Abstracts

In this paper, I describe the arrival of ok (originally O.K., later OK, ok, okay) from the United States to Europe, focusing on the emergence and evolution of its French equivalent (ok, okay, oké). On the basis of a corpus study, relying mostly but not exclusively on literary texts, I show that it has taken ok approximately a century to cross the Atlantic Ocean, and a few more decades to become popular in Europe. In order to identify use-types of ok in French, I analyze its occurrences in the corpus (approximately 650), taking into account syntactic and semantic features. The results show that, from a diachronic perspective, French ok has a very unusual syntactic profile compared to typical Discourse Markers.

Nous proposons dans cet article de décrire le parcours de ok (d’abord écrit O.K., puis OK, ok, okay) des États-Unis à l’Europe, en concentrant notre analyse sur l’émergence et l’évolution de son équivalent en français (ok, okay, oké). Sur la base d’une étude sur corpus, prenant appui surtout – mais pas exclusivement – sur des textes littéraires, nous montrons que ok a mis environ un siècle pour traverser l’océan, et quelques décennies supplémentaires pour devenir populaire en Europe. Afin d’identifier différents emplois de ok en français, nous analysons les occurrences de notre corpus (environ 650), prenant en compte des traits syntaxiques et sémantiques. Nos résultats montrent que ok a, en français, et d’un point de vue diachronique, un profil syntaxique inhabituel comparé à d’autres marqueurs discursifs.

Outline

Text

1. Introduction1

L’histoire du marqueur discursif ok est une histoire singulière, et bien connue depuis Read (1963a, b, 1964a, b). Dans cette contribution, nous proposons de retracer le parcours de ok de l’anglais des États-Unis au français de France, et d’étudier en détail l’évolution des emplois de ok en français, de ses premières attestations à son emploi moderne. A partir d’une étude sur corpus, nous tentons de montrer que l’émergence de ok, en français, présente un profil très particulier, avec des emplois presque exclusivement extraprédicatifs. Ce profil est en effet tout à fait différent de celui d’autres marqueurs discursifs, comme par ailleurs, à la rigueur ou au fond, qui sont à l’origine des syntagmes prépositionnels intraprédicatifs et qui s’extraient progressivement de la linéarité syntaxique, passant ainsi au niveau pragmatique (Traugott, 1995a).

Dans la section 2, nous présentons un bref rappel de l’émergence de ok en anglais d’Amérique. Nous faisons ensuite, en section 3, un bref détour par quelques autres langues pour voir si (et dans quelle mesure) l’histoire du ok français est singulière. Dans la section 4, nous brossons à grands traits l’histoire de ok en français. Enfin, la section 5 est consacrée à l’évolution des emplois de ok en français, telle que l’on peut la reconstruire à partir des attestations trouvées dans les corpus disponibles.

2. Ok outre-Atlantique

Les modalités de l’émergence de ok aux États-Unis ont été décrites en détail (Pyles, 1954 ; Read, 1963a, b, 1964a, b ; Merriam-Webster New Book of Word Histories, 1991 ; Metcalf, 2011). Apparemment parti d’un jeu sur l’abréviation de all correct (‘o’ et ‘k’ pour ole korrek, oll korrect)2, lié à la mode des abréviations (OKKBWP ‘one kind kiss before we part’) et au jeu sur les fausses abréviations (KY ‘know yuse’ pour no use, OW ‘oll wright’ pour all right), il a peut-être bénéficié en outre de son utilisation dans le cas du O.K. Club fondé par les partisans du démocrate Martin Van Buren, 8ème président des États-Unis, originaire du village de Kinderhook, dans l’état de New York, et surnommé Old Kinderhook (Kurtz, 2014, p. 870-871). Le passage de l’abréviation au marqueur est sanctionné par la graphie okey puis okay, attestée à partir de 1929. La suite de l’histoire est également intéressante : comme cela a été noté, ok est peut-être parmi les américanismes celui qui a connu le plus de succès (Pyles, 1954, p. 121). Un tour d’horizon de sa fortune en Europe et ailleurs (section 2) montre en effet que ce mot a eu un succès impressionnant (voir par exemple McArthur, 2002).

Si ok est apparu tôt, avant le milieu du 19ème siècle, les corpus semblent montrer que son succès est bien plus récent, du moins à l’écrit. Son émergence dans des corpus littéraires, mesurable par exemple à l’aide du corpus COHA, semble dater de la première moitié du 20ème siècle (graphique 1).

Graphique 1. Fréquence relative par million pour ok + okay, dans le corpus COHA.

Graphique 1. Fréquence relative par million pour ok + okay, dans le corpus COHA.

De plus, les fréquences repérables dans le corpus Ngram, pour l’anglais d’Amérique, semblent indiquer que, après une première période de croissance autour de 1940 (graphiques 2a et 2b), l’émergence de ok à un niveau comparable à d’autres marqueurs similaires comme fine ou all right est au moins postérieure aux années 1960, (graphique 2a). Si la fréquence de fine semble décliner, c’est moins vrai de son emploi en position initiale (graphique 2b).

Graphique 2a. Fréquence relative pour cent mots pour fine, all right et ok (graphies ok, o.k. et okay, avec et sans majuscules), dans le corpus Ngram3.

Graphique 2a. Fréquence relative pour cent mots pour fine, all right et ok (graphies ok, o.k. et okay, avec et sans majuscules), dans le corpus Ngram3.

Graphique 2b. Fréquence relative pour cent mots pour fine, all right et ok (graphie OK) en début de phrase, dans le corpus Ngram.

Graphique 2b. Fréquence relative pour cent mots pour fine, all right et ok (graphie OK) en début de phrase, dans le corpus Ngram.

Les outils d’analyse statistique moderne permettent d’affiner encore ce point. On sait désormais que l’émergence de nouveaux sens ou emplois, et de manière générale les phénomènes de grammaticalisation, tendent à suivre des courbes d’évolution repérables et modélisables sous la forme de sigmoïdes (Feltgen, 2017) ; il s’agit des fameuses courbes en S, modèle mathématique adapté et repris d’abord en sociolinguistique (avec la notion de temps apparent ou apparent time, cf. le remplacement de Chesterfield par couch étudié par Chambers, 1995). Leur exploitation en linguistique de corpus n’est pas nouvelle (voir par exemple Kroch, 1989), mais une série d’études récentes (Feltgen, 2017 ; Feltgen, Fagard & Nadal, 2014, 2016, 2017) a permis d’en détailler les différentes étapes. Il s’agit d’un phénomène en trois parties : (a) une période de latence de durée variable, et qui peut être très longue4 ; (b) une période de croissance forte et plutôt brève ; et enfin (c) un plateau, souvent suivi d’une période de décroissance. Une étude plus attentive de l’évolution de ok dans le corpus Ngram semble en effet montrer que ces trois éléments sont présents, et que ok, après avoir culminé à environ 0,08‰, soit 80 occurrences par million, tend maintenant à voir sa fréquence baisser (graphique 3).

Graphique 3. Fréquence relative pour cent mots de ok (graphies ok, o.k. et okay, avec et sans majuscules), dans le corpus Ngram.

Graphique 3. Fréquence relative pour cent mots de ok (graphies ok, o.k. et okay, avec et sans majuscules), dans le corpus Ngram.

Les détails de cette évolution peuvent être testés statistiquement, afin de vérifier la présence d’une courbe en S, et s’il y en a une, de distinguer les différentes étapes – de l’étape (a), de latence, à l’étape (b), de croissance puis à l’étape (c), de plateau. Sur le corpus Ngram, on peut ainsi repérer des courbes en S avec latence pour ok et pour okay. La période d’accroissement de fréquence est, pour ok, entre 1951 et 1989, et, pour okay, entre 1970 et 1997 (Graphique 4).

