Une gemme parmi les gemmes : sur un portrait d’Hélène dans la cinquième mise en prose du Roman de Troie

  • A Gem among Gems: On a Helen’s Portrait in the Fifth Prose of the Roman de Troie

DOI : 10.54563/bdba.1824

p. 31-46

Abstracts

On trouve, dans la cinquième mise en prose du Roman de Troie, un bien curieux portrait d’Hélène : le texte s’attarde très longuement sur le riches cercel d’or a riches pierres precieuses que porte le personnage, et prend, en décrivant minutieusement les gemmes, des allures de lapidaire. Or ce détour sert pleinement la description de la Tyndaride : d’abord parce qu’il permet à l’auteur de rendre justice à la beauté de son personnage ; ensuite parce que les vertus magiques des gemmes font sortir Hélène de la passivité qui lui est traditionnellement dévolue.

In the fifth prose of the Roman de Troie, we find a very curious portrait of Helen : the text focuses on the riches cercel d’or a riches pierres precieuses worn by the character, and takes on the appearance of a lapidaire by describing the gems in detail. This detour serves the description of the Tyndaride : on the one hand, because the author can thus express the beauty of his character ; on the other hand, because the magical virtues of the gems take Helen out of the passivity that is traditionally attributed to her.

Outline

Text

La cinquième mise en prose du Roman de Troie1, dont le plus ancien témoin conservé provient de la Naples angevine des années 1330-13402, se présente à bien des égards comme un vaste patchwork : l’auteur, guidé par un double désir d’exhaustivité et d’exactitude, assemble des pièces choisies avec soin dans des œuvres variées, du roman en vers de Benoît de Sainte-Maure aux Héroïdes d’Ovide3. Il compose ainsi une large compilation où de nombreux détails mythologiques, glanés dans ses différents hypotextes, enrichissent le récit de la guerre de Troie et participent à son enromancement4. Parmi les ajouts notables ainsi effectués, on trouve un bien curieux portrait : l’auteur se donne pour mission, au paragraphe 91, de raconter de […] la biauté de Helaine et consacre les paragraphes 92 et 93 à une longue description du personnage. Celle-ci est précédée d’une nativité qui en établit la généalogie et fait pendant à celle de Pâris que l’on trouve un peu en amont – le couple bénéficiant de la revalorisation de la thématique amoureuse au sein de l’œuvre5. Si les deux nativités sont vraisemblablement rédigées par l’auteur de Prose 5, le portrait d’Hélène, sur lequel nous voudrions concentrer notre étude, est quant à lui emprunté à Prose 36. Il surprend d’emblée par sa construction : si la seconde partie du texte décrit les traits de la jeune femme d’une façon relativement classique, la première se concentre presque exclusivement sur le cercle d’or et de gemmes qu’elle porte sur les cheveux. Le texte, qui présente minutieusement les pierres précieuses, prend alors des allures étonnantes de lapidaire miniature, s’appuyant probablement sur l’œuvre de Marbode de Rennes7. Il faut y voir, bien entendu, l’effet du goût encyclopédique de l’époque, dont Prose 5 témoigne dans sa construction même, et dont les romans antiques du xiie siècle avaient posé les premiers jalons8. Il nous semble cependant que cette particularité textuelle sert aussi pleinement la description de la Tyndaride et permet au compilateur de répondre à trois des problèmes que pose cette dernière.

Écrire un portrait d’Hélène constitue ainsi une gageure, et ce surtout pour un clerc médiéval. La description de la plus belle femme du monde court en effet le risque d’être déceptive, et met son auteur face à une première difficulté, d’ordre rhétorique : il doit trouver les outils littéraires permettant de rendre justice à sa splendeur hors normes, un défi redoublé au Moyen Âge puisque l’extrême codification des portraits tend à y entraver leur inventivité.

Mais un tel portrait est aussi, et peut-être surtout, porteur d’un enjeu narratif. La description d’Hélène prend le lecteur à témoin et doit autoriser la reconnaissance en la jeune femme du don promis par Vénus lors de l’épisode du Jugement de Pâris : du physique de la Tyndaride découlent ainsi son enlèvement et le début de la guerre de Troie, ce qui est particulièrement souligné dans Prose 5 puisque la description précède immédiatement sa première rencontre avec le jeune prince. C’est aussi un moment crucial pour la construction du personnage en tant que tel : si le portrait est toujours l’un des supports privilégiés de ce que l’on pourrait appeler, avec Philippe Hamon, l’« effet-personnage9 », son importance est redoublée dans le cas d’Hélène puisque cette dernière disparaît globalement du schéma actantiel après son enlèvement, ce qui rend peu nombreux les éléments qui la caractérisent par la suite. Elle constitue certes, avec ses compagnes, l’horizon amoureux qui donne sens aux exploits guerriers des héros masculins, mais sa présence est reléguée au second plan et reste fondamentalement passive – faisant paradoxalement du portrait qui consacre sa beauté le moment où son influence sur le cours de l’action est la plus grande, puisque cette influence repose toute entière sur l’effet que produit son apparence sur les autres.

Ce portrait, dès lors, se dote aussi forcément d’une dimension axiologique. L’auteur ne peut éviter de se positionner par rapport à la longue tradition littéraire qui, depuis l’Antiquité, s’interroge sur la culpabilité du personnage10. C’est là le paradoxe : la beauté d’Hélène la consacre comme objet – objet dont on dispose, et surtout dont on parle –, et elle ne cesse pourtant d’être jugée pour les événements tragiques que son enlèvement déchaîne11. La question de sa responsabilité devient un véritable sujet d’exercice pour les rhéteurs antiques, et on en retrouve encore largement l’écho à l’époque médiévale. L’auteur de Prose 5, de fait, peut trouver dans ses sources plusieurs façons de se situer ; là où le regard moralisateur porté par Prose 1 sur la légende troyenne tend par exemple à condamner Hélène pour son adultère, Benoît de Sainte-Maure se montre au contraire favorable au couple qu’elle forme avec Pâris : amants modèles et maudits, les deux jeunes gens parachèvent dans le roman en vers la splendeur d’une Troie qui se veut modèle de civilisation, et berceau de la culture courtoise12.

