Enlèvements d’héroïnes et métaphores de la transformation : Europe et Hélène dans les cultures littéraires et figuratives du Moyen Âge

  • Abduction of Heroines and Metaphors of Transformation: Europa and Helen in the Late Medieval Literary and Visual Cultures

DOI : 10.54563/bdba.1952

p. 171-190

Abstracts

Cet article se propose d’interroger la réception et l’interprétation médiévales du thème narratif de l’enlèvement en se concentrant sur deux personnages, Europe et Hélène. À travers l’analyse de manuscrits, œuvres littéraires, et objets précieux dans lesquels les épisodes de l’enlèvement sont mis en scène de multiples façons, il a pour but de décrire l’émergence de lectures diversifiées et de nouvelles iconicités liées à ces deux figures, destinées à se fixer dans les interprétations de la Renaissance et de l’époque moderne.

By focusing on the characters of Europa and Helen, this article examines the medieval reception and interpretation of the narrative theme of the abduction. In manuscripts, literary works, and precious objects the episodes of the abduction are staged in multiple ways. Thus, it is possible to describe the development of diversified interpretations and new iconicities linked to these two figures, paving the way to the Renaissance canons.

Outline

Text

Les enlèvements d’héroïnes, par la rupture narrative qu’ils introduisent, entraînent des changements d’équilibre, mettent en contact des mondes différents1. Le thème de l’enlèvement devient donc un procédé narratif efficace pour mettre en scène la transformation, le passage d’un état de choses à un autre, et la multiplication des points de vue2. Cet article se propose d’interroger la réception et l’interprétation médiévales de ce thème narratif en se concentrant sur deux personnages, Europe et Hélène3. Il s’agit d’études de cas idéales parce que les interprétations littéraires et figuratives de leurs enlèvements mettent en valeur la plasticité du thème, en nous permettant d’explorer les manières dont les auteurs, les artistes et les destinataires se servent des images des héroïnes en mouvement en tant que métaphore de la transformation de l’ordre des choses, dans la sphère religieuse, privée, institutionnelle. De ce point de vue, la période allant du début du xive siècle aux premières décennies du xve siècle offre un champ d’investigation particulièrement riche : l’intérêt pour les récits de matières antiques en français est très vivace au nord comme au sud des Alpes et, grâce aux phénomènes de circulation et d’échanges entre les différentes régions, on assiste à la diffusion de nombreux manuscrits, œuvres littéraires et objets précieux dans lesquels les épisodes de l’enlèvement d’Hélène et d’Europe sont mis en scène de multiples façons, signe de l’émergence de lectures diversifiées et de nouvelles iconicités liées à ces deux figures, destinées à se fixer dans les interprétations de la Renaissance et de l’époque moderne.

Notre analyse portera sur trois monuments de la littérature de matière antique en vogue à cette époque parmi le public des cours et celui des grands centres urbains : le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure et ses mises en prose, l’Ovide moralisé, et, enfin, le De mulieribus claris de Boccace dans sa transposition en ancien français, le Des cleres et nobles femmes. Il s’agit de textes qui diffèrent par leur genre, leur structure, leur langue, leur forme et leur contenu, mais il n’est pas rare qu’ils circulent simultanément dans un même milieu culturel ; en outre, lorsqu’on les considère dans leur ensemble, il est possible d’observer comment s’établit entre eux un véritable réseau de références et de dialogues, qui couvrent un large éventail de phénomènes d’intertextualité, de transfert culturel, de formes d’absorption et de résistance. Il s’agit donc d’un terrain idéal pour décrire les trajectoires iconographiques qui suivent les représentations d’Hélène et d’Europe et pour les interpréter à la lumière de l’évolution des horizons de réception.

L’Ovide moralisé : images plastiques et lectures évhéméristes

Texte phare dans la diffusion du savoir mythologique au xive siècle, l’Ovide moralisé offre la première traduction en langue romane de l’intégralité des quinze livres des Métamorphoses d’Ovide, composée au début du xive siècle par un érudit issu des milieux franciscains qui associe des allégories aux fables afin d’en proposer des lectures moralisantes et chrétiennes4. Il s’agit d’une œuvre conçue comme un instrument utile à la prédication, une finalité à laquelle sont également soumis les épisodes de l’enlèvement d’Europe et d’Hélène.

Comme dans les Métamorphoses, l’histoire d’Europe se trouve au livre II, où elle reçoit cependant un traitement qui diverge à plusieurs égards de sa source. En racontant l’enlèvement de la princesse, Ovide offre une description aux accents ekphrastiques, à laquelle il subordonne le mouvement narratif, qui s’interrompt sur l’image d’Europe chevauchant le taureau5. Ainsi, le lecteur se retrouve face aux effets matériels et visuels offerts par le récit : les cornes du taureau, transparentes comme une pierre précieuse pure et, surtout, le voile d’Europe qui se gonfle au vent en formant un arc. Ce dernier élément deviendra un véritable topos dans les représentations figuratives de l’épisode dans l’Antiquité, l’Antiquité tardive et même au Moyen Âge.

L’auteur de l’Ovide moralisé, quant à lui, étend l’épisode, en ajoutant la partie finale du récit, à savoir l’arrivée d’Europe et de Jupiter en Crète, le viol et la procréation d’un fils : Minos. Le dénouement dramatique de l’enlèvement, raconté avec plus de véhémence et privé du détail du voile, n’empêche pas l’auteur d’offrir une image très poétique de la rencontre entre la jeune fille et le taureau. La plus grande différence par rapport à la source consiste toutefois dans la lecture évhémériste du récit, contrastant avec la description fabuleuse d’Ovide : l’auteur s’attache en effet à expliquer que dans l’épisode original, il n’y a pas eu de métamorphose d’un dieu en animal, mais que pour enlever la jeune fille, Jupiter se serait servi d’un navire sur lequel était peinte la bannière d’un taureau. Le récit se clôt sur une moralisation où Jupiter devient une allégorie du Christ.

Le récit de l’enlèvement d’Hélène, en revanche, est un ajout de l’auteur de l’Ovide moralisé. Ce dernier reprend des Métamorphoses la structure triadique consacrée à l’histoire troyenne qui caractérise les livres XI-XIII, mais innove profondément, surtout au livre XII, qui s’ouvre sur la rencontre entre Hélène et Pâris, absente chez Ovide6. Comme dans le reste de son œuvre, il remanie différentes sources sur lesquelles il opère un minutieux travail de ciselage et d’entrelacement : pour l’histoire d’Hélène et de Pâris, on trouve par exemple les Héroïdes, l’Iliade latine, Darès et Benoît de Sainte-Maure, principal vecteur de diffusion de l’épisode dans la francophonie médiévale7. Par rapport au récit de Benoît, l’Ovide moralisé offre toutefois un portrait très différent de la psychologie des deux jeunes et de leur amour, parfaitement calibré en fonction de la structure allégorique et moralisatrice qui caractérise son œuvre8.

