au Moyen Âge, entre l’Inde et l’Éthiopie, voir l’article de M. Simon sur l’Inde dans le Dictionnaire des lieux mythiques à paraître aux éditions Robert Laffont, dir. O. Battistini, J.-J. Vincensini, P. Ronzeaud et J.-D. Poli (collection Bouquins). Return to text

13 Sur le rapport entre les romans d’Alexandre et la tradition cartographique, voir l’article de H. Kugler, « Der Alexanderroman und die literarische Universalgeographie », Internationalität nationaler Literaturen, éd. U. Schöning, B. Weinhagen, F. Seemann, Göttingen, Wallstein, 2000, pp. 102-120. Return to text

14 « … in Indiam / uber eine heide freisam. / dâ liden si michil ungemach » (vv. 4068-70). Return to text

15 Voir l’introduction de L. Harf-Lancner à sa traduction du Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris (avec le texte édité par E. C. Armstrong et al.), Paris, Le Livre de Poche, 1994, p. 53. Return to text

16 Si l’on adopte une datation haute pour le Straßburger Alexander. Return to text

17 Nous nous fondons ici sur l’étude de C. Gaullier-Bougassas dans son ouvrage Les Romans d’Alexandre. Aux frontières de l’épique et du romanesque, Paris, Champion, 1998, pp. 255-258. Return to text

18 Vv. 4978, 4984, 4333 et 4338. Return to text

19 Vv. 5821-24 et vv. 4988-96. Return to text

20 Vv. 5047-51 et vv. 5006-11. Return to text

21 Sur le procédé qui consiste à situer dans les terres de l’Ailleurs « tout ce qui dérange : l’écart, la différence, la déviance et le monstrueux », voir F. Dubost, Aspects fantastiques…, op. cit., t. I, p. 258. Return to text

22 Vv. 4952-58, vv. 4977-82, vv. 4988-97 et vv. 5020-38.   Return to text

23 Vv. 5016-19 et vv. 5364-5410. Return to text

24 Pseudo-Callisthène, Le Roman d’Alexandre. La vie et les hauts faits d’Alexandre de Macédoine, trad. G. Bounoure et B. Serret, Paris, Les Belles Lettres, 1992, livre III, 5, p. 94. Return to text

25 Vv. 4762-82. Sur les sages indiens – Gymnosophistes, Oxydraques ou Brahmanes – dans les romans d’Alexandre en langue allemande, on se reportera à l’article fondateur de K. Stackmann, « Die Gymnosophisten-Episode in deutschen Alexander-Erzählungen des Mittelalters », Beiträge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur 105, 1983, pp. 331-354. Return to text

26 Vv. 4821-43. Return to text

27 Vv. 4854 et vv. 4873-89. Return to text

28 Les différentes versions de la lettre sont éditées dans Der Brief Alexanders an Aristoteles über die Wunder Indiens, éd. M. Feldbusch, Meisenheim am Glan, Anton Hain, 1976. On trouvera une traduction de l’Epistola Alexandri ad Aristotelem dans : Pseudo-Callisthène, Le Roman d’Alexandre. La vie et les hauts faits…, op. cit., pp. 123-146, et une traduction de la version grecque contenue dans le ms. A dans : Pseudo-Callisthène, Le Roman d’Alexandre. Vie d’Alexandre de Macédoine, trad. A. Tallet-Bonvalot, Paris, GF-Flammarion, 1994, pp. 126-134. Sur la fonction de la lettre dans le Straßburger Alexander en lien avec le contexte littéraire de l’époque, voir B. Haupt, « Welterkundung in der Schrift. Brandans Reise und der Straßburger Alexander », Zeitschrift für deutsche Philologie 114, 1995, pp. 321-348, en part. pp. 337-339. Return to text

29 Pseudo-Callisthène, Le Roman d’Alexandre. La vie et les hauts faits…, op. cit., p. 123. Texte édité par M. Feldbusch : Semper memor tui, etiam inter dubia bellorumque nostrorum pericula, carissime praeceptor ac secundum matrem meam sororesque meas acceptissime, et quoniam te deditum philosophiae noveram, scribendum tibi de regionibus Indiae ac de statu caeli innumerisque serpentium et hominum ferarumque generibus existimavi, ut aliquid per novarum rerum cognitionem studio et ingenio possit accedere (Der Brief Alexanders an Aristoteles über die Wunder Indiens, op. cit., p. 12a). Return to text