Graphique 4. Fréquence relative de ok (graphies ok et okay), dans le corpus Ngram5.

Graphique 4. Fréquence relative de ok (graphies ok et okay), dans le corpus Ngram5.

Sur un corpus de presse (le corpus du New York Times), on peut également constater une courbe en S avec accroissement entre 1992 et 2004 pour ok, entre 1967 et 1972 et 2003-2011 pour okay.

Graphique 5 : Évolution de la fréquence de ok et okay, dans le corpus du New York Times, entre 1880 et 2016.

Graphique 5 : Évolution de la fréquence de ok et okay, dans le corpus du New York Times, entre 1880 et 2016.

Bien évidemment, l’étude des occurrences à l’écrit ne permet pas de mesurer directement l’évolution de ok à l’oral. Les données du corpus COCA semblent effectivement indiquer que ok est un marqueur fortement lié au langage parlé, avec une fréquence à l’oral plus de sept fois plus importante qu’à l’écrit (tous genres confondus) (Tableau 1).

Tableau 1. Fréquence de ok, o.k., okay dans le corpus COCA, à l’écrit (sous-corpus de 453,6 millions de mots) et à l’oral (sous-corpus de 116,7 millions de mots)

Tableau 1. Fréquence de ok, o.k., okay dans le corpus COCA, à l’écrit (sous-corpus de 453,6 millions de mots) et à l’oral (sous-corpus de 116,7 millions de mots)

Ces chiffres confirment qu’il y a un écart très important, en anglais d’Amérique, entre l’emploi de ok à l’écrit et à l’oral. On peut s’attendre à ce que la situation en français soit comparable – avec un écart plus important encore, peut-être, étant donné que ok a longtemps été senti comme un américanisme, et l’est encore au moins pour certains locuteurs.

3. Des États-Unis au reste du monde

Avant d’étudier de plus près l’arrivée de ok en français, voyons comment ce terme a voyagé dans d’autres contrées. L’émergence progressive de ok dans les langues des pays voisins permet ainsi de mettre en évidence des mécanismes qui se retrouvent en français.

3.1. Angleterre : un décalage temporel limité

En anglais d’Angleterre, ok semble être devenu fréquent assez tôt. Par exemple, le croisement avec all right date de 1976 dans le corpus Ngram (American English), de 1991 dans le corpus Ngram (British English) (graphique 6), avec une fréquence maximale de 0,003% (30 occurrences par million de mots).

Graphique 6. Fréquence relative pour cent mots pour fine, all right et ok (graphies ok et okay, avec et sans majuscules ; pas d’occurrence pour ‘o.k.’), dans le corpus Ngram (British English).

Graphique 6. Fréquence relative pour cent mots pour fine, all right et ok (graphies ok et okay, avec et sans majuscules ; pas d’occurrence pour ‘o.k.’), dans le corpus Ngram (British English).

Cette différence est d’ailleurs confirmée par le corpus BNC (Davies, 2004), qui donne pour l’écrit une fréquence relative de 40 occurrences par million. A l’oral, la fréquence est bien plus grande, avec environ 1 150 occurrences par million, soit environ 30 fois plus, et supérieure à la fréquence observée dans le corpus COCA6.

3.2. La frontière de l’Atlantique

Si le décalage est d’une quinzaine d’années entre le corpus d’anglais américain et le corpus d’anglais britannique, il semble nettement plus important avec les autres langues européennes. Ainsi, en espagnol, le corpus Ngram semble indiquer qu’il y a plusieurs moments d’émergence de ok (okay, oké, o.k., y compris en majuscules) : 1891-1904 (uniquement pour la graphie OK, graphique 7a), puis 1988-2007 (toutes graphies, graphiques 7a et 7b).

Graphique 7a. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphie OK), dans le corpus Ngram (espagnol).

Graphique 7a. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphie OK), dans le corpus Ngram (espagnol).

Graphique 7b. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphies ok, oké et okay, avec et sans majuscules ; pas d’occurrence pour o.k.), dans le corpus Ngram (espagnol).

Graphique 7b. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphies ok, oké et okay, avec et sans majuscules ; pas d’occurrence pour o.k.), dans le corpus Ngram (espagnol).

Cependant, une recherche détaillée permet de montrer que le pic au début du 20ème siècle est lié avant tout à des erreurs d’OCR, comme on le voit dans les figures 2a et 2b (recherche de ‘OK’ dans le corpus Ngram-espagnol, décennies 1890-1900-1910, interface de Mark Davies).

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Figures 2a & 2b. OK dans le corpus Ngram-espagnol (Davies 2011).

De plus, même en comptant ce type d’occurrence, la fréquence maximale de ok reste limitée dans ce corpus, du moins en comparaison de l’anglais, avec un pic à 1,7 occurrence par million de mots en 2007. Les données du Corpus del Español (CdE) semblent confirmer cette faible fréquence, avec une fréquence à l’écrit de 0,31 mots par million et à l’oral de 1,35 mots par million. Avec la graphie okay, ok entre cependant dans la liste des 40 000 expressions les plus fréquentes en espagnol, au rang 29 163. Le CdE permet de faire des comparaisons entre différentes sections. On peut ainsi voir que la proximité avec les États-Unis joue un rôle important dans l’usage de ok, avec une fréquence relative de 0,41 mots par million en Amérique latine, 0,45 aux États-Unis et 0,15 en Espagne (Tableau 2). Si ces données sont représentatives de l’espagnol contemporain, cela signifie que ok y est encore relativement peu implanté.

Tableau 2. Fréquence de okay dans le corpus CdE-Web/dialectes

Tableau 2. Fréquence de okay dans le corpus CdE-Web/dialectes

En portugais, la situation semble similaire : pour le Portugal, les occurrences dans le Corpus do Português (CdP ; sous-corpus diachronique et internet) sont rares (7 occurrences de ok, 1 de okay, soit 0,8 occurrence par million), et récentes, datant surtout des années 1990. Si, à l’oral, okay semble désormais installé même en portugais européen, les corpus ne le reflètent pas vraiment. L’exemple (1) montre bien l’alternance avec un autre marqueur, [es]tá bem ‘(c’)est bon’.

(1)

“o senhor doutor deve estar na Câmara lá para as 4 horas, 4h30”. Tá bem! A tarde: «o senhor vereador deve estar para chegar». OK!

« Vous devez être au conseil vers 4h, 4h30 ». C’est bon ! L’après-midi : « le conseiller municipal doit être en train d’arriver ». Ok ! (Dicas, 31.10.1997).

Comme pour l’espagnol, la fréquence de ok est nettement plus grande outre-Atlantique, c’est-à-dire, dans ce cas, au Brésil : 40 occurrences, soit 4 mots par million.

3.3. L’importance des contextes d’alternance de code

En allemand, ok semble arriver assez tardivement. Le corpus ngram semble indiquer un point de départ en 1984 avec un point culminant en 2008 à 14,8 mots par million (graphique 8).

Graphique 8 : Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphies : ok, okay avec et sans majuscules, aucune occurrence de o.k., graphies les plus fréquentes : OK, Okay, okay), dans le corpus Ngram (allemand).

Graphique 8 : Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphies : ok, okay avec et sans majuscules, aucune occurrence de o.k., graphies les plus fréquentes : OK, Okay, okay), dans le corpus Ngram (allemand).