Comment donc Prose 5 se situe-t-elle par rapport à ces trois enjeux, rhétorique, narratif et axiologique ? Telle est la question que nous nous proposons d’étudier ici, en nous concentrant sur l’étonnante description des bijoux d’Hélène. Le cercle d’or et de gemmes qu’elle porte, tout en la désignant, non sans ambiguïté, comme le joyau manquant de la cité de Troie, lui restitue aussi une forme d’agentivité qui la singularise et tranche avec la passivité qui la caractérise habituellement.

Dire la beauté par le détour

Contourner les codes rhétoriques

La description d’Hélène constitue donc tout d’abord un défi sur le plan rhétorique : les codes de l’époque, qui tendent, tout en figeant leur description dans un canevas préconçu, à égaliser par le haut la splendeur des héros et héroïnes littéraires13, permettent peu, en effet, de rendre compte du caractère exceptionnel de sa beauté.

Bien avant Prose 5, Benoît de Sainte-Maure trouve cependant déjà, dans son Roman de Troie, un moyen de contourner cette rigidité poétique : évitant de s’appesantir sur les détails de la description, il met en avant l’annominatio de beauté, ce qui tend à faire d’Hélène une incarnation absolue de la notion14. Cela est renforcé par le fait que sa description prend place, dans le roman en vers, au sein d’une galerie de portraits qui, en amont des premières batailles, présente les principaux protagonistes de chaque camp : la comparaison qui peut être faite d’un personnage à l’autre est alors facilitée, ainsi que l’essentialisation à laquelle ils peuvent être soumis. Le rédacteur de Prose 5 prend cependant une orientation bien différente de celle que suit son hypotexte ; s’il conserve ce système de galeries pour les autres héros et héroïnes, le portrait d’Hélène est quant à lui ancré de plein pied au sein de la trame narrative, annonçant sa rencontre avec Pâris et soulignant son statut problématique – bien qu’elle soit l’épouse de Ménélas, elle n’appartient ni au camp grec, ni au camp troyen, et constitue un enjeu de prix. La description dont elle fait l’objet est cette fois très détaillée, et tente de surenchérir sur le travail du clerc tourangeau : ainsi, dès l’épisode du Jugement de Pâris, il ne s’agit plus pour Vénus de promettre au jeune prince la femme de Grece […] la plus preisiee qui serait, comme dans le roman en vers, mais bien la plus belle fame du monde15.

Dans son portrait, la valeur d’Hélène est matérialisée par le riches cercel d’or a riches pierres precieuses16 qu’elle porte sur les cheveux, et dont la description fait, comme nous l’avons dit, toute la singularité du texte. L’objet rejoint la longue liste des éléments qui contribuent à ancrer la légende troyenne dans la période médiévale17 ; il signifie d’abord la noblesse du personnage – évoquant une couronne puisque la Tyndaride est la femme du rois de Lacedemoine18 – mais fonctionne aussi et surtout comme métonymie. Le bijou, introduit par la mention des cheveux, précède ainsi le visage dans le portrait et en bouleverse l’ordre canonique, selon lequel la description du corps et celle des vêtements doivent être séparées. Cela a pour effet de rendre indissociables la parure et sa propriétaire, comme si elles étaient intrinsèquement liées. Dès lors, la splendeur de la première permet de dire celle de la seconde, et ce d’autant plus évidemment qu’un autre type de relai se crée dans le texte de l’une à l’autre : en reprenant une comparaison traditionnelle pour qualifier le teint d’Hélène, clere comme cristal sus la fache19, l’auteur introduit l’association féminin/minéral que la focalisation sur le cercle d’or déploie ensuite en creux.

Qualifier la beauté

Ce lien métonymique agit à plusieurs niveaux : le premier s’appuie sur la matérialité de la couronne, qui permet de signifier la beauté d’Hélène sur le plan tant quantitatif que qualitatif. L’accumulation des pierres précieuses sur l’objet, traduite stylistiquement par l’énumération, en donne ainsi tout d’abord la mesure, ou plutôt la démesure. Des gemmes de tous types y sont de fait réunies : les plus précieuses sont le saphir, l’émeraude, le rubis et le diamant, qui occupent la place principale sur le bijou – la description respectant ainsi l’organisation traditionnelle des lapidaires, qui présentent les gemmes par ordre d’importance20. On y trouve cependant aussi corauls et marguerites que l’on classe à l’époque parmi les pierres, l’escarboucle riche, belle et clere, gemme littéraire par excellence, ou encore l’alectoire, représentante de la porosité des règnes, qui naît ou gisir du chapon qui est tous blans et fu post de mai et couvés. Il faut encore y ajouter jacinctes, oniches, sardoynes, pierres d’arondes, crapaudines21 : l’objet final est tellement chargé en pierreries qu’il se refuse à la représentation mentale, et réactive le lien traditionnellement établi à l’époque entre richesse et beauté.