30 « … di dinc, / di mir zevorn comen sint » (vv. 4926-4927) ; le narrateur annonce en amont qu’il s’agit pour Alexandre d’exprimer « les difficultés qu’il subit » (« di nôte, di er irlîde », v. 4903) ou encore « ce que lui et bien d’autres subirent de pénible et d’agréable en terre étrangère » (« … leit unde lieb / screib Alexander, / di er und manich ander / leit in fremedem lande », vv. 4907-10). Return to text

31 Vv. 5054, 5101, 5143, 5161, 5164, 5189, 5209, 5293, 5328, 5419, 5446, 5508, 5808, 5892, 5909,  5922, 6416, 6586. Return to text

32 Vv. 5309, 5435. La formule rappelle des tournures récurrentes dans les récits de voyageurs en langue latine telles ab aliis remotus ou quasi alter mundus (voir P. Zumthor, La mesure du monde. Représentation de l’espace au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1993, p. 263). Return to text

33 Vv. 5068, 5104, 5128, 5195, 5812. Return to text

34 C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre…, op. cit., pp. 425-427. Return to text

35 Vv. 5101, 5143, 5161, 5328, 5508, 6413. Return to text

36 Voir notamment l’emploi des termes « frowede(n) » (vv. 5229, 5338, 5342) et « froweten » (v. 5318), qui s’opposent au terme « nôt » ponctuant les épisodes précédents. Return to text

37 Voir P. Ménard, « Femmes séduisantes et femmes malfaisantes ; les filles-fleurs de la forêt et les créatures des eaux dans le Roman d’Alexandre », Bien Dire et Bien Aprandre 7, 1989, pp. 5-17. Return to text

38 J. Le Goff, « L’Occident médiéval et l’océan Indien : un horizon onirique », Un autre Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1999, pp. 269-286 (Ière édition en 1970). Return to text

39 Sur ce dernier point, nous reprenons l’analyse que donne C. Gaullier-Bougassas de l’épisode des filles-fleurs contenu dans le Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris (Les Romans d’Alexandre…, op. cit., p. 272). Return to text

40 Les filles-fleurs sont ainsi décrites : « Leur corps, en vérité, était bien fait. Je n’ai jamais vu chez une femme plus beau visage ni yeux aussi seyants. Leurs mains et leurs bras étaient blancs comme l’hermine, ainsi que leurs pieds et leurs jambes. » ; et le texte mentionne aussi leur teint « à la fois rouge et blanc comme neige » (« si wâren gescaffen, daz is wâr, / scône an ir lîbe. / ih ne sach nie von wîbe / scôner antluzze mê, / noh ougen alsô wol stê. / ir hande unde ir arme / wâren blanc alseinen harme / unde fûze unde bein », vv. 5272-79 ; « in was getân di varwe / nâh den blûmen garwe / rôt und ouh wîz sô der snê », vv. 5303-05). Return to text

41 « undir in ne was nehein, / si ne phlêge scôner hubischeit » (vv. 5280-81). Return to text

42 Sur l’inscription du modèle culturel courtois dans l’espace oriental, voir B. Haupt, « Alexanders Orientfahrt (Straßburger Alexander). Das Fremde als Spielraum für ein neues Kulturmuster », Begegnung mit dem Fremden. Grenzen – Traditionen – Vergleiche, éd. E. Iwasaki. Band 7, München, Iudicium, 1991, pp. 285-295 ; U. Friedrich, « Überwindung der Natur. Zum Verhältnis von Natur und Kultur im Strassburger Alexander », Fremdes wahrnehmen – fremdes Wahrnehmen. Studien zur Geschichte der Wahrnehmung und zur Begegnung von Kulturen in Mittelalter und früher Neuzeit, éd. W. Harms, C. S. Jaeger, A. Stein, Stuttgart / Leipzig, S. Hirzel, 1997, pp. 119-136. Return to text

43 Vv. 5287-92. Return to text

44 E. Baumgartner, « L’Orient d’Alexandre », op. cit., p. 12. Return to text

45 Vv. 5341-58. Return to text

46 Vv. 5235-40. Return to text

47 « durh daz ih irkande / unde mit listen irfunde, / wî iz dâ ze lande stunde, / und ouh daz ih irsêge, / wilher site man dâ phlêge » (v. 5790-94). Return to text

48 Vv. 5541-88. Return to text

49 Vv. 5845-53, v. 5926-38. Return to text

50 Vv. 6041, 6037, 6048, 5883, 5846. Return to text

51 Vv. 5997-6029. Return to text

52 « wolde got der gûte, / hêtih und mîn mûter / dise kemenâten / alsus wol berâten / mit disen elfanden / heim ze Kriechlande ! » (vv. 6119-24). Return to text