Le Digitalen Wörterbuchs der deutschen Sprache indique que les premières occurrences sont plus anciennes, mais les occurrences ne sont pas toutes des cas d’emploi de ok comme mot allemand (Storrer, 2017). De fait, même dans les années 1970, les occurrences semblent encore notées comme allophones (2-4).

(2)

Er orientiert sich über die Nationalitäten und schlägt als Verhandlungssprachen Deutsch und Englisch vor. Ich bin also euer Skilehrer, I am your skiteacher, mein Name ist Hans Rehn, you call me just Hans, okay?

Il s’informe sur les nationalités et propose, comme langues d’échange, l’allemand et l’anglais. (en allemand :) Je suis donc votre moniteur de ski (en anglais :) Je suis votre moniteur de ski, (en allemand :) je m’appelle Hans Rehn, (en anglais :) appelez-moi simplement Hans, ok? (Die Zeit, 13.03.1970, Nr. 11)

(3)

Ein Mädchen erzählte, daß anläßlich seines Besuches in Berlin alle Schüler eine Broschüre bekommen hätten, auf der stand, »ha, ho, he, Nixon ist okay«, und daß sie ihn jubelnd begrüßen sollten, wozu es zwangsweise schulfrei gab.

Une fille racontait qu’à l’occasion de sa visite [= de Nixon] à Berlin, tous les écoliers avaient reçu une brochure où était écrit « Ah, Oh, Eh, Nixon est ok », et qu’ils devaient le saluer en poussant des cris de joie, ce pour quoi ils avaient d’office été dispensés d’école (Sozialistische Projektarbeit im Berliner Schülerladen Rote Freiheit, 1971, Francfort : Fischer, p. 130)

(4)

Seit er aber seine Amerikareise hinter sich hatte, ließ er – was er früher verachtet hatte, denn das Englische war ihm zur Aufnahme in seinen Sprachgarten einfach zu grob gewesen, einen Seemannsdialekt hatte er es genannt –, jetzt ließ er seine ganze Reisebeute in seine Reden einströmen. Natürlich nicht ‘allright’ und ‘o.k.’, sondern Ausdrücke wie: muddle-through als Methode sei ihm zuwider; public relations seien eine condition sine qua non; seine Arbeit gelte nicht nur den happy few (...)

Depuis son voyage en Amérique, il laissait – ce qu’il avait auparavant méprisé, parce que son anglais était trop informe pour entrer dans son bouquet de langues, il l’avait appelé un dialecte de marin –, il laissait maintenant déferler tout son butin de voyage dans ses discours. Pas ‘all right’ ni ‘ok’ bien entendu, mais des expressions comme : le muddle-through lui déplaisait, comme méthode ; les public relations étaient une condition sine qua non ; son travail ne visait pas seulement les happy few (...) (Martin Walser, Ehen in Philippsburg, Francfort : Suhrkamp 1957, p. 150)

En italien, l’émergence semble plus tardive encore, toujours d’après le corpus Ngram : débuts timides entre les années 1960 et 1990, et réelle augmentation uniquement dans la deuxième moitié des années 1990. La fréquence maximale dans ce corpus est de 7,8 occurrences par million en 2008 (graphies ok, okay, o(c)chei avec et sans majuscules, Graphique 9).

Graphique 9. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphie OK), dans le corpus Ngram (italien).

Graphique 9. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphie OK), dans le corpus Ngram (italien).

Si le corpus Midia ne nous apprend rien de plus (aucune occurrence), la fréquence de ok est plus haute dans le corpus DiaCORIS : 21,7 occurrences par million, et le LIS (Lessico dell’Italiano Scritto) semble indiquer que l’émergence de ok remonte aux années 1960. Comme en allemand, on voit l’importance des situations de contact linguistique. En effet, sur les trois premières occurrences du LIS, dans les années 1960, deux sont clairement liées aux États-Unis, dans des discours rapportés traduits (fictivement ou non) de l’anglais (5-6).

(5)

Sono pronto. « OK » dico a Graf congiungendo pollice e indice.

Je suis prêt. « Ok », dis-je à Graf, unissant le pouce et l’index. (Corradi Egisto, 1965, Stampa Quotidiana, In picchiata sopra i Vietcong)

(6)

Con la sua voce di pietra, Aldrin aveva risposto: « Okay, Ron. »

Avec sa voix rocailleuse, Aldrin avait répondu : « Ok, Ron. » (L’uomo è sulla Luna, Oriana Fallaci, 1969)

La fréquence à l’oral, comme ailleurs, semble en revanche bien plus élevée. Très élevée, même, dans le corpus BADIP, avec 914 occurrences par million de mots (graphies okay, ok, ochei, occhei, ochèi, occhèi).

4. En français

Le périple de ok ne s’est bien entendu pas arrêté à la frontière française, et on le retrouve en français comme dans les autres langues d’Europe. Les deux phénomènes exposés dans la section précédente, la fréquence plus importante outre-Atlantique et l’importance des contextes de contact linguistique dans les premières occurrences, se vérifient également en français. De plus, d’un point de vue diachronique, les courbes d’émergence de ok en français sont globalement comparables avec ce que nous avons pu observer pour d’autres langues d’Europe : bien que l’étude de corpus écrits permette de relever quelques occurrences antérieures à la seconde guerre mondiale, la période de croissance (pour reprendre le schéma de Feltgen, 2017 exposé plus haut) semble se situer entre les années 70 et l’an 2000.

4.1. Au Québec

On peut ainsi noter que l’emploi de ok en français de France est bien moins important qu’en français du Québec (CFPQ ; voir Dostie, 2016 pour une présentation). Dans le corpus CFPQ, le nombre d’occurrences de ok est impressionnant : 2 284 occurrences dans un corpus de 688 542 mots, soit une fréquence relative de 3 317 occurrences par million de mots. D’après les statistiques fournies par le corpus, la grande majorité des locuteurs interrogés utilisent le terme (au total 110 locuteurs sur 130), sans variation évidente par âge ou groupe social (Tableau 3).

Tableau 3. Emploi de ok dans le corpus CFPQ.

Tableau 3. Emploi de ok dans le corpus CFPQ.

4.2. En France

4.2.1. Premières occurrences

A première vue, en comparaison des données disponibles pour d’autres langues, l’apparition de ok en français est tout à fait comparable avec ce qu’on observe ailleurs en Europe, du moins d’après le corpus Ngram, avec un démarrage dans les années 1990, et un pic à 8,4 occurrences par million de mots en 2007 (Graphique 10).

Graphique 10. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphies ok, okay, oké, majuscules et minuscules), dans le corpus Ngram (français).

Graphique 10. Fréquence relative pour cent mots pour ok (graphies ok, okay, oké, majuscules et minuscules), dans le corpus Ngram (français).

Elle est très précoce en revanche d’après le TLFi (Quemada, 1990), qui le date de 1869 – et plus encore d’après les données de Frantext, qui donne l’exemple (7), de 1845, comme occurrence de ok.

(7)

mais Dieu me jugera... Et le jeune prêtre essuya une larme qui roula dans ses yeux. – Ok ! rassure-toi, mon brave enfant ! s’écria Dagobert renaissant à l’espérance (Eugène Sue, Le Juif errant, 1845, Frantext)

Après vérification, cependant, il s’agit d’un problème de numérisation, et le texte d’origine contient non pas ok mais Oh !, ce qui est moins étonnant (8)7.