Alors que pour Benoît, la relation entre Hélène et Pâris est un modèle de perfection amoureuse, l’auteur offre une fois de plus une représentation évhémériste, presque cynique, de cet amour. Il reprend des Héroïdes la mention du fait qu’Hélène prémédite de suivre Pâris à Troie, mais dans l’Ovide moralisé cette décision est justifiée par des évaluations très froides sur les avantages charnels et matériels que l’union avec le prince troyen apporterait. L’enlèvement est lui aussi calculé : le lieu et le moment sont décidés par les deux, et Hélène fait preuve d’un grand talent d’actrice, feignant la terreur et la contrariété9. Il n’est pas étonnant, face à un personnage aussi cynique et calculateur, qu’il n’y ait aucune trace dans l’Ovide moralisé de la tristesse et du tourment intérieur qui envahissent Hélène pendant le voyage à Troie et qui sont décrits par Benoît, ni de l’accueil chaleureux de Priam et du peuple troyen. En effet, l’auteur précise la valeur qu’il attache à la figure d’Hélène en l’appelant « la vaine délice », exemple du malheur causé par la quête des plaisirs charnels.

Nous pouvons nous demander si et de quelle manière les nouveautés que l’auteur introduit dans le récit des enlèvements d’Hélène et d’Europe et les nouvelles interprétations qu’il permet affectent la représentation de ces épisodes, et si ces nouveautés sont en mesure de conditionner les traditions iconographiques liées aux deux héroïnes. Les deux plus anciens manuscrits de l’Ovide moralisé, Rouen, BM, ms. O.4 et Paris, Ars. ms. 5069, exécutés dans le premier tiers du xive siècle, sont aussi les plus illustrés et ils contiennent les deux épisodes qui nous intéressent10. Ces codex sont uniques dans le corpus des témoins illustrés de l’œuvre, car ils sont les seuls à représenter à la fois les épisodes principaux des Métamorphoses et leurs moralisations. Dans le reste du corpus, seuls trois autres manuscrits – Lyon, BM, ms. 742 ; Paris, BnF, ms. fr. 137 ; Copenhague, BR, ms. Thott 399 – présentent des cycles d’illustrations à caractère narratif, desquels le matériel allégorique est toutefois presque entièrement supprimé11.

Tant dans le manuscrit de Rouen que dans celui de l’Arsenal, la miniature consacrée à l’histoire d’Europe présente la jeune fille chevauchant un taureau12, ce qui rend compte de la réécriture du mythe raconté par Ovide et non de la réinterprétation proposée par l’auteur de l’Ovide moralisé, qui précise que l’enlèvement a eu lieu par bateau. Dans l’illustration consacrée à l’enlèvement d’Hélène13 (fig. 2.1), l’action se déroule dans un contexte violent et dramatique, donné par la gestuelle de la jeune femme qui, les bras tendus en avant, souligne sa récalcitrance à être conduite hors du temple14. L’image n’est donc en rien comparable au profil psychologique d’Hélène esquissé dans le texte. Dans les deux cas, on assiste donc à un phénomène de non-adhésion des images aux spécificités qui caractérisent le récit de l’auteur.

Fig. 2.1 : Ovide moralisé, Enlèvement d’Hélène, Paris, BnF, Ars. ms. 5069, fol. 163v° (source BnF).

Fig. 2.1 : Ovide moralisé, Enlèvement d’Hélène, Paris, BnF, Ars. ms. 5069, fol. 163v° (source BnF).

Le changement du lecteur cible auquel ces manuscrits sont destinés, non plus un public de prédicateurs mais la haute aristocratie laïque des grandes cours de France, peut fournir une clé d’interprétation de ce phénomène. Le glissement de l’horizon d’attente se reflète dans l’appareil iconographique de l’Ovide moralisé, dans lequel les images deviennent bivalentes : elles laissent place à la fois à l’intérêt pour l’histoire ancienne et profane et aux possibilités d’interprétation dans une perspective anagogique et chrétienne. Les réinterprétations innovantes et moralisantes d’épisodes déjà célèbres et connus du public sont en effet réservées à une seule partie du dispositif iconographique, celle qui accompagne les gloses et qui participe d’une stratégie visant à offrir une pluralité de niveaux de lecture qui coexistent à l’intérieur du cycle des miniatures15. Ce procédé est évident dans l’illustration de l’enlèvement d’Europe, où l’image de la jeune fille sur le taureau, prise isolément, adhère au mythe classique, mais lorsqu’elle est lue conjointement avec l’image qui lui est juxtaposée dans les deux manuscrits, elle acquiert une nouvelle dimension conforme aux intentions allégoriques et moralisatrices de l’auteur. Dans les deux codex, il s’agit d’une image christologique, l’Ascension dans le manuscrit de Rouen et la Montée au Calvaire dans celui de l’Arsenal16. Comme l’ont souligné Murray et Simone, la paire de miniatures Europe-Christ est une traduction efficace de la lecture chrétienne de l’enlèvement d’Europe17. L’héroïne grecque devient ainsi une figure liminale, et son mouvement crée un pont entre les sphères humaine et divine.

Un laboratoire d’images : Hélène et Europe en Italie du Nord

Parallèlement, de nouvelles mises en images des deux mythes se développent dans le domaine de l’enluminure profane en Italie, consolidant les possibilités de lecture déjà présentes dans les manuscrits de l’Ovide moralisé et en ouvrant en même temps de nouvelles.

Ces manuscrits peuvent tous être attribués à l’Italie du Nord et se situent dans un laps de temps assez restreint, de 1320 à 1350 environ. Des études récentes ont montré comment cette région, dominée par les pôles de Bologne, Padoue et Milan, constitue une zone de réception privilégiée de la matière antique. Favorisé par la présence d’universités et de cours, par l’intensité des contacts avec Avignon et sa culture cosmopolite, l’intérêt pour l’Antiquité s’épanouit et laisse des traces dans les travaux des érudits, dans les goûts des mécènes, ainsi que dans la production artistique monumentale et de petit format18.