53 La reine, en effet, reconnaît Alexandre à partir d’un portrait qu’elle a pris soin de faire peindre dès son arrivée à Méroé, avant même de l’avoir rencontré (vv. 5589-98). Return to text

54 Vv. 6187-6207. Return to text

55 Sur le rapport entre exotisme, projection du même et représentation d’une alternative au modèle occidental dans le Straßburger Alexander, on pourra lire l’article d’E. Lienert, « Projektion oder Alternative ? Reisen und Fremderfahrung im deutschen Alexander- und Apolloniusroman des Mittelalters », Reisen – Erkunden – Erzählen. Bilder aus der europäischen Ethnologie und Literatur, éd. M. Nagel, Bremen, edition lumière, 2004, pp. 13-24. Return to text

56 Vv. 6569-73. Return to text

57 Nous empruntons l’expression à L. Harf-Lancner, qui constate au sujet du Roman d’Alexandre : « Voici l’un des premiers textes exotiques de la littérature française. Mais pour Alexandre de Paris (et Lambert le Tort), l’Inde est surtout l’espace de l’initiation du héros à son destin et à sa mort. […] Au terme de sa quête, le héros entendra des deux arbres magiques un verdict sans appel : la mort à Babylone. Le voyage en Inde fait donc figure de folle errance en quête de l’immortalité, s’achevant sur une prophétie qui consacre l’inanité des efforts du héros et introduit dans le roman le tragique, qui va dominer la dernière branche » (Alexandre de Paris, op. cit., p. 55 et p. 57). Sur l’échec de cette quête dans le Roman d’Alexandre et dans le Roman de toute chevalerie, voir C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre…, op. cit., pp. 475-493. Return to text

58 Vv. 6395-6452. Return to text

59  Voir, par exemple, les vers 6671-80, dans lesquels Alexandre est comparé au gouffre insatiable de l’enfer. Return to text

60 Le texte de l’Iter Alexandri Magni ad Paradisum est édité par A. Hilka dans La Prise de Defur and Le Voyage d’Alexandre au Paradis terrestre, ed. L. P. G. Peckham and M. S. La Du, Princeton / Paris, Princeton University Press / P.U.F., 1935, p. xli-xlviii. Et l’on trouvera l’épisode de la pierre du Paradis dans Thomas de Kent, Le Roman d’Alexandre ou Le Roman de toute chevalerie, trad. C. Gaullier-Bougassas et L. Harf-Lancner avec le texte édité par B. Foster et I. Short, Paris, Champion, 2003, l. 337-343, pp. 432-438. Return to text

61 Vv. 7114-52. Return to text

62 Tel est notamment le jugement porté par J. Quint dans « Die Bedeutung des Paradiessteins im Alexanderlied », Formenwandel. Festschrift zum 65. Geburtstag von Paul Böckmann, Hamburg, Hoffmann und Campe, 1964, pp. 9-26 ; voir en part. p. 13 et p. 18.  Return to text

63 Ces hypothèses sont émises par W. Hertz dans son étude consacrée aux différentes versions de l’épisode de la pierre du Paradis, « Aristoteles und der Wunderstein », Gesammelte Abhandlungen von Wilhelm Hertz, éd. F. von der Leyen, Stuttgart / Berlin, J. G. Cotta’sche Buchhandlung Nachfolger, 1905, pp. 73-130, ici p. 107. Return to text

64 C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre…, op. cit., p. 479 : « [Thomas de Kent] élimine en effet la dénonciation insistante de la convoitise démesurée du héros que constitue le thème de l’œil insatiable. » Return to text

65 Thomas de Kent, Le Roman d’Alexandre…, op. cit., l. 340, pp. 434-436. Nous citons en regard la traduction de C. Gaullier-Bougassas et L. Harf-Lancner. Return to text

66 H. Rücker, Mâze und ihre Wortfamilie in der deutschen Literatur bis um 1220, Göppingen, Kümmerle, 1975, pp. 265-269. H. Rücker estime que le rédacteur du Straßburger Alexander a mal compris sa source mais a rendu cette erreur « productive » en l’associant à une symbolique chrétienne. Return to text

67 Le texte représente ainsi une pesée de l’âme au sens propre du terme tandis que le procédé de « pesée des âmes » couramment représenté dans la littérature et l’iconographie médiévales, en particulier à partir du xiie siècle, consiste en réalité en une pesée des bonnes et des mauvaises actions (voir J. Baschet, « Jugement de l’âme, jugement dernier : contradiction, complémentarité, chevauchement ? », Revue Mabillon 6, 1995, pp. 159-203, en part. pp. 174-177). Return to text