Les gemmes fonctionnent également sur le plan qualitatif pour dire la splendeur de leur propriétaire, chacune des pierres principales, uniques, se distinguant par un pouvoir et, surtout, une couleur propre :

Par devant, enmi le front, out un safir blons d’Orient de la couleur du firmament, bien esprouvéz en sa vertu a donner grace et bienplaisance et santé contre apostume […]. A ce saphir sont collateraus et conjointes quatre pierres tout environ dont l’une estoit une esmeraude plus vert que nulle herbe de pré, plus fine que nulle riens qui soit contre la maladie des yex ; de l’autre un riche diamant qui estoit de grant vertu et bien esprouvéz, car a cui i fust de bon cuer donnéz, il ne pooit venir en povreté comme il l’eüst22.

Les premières lignes, qui décrivent rapidement la tête d’Hélène, reprennent ainsi la triade blanc/rouge/or et le style formulaire qui sert habituellement à décrire les personnages féminins dans les portraits médiévaux : elle est plus blanche que n’est fleur de lis, a les oreilles vermeilles, cleres, rubiaus comme rose parmi le verre ou comme sinople sus or, et les cheveux blons et reluisans23. L’énumération des pierres fait cependant voler en éclats cette tripartition. Le saphir de la couleur du firmament ou l’émeraude plus vert que nulle herbe de pré, reprenant les comparants classiques des lapidaires, introduisent la polychromie dans le texte, et accentuent dans le portrait ces deux qualités esthétiques que sont la couleur et la lumière, auxquelles l’époque médiévale semble avoir été particulièrement sensible24. Comme en témoigne la première place tenue par le saphir sur l’objet25, la multiplication des teintes dans le portrait fait sans doute aussi écho à la « profonde mutation de sensibilité » que Michel Pastoureau perçoit entre le xiie et le xive siècle : le bleu, qui était jusque-là une teinte secondaire, se retrouve largement valorisé pour une série de raisons techniques, politiques et religieuses, jusqu’à être adopté par le blason de la monarchie capétienne, provoquant « l’éclatement du vieux schéma trifonctionnel blanc-rouge-noir »26. Dans tous les cas, les teintes vives amenées par les pierres dans le portrait ancrent ce dernier dans l’esthétique de l’époque : offrant une approche complémentaire aux proportions parfaites du corps d’Hélène qui font, dans le paragraphe suivant, plutôt appel à une beauté intelligible, elles introduisent l’idée d’une beauté sensible, franche, immédiate et qui s’impose à celui qui la contemple, préparant l’effet saisissant que produira le personnage sur Pâris27.

Si les caractéristiques matérielles du bijou signifient donc la beauté d’Hélène, le cercle d’or fonctionne également à un autre niveau, celui de l’imaginaire28 qu’il convoque. Il tend de fait à associer la Tyndaride au merveilleux oriental29, qui peuple le camp des Troyens sous au moins deux formes dès le roman en vers : d’une part l’Orient asiatique et son personnel (Amazones, Sagittaire), d’autre part l’Orient byzantin et ses objets spectaculaires, occasions pour Benoît de célébrer l’homo faber par le biais d’ekphraseis (en écho à la fascination qu’exerce à l’époque Constantinople sur les croisés30). Les gemmes condensent ces deux formes : réunies avec tant d’art qu’on ne peut se figurer le cercle, elles connotent aussi les trésors fantastiques de l’Asie, dont elles proviennent dans la plupart des lapidaires, faisant l’objet des légendes les plus fabuleuses31. Ce lien avec l’Est est explicité par le saphir blons d’Orient : est alors introduite l’idée d’une complémentarité entre Hélène, grecque mais détentrice de la pierre, et Troie, perçue comme une ville orientale.

Cette interdépendance est renforcée par l’écho qui se forme entre les pierres de la couronne et celles qui ornent la Chambre des Beautés32. Cœur de Troie, cette dernière est en effet offerte pour leur mariage à Hélène et Pâris par Priam. Par ce don qui, jouant d’un lien d’analogie de l’une à l’autre, célèbre la présence d’Hélène dans la ville, le roi s’aligne sur le jugement de son fils et le transforme en programme politique : l’amour, la beauté et la courtoisie seront les valeurs maîtresses de la cité. Or, on retrouve dans la description qui en est faite dans Prose 5, peu après la septième bataille, le même procédé d’énumération qui sert à décrire le cercle d’or :

En la Chambre de Biauté gesoit Hectors li preus ou l’or d’Arabe reflamboie et ou estoient li xii pierres precieuses que Diex elut et fist precieuses, c’est a savoir safirs, sardoina, thopas, prasme, crisolite, esmeraude, berius, sardina, carboucle, calcidoine, alemandines, jaspe, rubin.

Puis, plus loin, la mention de pouvoirs spécifiques :

Li autre ymage que sus le tiers pilier estoit assis fu entailliéz d’une riche pierre qui ophiane estoit appellee, qui a si precieuse vertu que elle refreschist et renovele la couleur des gens, ne ja grant ire n’avra qui le jour l’avra veüe33.

L’auteur établit de ce fait un jeu d’échos entre notre personnage et la chambre qui lui est offerte, achevant l’insertion sociale, politique, mais aussi esthétique de la Tyndaride dans le décor troyen. Elle était déjà, chez Benoît de Sainte-Maure, la pièce manquante à la cité de Priam pour atteindre la perfection, celle dont l’union avec Pâris signifiait la chute de la ville, mais aussi son apogée, en tant que modèle de courtoisie34. Prose 5, avec le cercle d’or, se place dans la lignée du clerc tourangeau ; les gemmes viennent rendre littérale l’idée selon laquelle Hélène serait le joyau manquant de Troie, et sa beauté se trouve redoublée par la complémentarité parfaite qui l’unit à la ville.

Vers une requalification du personnage comme actant

Par un jeu subtil avec l’imaginaire médiéval, Prose 5 construit ainsi un personnage voué à faire rêver son public, et assure la continuation de l’identité Hélène/Beauté qui a cours depuis l’Antiquité. Le rôle du cercle d’or va cependant plus loin et sert aussi à nos yeux à requalifier le personnage comme actant : c’est ce que nous voudrions étudier maintenant.