Vers la moitié du xive siècle, dans le contexte de la diffusion de l’intérêt pour les éditions de luxe des romans en langue vernaculaire, plusieurs témoins du Roman de Troie sont copiés et illustrés19. Accompagnés de cycles de centaines de miniatures disposées horizontalement en bas de page ou à l’intérieur des colonnes de texte, ces manuscrits étendent considérablement le nombre d’images consacrées à l’enlèvement d’Hélène. Dans chacun d’eux, à quelques variantes près, le récit s’articule autour de quelques jalons : la rencontre des deux jeunes gens au temple de Vénus, l’enlèvement et le voyage en bateau, la conversation des amants au cours de laquelle Pâris réconforte Hélène, triste et tourmentée, et enfin l’accueil festif que leur réserve Priam à Troie et leur mariage20. Ainsi développé, le récit acquiert une dimension narrative et dynamique qui, à la différence de la tradition précédente, donne place à toutes les étapes du mouvement de la Grèce vers Troie, avec les conséquences que cela implique. La rencontre des amants au temple marque le début du mécanisme narratif, qui prend forme avec l’enlèvement et le voyage en bateau. Le choix de représenter Hélène réconfortée par Pâris dans tous les manuscrits rend compte de l’importance que les enlumineurs et les lecteurs attachent à la représentation psychologique de l’héroïne, à ses conflits intérieurs et à leur pacification ; l’accueil de Priam et le mariage qui s’ensuit scellent cette pacification et l’entrée d’Hélène dans la société troyenne. Ce nouveau récit consacré à la figure d’Hélène n’est pas resté limité au public des cours seigneuriales de l’Italie du Nord, mais s’est rapidement étendu au circuit des lecteurs passionnés par les histoires antiques dans d’autres centres de la péninsule. Une séquence de miniatures tout à fait similaire se retrouve en effet dans le plus ancien témoignage de la mise en prose du Roman de Troie incluse dans l’Histoire ancienne jusqu’à César : le manuscrit London, BL, Royal 20.D.i, copié à Naples dans le milieu de la cour angevine vers 133021.

Dans tous ces manuscrits, les images mettent en scène le thème du mouvement du personnage d’Hélène en l’interprétant comme un parcours d’intégration progressive dans la société troyenne. Comme l’observe Luca Barbieri, ce thème est développé par Benoît de manière inédite par rapport à ses sources : dans le Roman de Troie le choix d’Hélène de rejoindre les Troyens est volontaire et, une fois accueillie dans la famille de Priam et entraînée dans le drame de la guerre, elle se consacre entièrement à la cause troyenne, soignant les blessés, soutenant les femmes en deuil, pleurant les morts22. Les miniatures des manuscrits témoignent de l’intérêt que la nouvelle représentation du personnage a suscité dans le public de l’Italie du Nord.

Cette région se présente donc comme un véritable laboratoire d’images, dans lequel des solutions de mise en page et de narration imagée très innovantes sont élaborées et contribuent à un changement et à un élargissement des horizons dans la réception des mythes liés à l’enlèvement des héroïnes grecques. Un élément clé de ce processus est représenté par l’activité d’un atelier de sculpteurs d’ivoire qui, fondé par le marchand florentin Baldassare Ubriachi dans la deuxième moitié du xive siècle, suit sa trajectoire et se déplace de Florence à Venise autour de 139023. Les Embriachi sont spécialisés dans la production de différentes sortes d’objets, dont des coffrets décorés avec les histoires de héros antiques, Pyrame et Tisbé, Jason et Médée, Hélène et Pâris. Les panneaux sculptés appliqués sur les coffrets déploient des récits unitaires consacrés à l’histoire de personnages individuels. Par exemple, dans les coffrets avec les histoires de Pâris conservés dans le trésor de la basilique Saint-François d’Assise et au Kunsthistorisches Museum de Vienne (fig. 2.2), le récit s’ouvre avec les scènes de la naissance du prince troyen et de son enfance auprès des bergers, suivies du « Jugement des taureaux » : un épisode racontant comment Pâris, devenu entre-temps gardien d’un troupeau, assiste à un combat entre deux taureaux et couronne l’animal vainqueur ; suivent deux scènes consacrées au beaucoup plus célèbre « Jugement de Pâris », où le pâtre est appelé à déterminer qui, entre Junon, Vénus et Minerve, est la plus belle ; le cycle se termine avec la représentation de l’enlèvement d’Hélène. Le choix et l’enchaînement des épisodes présentent un haut degré d’originalité : ils incluent des événements qui ne sont pas relatés dans le Roman de Troie, comme le « Jugement des taureaux », et accordent beaucoup de place à des aspects qui ne sont pas traités aussi largement dans la tradition iconographique de l’illustration troyenne, comme la double scène du « Jugement de Pâris ». Il existe cependant un large répertoire de sources littéraires dans lesquelles ces épisodes, racontés avec plus ou moins de détails, présentent des correspondances avec les spécificités iconographiques des coffrets. Mis en lumière par Michele Tomasi, ce corpus comprend des textes français mais surtout des traductions en langues vernaculaires italiennes24. Le « Jugement des taureaux », par exemple, se retrouve à la fois dans l’Istorietta troiana, un texte florentin de la fin du xiiie siècle, et dans le Libro troiam, une compilation en langue vénitienne du xive siècle qui rassemble et traduit divers matériaux français et latins, de l’Histoire ancienne à l’Historia destructionis Troiae de Guido delle Colonne25. D’autres traductions de l’Historia de Guido racontent l’épisode du « Jugement de Pâris », offrant des détails que l’on retrouve dans les scènes sculptées par l’atelier Embriachi26. En puisant ainsi dans un répertoire textuel largement partagé, composé de récits qui circulaient depuis des décennies et étaient donc connus d’un très large public, ces artistes exploitent de manière inédite la possibilité de représenter l’histoire d’Hélène et de Pâris en suivant un arc narratif et temporel cohérent avec la fonction nuptiale des coffrets d’ivoire. De nombreuses sources du xive siècle nous renseignent en effet sur le rôle de ces objets dans les pratiques matrimoniales. Le coffret était envoyé en cadeau par le fiancé à la future épouse quelque temps avant le mariage, dans le cadre d’un rituel socialement et juridiquement codifié impliquant des procédures notariales et des processions pour remettre le coffret à la jeune fiancée27. De la nature de ces objets, destinés aux jeunes mariées qui sont invitées à identifier dans les scènes des allusions au lien matrimonial, dérive un caractère exemplaire, qui influe sur la manière dont les différentes images s’articulent pour structurer la narration. Ainsi, l’enlèvement d’Hélène n’est plus l’épisode central de la séquence comme il l’était dans les illustrations du Roman de Troie, mais devient au contraire l’épisode final, le point d’arrivée du récit en images. Le véritable protagoniste du récit est Pâris, auquel est consacré l’entièreté des scènes. Comme l’a observé Tomasi, toute la narration tourne autour du thème du jugement28. La capacité de discernement de Pâris et la bonté de son jugement, valorisées d’abord dans la scène des taureaux et ensuite dans la double représentation de la dispute entre les trois déesses, culminent dans le choix d’Hélène comme épouse. En tant que nouvelle Hélène, la destinataire du coffret était donc censée voir dans ce récit une exaltation de ses propres qualités et dans la scène de l’enlèvement une célébration idéale du lien conjugal. Dans ce contexte, le mouvement d’Hélène reçoit une nouvelle lecture et devient un miroir du mouvement de la future épouse, de son passage d’une condition à une autre. De visualisation du contact et collision entre deux mondes, l’image de l’enlèvement d’Hélène devient une métaphore qui, en jouant sur une idéalisation des qualités esthétiques et morales de l’héroïne, signe l’acquisition d’un nouveau statut social par le destinataire de l’objet. Le succès des coffrets embriacheschi précède dans ce sens celui d’un autre type d’objet d’art lié à la sphère matrimoniale qui commence à se diffuser à partir de la fin du xive siècle, le cassone peint, où les épisodes de l’enlèvement d’Hélène et d’Europe sont également utilisés pour promouvoir cette nouvelle image exemplaire des deux héroïnes, métaphores de l’union matrimoniale parfaite29.