 
 
(8)

Image 100000000000025100000046A1E59ED00DDF3A63.png(idem, capture d’écran sur le site Google Books)

En réalité, après un tri minutieux des occurrences, l’augmentation de fréquence de ok reste antérieure dans Frantext (par rapport au corpus Ngram), mais d’une cinquantaine d’année environ et non d’un siècle et demi (graphique 11).

Graphique 11. Fréquence relative de ok (par million ; diverses graphies) dans Frantext, par décennie, aux 20ème et 21ème siècles.

Graphique 11. Fréquence relative de ok (par million ; diverses graphies) dans Frantext, par décennie, aux 20ème et 21ème siècles.

Les données de corpus permettent donc d’établir une émergence en plusieurs temps, avec une augmentation de fréquence faible mais notable à la fin des années 40 et une autre plus importante à partir des années 70 (Frantext, graphique 11) ; enfin, une période de croissance très forte à partir des années 90 (Ngram, graphique 10). Cela signifie selon toute évidence que ok a émergé plus tôt à l’oral ; probablement à partir de la seconde guerre mondiale, en raison du contact linguistique avec les soldats américains. Le recours à des témoins directs de cette évolution permet d’ailleurs de fournir quelques éléments de confirmation à cette hypothèse. Ainsi, un témoin dont le père a pris part aux combats de la première guerre mondiale, et eu des contacts prolongés avec des anglophones, nous a indiqué que ce dernier avait été peu influencé linguistiquement, et n’avait en tout cas pas adopté le terme ok. Ceci tend à confirmer ce qu’écrit Bonnaffé (1920, p. xxi) peu après la première guerre mondiale : « le long séjour qu’ont fait en France, pendant la guerre, les armées anglaise et américaine, ne paraît pas avoir eu d’influence marquée sur notre vocabulaire ». De plus, lors de la première guerre mondiale, ok était encore relativement peu fréquent en anglais d’Amérique (cf. section 2).

La seconde guerre mondiale en revanche semble avoir eu un impact important, qui n’est guère étonnant : il y eut alors, et jusqu’en 1967, une quantité impressionnante de complexes militaires américains sur le sol français (186 en 1967, cf. United States Congress 1967, p. 229). Or les témoignages permettent de reconstruire une arrivée de ok précisément à cette période : un témoin raconte qu’il a entendu ok pour la première fois justement en écoutant les militaires américains dans les années 50 ; une autre, qu’elle l’a entendu pour la première fois lors d’un séjour prolongé en Angleterre en 1959-1960. Cela semble indiquer que ok, à cette période, est à la fois attesté (Deak, 1956, p. 151) et peu courant.

4.2.2. De l’anglais au français : un emprunt par étapes

L’occurrence de 1869 citée par le TLF est bien de ok. Cependant, on peut noter, comme nous l’avons vu dans le cas de l’allemand (exemples (2) à (4)) et de l’italien (exemples (5) et (6)), qu’il s’agit d’un emploi encore fortement lié au contact linguistique :

(9)

Dans la nuit du 21 juin, le Great-Eastern, écrit le physicien anglais, se mettait en marche [...] ; tout était O. K. dans la chambre d’épreuve, tout était en harmonie et semblait présager un succès facile. (L’ingénieur, août 1869)

Il s’agit ici de l’histoire de la pose du câble réunissant les deux continents : l’utilisation de ok, venu de l’américain et sans doute marqué comme tel à l’époque, fait sens. La mise en forme, avec un espace et des italiques (10), le marque en tout cas clairement comme un emprunt, ou du moins comme un terme à part.

 
 
(10)

Image 1000000000000292000000ADF465ED48F5BF19E4.png(citation du journal, capture d’écran sur le site Google Books)

Dans Frantext8, on trouve près de 500 occurrences de ok (toutes graphies : ok, okay, o.k., oké ; après élimination du bruit). La courbe de fréquence ainsi obtenue est assez nette, avec aucune occurrence avant 1930, et très peu avant 1945. On peut noter que la première occurrence figure dans un livre où Paul Morand rend compte de ses nombreux voyages à New York (11). Il s’agit d’un emploi en mention, précédé de comme disent les yankees : ok est clairement identifié dans ce passage comme un tic langagier spécifiquement américain.

(11)

comme disent les yankees ; on y vit, on y siffle, on y répond à tout : o.k. ! (ça va !) et l’on n’y meurt qu’à la dernière minute, très vite et le moins possible. (Paul Morand, New-York, 1930, Frantext)

Un autre exemple (12), également fourni par le TLF, indique la tendance pour ok à apparaître dans des situations de mélange linguistique, comme on l’a noté pour l’allemand et l’italien. Il se trouve ici dans un dialogue entièrement en anglais ; on le trouve également dans des traductions (13) – on remarquera ici que ok est le seul terme, avec jeep, à ne pas être traduit.

(12)

Atterrissage. Prise en charge anonyme et militaire. « You are going to the Eskimo village ? OK. That’s the way. Next block, you will get a jeep » Sorti de l’immense et inquiétante base militaire, je gagne rapidement, à 1 kilomètre au nord, la rive inhabitée que domine la petite maison blanche de Knud Rasmussen, toujours inhabitée, mais comme symboliquement présente pour témoigner d’une espérance plus haute. (Jean Malaurie, Les Derniers Rois de Thulé. Avec les Esquimaux polaires face à leur destin, 1955, Frantext)

(13)

« Vous allez au village esquimau ? O.K. Voici la direction. Après le bâtiment, vous trouverez une jeep. » (ibid. ; traduction, en note de fin ; exclu du corpus)

On le trouve encore dans des contextes marqués par l’alternance de code, un siècle après sa première attestation en français, comme en (14) où ok, dont le caractère étranger est souligné par la réponse de l’interlocuteur (Tu pourrais pas parler français ?), alterne avec l’italien va bene « ça va, d’accord » (littéralement ‘(il/elle/ça) va bien’).

(14)

On a tous les patriotes avec nous. O.K., dit Marlone. Tu pourrais pas parler français? dit Toni. Va bene, dit Marlone (Claude Roy, Le Soleil sur la terre, Paris, Gallimard, 1968, p.226, Frantext).

Ok fait ainsi partie des termes permettant de marquer un personnage comme américain, apparemment sur le même plan que des mots comme hello ou chewing gum – et parfois faussement, comme indiqué en (15) par le terme mystification.

(15)

Stratis adorait les mystifications. Plusieurs fois il s’arrêta pour parler à des paysans un anglais imagé : – Hello ! Me americain boy... O.K. ... chewing gum Coca-cola... Good bye... New York. Thank you very much... Silly ass... On le contemplait avec admiration, les yeux ronds, la bouche ouverte et il partait suivi d’un long regard plein de convoitise. (Michel Déon, Le Rendez-vous de Patmos, 1965)

Afin de mesurer l’importance du contact linguistique dans l’émergence de ok en français, nous avons vérifié, pour chaque occurrence de ok dans le corpus Frantext, si l’auteur avait eu des contacts importants avec les États-Unis. A cet effet, nous avons considéré comme « contact » le fait, par exemple, d’avoir fait ses études ou un séjour de longue durée aux États-Unis. Nous avons aussi noté à part les auteurs Québécois (étant donné la fréquence de ok en français du Québec, cf. la section précédente) : Yves Beauchemin, Réjean Ducharme et Gabrielle Roy, ainsi que Harry Mathews, américain. Le résultat de ce codage, présenté dans le graphique 12, montre que les occurrences produites par des auteurs ayant eu un contact plus ou moins important avec les États-Unis sont majoritaires jusqu’au milieu des années 1960, puis deviennent nettement minoritaires.

Graphique 12. L’introduction de ok dans la littérature francophone : une histoire de contact.