Un portrait dynamique

Il n’est pas anodin en effet, en regard de la tradition littéraire, de se concentrer sur des gemmes pour évoquer une femme. Si les romans antiques font déjà de l’orfèvrerie une dimension prégnante de leur esthétique, ils associent de façon préférentielle le métal et les pierres aux portraits masculins35. Les gemmes deviennent l’attribut privilégié de ceux qui détiennent le pouvoir et font presque systématiquement l’objet d’un détournement lorsqu’elles sont associées aux femmes : les quelques héroïnes qui ont l’honneur de les porter se distinguent ainsi par leur dimension androgyne, soit qu’elles participent aux combats, comme Camille ou Penthésilée, soit qu’elles occupent une position hiérarchique inattendue, comme Didon.

Ces exceptions mises à part, les héroïnes féminines ont plutôt tendance à être qualifiées par les étoffes, ou sont associées à un type de pierre bien particulier : les gemmes rouges, telles le rubis et l’escarboucle, qui les désignent exclusivement comme support de la passion amoureuse. Ainsi de Briséida, dont le somptueux manteau est fermé par de dous robins36, lorsqu’elle s’apprête à quitter Troïlus pour rejoindre les Grecs. Chez un Chrétien de Troyes, on retrouve encore cette partition genrée dans les pierres : si Énide porte un manteau couvert de pierreries pour son mariage, elle est placée tout entière sous le signe de l’écarlate, là où Érec se voit offrir, pour son couronnement, un habit aux gemmes polychromes. Et dans Amadas et Ydoine, c’est bien une pierre rouge que le héros offre à sa bien-aimée pour lui signifier son amour37. Il ne s’agit là que de quelques exemples ; il est cependant significatif, étant donné ces précédents, que le rubis, par exemple, ne soit pas spécifiquement exploité dans notre portrait. Quoi de plus simple effectivement, pour qualifier celle qui est tout entière sous l’égide de Vénus, que la gemme de la passion amoureuse, surtout chez un auteur fin connaisseur des lapidaires ? Or, si le rubis est bien présent sur le cercle d’Hélène, il est noyé dans une énumération, sans aucune mention de vertus spécifiques. Par contraste, la diversité et la polychromie des pierres portées par le personnage le sortent d’un carcan féminin préétabli et semblent témoigner de sa disponibilité à une forme d’agentivité que l’on prête habituellement au masculin.

La passivité de la jeune femme est d’ailleurs aussi contestée sur le plan stylistique à l’échelle de toute la description. L’immobilisme du portrait, qui fait tableau, semble comme combattu de l’intérieur. Dès le début, la fixité d’une phrase nominale s’oppose de façon étonnante à des verbes de mouvement mis au participe présent :

Bele estature, de biau grant, longue, graille, roonde, grasse, tendre, non mie molle ne vaine mes serree, resortissant et souave comme hermine, esquaillant comme aiglete, fremillant comme fuille de tremble, droite et transpellant comme jonc en mer, plus blanche que n’est fleur de lis, clere comme cristal sus la fache et les oreilles vermeilles […]38.

Le choix des comparants semble reconduire ce contraste entre rigidité et mobilité. Les associations traditionnelles – la fleur de lys, le cristal – s’opposent à des animaux ou végétaux beaucoup moins attendus qui, par opposition, soulignent l’idée de mouvement ; ainsi la fueille de tremble, en particulier, joue-t-elle sur l’homonymie entre le peuplier et le verbe trembler. Le terme aiglete, quant à lui, condense à lui seul cette tension : attesté seulement dans le vocabulaire du blason39, il connote le mouvement de l’aigle en même temps que la fixité de l’image. La description se trouve ainsi caractérisée par un frémissement qui enrichit la beauté de son sujet, à rebours des représentations de l’époque40, et qui semble traduire la tentation de donner vie à un personnage trop souvent qualifié par sa passivité.

Une beauté savante

La beauté même de la Tyndaride semble, de plus, acquérir une dimension active, ce qui n’est pas sans la teinter d’ambiguïté. Au contraire d’un Joseph d’Exeter par exemple, qui fait du personnage un « monstre » de concupiscence dans son Ilias latina41, l’auteur de Prose 5 ne s’emploie pas à décrire chez Hélène une sensualité coupable. Il n’y a qu’un pas cependant du luxe à la luxure : on le voit d’ailleurs dans la description de la Chambre des Beautés, à laquelle, comme nous l’avons dit, est lié le personnage chez Benoît de Sainte-Maure. Le cœur de Troie, construit en analogie avec la Jérusalem céleste de l’Apocalypse selon saint Jean, est ainsi miné par l’hybris42. En même temps qu’il en constitue le raffinement le plus extrême, il contient en germe la chute de la cité païenne, la rapprochant à ce titre de Babylone, l’autre grand modèle urbain de la Bible, lieu de débauche et de perversité.

Ce qui est valable pour les villes l’est plus encore pour les femmes : dans l’imaginaire médiéval, les bijoux sont autant l’apanage des reines que celui des prostituées43. Le soupçon qui pèse sur la beauté d’Hélène, néanmoins, ne repose pas tant ici sur l’excès de raffinement du personnage que sur le pouvoir des pierres qu'elle porte, qui autorise un détour inattendu par Ulysse et donne à son portrait une dimension programmatique :

Iceste maniere de pierre […] portoit Ulysse en un anel d’or que il avoit en sa main destre, dont l’en trueve que onques ne requist chose a nullui que il vousist avoir que il n’eüst. […] Quant toute Troie fu destruite, si con nos vos conterons ci après, il vint a court issi garnis comme il miex pooit […] ; Si porta en son doit cel anel et en sa bouche la pierre dont nous avons avant parlé qui est appellee alectoire […] et seit on bien certainement que […] par la grace de ses pierres, si li fu Palladion donnés et otroiiés44.