Fig. 2.2 : Atelier des Embriachi, Coffret avec histoires de Pâris, Italie du Nord, verso 1490, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Kunstkammer (source KHM-Museumsverband)

Fig. 2.2 : Atelier des Embriachi, Coffret avec histoires de Pâris, Italie du Nord, verso 1490, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Kunstkammer (source KHM-Museumsverband)

France 1400 : entre mythologie et idéal courtois

L’atelier des Embriachi était prisé par un public très large, composé de la haute bourgeoisie florentine et des seigneurs de l’Italie du Nord mais aussi, surtout à partir de la fin du xive siècle, de la grande aristocratie internationale. Dans les inventaires des objets précieux possédés par Charles V, par exemple, on trouve des coffrets de type « embriachesco ». De la correspondance de Baldassare Ubriachi emerge également le nom d’un autre client important : Jean de Berry30. Il est donc plausible que ces coffrets aient circulé dans les cours européennes les plus raffinées, en premier lieu celles des princes Valois, où, entre le xive et le xve siècle, de nombreux manuscrits consacrés en partie ou en totalité à l’Antiquité grecque ont été copiés et illustrés, signe d’un intérêt marqué pour la matière ancienne et ses protagonistes parmi le public lié aux cours de France, de Berry et de Bourgogne. Dans les collections royales et ducales se concentrent donc des manuscrits et des objets qui offrent une pluralité de lectures des mythes d’Hélène et d’Europe. Dans la bibliothèque de Jean de Berry, par exemple, sont inventoriés plusieurs exemplaires de l’Ovide moralisé et un « Ovide de l’art d’amours31 ». Deux de ces volumes ont été identifiés avec des codex actuellement à Paris, BnF, ms. fr. 373 et Lyon, BM, ms. 742. Le premier codex présente une série de représentations de divinités antiques en grisaille32, dérivées de l’introduction mythographique qui ouvre l’Ovidius moralizatus de Pierre Bersuire33. Le codex de Lyon, quant à lui, est décoré d’un cycle de miniatures illustrant le récit de l’Ovide moralisé34, à l’instar des anciens manuscrits de Rouen et d’Arsenal. À la différence de ces derniers, cependant, les sections consacrées aux moralisations chrétiennes sont presque entièrement éliminées du texte et des images : cette opération reflète une nouvelle réception de l’Ovide moralisé, en accord avec un intérêt laïque pour la matière ancienne et mythologique35. Comme l’a observé Jung, nous sommes donc face à un nouveau type de texte, non plus un Ovide moralisé proprement dit mais un recueil des fables d’Ovide, avec des commentaires historiques et moraux36. En effet, la présence d’une table liminaire qui fait office de table de matières accentue le caractère de recueil mythologique du manuscrit lyonnais37. Cette ligne de réception influence également les caractéristiques iconographiques des images d’Europe et d’Hélène38. La première montre la jeune fille chevauchant un taureau et s’apprêtant à traverser la mer sous les yeux de ses suivantes, tandis que la seconde représente Hélène et Pâris en pleine conversation à bord d’un bateau. Les scènes d’enlèvement sont dépouillées de tout détail dramatique, leur dynamisme est altéré et fait de ces images des représentations de personnages en voyage. Dans ces illustrations, on apprécie la technique de la grisaille et l’élégance des personnages, la richesse de leurs vêtements, l’atmosphère paisible dans laquelle ils évoluent. Les mythes d’Ovide sont traduits en parfaites images courtoises39.

Outre les textes déjà en circulation et bien connus, dans les cours françaises de ces années-là se diffusent des œuvres qui, provenant d’Italie, représentent une nouveauté pour ces lecteurs. On sait, par exemple, que le codex angevin de l’Histoire ancienne jusqu’à César contenant la mise en prose du Roman de Troie, Londres, BL, Royal 20.D.i, a circulé dans les cours de Charles V et de Jean de Berry vers 140040. La possibilité d’illustrer le récit de la guerre de Troie par de longues séquences de miniatures a dû apparaître comme une nouveauté intéressante pour ces lecteurs, auxquels sont liés deux exemplaires du texte, tous deux abondamment enluminés : Paris, BnF, ms. fr. 301 et Londres, BL, ms. Stowe 54. Les deux manuscrits consacrent des images à l’enlèvement d’Hélène et à son arrivée à Troie, les ordonnant ainsi dans une séquence chronologique et narrative, conformément aux copies italiennes du Roman de Troie41.

Dans ces années, cependant, pour le public de ces cours, on copie et on illustre des œuvres qui présentent des lectures inédites des enlèvements d’Europe et d’Hélène, comme le Des cleres et nobles femmes. Dans cette œuvre, on ne s’intéresse plus aux possibilités d’interprétation chrétienne des mythes antiques comme dans l’Ovide moralisé ou à l’utilisation du thème de l’enlèvement comme moteur du récit comme dans le Roman de Troie. De manière similaire à ce que nous avons vu pour les coffrets des Embriachi, c’est l’intérêt pour les possibilités de lecture exemplaire des aventures des deux héroïnes grecques qui domine ici.