Graphique 12. L’introduction de ok dans la littérature francophone : une histoire de contact.

A partir de cette date, on peut sans doute considérer que ok est accepté même à l’écrit. Bien qu’il soit encore marqué comme familier, comme indiqué par le TLF, la fréquence d’ok à l’oral montre bien que le terme est entré dans le système linguistique : elle est d’environ 80 occurrences par million dans le corpus CFPP2000, bien plus encore dans des corpus spécifiques (largement au-delà de 1 000 occurrences par million, cf. Col, Bangerter, Knutsen et Brosy, ce numéro et Delahaie & Solís García, ce numéro).

La tendance à l’alternance de code reste cependant présente jusqu’aux textes contemporains (16-17), indiquant que le caractère étranger de ok est malgré tout encore sensible, au moins à certains locuteurs9 :

(16)

Le numéro composé, Hélène tend le téléphone à Ruth, qui le prend. On a dû décrocher, loin. Elle dit : it’s me, puis : I am o.k., puis rien. On lui parle, elle écoute. Nous la regardons. Elle se met à pleurer. (Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne, 2009)

(17)

Le super genius, chercheur en atomes de l’atome, n’enderstandait rien du tout à part que cette fille était dingue, qu’elle roulait des joints comme personne et que si elle continuait à s’agripper à son bras pendant qu’il essayait désespérément de sauver son dernière parte, il jette elle dans le fountain, okay ? Plus tard, et dans un anglais plus précis, Charles lui raconterait ce qu’elle faisait et comment elle était devenue l’une des avocates les plus redoutables de France, et probablement d’Europe, dans sa partie. (Anna Gavalda, La Consolante, 2008)

5. Évolution des emplois : une pragmaticalisation atypique

5.1. Méthodologie

Pour mettre en lumière les détails de l’évolution de ok, nous mettons à profit les corpus diachroniques disponibles pour le français. Concernant l’écrit, nous avons interrogé trois bases de données afin de constituer un corpus. La première est la base GGHF (Marchello-Nizia et al., à paraître), élaborée pour la Grande grammaire historique du français – un ensemble de textes écrit en français du 9ème au 20ème siècle, qui comprend un corpus noyau restreint, équilibré et étiqueté morpho-syntaxiquement, et un corpus complémentaire avec 2 millions de mots pour le 20ème siècle. La seconde est la base Frantext (version 2019), qui est bien plus importante : 5 415 références et 254 millions de mots au total. Pour la période qui nous intéresse ici, 19ème-21ème siècles, cette base est remarquable : environ 3 500 textes et 200 millions de mots (1150 textes pour le 19ème siècle, 2183 pour le 20ème, 227 pour le 21ème). La troisième est la base Google Books (français), que nous avons interrogée pour étudier la période entre l’apparition de ok en anglais et son émergence en français (principalement 1839-1945). Etant donné les limitations de cette base, déjà évoquées, nous l’avons utilisée uniquement dans une perspective qualitative. Enfin, nous avons également eu recours à des corpus de français parlé : le corpus de français parlé parisien (CFPP2000, Branca-Rosoff et al., 2012) et le corpus Phonologie du Français Contemporain (PFC, Durand, Laks & Lyche, 2002).

Dans chaque base, nous avons extrait les occurrences de ok (toutes graphies : ok, okay, o.k., oké, minuscules et majuscules), avec leur contexte10. Nous avons ensuite trié manuellement les occurrences ainsi récoltées, afin d’éliminer le bruit : des séquences -ok- dans d’autres langues (notamment en vietnamien ou en hongrois), des emplois de O.K. nom propre, notamment comme (portion de) titre de magazine ou de film. Nous avons réduit les occurrences doubles du type ok ok (18) à une seule.

(18)

Soudain le film a repris. – OK OK, a dit le plus gros des deux frères Van de Put... On va pas se tirer la bourre pour cinq livres... (Alain Guyard, La Zonzon, 2011)

L’étape suivante a été de mettre au point un codage morpho-syntaxique, en annotant une série de traits distributionnels et sémantiques. On sait que la position syntaxique peut jouer un rôle important dans les processus de grammaticalisation de marqueurs discursifs en français, la position initiale ayant un statut particulier (en anglais, cf. Fischer, 2006, mais aussi en français, tant ancien que moderne : Lamiroy & Charolles, 2004 ; Fagard & Sarda ,2014). Nous avons donc distingué l’emploi de ok comme mot-phrase, c’est-à-dire soit seul comme en (15) soit en initiale absolue suivi d’une pause, comme en (18) ci-dessus, et son emploi ailleurs dans la phrase, qu’il soit final (19) ou médian (20).

(19)

– Parfait, il dit. Sa voix se radoucit. La déposition de Cûc concorde avec la tienne. On n’a plus qu’à vérifier, pour le taxi. Et ce sera O.K. (Jean-Claude Izzo, Chourmo, 1996)

(20)

Je dus lui expliquer que je cherchais des coccinelles pour un tournage, en me gardant de lui décrire l’action. Elle prit mon numéro. Deux jours plus tard, elle laissa un message où elle articulait : C’EST OK POUR VOS COCCINELLES. J’y courus le lendemain. (Valérie MRÉJEN, L’Agrume, 2001)

D’un point de vue fonctionnel, le TLF distingue l’emploi comme marqueur discursif (« marque l’accord du locuteur avec ce qui a été dit »), l’emploi nominal (marquant « accord, assentiment », comme dans donner son okay) (19-20), l’emploi adjectival (où (être) ok signifie « (être) bien ») (illustré en (9) ci-dessus). Nous avons pour notre part distingué emplois intraprédicatifs (19-20) et extraprédicatifs (par exemple 18 ci-dessus).

(21)

Il bosse dans un canard de petites annonces gratos au Havre. – Quelle carrière... – T’es OK ? – Palmer, Langlet, ma bignole, Daniel – Rops et le reste, j’en ai rien à battre. (Michel Embareck, Sur la ligne blanche, 1984)

Étant donné qu’il s’agit d’un terme allophone, nous avons annoté systématiquement la présence d’éléments liés au contact linguistique, en faisant une distinction entre emplois dans une séquence en anglais (exemple (16), ci-dessus) ou en contexte d’alternance de code (exemples (14-15) et (17), ci-dessus) et sans alternance (exemples (18-21), ci-dessus).

Sachant que les innovations linguistiques et en particulier les termes marqués (ce qui est bien le cas de ok, noté encore aujourd’hui comme familier) sont parfois plus fréquents à l’oral, et à l’écrit plus facilement repérables dans le discours rapporté, ou plus précisément dans ce que l’on appelle l’oral représenté (Marchello-Nizia, 2012 ; Brinton, 2017), nous avons également codé le contexte discursif, en faisant une distinction entre discours rapporté (direct, indirect et indirect libre), narration à la première personne du singulier, et récit. D’un point de vue sémantique, nous avons noté la présence de nuances concessives, bien repérables lorsque ok est suivi de mais comme en (22-24).

(22)

– Aidez-moi, quoi ! – OK, je vous passe le trombinoscope, mais il s’appelle revient. (Éric Rochant, Un monde sans pitié, 1990)

(23)

– Alors, tu viens ? – Okay, je vous suis, mais ce soir je suis pas en forme ! (Mehdi Charef, Le Thé au harem d’Archi Ahmed, 1983)

(24)

« Il y a un supplément », dit l’employé. « Combien ? », demanda-t-il. « Trente francs. » « Vingt. » « Trente, répéta l’employé, et c’est donné. » Il regarda l’employé : « Vingt-cinq ? », « O.K., dit l’autre, vingt-cinq, mais j’y perds. » (Jean-Luc Benoziglio, La boîte noire, 1974)

Dans certains cas, on trouve d’autres indices de cet emploi concessif, comme concéda-t-elle en (25) ou admit en (27).