En s’autorisant une digression proleptique sur la fin de la guerre et l’épisode du Palladion, l’auteur inscrit en creux dans le portrait un lien de causalité qui subordonne directement la chute de Troie à la beauté d’Hélène. Bien plus, la pierre que celle-ci partage avec Ulysse, dont on ne comprend pas très bien s’il s’agit de l’améthyste ou de l’alectoire, confère comme qualité principale à celui qui la porte grant grace vers toute gent de plaire et d’estre bien amés et d’avoir dons que l’en requiert45. L’insistance sur ce bienfait, juste avant la première rencontre de Pâris et Hélène, ne peut que semer le trouble : est-ce à dire que l’éclat de la jeune femme s’entache d’une dimension artificielle, dont le jeune Troyen serait la première victime ? Ou bien s’agit-il au contraire d’ajouter un argument à l’éloge du personnage, mettant en avant l’idéal de sociabilité courtoise qu’il représenterait ? S’il est difficile de trancher, le charme de la Tyndaride semble dans tous les cas la sortir de sa passivité dès lors qu’il est renforcé sciemment par le port d’une pierre.

De façon générale, si le cercle d’or sert de métonymie pour décrire l’apparence d’Hélène, il met aussi en avant le savoir de cette dernière. Les pouvoirs des gemmes, par transitivité, deviennent ainsi les siens propres, ou plutôt ceux dont elle sait user. L’encyclopédisme du narrateur rejaillit en effet sur la façon dont le personnage nous apparaît, en particulier lorsqu’il mentionne le lapidaire qui lui sert de source : le lecteur est alors amené à présupposer qu’Hélène a accès aux mêmes connaissances, et l’associe ainsi à un savoir livresque. Cela est d’ailleurs renforcé dans la version du portrait que donne Prose 3, où le lapidaire n’est pas seulement nommé, mais cité en latin, le changement de langue et la traduction qu’il implique mettant en évidence le caractère savant de celui qui se trouve en capacité de le lire : Et de ce dit le lapidaires : Et regum mitigat iras, ce est a dire en latin que ele apaie les ires as rois46. On trouve encore, sous les améthystes du cercle, signes, caracteres et paroles, encloses en petites quarteletes de parchemin virge47, qui la lient au domaine de l’écrit.

En bouleversant l’ordre du portrait en faisant précéder le visage par la description des gemmes, l’auteur met donc en avant l’artifice, mais aussi et surtout la science du personnage. Or si l’on reconnaît, avec Philippe Hamon par exemple48, l’importance de la théorie des modalités pour classer les différents actants d’un récit, cela modifie considérablement la réception que l’on peut avoir de la Tyndaride. Parmi la triade vouloir/pouvoir/savoir, Hélène n’est en effet généralement associée qu’au premier de ces modes : le vouloir, lié pour elle à Pâris et au désir amoureux, au fondement des accusations de débauche dont elle fait l’objet dans l’histoire. Dans notre portrait cependant, le détour par le cercle d’or permet de la requalifier, peut-être sur le plan du pouvoir, et très certainement sur celui du savoir : le texte empêche ainsi la réduction de la protagoniste à un sujet et objet de désir, et s’éloigne définitivement de la vision moralisatrice que peut par exemple en donner Prose 1, l’un de ses hypotextes.

Une tentation de l’héroïsme ?

À mi-chemin entre l’ésotérisme et l’encyclopédisme, ce savoir requis par le port du cercle d’or est cependant plus attendu qu’on ne pourrait le croire aujourd’hui : il convient ainsi de rappeler que les bijoux, surtout à la fin du Moyen Âge, avaient plusieurs fonctions, mêlant parure, magie et religion49. La description du cercle d’Hélène semble donc surtout faire écho, de façon exacerbée, à des pratiques existant à l’époque. Il est néanmoins intéressant de noter que si l’orfèvrerie est récurrente dans les décors troyens, les vertus magiques des pierres sont quant à elles relativement peu mentionnées dans le texte : seuls deux personnages, dont on notera qu’ils sont Grecs, y ont recours dans Prose 5 en dehors d’Hélène, et ils brillent tous deux par leur ambivalence.

D’un côté, Ulysse, déjà brièvement évoqué, présenté par Benoît de Sainte-Maure comme un menteur et globalement discrédité à l’époque médiévale pour son aptitude à la ruse50. Le portrait d’Hélène en convoque la manifestation la plus déshonorante : l’épisode final du Palladion, où le personnage tue Ajax Télamon par traîtrise. Le texte cependant n’est pas directement critique à son égard. Certes, la vertu trop grand de sa pierre, le los et le pris […] que il pensoit a avoir en convainquant Achille de prendre les armes, indiquent une forme de jugement moral de la part du narrateur ; mais les mots qui le qualifient mettent aussi en avant une intelligence pleinement reconnue, puisqu’il est dit sages et soutils et œuvre par sapience51.

De l’autre côté, Médée : introduite dans la légende troyenne médiévale par le roman en vers, elle est chez Benoît de Sainte-Maure une princesse à la beauté resplendissante et au très grand savoir, dont le seul tort est de s’enamourer d’un homme qui l’abandonne. Elle redevient cependant rapidement, chez les successeurs du clerc tourangeau, la magicienne assoiffée de vengeance qu’en avait fait Euripide52. Prose 5, fidèle au vœu d’exhaustivité de son compilateur, en livre une vision ambiguë : elle reprend de fait à Prose 1, très critique à l’égard du personnage, le détail de ses crimes, mais les atténue en soulignant la culpabilité de Jason.