La traduction du texte de Boccace, réalisée au tout début du xve siècle, respecte dans les grandes lignes la structure et le contenu de son texte source42. Comme le De mulieribus claris, en effet, le Des cleres et nobles femmes est organisé en 104 chapitres, chacun consacré à la biographie d’une femme illustre. À l’exception de deux figures contemporaines de Boccace, les biographies portent exclusivement sur des personnages de l’Antiquité grecque et surtout romaine. Les biographies de saintes chrétiennes ou de personnages bibliques ne trouvent pas leur place dans cet ouvrage. Cet aspect fait du De mulieribus claris une œuvre novatrice, dans laquelle l’auteur fait preuve d’une grande rigueur historique, mise toutefois au service d’intentions didactiques et moralisatrices43. En effet, pour l’auteur, les femmes du passé méritent d’être connues en vertu de leur pouvoir d’exemplarité historique, dont il est possible de tirer des modèles de comportement et des leçons de morale44. À cette fin, l’auteur procède à un processus de démythification des épisodes, tout en essayant d’humaniser les personnages féminins, dont les traits et les comportements sont ainsi plus proches de la sensibilité des lecteurs contemporains et plus faciles à comprendre45. Ces aspects ressortent clairement de la trame des biographies, qui suivent généralement une structure commune : elles s’ouvrent sur une mise en contexte historique et géographique du personnage, riche en informations sur sa famille et ses liens généalogiques ; suivent la description de ses caractéristiques physiques et de ses traits de caractère, puis le récit des événements qui l’ont rendu célèbre. Les histoires contiennent ensuite diverses considérations de l’auteur, des inserts moralisateurs et des exhortations à prendre les personnages et leurs actions en exemple.

Cette structure est à la base du conte d’Europe, qui s’ouvre sur des informations concernant l’ascendance de la jeune fille et sa grande beauté, à la vision de laquelle Jupiter, roi de Crète, tombe amoureux46. Profitant du fait que la jeune fille, maquerelle, aime se promener avec un groupe de taureaux au bord de la mer, il l’enlève en l’embarquant sur un navire dont la bannière représente un taureau blanc. L’auteur rappelle également le récit de la métamorphose de Jupiter en taureau, en soulignant toutefois qu’il s’agit d’une fable, et commente l’éducation trop permissive donnée à la jeune Europe : selon lui, les femmes vierges et jones et tendres ne devraient pas avoir la liberté de se promener seules, au risque de voir leur chaste réputation ternie. En effet, Boccace mentionne la possibilité que la jeune femme ait été violée par Jupiter, précisant toutefois que, selon beaucoup, le fait qu’Europe ait été mariée à un grand dieu comme Jupiter est un signe de sa grande dignité et de sa noblesse.

Si l’on reproche à Europe d’être trop légère, Hélène présente un caractère et un comportement encore plus négatifs47. Elle est célèbre autant pour sa joliveté, cointise et mignotise et sa beauté charnelle que pour la guerre qui a été menée à cause d’elle. Boccace, et dans son sillage le traducteur anonyme, en font un personnage très actif, doté d’un grand esprit d’initiative. L’enlèvement par Pâris, par exemple, est planifié, fruit d’un complot et conseil entre les deux. Son manque de jugement et de moralité l’accompagne également lors de son séjour à Troie où, à la mort de Pâris, Hélène décide de se remarier avec Déiphobe : elle fit cecy comme si ly semblast avoir peu pechié en la premiere fois. En outre, l’auteur nous informe qu’elle participe activement à la trahison des Troyens : de sa voulenté et bon gré sans contrainte et par sa malicieuse cautelle bailla par traïson la cité.

Au début du xve siècle, le Des cleres et nobles femmes a été copié dans deux manuscrits de luxe, conservés à Paris, BnF, ms. fr. 12420 et ms. fr. 59848. Enluminés par deux artistes nordiques dont la présence à Paris au début du xve siècle a fortement influencé le panorama artistique, notamment le Maître du Couronnement de la Vierge et le Maître des Cleres et nobles femmes, les codex ont été acquis respectivement par Philippe le Hardi et Jean de Berry49. La disposition des enluminures, commune aux deux manuscrits tout comme le répertoire iconographique, prévoit que chaque biographie soit accompagnée d’une illustration. Les images forment ainsi une galerie de femmes illustres, chacune d’entre elles étant représentée soit dans l’épisode culminant de sa biographie, soit en train d’exercer l’activité à laquelle elle doit sa célébrité.

Dans le manuscrit fr. 12420, par exemple, Europe est présentée comme une jeune femme couronnée, vêtue d’une robe ajustée et raffinée aux manches bouffantes et aux épaules ornées de bandes de tissu précieux (fig. 2.3). Jupiter, qui prend ici l’aspect d’un jeune homme aux cheveux blonds, entoure délicatement sa taille tandis qu’un bateau portant le drapeau d’un taureau blanc attend sur le rivage. Comme le remarque Brigitte Buettner, rien dans cette image ne rend compte de la violence et du drame d’un enlèvement : les deux jeunes, par leurs gestes délicats et élégants, suggèrent plutôt l’image d’un couple d’amoureux sur le point de s’embarquer pour un voyage50. La biographie d’Hélène, en revanche, présente une miniature qui la montre à la fenêtre d’un château, embrassant Pâris, sans se soucier du siège de l’armée grecque qui se déroule sous ses yeux (fig. 2.4).

Fig. 2.3 : Des cleres et nobles femmes, Enlèvement d’Europe, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 17v° (source BnF).

Fig. 2.3 : Des cleres et nobles femmes, Enlèvement d’Europe, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 17v° (source BnF).

Fig. 2.4 : Des cleres et nobles femmes, Hélène et Paris à Troie, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 50v° (source BnF).

Fig. 2.4 : Des cleres et nobles femmes, Hélène et Paris à Troie, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 50v° (source BnF).

Aucune des miniatures ne reflète le récit textuel correspondant, et les images semblent donc en décalage avec la représentation des événements des deux héroïnes telle qu’elle est présentée dans leurs biographies respectives. On peut se demander si ces incohérences apparentes ne font pas partie d’une stratégie qui, complémentaire de celle mise en œuvre dans le texte à travers la représentation psychologique et humaine des personnages, vise à atténuer la distance chronologique et sociale entre les réalités des femmes célèbres de l’Antiquité et celle dans laquelle évoluent les lecteurs du début du xve siècle, favorisant ainsi la possibilité de voir dans ces histoires des modèles de comportements actuels.