(25)

— Promets-le-moi ! Le temps qu’on trouve une solution. Paula acquiesça devant son regard noir, où brillait une pure amitié. — O.K., concéda-t-elle. Mais il va falloir en trouver une, et vite... (Caryl Férey, Mapuche, 2012)

Il ne s’agit pas toujours de concession proprement dite, mais a minima d’une approbation réservée, d’un accord donné par un personnage pour une solution qui n’est pas optimale, ou qui présente des inconvénients pour lui. La présence de termes comme soumis ou conciliant, comme en (26-27), illustre bien cet emploi.

(26)

– Il suffit ! dit, plutôt grognon, Aloysius qui, jaloux dans son for du savoir d’Ottaviani, croyait bon d’amoindrir son action, lui signalant par là qu’il trouvait d’un goût sournois, sinon corrompu, qu’un adjoint, qu’un bras droit pût s’offrir tout un solo alors qu’un patron n’avait sorti qu’un canard ! – O.K., boss, O.K., soupira Ottaviani, soumis, mais aigri. (Georges Perec, La Disparition, 1969)

(27)

– C’est pas la même boîte qui démolit les vieilleries, là ? poursuivit l’inspecteur, en désignant les grues à boule qui avaient réduit quasiment à néant tout le pâté de maisons avoisinant. – Si, si, confirma Alvarez, c’est la SEFACO, mais moi je suis responsable que de ce chantier-là ! – O.K., admit Dimeglio, conciliant, mais dites-moi, Alvarez, tout à fait entre nous, pour exercer votre art, vous devez bien posséder quelques notions de géométrie, hein ? Oui ? À la bonne heure ! (Thierry Jonquet, Moloch, 1998)

Nous avons également annoté l’emploi résomptif ou de transition (28-30) (cf. Beach, 1993 ; Bangerter & Clark, 2003), aussi appelé de « clôture/démarcation ». Le contexte permet parfois d’identifier clairement ces emplois, par exemple lorsque l’on trouve une séquence ok euh ensuite (Delahaie & Solís García, ce numéro), ou que le cotexte contient des termes comme poursuivons (28) ou abrégea-t-elle (29), qui soulignent l’organisation séquentielle du récit. Parfois, comme en (30), seule la séquence narrative elle-même permet d’identifier ce rôle du marqueur ok.

(28)

En même temps j’ai dégagé la sûreté du 7,62 et j’ai fait un pas de côté et j’ai repris pied dans le couloir. Mais le couloir était vide et il n’y avait pas plus de Kasper que si j’avais rêvé. Et moi j’étais certain de l’avoir vu, mais je ne pensais pas qu’il nous avait vus. Et Charlotte me jetait des regards interrogateurs et légèrement agacés parce que ma conduite lui paraissait tout à fait inexplicable. – o.k., ai-je dit. Poursuivons. Nous avons poursuivi. (Jean-Patrick Manchette, Que d’os !, 1976)

(29)

Et Montanez ? — Il faudrait voir dans les archives de la Marine. Faire une demande auprès des organismes compétents. Ça peut prendre des semaines. Il bâilla, plombé par la flores du musicien et la nuit blanche de la veille. — O.K., abrégea-t-elle. Va te coucher, je m’occupe des aérodromes. Tu n’as qu’à dormir dans la chambre en bas. Il acquiesça. (Caryl Férey, Mapuche, 2012)

(30)

Adamsberg entendit Nolet sortir de la pièce, fermer une porte.OK, Adamsberg. Je suis seul. Vous me parlez bien de Carnot ? Emma Carnot ? (Fred Vargas, Un lieu incertain, 2008)

Pour les autres emplois, nous avons considéré que ok avait, par défaut, sa nuance d’approbation originelle. Cette nuance est souvent renforcée par des indices cotextuels, comme sourit et c’est cool en (31).

(31)

Axelle et Léa se dirigent vers nous d’un pas décidé, bras dessus bras dessous. – Salut ! – Salut. – On voulait vous inviter à une fête chez Léa, samedi prochain. Lucas sourit. – OK, c’est cool. – T’es sur MSN ? – Ouais. – Alors, donne-nous ton adresse, on t’enverra l’invit’! Moi ça ne me plaît pas. Nous avons d’autres chats à fouetter. Nous avançons contre le cours des choses. Nous sommes liés par un même serment. Un serment silencieux. C’est autrement plus important. (Delphine de Vigan, No et moi, 2007)

Enfin, nous avons pris en compte les métadonnées fournies par les corpus, notamment celles liées à la date et au genre textuel ; étant donné l’importance de l’opposition entre Europe et Amérique, notée dans la section précédente, nous avons également cherché à identifier les auteurs québécois. Pour les corpus oraux, en outre, nous avons distingué entre les enquêteurs et les locuteurs interrogés.

Notre grille de codage comprend donc les traits et valeurs suivants :

     

(a)

la position : tête de phrase, emploi holophrastique, position médiane, position finale.

     

(b)

la portée : intraprédicatif – emploi adjectival, emploi nominal –, extraprédicatif

     

(c)

le contexte discursif : récit, narration à la 1ère personne du singulier, discours rapporté

     

(d)

le sémantisme : approbatif, concessif, résomptif ou de transition

     

(e)

la présence d’éléments liés au contact linguistique (oui/non)

     

(f)

métadonnées : genre (roman/presse/autre), date (année), zone géographique (France/France avec influences américaines/Québec ou États-Unis/reste du monde), et, pour les corpus oraux, locuteur (enquêteur/participant).

5.2. Résultats – de la description lexicographique au corpus

Les résultats de notre annotation indiquent que ok est un marqueur discursif qui reste très marqué comme familier, et appartenant à l’oral : dans le corpus écrit, la quasi-totalité des occurrences du corpus (98%) se trouvent soit dans des dialogues ou du discours rapporté (direct, indirect ou indirect libre), soit dans des narrations à la première personne du singulier, en général avec un style familier, où l’on a bien souvent l’impression qu’il s’agit d’un monologue de l’auteur.

Il n’y a guère qu’une dizaine d’occurrences qui ne sont pas clairement en discours. Certaines se trouvent hors discours direct, et sans marque indiquant qu’il s’agirait de discours indirect libre (32), mais il s’agit de récits où la première personne est très présente ; d’autres sont inclassables du point de vue du discours rapporté (33). Il s’agit en tout état de cause de contextes très proches de l’oral, avec un style très éloigné de la syntaxe écrite. Comme l’illustrent les exemples (32) et (33), on trouve des constructions typiques de l’oral : séquences courtes, répétitives, avec des phénomènes de liste (ok, c’est ok, tout est ok ; c’est un dé, c’est un sort, c’est un coup-franc… ; cf. Kahane, Pietrandrea & Gerdes, 2019), des termes familiers (c’est du lard) ou non lexicalisés, notamment des onomatopées (futt).