68 C’est dire si nous souscrivons à l’analyse de C. Thierry, qui propose une interprétation convaincante du texte allemand compris comme cristallisation de la pensée cistercienne, et qui voit dans la pierre qui s’élève un symbole de « l’âme dans ce qu’elle a d’immatériel, opposée aux tentations du monde, puis à la mort du corps. C’est ici l’opposition entre le matériel et le spirituel, entre le monde et l’au-delà, qui intéresse le narrateur de Strasbourg […] : libérée du fardeau des passions terrestres, l’âme s’envole vers Celui dont elle est redevenue l’image » (C. Thierry, « Convoitise et conversion. L’Orient dans l’Alexandre de Strasbourg et ses sources », Études Médiévales, 7, 2005, pp. 314-330, ici pp. 326-327). Return to text

69 Vv.7136-37. Return to text

70 Sur le rapport entre la vue comme sens corporel (sensus corporis) et le regard de l’âme (acies animi) dans la constellation de la double trinité de l’homme extérieur, voir le livre XI de LaTrinité, en part. XI, III ; sur le rôle du regard de l’âme dans la connaissance de soi, qui permet à son tour la connaissance de Dieu, voir le livre XIV, en part. XIV, VI et XIV, VIII (saint Augustin, La Trinité. Livres VIII-XV, texte de l’édition bénédictine, trad. P. Agaësse, notes en collaboration avec J. Moingt, Paris, Études Augustiniennes, 1991, pp. 160-211 et pp. 344-419). Sur l’influence d’Augustin au xiie siècle, citons, parmi les très nombreuses études existantes, M.-D. Chenu, La Théologie au douzième siècle, Paris, Vrin, 1957, pp. 115-118. Return to text

71 Vv. 7247-69 et vv. 6987-7010. Return to text

72 En ce sens, nous rejoignons l’interprétation que donne A. Classen en adoptant un autre angle d’approche, puisqu’il analyse le texte allemand dans la perspective de l’émergence d’une culture écrite en langue vernaculaire à la fin du xiie siècle, pour conclure : « Metaphorically speaking, as soon as the Greek king turns his attention away from the external world and examines the meaning of the stone’s message, he discovers his true self and transforms into an ideal ruler. Undoubtedly, the anonymous poet reveals his own fascination with the exotic yet impenetrable Orient, but he rejects the material world reflected in Alexander’s letter an urges his audience to search for their salvation through studying the written text, that is, of course, ultimately the Bible, here allegorically represented by the stone from Paradise. » (« The Amazing East and the Curious Reader : Twelfth-Century World Exploration through a Writer’s Mind : Lamprecht’s Alexander », Orbis litterarum 55, 2000, pp. 317-339, ici p. 335) Return to text

73 Le texte allemand, par exemple, souligne qu’Alexandre, parce qu’il est païen, ne saurait être comparé à Salomon (vv. 37-82), infléchissant ainsi le texte d’Albéric qui, dans les laisses 2 et 3, affirme que jamais il n’y eut de roi plus remarquable qu’Alexander Magnus (ed. U. Mölk / G. Holtus, « Alberics Alexanderfragment. Neuausgabe und Kommentar », Zeitschrift für romanische Philologie 115, 1999, pp. 582-625 ; ici pp. 590-591). Return to text

74 C’est du moins ce que laissent entendre d’une part les propos du vieux sage exhortant Alexandre à se repentir de ses péchés, à honorer Dieu et à suivre son commandement (vv. 7207-46), d’autre part le commentaire donné à la suite de la conversion du héros en un parfait souverain : « il lui fut alors pardonné » (« dô wart ime vergeben », v. 7271). Return to text

75 Sur l’« eurocentrisme » géographique et culturel au Moyen Âge, voir F. Dubost, Aspects fantastiques…, op. cit., t. I, p. 258. Return to text

References

Bibliographical reference

Marie-Sophie Masse, « L’Inde d’Alexandre dans le Straßburger Alexander : exotisme et acclimatation », Bien Dire et Bien Aprandre, 26 | 2008, 225-244.

Electronic reference

Marie-Sophie Masse, « L’Inde d’Alexandre dans le Straßburger Alexander : exotisme et acclimatation », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 26 | 2008, Online since 01 mars 2022, connection on 19 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/921

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Marie-Sophie Masse

Université de Picardie Jules Verne, CEMAR (Amiens)

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