En effet, l’image d’un couple d’amoureux en voyage ou regardant par la fenêtre d’un château représente un véritable topos dans l’art de cour de cette période. On trouve des représentations de ce type dans l’illustration des romans de chevalerie et des tacuina sanitatis, mais aussi dans la décoration d’objets précieux et dans les peintures monumentales qui ornaient les salles des palais aristocratiques51. Tout aussi fréquentes et passe-partout sont les scènes de bataille et de siège qui, dans la miniature dédiée à Hélène, sont juxtaposées à la représentation des amants.

Ces illustrations se codifient dans l’imaginaire véhiculé par la production artistique de toutes les grandes cours européennes, et en même temps elles sont actualisées en termes d’adhésion à la mode et aux goûts en vigueur dans ces cours. Cela favorise l’identification du lecteur et rend finalement plus incisif le message confié au texte52. Les variations sur le thème, la dissonance par rapport à une mise en image qui s’inscrit dans un horizon d’attente lié à la célébration des idéaux de la cour émergent avec plus de force et sollicitent sans doute l’attention et la mémoire du lecteur.

Les images d’Hélène et d’Europe, consolidées dans la tradition du xive siècle et sédimentées dans la mémoire des lecteurs du début du xve siècle, reçoivent ici une lecture tout à fait originale. Dans ces miniatures, les héroïnes ne sont plus des images de mouvement, mais au contraire des personnages bien ancrés dans la mémoire du lecteur, si connus qu’une seule image rappelle toute l’histoire de leur enlèvement. En misant sur la valeur iconique de leur représentation, auteurs et enlumineurs peuvent jouer sur l’effet de rupture de l’horizon d’attente, de dissonance entre texte et image, construire ainsi des lectures originales, dont l’exemplarité est bien différente de celle offerte par les coffrets des Embriachi ou les illustrations de l’Ovide moralisé, et exploiter la valeur iconique de l’image en la reliant à une lecture du texte qui, elle, est bien éloignée du canon d’exemple positif destiné à s’imposer dans les décennies suivantes et à se fixer dans les contours des mythes de la Renaissance.

Notes

1 Cet article a été écrit dans le cadre de mon post-doctorat dans le programme de recherches ERC Advanced Grant AGRELITA, « The Reception of Ancient Greece in Premodern French Literature and Illustrations of Manuscripts and Printed Books (1320-1550) : How Invented Memories Shaped the Identity of European Communities », direction Catherine Gaullier-Bougassas, Université de Lille : « The project leading to this article has received funding from the European Research Council (ERC) under the European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme (grant agreement N° 101018777) ». Return to text

2 Brill’s Companion to Episodes of ‘Heroic’ Rape/Abduction in Classical Antiquity and Their Reception, dir. R. Lauriola, Leyde, Brill, 2022. Return to text

3 L. Lahill, Les Enlèvements et le retour d’Hélène dans les textes et les documents figurés, 2 vol., Paris, de Boccard, 1955 ; B. Guthmüller, « Il mito ovidiano in Europa e il mito di Europa », dans Il Rinascimento italiano e l’Europa, 2. Umanesimo ed educazione, dir. G. Belloni et R. Drusi, Fondazione Cassamarca, Vicenza, 2007, p. 545-564. Return to text

4 M. Possamaï-Perez, L’« Ovide moralisé ». Essai d’interprétation, Paris, Champion (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge), 2006 ; Ovide moralisé, Livre I, Tome I, éd. C. Baker, M. Besseyre, M. Cavagna, S. Cerrito, O. Collet, M. Gaggero, Y. Greub, J.-B. Guillaumin, M. Possamaï-Perez, V. Rouchon Mouilleron, I. Salvo, T. Städtler, R. Trachsler, Paris, SATF, 2018. Les vers dédiés à Europe se trouvent dans le livre II des Métamorphoses, v. 834-875 et également dans le livre II de l’Ovide moralisé, v. 4570-5138. Return to text

5 F. Lecocq, « Europe "moralisée". Imitation et allégorisation », dans D’Europe à l’Europe, I. Le mythe d’Europe dans l’art et la culture de l’Antiquité au XVIIIe siècle, dir. R. Poignault et O. Wattel-De Croizant, Tours, Caesarodunum, 1998, p. 263-276. Return to text

6 Il s’agit des vers 1-877 : cf. Ovide moralisé, poème du commencement du XIVe siècle, éd. C. De Boer, Amsterdam, Müller, 5 vol., 1915-1936, vol. IV, p. 231-254. Sur les techniques de réécriture du livre XII, S. Biancardi, « Le livre XII de l’Ovide moralisé. Réécritures, entre continuité et discontinuité », dans Ovidius explanatus. Traduire et commenter les Métamorphoses au Moyen Âge, dir. S. Biancardi, P. Deleville, F. Montorsi et M. Possamaï-Perez, Paris, Garnier, 2018, p. 185-201. Return to text

7 L. Barbieri, « Les Héroïdes dans l’Ovide moralisé : Léandre-Héro, Pâris-Hélène, Jason-Médée », dans Les translations d’Ovide au Moyen Âge, dir. A. Faems, V. Minet-Mahy et C. Van Coolput-Storms, Louvain-la-Neuve, Publications de l’Institut d’études médiévales, 2011, p. 235-268. Return to text

8 Cet aspect a été bien analysé par C. Croizy-Naquet, « L’Ovide moralisé ou Ovide revisité : de métamorphose en anamorphose », dans Lectures et usages d’Ovide (XIIIe - XVe siècles), dir. E. Baumgartner, Cahiers de recherches médiévales, t. 9, 2002, p. 39-52. Return to text

9 Ovide moralisé, XII, v. 11-877, cf. Ovide moralisé, éd. C. De Boer, vol. IV, p. 231-254. Return to text

10 Les deux épisodes se trouvent aux fol. 71r° et 300r° dans le manuscrit de Rouen, aux fol. 27r° et 164v° dans celui de l’Arsenal. Les cycles d’enluminures sont décrits dans Ovide moralisé, Livre I, p. 101-109 ; R. Blumenfeld-Kosinski, « Illustrations et interprétations dans un manuscrit de l’Ovide moralisé (Arsenal 5069) », dans Lectures et usages d’Ovide, p. 71-82. Return to text