Or, parmi la liste des objets magiques que Médée donne à ce dernier pour lui permettre d’accéder à la toison d’or, on trouve un anneau surmonté d’une pierre, dotée, comme pour Hélène ou Ulysse, de vertus magiques :

Et puis li donna un anel dont la pierre estoit de tel vertu que qui l’avoit sus li ne puet douter ne feu ne eaue, ne ne puet estre vaincus en bataille. Et si avoit une autre vertu : « car, se vous tendrés la pierre dedens vostre main, vous ne pourrés estre veüs, et quant vous la tournerés dehors, si serés veüs comme devant53 […]. »

Médée confectionne aussi une ceinture mont adornee de beles pierres precieuses54 pour la nouvelle épouse de Jason après que ce dernier l’a délaissée : même si les gemmes ne sont pas directement mises en cause, Creüsa meurt brûlée immédiatement après l’avoir mise.

L’écho que la présence des gemmes établit discrètement entre la fille du roi Oëtés et la Tyndaride est également renforcé par celui qui se crée entre leurs amants : les transgressions que constituent les traversées maritimes de Jason et Pâris, et qui provoquent la formation de chacun de leurs couples, débouchent respectivement sur la première et la deuxième destruction de Troie55. Prose 5 vient aussi nuancer le caractère idéal que Pâris et Hélène avaient chez Benoît ; les épîtres ovidiennes interpolées par l’auteur dans la trame principale introduisent de fait deux autres figures féminines gravitant autour du fils de Priam : Cenona, sa première épouse, et Turidari, un étrange double d’Hélène que Pâris entreprend de séduire56. L’inconstance du jeune homme est ainsi soulignée et résonne avec celle de Jason, tandis que leurs épouses rejoignent la constellation des femmes déçues, trompées ou abandonnées que la présence des Héroïdes met en évidence dans Prose 5.

Médée et Ulysse ont pour point commun d’avoir une intelligence et un savoir-faire qui les rendent dangereux ; ils évoluent à ce titre dans une dimension différente de ceux qui usent de la violence guerrière, puisque la menace qu’ils incarnent, imprévisible, déborde des cadres, et en particulier de l’hic et nunc de la bataille. On ne peut pas mettre Hélène sur le même plan qu’eux : elle conserve tout au long de Prose 5 son rôle traditionnel, subit son enlèvement et disparaît globalement du reste de l’œuvre. Alors que Médée et Ulysse utilisent les gemmes pour agir et servir un but bien précis, rien n’est dit sur ses volontés à elle ; les pierres sont cantonnées à l’espace textuel du portrait, leurs pouvoirs comme figés par la description qui les coupe de la trame principale. Il n’empêche que ces quelques paragraphes donnent du personnage une vision complexifiée et que le lien, bien que ténu, qui le relie aux deux autres lui confère une certaine aura de puissance dont il est dépourvu ailleurs, reconduisant sur le plan du potentiel héroïque l’ambiguïté qui le caractérise habituellement sur le plan moral.

Ce n’est pas le destin d’Hélène qui est au cœur de la guerre de Troie : tout comme Hésione, cette sœur de Priam dont elle redouble l’enlèvement, et qui disparaît au tout début de la légende troyenne, elle est avant tout personnage-prétexte, cause d’un conflit qui n’est pas le sien et dont elle est progressivement évacuée. Le temps d’un portrait cependant, le personnage est mis sur le devant de la scène : l’auteur, en concentrant longuement sa description sur la parure du personnage, contourne les attendus rhétoriques de l’époque pour rendre compte de sa beauté incomparable. Il en donne ainsi une image méliorative, mais aussi complexifiée. La focalisation sur les vertus des gemmes met en valeur le savoir et le pouvoir de la jeune femme, qui se retrouve incluse dans un réseau double de personnages : les victimes féminines, mais aussi les figures ambivalentes que sont Ulysse et Médée. Elle gagne ainsi en indépendance ce que son couple avec Pâris perd en évidence, et apparaîtra d’ailleurs plus en reine qu’en jeune femme amoureuse lors de sa première rencontre avec le Troyen. Elle se retrouve ainsi chargée d’un potentiel héroïque, qui ne sera cependant jamais actualisé dans l’œuvre.

Notes

1 Pour le décompte des mises en prose du Roman de Troie, cf. M.-R. Jung, La Légende de Troie en France au Moyen Âge : analyse des versions françaises et bibliographie raisonnée des manuscrits, Bâle, Francke, 1996. Return to text

2 Pour une analyse détaillée du contexte de production, cf. l’introduction d’A. Rochebouet dans Le Roman de Troie en prose. Prose 5, éd. A. Rochebouet, Paris, Classiques Garnier, 2021 (Textes littéraires du Moyen Âge, 59). C’est à cette édition que nous nous référons tout au long de l’article : toutes les citations issues du portrait proviennent des pages 223 à 225. Return to text

3 Notons par ailleurs que Prose 5 est restituée dans la très grande majorité des manuscrits au cœur de la deuxième rédaction de L’Histoire ancienne jusqu’à César. Sur le sujet, cf. l’introduction dans L’Histoire ancienne jusqu’à César : deuxième rédaction, éd. Y. Ōtaka et C. Croizy-Naquet, t. 1, Orléans, Paradigme, 2016 (Medievalia). Return to text