(32)

Futt ! futt ! futt ! l’armée de bedeaux repart en mission : plombs, fusibles, compteurs, disjoncteurs, plans d’installations sur trois générations, OK, c’est OK, tout est OK, la nef de la cathédrale est noire comme le tunnel des enfers. Les représentants maori, qui tout à l’heure souriaient discrètement, pouffent, gloussent, la main sur la bouche, au bord du fou rire apoplectique. (Luc Lang, Les Indiens, 2001)

(33)

À la fois, c’est un dé, c’est un sort, c’est un coup-franc, c’est un hors-jeu, c’est un hors-bord, c’est le gros lot, c’est le coup de feu, c’est le feu de joie, c’est la der des ders, c’est le prix du sang, c’est du brut, c’est du mat, c’est du toc, c’est du bol, c’est fair-play, c’est pas clair, c’est O.K., c’est du flan, on en fait tout un plat, c’est des os, c’est du lard, c’est du grand art, et des faux pas, faut pas, ça vaut le coup, ça bat le cœur, ça fait long feu, c’est un bat-flanc, c’est un poids lourd, c’est du frai frais, c’est froid aux yeux, c’est tous en chœur, c’est vous, c’est nous (...) (Michelle Grangaud, Jours le jour, 1994)

Dans le corpus, ok est très fréquemment précédé d’un verbe d’énonciation, par exemple dit en (34). En outre, parfois, le verbe est absent mais pourrait être restitué. Ainsi, en (35), on pourrait rétablir et le type dit : « ok c’est tout... » : ok semble en fait y jouer le rôle d’un marqueur de discours rapporté, comme écoute (Fagard, 2010).

(34)

La voyant dans de si bonnes dispositions, il avait dit que d’accord, OK, no problem : il se débrouillerait. (Jean-Luc Benoziglio, Tableaux d’une ex, 1989)

(35)

le caméraman M’en fous je vous dis Pour moi c’est pareil, et le type o.k. c’est tout ce que je voulais savoir, et le caméraman Dans un quart d’heure ça vous va ? (Jean-Luc Benoziglio, La boîte noire, 1974)

Du point de vue de l’analyse sémantique, le corpus contient un certain nombre d’emplois qui sont à la limite entre concession et approbation. Ainsi, en (36) (codé comme une seule occurrence concessive), la ponctuation laisse penser que le premier ok (suivi de trois points) est plutôt concessif, tandis que le second est plutôt approbatif.

(36)

– Qui c’était ? demanda Odile qui avait parfaitement suivi la conversation. – Mon ex-femme. Juste pour me rappeler qu’il y aura réveillon de Noël le 24 au soir avec les mômes, chez mes beaux-parents. – Tes EX-beaux-parents ! – OK... OK ! Mes EX-beaux-parents. – Et tu comptes y aller ? – Ben... oui. Pour les petits, tu comprends. – Et moi ? – Quoi, toi ? – Je le passe où, mon réveillon de Noël ? Seule, sous les ponts de Paris ? – Ben... non. Heu... Tu viens avec moi. – Chez tes EX-beaux-parents, avec ton EX-femme qui me hait sous ses airs de chattemite ! (Nicole de Buron, Chéri, tu m’écoutes ? : alors répète ce que je viens de dire..., 1998)

De manière générale, les emplois concessifs (201 occurrences) sont les plus fréquents. Les contextes où ok sert à marquer l’approbation sont également assez fréquents (103 occurrences), suivis de ceux où il constitue une demande d’accord (65 occurrences). Les emplois réellement positifs de ok (comme dans tout est ok ‘tout va bien’, X est ok ‘X va bien’) sont finalement assez peu fréquents (46 occurrences), comme les emplois plus discursifs où ok sert à marquer une transition (40 occurrences). Dans un certain nombre de cas, notés « autre », le contexte ne permet pas réellement de trancher (43 occurrences).

D’un point de vue diachronique – en diachronie courte – le corpus semble homogène. Pour la position syntaxique et le contexte (discours ou récit), en tout cas, le corpus est très homogène, comme nous l’avons noté plus haut. De même, l’alternance de code reste fréquente, intervenant dans environ 10% des occurrences, tout au long du corpus. Le découpage du corpus écrit en trois périodes (Tableau 4) permet cependant d’observer quelques variations d’une période à l’autre.

Tableau 4. Codage sémantique par période, dans les occurrences de Frantext (après tri).

Tableau 4. Codage sémantique par période, dans les occurrences de Frantext (après tri).

La principale évolution semble être une tendance à la baisse des emplois d’approbation (de 29% des emplois avant 1960 à 24% pendant la période intermédiaire, puis 18% après 1990), tandis que les emplois concessifs tendent à augmenter (de 32% avant 1960 à 38% puis 43%). Les emplois de type « demande d’accord » sont également à la hausse (de 7% à 10% puis 15%). On pourrait donc penser que ok, à l’origine marqueur d’approbation, prend progressivement une coloration négative (emplois concessifs) ou indéterminée (demande d’accord) – avec une évolution significative d’un point de vue statistique (pour les emplois concessifs + demande d’accord, comparés aux autres emplois, entre avant 1989 et après 1990 : chi² = 6,7, p < 0,05).

Les données des corpus oraux devraient en principe permettre de valider ou non ces débuts d’évolution, si l’on accepte le principe selon lequel l’oral est en avance sur l’écrit. Cependant, les résultats montrent que la grande majorité des occurrences de ok sont produites par les enquêteurs (100 occurrences sur 141, soit 71%), et ce dans les deux corpus oraux, CFPP2000 et PFC, ce qui invite à la prudence, même si bien entendu les enquêteurs sont eux-mêmes des locuteurs. Les emplois concessifs, s’ils ne sont pas totalement absents, comme l’illustre (37) – où le locuteur semble devoir reprendre l’affirmation de l’enquêteur pour pouvoir affirmer son propre avis (mais moi c’que j’leur envie c’est que eux… ils pouvaient trouver un travail) –, semblent cependant minoritaires dans ce corpus.

(37)

Locuteur 1 : mais vous vivez mieux que vos parents [pause] vous

(interventions du locuteur 2, du locuteur 1 qui insiste et d’un troisième locuteur, qui semble d’accord avec le premier)

Locuteur 2 : mais eux moi ce que [pause] ce que je leur envie

(interruption d’un troisième locuteur)

Locuteur 2 : c’était dur OK + mais moi c’que j’leur envie c’est que eux + si ils quittaient un travail + et ben ils pouvaient trouver un travail (CFPP2000, SO-02)

Dans les corpus oraux interrogés, on trouve en fait principalement trois types d’emploi de ok. Le plus fréquent est un ok de transition, généralement en début de tour et enchaînant sur une question (utilisé, dans ce cas, par les enquêteurs), mais qui est également employé dans des contextes de discours rapporté (38).

(38)

ah oui j’avais postulé à j’veux j’veux vous dire aussi ça parce que une fois j’avais postulé à la Marine Nationale [suit le récit de l’entretien, qui se clôt sur :] euh à la fin euh il m’dit « OK ben écoute + vu qu’y a que toi j’veux pas t’mentir il m’fait montrer la feuille il m’dit euh bon ben on t’embauche » (CFPP2000, SO-02)

Le second type est un ok d’approbation, qui se trouve le plus souvent en début de tour (dans les dialogues), ou en début de de discours rapporté (39), souvent accompagné d’autres marques du même type (d’accord, oui, parfait). 

(39)

ouais euh- j’sais pas quand quand tu vas acheter une chose tu vas t- déjà tu vas tu vas négocier le prix + [mm] alors tu dis je sais pas « tu tu m’fais un prix tu euh » et puis après comment ça tu vas « j’lui dis non écoute moi j’connais l’système tu vas faire comme ça et puis voilà » [mm] ++ et tu et + en fait c’qu’il faut faire il faut lui lui faire voir les billets + il va voir les billets il va dire « OK d’accord » il va prendre les billets (CFPP2000, SO-02)

Enfin, on trouve le ok concessif illustré en (37), ou encore en (40) où la nuance concessive est soulignée par le terme laisser.