11 C. Lord, « Three Manuscripts of the Ovide moralisé », The Art Bulletin, t. 57, 1975, p. 161-175 ; J. Drobinsky, « La narration iconographique dans l’Ovide moralisé de Lyon (BM ms. 742) », dans Ovide métamorphosé : les lecteurs médiévaux d’Ovide, dir. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille, et M. Szkilnik, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, p. 223-238 ; L. Harf-Lancner et M. Perez-Simon, « « Une lecture profane de l’Ovide moralisé. Le manuscrit BnF français 137 : une mythologie illustrée », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, t. 30, 2015, p. 167-196. Pour l’analyse des familles iconographiques de l’Ovide moralisé cf. F. Clier-Colombani, « Les différents programmes iconographiques. Filiations entre les manuscrits de l’Ovide moralisé », Cahiers de recherche médiévales et humanistes, t. 30, 2015, p. 21-48. Return to text

12 Il s’agit des enluminures situées au fol. 71r° pour le manuscrit de Rouen et au fol. 27r° pour celui de l’Arsenal. Return to text

13 Les représentations d’Hélène se trouvent au fol. 300r° du manuscrit de Rouen et au fol. 164v° du celui de l’Arsenal. Return to text

14 Sur cet épisode cf. F. Clier-Colombani, Images et imaginaire dans l’Ovide moralisé, Paris, Champion (Essais sur le Moyen Âge), 2017, p. 161-164. Return to text

15 Toutefois, ces images restent minoritaires, cf. R. Blumenfeld-Kosinski, « Illustrations et interprétations », p. 72 : « Tandis que le manuscrit de Rouen consacre 20 % de ses illustrations au niveau allégorique, le manuscrit Arsenal 5069 ne propose que 10 % de ses images dans cette catégorie ». Return to text

16 Les deux images se trouvent aux fol. 72r° et 27v° respectivement. Return to text

17 K. S-J. Murray et A. Simone, « The Liminal Feminine : Illustrating Europa in the Ovide moralisé », dans Receptions of Antiquity, Constructions of Gender in European Art, 1300-1600, dir. M. Rose et A. C. Poe, Leyde et Boston, Brill, 2015, p. 80-98. Return to text

18 Pour la diffusion de cette culture en Italie du Nord cf. Modernamente antichi: modelli, identità, tradizione nella Lombardia del Tre e Quattrocento, dir. P.N. Pagliara et S. Romano, Rome, Viella (Studi lombardi), 2014 ; M. Petoletti, « Benzo d’Alessandria e le vicende della guerra Troiana : appunti sulla diffusione della Ephemeris belli Troiani di Ditti Cretese », Aevum, t. 73, 1999, p. 469-491. Ce n’est pas un hasard si la plus luxueuse copie enluminée de l’Ovidius moralizatus est produite ici (Gotha Forschungbibliothek I 98) ; cf. G. Zanichelli, « The Reception of Ovidius moralizatus in Northern Italy in the Late Middle Ages », dans After Ovid. Aspects of the Reception of Ovid in Literature and Iconography, dir. F. E. Consolino, Turnhout, Brepols (Giornale italiano di filologia. Bibliotheca), 2022, p. 189-211. Return to text

19 Il s’agit des manuscrits suivants : Vienne, ÖNB, cod. 2571 ; Saint-Pétersbourg, NLR, ms. fr. F.v.XIV.3 ; Cité du Vatican, BAV, Reg. Lat. 1505 ; Venise, BM, ms. fr. XVII. Cf. K. Busby, Codex and Context: Reading Old French Verse Narrative in Manuscript, Amsterdam et New York, Brill, 2002, vol. II, p. 766-796 ; Allen Mären ein Herr. Ritterliches Troja in illuminierten Handschriften, ed. C. Cipollaro, M.V. Schwarz, Vienne et Cologne, Böhlau, 2017. Return to text

20 Les séquences consacrées à Pâris et Hélène se trouvent aux fol. suivants : Vienne, ÖNB, cod. 2571, fol. 29r°-31r° ; Saint-Petersbourg, NLR, ms. fr. F.v.XIV.3, fol. 20r°-23v° ; Cité du Vatican, BAV, Reg. Lat. 1505, fol. 33r°-37r° ; Venise, BM, ms. fr. XVII, fol. 27r°-33r°. Return to text

21 Aux fol. 49v°-53r°. Return to text

22 L. Barbieri, « De Grèce à Troie et retour : les chemins opposés d’Hélène et Briséida dans le Roman de Troie », dans Philologia ancilla litterature, dir. A. Corbellari, Genève, Droz (Recueil de Travaux publiés par la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Neuchâtel), 2013, p. 1-30. Return to text

23 Sur la production des Embriachi cf. M. Tomasi, Monumenti d’avorio: i dossali degli Embriachi e i loro committenti, Pise, Edizioni della Scuola Normale, 2010 ; P. Williamson, G. Davies, Medieval Ivory Carving, Londres, V&A Publishing, 2014, vol. 2, p. 751-861. Return to text

24 M. Tomasi, « Miti antichi e riti nuziali: sull’iconografia e la funzione dei cofanetti degli Embriachi », Iconographica, t. 2, 2003, p. 126-145. Return to text

25 Seule l’Istorietta troiana a été éditée : Istorietta troiana con le Eroidi gaddiane glossate: studio, edizione critica e glossario, dir. A. D’Agostino et L. Barbieri, Milan, Ledizioni, 2017 ; pour les autres textes cf. M. Cambi, L’Histoire ancienne jusqu’à César in Italia. Manoscritti, tradizioni testuali e volgarizzamenti, Pise, Pacini, 2020, p. 139-150. Return to text

26 Tel est le cas par exemple du manuscrit Florence, BML, Pal. 153 ; voir M. Tomasi, « Miti antichi e riti nuziali », p. 129 ; M. Cambi, L’Histoire ancienne, p. 110-111. Return to text

27 Ibid., p. 134. Return to text

28 Ibid., p. 137. Return to text

29 Cf. J. Miziolek, « The Story of Paris and Helen in Italian Renaissance Domestic Paintings from the Lanckoroński Collection », Światowit, 2003, t. 5 (46), p. 15-31. Return to text

30 M. Tomasi, « Baldassarre Ubriachi, le maître, le public », Revue de l’art, t. 134, 2001, p. 51-60 ; J. Durand et M.-P. Laffitte (dir.), Le trésor de la Sainte-Chapelle, Paris, Réunion des musées nationaux, 2001, p. 221-222. Return to text