4 Ibid., p. 18. Return to text

5 Ibid., p. 56-60. Return to text

6 Bien qu’il soit emprunté à Prose 3, nous choisissons ici d’analyser le portrait d’Hélène en tant qu’élément de Prose 5 : il y trouve en effet une place particulière, et résonne avec l’interpolation des héroïdes ovidiennes dans la trame principale. Cf. A. Rochebouet, « Interpolation, insertion, compilation : l’exemple de la traduction des Héroïdes dans la cinquième mise en prose du Roman de Troie », dans Le Texte dans le texte. L'interpolation médiévale, dir. A. Combes, M. Szkilnik et A.-C. Werner, Paris, Classiques Garnier, 2013 (Rencontres, 49 –Civilisation médiévale, 4), p. 123-142. Return to text

7 Cf. le commentaire d’A. Rochebouet dans Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 731. Return to text

8 Cf. F. Mora-Lebrun, « Metre en romanz » : les romans d’antiquité du xiie siècle et leur postérité, xiiie-xive siècle, Paris, Champion, 2008 (Moyen Âge – Outils de synthèse, 3), p. 206-222. Return to text

9 Cf. Ph. Hamon, Le Personnel du roman : le système des personnages dans les Rougon-Macquart d’Émile Zola, Genève, Droz, 1983 (Histoire des idées et critique littéraire, 211), p. 185. Return to text

10 Cf. J.-L. Backès, Le Mythe d’Hélène, Clermont-Ferrand, Adosa, 1984 (Bibliothèque de littérature générale et comparée, Série Mythes et littérature, 2), p. 9-54. Return to text

11 Cette contradiction, impuissante mais coupable, est particulièrement bien exprimée dans le monologue que lui accorde Benoît de Sainte-Maure à la mort de Pâris. Cf. C. Croizy-Naquet, « La complainte d’Hélène dans le Roman de Troie (v. 22920-23011) », Romania, t. 111, 1990, p. 75-91. Return to text

12 Cf. E. Baumgartner, « Benoît de Sainte-Maure et le modèle troyen », dans De l’histoire de Troie au livre du Graal : le temps, le récit (XIIe-XIIIe siècles), Orléans, Paradigme, 1994 (Varia, 18), p. 209-220. Return to text

13 Le portrait médiéval se veut ainsi épidictique, et fait précéder le portrait moral du portrait physique, ce dernier devant suivre un mouvement descendant. Cf. E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle : recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, 1962, p. 79-81. Return to text

14 Cf. C. Croizy-Naquet, Thèbes, Troie et Carthage : poétique de la ville dans le roman antique au xiie siècle, Paris, Champion, 1994 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 30), p. 181. Notons malgré tout que les habitants de Troie ne peuvent décider qui est la plus belle entre Hélène et Polyxène : cf. Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. L. Constans, Paris, Firmin Didot, 1904 (S.A.T.F.), t. 2, p. 374, v. 14617-14630. Return to text

15 Cf. Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. cit., t. 1, p. 196-201, plus particulièrement ici v. 3915-3916 ; Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 191-194. Return to text

16 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 223. Return to text

17 Cf. A. Petit, L’Anachronisme dans les romans antiques du xiie siècle : le Roman de Thèbes, le Roman d’Eneas, le Roman de Troie, le Roman d’Alexandre, Paris, Champion, 2002 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 65). Return to text

18 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 223. Return to text

19 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 223. Return to text

20 Sur l’organisation des lapidaires médiévaux et la question des pierres précieuses en littérature, nous renvoyons aux travaux de Valérie Gontero, et en particulier à Sagesses minérales : médecine et magie des pierres précieuses au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier (Recherches littéraires médiévales, 25), 2010, p. 11-133. Return to text

21 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 224-225. Return to text

22 Ibid., p. 223-224. Return to text

23 Ibid., p. 223. Return to text

24 Sur la couleur et la lumière au Moyen Âge, cf. E. De Bruyne, « L’esthétique de la lumière », dans Id., Études d’esthétique médiévale, t. 3, Brugge, De Tempel, 1946, p. 3 à 29 (IV, ch. 1) ; U. Eco, Histoire de la beauté, Paris, Flammarion, 2004, p. 99-130. Enfin, sur le lien à établir avec les gemmes, cf. V. Gontero, Sagesses minérales : médecine et magie des pierres précieuses au Moyen Âge, Paris, Classiques Garnier, 2010 (Recherches littéraires médiévales, 25), p. 12. Return to text

25 Sur la promotion du saphir, qui supplante peu à peu le diamant dans les lapidaires, cf. V. Gontero, Sagesses minérales, op. cit., p. 94. Return to text

26 M. Pastoureau, « Et puis vint le bleu… », Europe, t. 61, 1983, p. 43-50, ici p. 47. Return to text

27 Sur l’opposition de ces deux types de beauté, cf. en particulier U. Eco, Art et beauté dans l’esthétique médiévale, trad. M. Javion, Paris, Grasset, 1997. Return to text

28 Cf. la définition que donne J. Le Goff de l’imaginaire dans J. Le Goff, L’Imaginaire médiéval, Paris, Gallimard, 1991. Nous retiendrons en particulier que si « l’imaginaire fait partie du champ de la représentation », il « y occupe la partie de la traduction non reproductrice, non simplement transformée en image de l’esprit, mais créatrice, poétique au sens étymologique » (Ibid., p. 5). Return to text

29 Sur cette notion de merveilleux oriental, cf. J. Le Goff, « L’Occident médiéval et l’Océan indien : un horizon onirique », dans Id., Pour un autre Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1991 (Tel, 181), p. 280-298 ; pour son application en littérature, cf. C. Gaullier-Bougassas, La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval : sur l’imaginaire médiéval de l’Autre, Paris, Champion, 2003 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 67). Return to text