(40)

enfin surtout que mes parents n’ont jamais été très autoritaires et tout ça donc ils m’ont vue partir en socio ils se sont dit ok on va la laisser partir en socio (CFPP2000, 13-02)

5.3. De l’américanisme au marqueur discursif : particularités de ok

L’analyse sémantique de ok ne réserve donc pas de surprise, si ce n’est l’importance des emplois concessifs : tandis que les sources donnent pour ok en anglais américain un emploi surtout positif, d’approbation ou d’accord11, ok semble avoir pris en français une nuance concessive assez marquée. D’un point de vue morphosyntaxique, le profil de ok est assez typique pour un marqueur discursif, avec une majorité écrasante d’emplois comme mot-phrase dans le corpus écrit (83,4%), les autres emplois étant très limités. Cette tendance est, de plus, clairement confirmée par les données orales : dans le corpus PFC, par exemple, les emplois comme mot-phrase ou comme particule d’affirmation concernent 98 occurrences sur 99.

Ce qui est plus étonnant, c’est que ces emplois sont présents dès l’apparition de ok en français, ou du moins dès les premières occurrences de notre corpus. On peut généralement observer, pour les marqueurs discursifs, un phénomène de passage du prédicatif à l’extraprédicatif, bien décrit par Traugott (1995a, b) : les adverbes ou syntagmes prépositionnels, initialement rattachés au verbe, s’en détachent progressivement et finissent par avoir une portée non plus au niveau du syntagme verbal, mais au niveau énonciatif, passant du même coup d’une valeur sémantique à une valeur pragmatique. En français, cette évolution est bien souvent accompagnée d’un mouvement syntaxique vers la position initiale – mouvement que l’on peut observer, plus ou moins nettement, dans le cas de d’un côté, parallèlement, au fond (Fagard & Sarda, 2014), à la rigueur (Prévost & Fagard, 2018) ou encore d’ailleurs et par ailleurs (Fagard & Charolles, 2018). Ce qui est frappant dans le cas de ok, c’est qu’on ne peut guère observer ce phénomène, du moins en français : dès les premières occurrences de notre corpus, les emplois comme marqueur discursif sont majoritaires. La comparaison avec l’anglais donne plutôt l’impression que le français a emprunté ok avec ses différents emplois, nominal, adjectival et adverbial (à l’exclusion de l’emploi verbal, cependant) – tous notés, pour l’anglais, dès Pyles (1954, p. 121) –, outre l’emploi comme marqueur discursif.

6. Conclusion

L’histoire singulière de ok permet d’expliquer son profil atypique, comme marqueur discursif ‘hors-sol’, très peu intégré syntaxiquement. A la différence d’autres marqueurs qui sont le fruit d’un processus de grammaticalisation habituel et se sont progressivement extraits de la linéarité syntagmatique pour se placer sur le plan discursif, ok est arrivé directement sur ce plan et semble y être resté dans la plupart de ses emplois. Il serait intéressant de comparer ce profil avec celui d’autres marqueurs discursifs voyageurs, comme l’emploi de l’espagnol bueno en catalan, par exemple, pour voir si c’est là un résultat attendu lors de ce type d’emprunt. Il reste en tout cas une part de mystère dans les modalités exactes de l’émergence de ok, dont notre article n’a pu qu’esquisser le parcours en français. Il faudrait aussi étudier plus en détail les nuances sémantiques de ses différents emplois, et leurs évolutions des premières attestations jusqu’à ses emplois en « français moderne avancé ».

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Notes

1 Cette recherche a bénéficié du soutien accordé au projet 2016-147 ANR OPLADYN TAP-DD2016. Return to text

2 Une hypothèse qui semble confirmée par la première attestation, où o.k. est glosé all correct : « he of the Journal, and his train-band, would have the ‘contributions box,’ et ceteras, o.k. – all correct – and cause the corks to fly » (The Boston Morning Post, 23 mars 1839). Return to text

3 Nous utilisons ici les corpus Google Books, à travers l’interface Ngram et celle de Mark Davies. Il est bien évident que ces corpus sont loin d’être parfaits – on en verra des preuves dans cet article – comme cela a été noté par Pechenick, Danforth & Dodds (2015) et surtout Feltgen (2017, p. 163-166). Cependant, ils permettent d’obtenir une première approximation des évolutions d’un terme en contexte, à partir d’une masse de données considérable, et ce pour plusieurs langues, ce qui n’est pas négligeable. Il nous semble possible de les utiliser de cette manière, c’est-à-dire comme un outil de visualisation, à contrôler à l’aide de corpus plus sûrs, comme Frantext pour le français. Return to text

4 « The frequency remains constant for an arbitrary time, either short or long. This step can last several decades. Occurrences characteristic of the new meaning continue to pop up in the corpus » (Feltgen, 2017, p. 216) ; dans le cas de par ailleurs, nous avons ainsi montré que ce plateau durait en fait plusieurs siècles, avec des occurrences dès le moyen-âge (le roy estoit beaucop trop foible par la mer. Par ailleurs fit le roy de Castille peu de dommaige au roy, Philippe de Commynes, Mémoires, ca. 1490-1505) et un emploi discursif qui ne date que de la fin du 19ème siècle (Fagard & Charolles, 2018). Return to text

5 Nos remerciements à Amine Boukhaled pour son aide technique. Return to text

6 Ceci ne signifie pas nécessairement que ok est plus fréquent en Angleterre : il est en effet tout à fait possible que ce soit lié à la constitution du corpus. Il faudrait, pour s’en assurer, avoir des corpus oraux comparables. Return to text

7 De la même manière, deux occurrences trouvées dans le corpus Google Books et datées de 1927 (elles y sont attribuées à Henri Barbusse) se trouvent, vérification faite, dans un texte contemporain (Julie Guizzetti, Enchaînements, 2004) mal référencé par le site. Return to text

8 Nous avons interrogé la version 2019 de la base, excluant les textes antérieurs à 1800. Return to text

9 Une enquête qualitative dans notre entourage nous a permis de vérifier que certains locuteurs voient encore ok comme un américanisme à éviter ; voir aussi Maillet (2012). Return to text

10 Dans la base Google Books, outre les problèmes de datation, il n’est souvent pas possible d’obtenir le contexte d’apparition des termes recherchés. Nous n’avons retenu que les quelques occurrences pour lesquelles le contexte récupérable est suffisant. Return to text

11 C’est en tout cas le sens saillant de ok tel qu’il est décrit dans les dictionnaires. C’est cet emploi qui est rendu par les gloses proposées pour ok : « a common catch-word for ‘all right’ » (Clapin, 1903, p. 293), « D’accord, correct, qui colle ; approuver ; accord, approbation » (Deak, 1956, p. 151), « all right ; satisfactory […] ; approval, agreement to a plan, etc. » (Ehrlich, Berg Flexner, Carruth & Hawkins, 1979, p. 464), « approval, endorsement » (Storz, 1990, p. 311). Return to text

Illustrations

References

Bibliographical reference

Benjamin Fagard, « OK – une histoire connue ? », Lexique, 25 | -1, 11-38.

Electronic reference

Benjamin Fagard, « OK – une histoire connue ? », Lexique [Online], 25 | 2019, Online since 01 décembre 2019, connection on 19 septembre 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/lexique/342

Author

Benjamin Fagard

Lattice (CNRS, ENS & Paris Sorbonne Nouvelle)
benjamin.fagard@ens.fr

Copyright

CC BY