31 J. Guiffrey, Inventaires de Jean duc de Berry, Paris, Leroux, 1894-1896, 2 vol., no 859, 873, 914. Return to text

32 Ces illustrations se trouvent aux folios suivants : 1r°, 24r°, 51r°, 67r°, 105r°, 126v°, 149r°, 166v°, 189r°, 207v°, 229r°, 251v°, 277v°, 301v°, 335v°. Le codex a été digitalisé : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8490152m. Return to text

33 À partir de la seconde moitié du xive siècle, cette introduction connaît un grand succès et génère une iconographie spécifique qui est absorbée par plusieurs exemplaires illustrés de l’Ovide moralisé. cf. Ovide moralisé, Livre I, p. 92-100. Return to text

34 Le manuscrit est consultable en ligne : https://bvmm.irht.cnrs.fr/iiif/12420/canvas/canvas-1332024/view. Return to text

35 J. Drobinsky, « La narration », p. 234-235. Return to text

36 M.-R. Jung, La Légende de Troie en France au Moyen Âge : analyse des versions françaises et bibliographie raisonnée des manuscrits, Bâle, Francke, « Romanica Helvetica », 1996, p. 624. Return to text

37 Cf. les remarques de J. Drobinsky, « La narration », p. 227-228. Return to text

38 Ces images se trouvent aux fol. 40r° et 203r° respectivement. Return to text

39 Cette ligne sera également poursuivie dans les illustrations du ms. Paris, BnF, ms. fr. 137, élégant codex transmettant une mise en prose de l’Ovide moralisé exécutée dans la région bourguignonne, cf. L. Harf-Lancner et M. Perez-Simon, « Une lecture profane ». Return to text

40 François Avril a identifié le codex dans les inventaires des bibliothèques des deux princes : F. Avril, « Trois manuscrits napolitains des collections de Charles V et de Jean de Berry », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 127, 1969, p. 291-328 ; toutefois, cette identification a été contestée par M. L. Palermi, « Histoire ancienne jusqu’à César : forme e percorsi del testo », Critica del testo, t. 7, 2004, p. 213-256, en particulier p. 254-256. Return to text

41 Les séquences d’enluminures dédiées à l’enlèvement d’Hélène se trouvent aux fol. 42v°-47v° dans le manuscrit de Paris, aux fol. 60r°-64r° dans le codex de Londres. Return to text

42 Boccace, « Des cleres et nobles femmes ». Ms. Bibl. Nat. 12420, éd. J. Barouin et J. Haffen, Paris, Les Belles Lettres, 1993. Return to text

43 M. Miglio, « Boccaccio biografo », dans Boccaccio in Europa, dir. G. Tournoy, Louvain, Leuven University Press, 1977, p. 149-163. Return to text

44 B. Buettner, Boccaccio’s De cleres et nobles femmes, Systems of Signification in an Illuminated Manuscript, Seattle et Londres, College Art Association, 1996. Return to text

45 E. Filosa, Tre studi sul De Mulieribus Claris, Milan, LED, 2012, p. 21-23. Return to text

46 Boccace, « Des cleres et nobles femmes », p. 40-41. Return to text

47 Ibid., p. 111-118. Return to text

48 Les images dédiées à Europe et Hélène se situent aux fol. 17v° et 50v° dans le codex fr. 12420, aux fol. 18r° et 51r° dans le ms. fr. 598 ; B. Buettner, Boccaccio’s De cleres et nobles femmes ; M.-H. Tesniere, « I codici illustrati del Boccaccio francese e latino nella Francia e nelle Fiandre del XV secolo », dans Boccaccio Visualizzato, Narrare per parole et per imagini tra Medioevo e Rinascimento, dir. V. Branca, Turin, Einaudi, 1999, t. III, p. 3-17. Return to text

49 J. Guiffrey, Inventaires n° 940 ; P. De Winter, La Bibliothèque de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne (1364-1404). Étude sur les manuscrits à peintures d’une collection princière à l’époque du « style gothique international », Paris, CNRS, 1985, n° 48. Return to text

50 B. Buettner, Boccaccio’s De cleres et nobles femmes, p. 40. Return to text

51 R.S. Loomis et L.H. Loomis, Arthurian Legends in Medieval Art, New York, Modern Language Association of America, 1966. Return to text

52 L’actualisation du monde décrit dans le De cleres et nobles femmes par rapport au monde des lecteurs de la France de 1400 est commune aux deux cycles de ces manuscrits et se manifeste de différentes manières. Ce thème est exploré par B. Buettner, Boccaccio’s De cleres et nobles femmes. Return to text

Illustrations

  • Fig. 2.1 : Ovide moralisé, Enlèvement d’Hélène, Paris, BnF, Ars. ms. 5069, fol. 163v° (source BnF).

    Fig. 2.1 : Ovide moralisé, Enlèvement d’Hélène, Paris, BnF, Ars. ms. 5069, fol. 163v° (source BnF).

  • Fig. 2.2 : Atelier des Embriachi, Coffret avec histoires de Pâris, Italie du Nord, verso 1490, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Kunstkammer (source KHM-Museumsverband)

    Fig. 2.2 : Atelier des Embriachi, Coffret avec histoires de Pâris, Italie du Nord, verso 1490, Vienne, Kunsthistorisches Museum, Kunstkammer (source KHM-Museumsverband)

  • Fig. 2.3 : Des cleres et nobles femmes, Enlèvement d’Europe, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 17v° (source BnF).

    Fig. 2.3 : Des cleres et nobles femmes, Enlèvement d’Europe, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 17v° (source BnF).

  • Fig. 2.4 : Des cleres et nobles femmes, Hélène et Paris à Troie, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 50v° (source BnF).

    Fig. 2.4 : Des cleres et nobles femmes, Hélène et Paris à Troie, Paris, BnF, ms. fr. 12420, fol. 50v° (source BnF).

References

Bibliographical reference

Ilaria Molteni, « Enlèvements d’héroïnes et métaphores de la transformation : Europe et Hélène dans les cultures littéraires et figuratives du Moyen Âge », Bien Dire et Bien Aprandre, 38 | 2023, 171-190.

Electronic reference

Ilaria Molteni, « Enlèvements d’héroïnes et métaphores de la transformation : Europe et Hélène dans les cultures littéraires et figuratives du Moyen Âge », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 38 | 2023, Online since 08 décembre 2024, connection on 20 janvier 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/1952

Author

Ilaria Molteni

Univ. Lille, ULR 1061 - ALITHILA - Analyses Littéraires et Histoire de la Langue, F-59000 Lille, France, Post-doc ERC AGRELITA

Copyright

CC-BY-NC-ND