30 Sur l’assimilation Troie/Constantinople, cf. F. Tanniou, « Troie sur le chemin des croisades, xiie-xive siècles », Atlantide, t. 2, 2014 [en ligne : atlantide.univ-nantes.fr/Troie-sur-le-chemin-des-croisades (dernière consultation : mars 2023)]. Return to text

31 Cf. par exemple la provenance de l’émeraude, arrachée par les Arimaspes à des griffons, dans V. Gontero, Sagesses minérales, op. cit., p. 90. Return to text

32 Cf. la note d’Anne Rochebouet à ce sujet dans Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 730. Return to text

33 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 422-423. Return to text

34 Sur le lien qui unit Hélène à Troie, cf. C. Croizy-Naquet, Thèbes, Troie et Carthage, op. cit., p. 355-360. Return to text

35 Ce sont les armes qui sont le plus ornées de gemmes. Cf. le bouclier d’Eneas dans Le Roman d’Eneas, éd. A. Petit, Paris, Librairie Générale Française, 1997 (Le Livre de Poche, 4550 – Lettres gothiques), p. 300, v. 4530-4553. Sur l’utilisation différenciée de l’orfèvrerie chez les hommes et les femmes, cf. V. Gontero, Parures d’or et de gemmes : l’orfèvrerie dans les romans antiques du xiie siècle, Aix-en-Provence, PUP, 2002, p. 21-37. Return to text

36 Cf. Benoît de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. cit., t. 2, p. 298, v. 13407. Return to text

37 Cf. V. Gontero, « Les gemmes dans l'œuvre de Chrétien de Troyes (Érec et Énide, Cligès, le Chevalier de la Charrette, le Chevalier au Lion, Perceval) », Cahiers de civilisation médiévale, t. 45, 2002, p. 237-254 ; Ead., Sagesses minérales, p. 111. Return to text

38 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 223. Return to text

39 Cf.  la note laissée par Anne Rochebouet à ce sujet dans Ibid., p. 730. Return to text

40 Le dynamisme serait ainsi valorisé tardivement dans l’histoire, la beauté s’incarnant d’abord de façon statique. Cf. G. Vigarello, Histoire de la beauté : le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 2007. Return to text

41 Cf. Joseph d’Exeter, L’Iliade, épopée du xiie siècle sur la Guerre de Troie, traduction et notes sous la direction de Fr. Mora, Turnhout, Brepols, 2003 (Miroir du Moyen Âge), p. 182-185, v. 202-207. Return to text

42 Cf. V. Gontero, « La Chambre de Beautés : nouvelle Jérusalem céleste ? », dans Le Beau et le laid au Moyen Âge, Aix-en-Provence, PUP, 2014 (Senefiance, 43), p. 125-138. Return to text

43 Sur le lien fait entre parure et lubricité, cf. par exemple O. Blanc, « Vêtement féminin, vêtement masculin à la fin du Moyen Âge. Le point de vue des moralistes », dans Le Vêtement au Moyen Âge : histoire, archéologie et symbolique vestimentaires au Moyen Âge, dir. M. Pastoureau, Paris, Léopard d’or, 1989 (Cahiers du Léopard d’or, 1), p. 243-254. Quant à la littérature, mentionnons par exemple l’opposition récurrente faite entre Beauté et Chasteté dans le Roman de la Rose de Jean de Meun. Return to text

44 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 224-225. Return to text

45 Ibid. Return to text

46 Cf. Fr. Vielliard, « Le Roman de Troie en prose dans la version du ms. Rouen, Bibl. mun 0.33. « Membra disjecta » d'un manuscrit plus ancien ? », Romania, t. 109, 1988, p. 502-539, ici p. 524. Return to text

47 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 224. Return to text

48 Cf. Ph. Hamon, Le Personnel du roman, op. cit., p. 235-236. Return to text

49 Sur le sujet, cf. D. Alexandre-Bidon, « Luxe ou nécessité ? À la fin du Moyen Âge, les bijoux féminins », Ethnologie Française, t. 22/2, 1992, p. 196-206. Return to text

50 Cf. L. Barbieri, « Achille et Ulysse dans le Roman de Troie : deux héros ambigus », Vox Romanica, t. 67, 2008, p. 57-83. Return to text

51 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 225. Return to text

52 Cf. St. Cerrito, « Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge », Bien dire et bien aprandre, t.  24, 2006, p. 39-56. Return to text

53 Notons que la deuxième vertu de l’anneau s’inscrit dans une tradition littéraire dérivant du mythe platonicien de l’anneau de Gygès. Sur ce motif, cf. V. Gontero, Sagesses minérales, op. cit., p. 107. Return to text

54 Le Roman de Troie en prose, éd. cit., p. 183. Return to text

55 Sur le rôle structurel de cette double destruction, cf. H. Damisch, « De Pâris à Jason, Troie deux fois détruite », dans Uranie : mythes et littératures, t. 10, 1991, p. 99-111. Return to text

56 Cf. l’introduction de C. Croizy-Naquet dans L’Histoire ancienne jusqu’à César, éd. cit., p. 52-53. Return to text

References

Bibliographical reference

Charlotte Guionneau, « Une gemme parmi les gemmes : sur un portrait d’Hélène dans la cinquième mise en prose du Roman de Troie », Bien Dire et Bien Aprandre, 38 | 2023, 31-46.

Electronic reference

Charlotte Guionneau, « Une gemme parmi les gemmes : sur un portrait d’Hélène dans la cinquième mise en prose du Roman de Troie », Bien Dire et Bien Aprandre [Online], 38 | 2023, Online since 08 décembre 2024, connection on 06 février 2025. URL : http://www.peren-revues.fr/bien-dire-et-bien-aprandre/1824

Author

Charlotte Guionneau

Université Paris III Sorbonne-Nouvelle / CERAM-EA 173

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